LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 septembre 2017), que, par acte du 28 décembre 2007, les héritiers de Paulette O... ont vendu à la société Logipays une parcelle de terrain ; que celle-ci s'est engagée, après création d'un lotissement, à revendre deux lots de 1 200 m² minimum à Mme E... O... et à M. P... O... (les consorts O...) ; que, par acte du 21 septembre 2012, la société Logipays a vendu la parcelle à la société Francelot ; que, se plaignant de l'inexécution de l'obligation de leur revendre des lots, les consorts O... ont assigné la société Logipays et la société Francelot en condamnation solidaire à leur remettre sous astreinte une offre de cession d'un ou plusieurs lots pour la surface et le prix convenus dans l'acte ;
Attendu que, pour condamner la société Francelot à vendre à chacun des consorts O... une parcelle parmi celles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m2, l'arrêt retient que, compte tenu de la modification des règles d'urbanisme et des stipulations contractuelles, l'obligation de la société Francelot ne peut être exécutée en nature, aucun des lots créés ne pouvant avoir la surface demandée par les consorts O... et qu'elle ne peut-être tenue qu'à la délivrance d'un seul lot mais qu'ils sont bien fondés à demander une compensation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts O... ne sollicitaient pas la délivrance d'un lot d'une moindre superficie avec une compensation financière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Francelot à vendre à Mme E... O... et à M. P... O..., avec priorité de choix sur les parcelles restant à commercialiser à Cormelles-le-Royal, chacun une parcelle, parmi celles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m², à leur adresser sous astreinte pour option la liste des lots restant à commercialiser et à réitérer sous astreinte les ventes par acte authentique, l'arrêt rendu le 5 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;
Condamne la société Francelot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Francelot et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme E... O... et à M. P... O... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme E... O... et M. P... O....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Francelot à vendre à Mme E... O... et à M. P... O..., chacun une parcelle, parmi celles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m², le prix étant calculé sur la base HT de (32.049/600) 53,41 € le m² ;
AUX MOTIFS QUE, compte tenu des règles d'urbanisme devenues applicables à l'opération d'aménagement foncier dont s'agit, l'obligation reprise à son compte par la société Francelot dans son propre acte d'acquisition du 24 septembre 2012 ne peut être exécutée en nature, aucun des lots créés ne pouvant avoir la surface demandée par les consorts O..., le permis d'aménager délivré le 31 janvier 2012, sur demande du 14 novembre 2011, autorisant des parcelles libres d'une surface limitée comme comprise entre 450 et 620 m² ; que cette difficulté était connue de la société Francelot avant qu'elle ne signe l'acte authentique d'acquisition à laquelle elle a néanmoins consenti en toute connaissance de cause, pour avoir déclaré (page 9) qu'il s'élevait une difficulté avec les consorts O... et qu'elle n'acceptait pas leur revendication tendant à procéder à l'acquisition de deux lots chacun ; que si, comme elle le reconnaît, en 2007, la société Logipays ne pouvait que se trouver dans l'ignorance de ce que le SCOT Caen Métropole bouleverserait les règles applicables en matière de densité minimale des constructions, tel n'était pas son cas lorsqu'elle a accepté de reprendre l'obligation à son compte ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu qu'elle ne pouvait revendiquer à son avantage l'existence de circonstances présentant le caractère de la force majeure ; que si la société Francelot a, comme elle l'indique, pensé, lors de son acquisition des terrains auprès de ladite société Logipays, que la situation pourrait se régler en offrant aux consorts O... d'acquérir chacun une parcelle plus petite, avec une réduction de prix proportionnelle, aucun accord en ce sens n'était intervenu lorsqu'elle a signé l'acte d'achat ; qu'il ne lui appartient pas de décider unilatéralement que cette offre présentait pour les consorts O... un intérêt pécuniaire supérieur ou à tout le moins équivalent à celui qui figurait dans l'acte de vente d'origine ; que pour autant, compte tenu de la modification des règles d'urbanisme qui s'imposent à toutes les parties, et des stipulations contractuelles, la société Francelot ne peut être tenue qu'à la délivrance d'un seul lot mais les consorts O... sont bien fondés à demander une compensation, laquelle devra être appréciée en tenant compte des circonstances de la cause ; que ce lot leur sera attribué pour le surplus aux conditions de l'acte initial, soit avec une priorité de choix sur les parcelles restant à commercialiser, parmi les parcelles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m², leur prix étant calculé sur la base HT de (32 049/600) 53,41 € le m²;
1/ ALORS QUE le droit du créancier à obtenir l'exécution en nature de la prestation promise, telle que contractuellement définie, ne cède que devant la preuve d'une véritable impossibilité d'exécuter ; qu'en affirmant que les règles d'urbanisme applicables à l'opération d'aménagement en cause, en ce qu'elles imposeraient une densité minimale de construction, ensemble la délivrance d'un permis d'aménager ne prévoyant que la création de parcelles n'excédant pas 620 m², faisaient obstacle à l'exécution de l'obligation de rétrocéder, telle que souscrite par la société Francelot, deux lots d'une surface minimale de 1200 m², sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures d'appel des consorts O..., p. 8, § 1 et s., p. 9 et p. 10, § 3) , si contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges (cf. jugement entrepris p. 4, § 4), la société Francelot avait fait la démonstration qu'il lui était réellement impossible de faire accepter par l'administration une modification de son projet d'aménagement qui intégrerait la création d'au moins deux lots de 1200 m², tout en restant conforme à la densité minimale de constructions applicable globalement