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06/03/2019 | FRANCE | N°17-17605

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-17605


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Lyon, 20 mars 2017), prise en la forme des référés, que le 9 janvier 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du périmètre Sud de la société La Halle (le CHSCT) ont voté le recours à une expertise ; que par acte signifié le 17 janvier suivant, la société La Halle (la société) a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance ;

Sur la recevabilité du pou

rvoi principal, contestée par la défense :

Attendu que la société soutient que le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Lyon, 20 mars 2017), prise en la forme des référés, que le 9 janvier 2017, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du périmètre Sud de la société La Halle (le CHSCT) ont voté le recours à une expertise ; que par acte signifié le 17 janvier suivant, la société La Halle (la société) a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée par la défense :

Attendu que la société soutient que le pourvoi formé par le CHSCT n'est pas recevable, la délibération du CHSCT autorisant ce dernier à former un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance n'ayant été prise que le 15 mai 2017 ;

Mais attendu qu'il résulte des productions que la délibération du 9 janvier 2017 mandate les secrétaire, secrétaire adjoint et un des membres du CHSCT pour prendre toutes les dispositions nécessaires à l'exécution des décisions prises en séance concernant la demande d'expertise et que, dans le cadre de ce mandatement, les personnes désignées peuvent être amenées à défendre les intérêts du CHSCT et effectuer si nécessaire toutes les démarches administratives ou judiciaires requises en désignant notamment l'avocat de son choix, pour faire appliquer la décision du CHSCT ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance d'annuler la délibération du 9 janvier 2017 désignant un expert alors, selon le moyen :

1°/ qu'en affirmant que les nouvelles fiches de poste ne comportaient que des changements de présentation et de formulation et que les missions imparties aux directeurs, adjoints de direction et conseillers de clientèle restaient les mêmes, quand, d'une part, l'usage du verbe garantir avait pour effet d'imposer aux salariés des objectifs jusque-là inexistants et, d'autre part, figuraient dans les fiches de poste des directeurs de magasin, des adjoints de direction et des conseillers de clientèle des tâches qui ne figuraient pas dans la précédente version, le tribunal de grande instance a dénaturé les fiches de poste en méconnaissance de l'article 1103 du code civil ;

2°/ que le CHSCT exposant faisait valoir que les changements réalisés dans les fiches des postes des directeurs de magasin, des adjoints de direction et des chargés de clientèle opéraient une transformation des postes de travail et une modification des conditions de travail des salariés concernés d'autant plus importantes que les nouvelles tâches étaient impossibles à réaliser ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans encourir les griefs du moyen que, pour annuler la délibération du CHSCT du 9 janvier 2017 désignant un expert, le président du tribunal, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu qu'il est constant à la lecture des fiches de poste, anciennes comme nouvelles, que leur changement de présentation et de formulation, notamment par l'usage des mots améliorer et garantir, n'est pas de nature en soi à avoir une incidence sur la rémunération, les horaires ou conditions de travail des salariés de l'entreprise, que les missions imparties aux directeurs, adjoints de direction et conseillers de clientèle restent les mêmes et que, tout au plus, les nouvelles fiches de poste sont plus détaillées, s'agissant du « déroulé » des missions ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de la condamner à verser au CHSCT une certaine somme au titre des honoraires d'avocat alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur supporte les frais d'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle, en l'absence d'abus du CHSCT ; qu'en ayant subordonné l'absence de prise en charge des honoraires de l'avocat du CHSCT à la preuve d'un « abus manifeste », l'ordonnance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;

2°/ que caractérise l'abus du CHSCT sa volonté délibérée de repousser l'information et la consultation sur les fiches de postes et de procéder à une expertise sans aucune discussion préalable avec la direction et sans même porter ce point à l'ordre du jour de la réunion ; qu'en condamnant, dans ce contexte, la société La Halle à prendre en charge les honoraires d'avocat du CHSCT, l'ordonnance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;

Mais attendu que pour condamner la société à verser au CHSCT une certaine somme au titre des honoraires d'avocat, l'ordonnance a retenu qu'aucun abus du CHSCT n'était établi ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, partant irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne la société La Halle aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 500 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT Magasins périmètre Sud

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé la délibération du CHSCT du 9 janvier 2017 par laquelle le CHSCT a désigné un expert dans le cadre des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE à la lecture des fiches de poste, anciennes comme nouvelles, que leur changement de présentation et de formulation, notamment par l'usage des mots : "améliorer" et "garantir", n'est pas de nature en soi à avoir une incidence sur la rémunération, les horaires ou conditions de travail des salariés de l'entreprise ; que les missions imparties aux directeurs, adjoints de direction et conseillers de clientèle restent les mêmes ; que tout au plus, on peut noter que les nouvelles fiches de poste sont plus détaillées, s'agissant du « déroulé » des missions ; que la demande d'expertise du CHSCT Magasins périmètre Sud n'est pas fondée sur la constatation d'un risque grave avéré pour les salariés relatif aux conditions de santé, de sécurité ou des conditions de travail ; qu'il a déjà été jugé que le recours à un expert n'a pas vocation à suppléer les pouvoirs d'analyse des risques professionnels, d'inspection ou d'enquête dont dispose le CHSCT ;

1°) ALORS QUE en affirmant que les nouvelles fiches de poste ne comportaient que des changements de présentation et de formulation et que les missions imparties aux directeurs, adjoints de direction et conseillers de clientèle restaient les mêmes, quand, d'une part, l'usage du verbe garantir avait pour effet d'imposer aux salariés des objectifs jusque-là inexistants et, d'autre part, figuraient dans les fiches de poste des directeurs de magasin, des adjoints de direction et des conseillers de clientèle des tâches qui ne figuraient pas dans la précédente version, le tribunal de grande instance a dénaturé les fiches de poste en méconnaissance de l'article 1103 du code civil ;

2°) ALORS QUE le CHSCT exposant faisait valoir que les changements réalisés dans les fiches des postes des directeurs de magasin, des adjoints de direction et des chargés de clientèle opéraient une transformation des postes de travail et une modification des conditions de travail des salariés concernés d'autant plus importantes que les nouvelles tâches étaient impossibles à réaliser ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils pour la société La Halle

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir condamné la société La Halle à verser au CHSCT Magasins périmètre Sud la somme de 5 000 € TTC au titre des honoraires d'avocat ;

Aux motifs qu'en vertu de l'article L. 4614-13 du code du travail et en l'absence d'abus manifeste du CHSCT, l'employeur devra supporter les frais de procédure de contestation ainsi que les dépens et frais d'honoraires d'avocat, ces derniers s'élevant à 5 000 € TTC ;

Alors 1°) que l'employeur supporte les frais d'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle, en l'absence d'abus du CHSCT ; qu'en ayant subordonné l'absence de prise en charge des honoraires de l'avocat du CHSCT à la preuve d'un « abus manifeste », l'ordonnance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;

Alors 2°) que caractérise l'abus du CHSCT sa volonté délibérée de repousser l'information et la consultation sur les fiches de postes et de procéder à une expertise sans aucune discussion préalable avec la direction et sans même porter ce point à l'ordre du jour de la réunion ; qu'en condamnant, dans ce contexte, la société La Halle à prendre en charge les honoraires d'avocat du CHSCT, l'ordonnance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17605
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 20 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-17605


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17605
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