à l'ensemble de la zone concernée, telle qu'imposée par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Caen Métropole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS QUE le droit du créancier à obtenir l'exécution en nature de la prestation promise, telle que contractuellement définie, ne cède que devant la preuve d'une véritable impossibilité d'exécuter ; qu'à supposer réellement impossible la délivrance, à chacun des consorts O..., d'un lot unique de 1200 m², la cour d'appel n'a pas expliqué en quoi les stipulations contractuelles s'opposeraient à ce que, conformément à la solution proposée par les consorts O... (cf. leurs dernières écritures p.9 in fine p.10 § 4 et s.) et retenue par les premiers juges (jugement entrepris p.5, in médio), la société Francelot exécute son obligation de délivrer un terrain de la superficie convenue, au prix convenu, en rétrocédant à chacun des consorts O... plusieurs lots contigus représentant ensemble cette surface ; qu'à cet égard également, l'arrêt est dépourvu de base légale au regard de l'article 1184, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Francelot à vendre à Mme E... O... et à M. P... O..., chacun une parcelle, parmi celles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m², le prix étant calculé sur la base HT de (32.049/600) 53,41 € le m² ;
AUX MOTIFS QUE, compte tenu des règles d'urbanisme devenues applicables à l'opération d'aménagement foncier dont s'agit, l'obligation reprise à son compte par la société Francelot dans son propre acte d'acquisition du 24 septembre 2012 ne peut être exécutée en nature, aucun des lots créés ne pouvant avoir la surface demandée par les consorts O..., le permis d'aménager délivré le 31 janvier 2012, sur demande du 14 novembre 2011, autorisant des parcelles libres d'une surface limitée comme comprise entre 450 et 620 m² ; que cette difficulté était connue de la société Francelot avant qu'elle ne signe l'acte authentique d'acquisition à laquelle elle a néanmoins consenti en toute connaissance de cause, pour avoir déclaré (page 9) qu'il s'élevait une difficulté avec les consorts O... et qu'elle n'acceptait pas leur revendication tendant à procéder à l'acquisition de deux lots chacun ; que si, comme elle le reconnaît, en 2007, la société Logipays ne pouvait que se trouver dans l'ignorance de ce que le SCOT Caen Métropole bouleverserait les règles applicables en matière de densité minimale des constructions, tel n'était pas son cas lorsqu'elle a accepté de reprendre l'obligation à son compte ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu qu'elle ne pouvait revendiquer à son avantage l'existence de circonstances présentant le caractère de la force majeure ; que si la société Francelot a, comme elle l'indique, pensé, lors de son acquisition des terrains auprès de ladite société Logipays, que la situation pourrait se régler en offrant aux consorts O... d'acquérir chacun une parcelle plus petite, avec une réduction de prix proportionnelle, aucun accord en ce sens n'était intervenu lorsqu'elle a signé l'acte d'achat ; qu'il ne lui appartient pas de décider unilatéralement que cette offre présentait pour les consorts O... un intérêt pécuniaire supérieur ou à tout le moins équivalent à celui qui figurait dans l'acte de vente d'origine ; que pour autant, compte tenu de la modification des règles d'urbanisme qui s'imposent à toutes les parties, et des stipulations contractuelles, la société Francelot ne peut être tenue qu'à la délivrance d'un seul lot mais les consorts O... sont bien fondés à demander une compensation, laquelle devra être appréciée en tenant compte des circonstances de la cause ; que ce lot leur sera attribué pour le surplus aux conditions de l'acte initial, soit avec une priorité de choix sur les parcelles restant à commercialiser, parmi les parcelles dont la surface est comprise entre 450 et 620 m², leur prix étant calculé sur la base HT de (32 049/600) 53,41 € le m²;
1/ ALORS QU' une cour d'appel ne peut modifier les termes du litige, ni statuer sur des prétentions qui n'ont pas été formulées dans le dispositif des dernières écritures des parties ; que les consorts O... avaient sollicité, dans le dispositif de leurs dernières écritures, la confirmation pure et simple des dispositions du jugement ayant condamné la société Francelot à exécuter en nature l'obligation de rétrocession telle que souscrite, cependant que la société Francelot avait conclu au rejet pur et simple de l'ensemble des demandes formées par les consorts O... ; qu'en revanche, aucune des parties n'avait demandé, fût-ce à titre subsidiaire, que la société Francelot soit admise à ne délivrer qu'un seul lot d'une surface inférieure à celle convenue, moyennant une réduction proportionnelle du prix ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc modifié les termes du litige et statué sur des demandes dont elle n'était pas saisie, ce en quoi elle a violé les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE, en tout état de cause, le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties, sans avoir préalablement recueilli leurs observations sur la modification proposée ; qu'en substituant à la condamnation de la société Francelot à céder au prix convenu un ou plusieurs lots représentant une surface de 1200 m², telle que demandée par les consorts O..., une condamnation à ne leur délivrer qu'un seul lot d'une surface comprise entre 450 et 620 m² moyennant une réduction proportionnelle du prix, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la modification ainsi opérée de l'objet du litige, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE seules les parties peuvent convenir, par un nouvel accord de volontés, de modifier l'objet des obligations contractuelles qu'elles ont souscrites, le créancier ne pouvant jamais être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due ; qu'en contraignant les consorts O..., auxquels avait été promise la délivrance à chacun d'eux d'une parcelle d'une surface de 1200 m² moyennant le prix de 64.098 € HT, à ne recevoir qu'une parcelle présentant une surface comprise entre 450 et 620 m², moyennant un prix proportionnellement réduit, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1243 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.