La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2019 | FRANCE | N°17-22368

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 17-22368


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 30 mai 2017), que M. D... a été engagé le 17 septembre 2009 par M. Y... en qualité d'ouvrier agricole ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail le 21 juin 2013, il a saisi la juridiction prud'homale le 25 février 2014 pour obtenir que la prise d'acte soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse outre le paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fa

it grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplément...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 30 mai 2017), que M. D... a été engagé le 17 septembre 2009 par M. Y... en qualité d'ouvrier agricole ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail le 21 juin 2013, il a saisi la juridiction prud'homale le 25 février 2014 pour obtenir que la prise d'acte soit qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse outre le paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées et de ses demandes subséquentes alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, et il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en énonçant pour débouter M. D... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents que le tableau qu'il produisait avait été établi pour les besoins de la cause, sans rechercher si l'employeur produisait les éléments de nature à justifier les horaires effectués par son salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ à titre subsidiaire, qu'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles le tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires avait été établi pour les seuls besoins de la cause et n'émanait pas de sa main, qu'il n'avait jamais élevé la moindre protestation durant la relation de travail et qu'il résultait des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et d'inversion de la charge de la preuve, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui a estimé que la demande du salarié au titre des heures de travail supplémentaires qu'il prétendait avoir accomplies n'était pas étayée ;

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission et de le débouter de toutes ses demandes subséquentes alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation du chef du dispositif relatif au bien-fondé des demandes formulées au titre des heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif portant sur la demande formée au titre de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

2°/ que le défaut de paiement ou le retard dans le paiement du salaire caractérise un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail, justifiant la rupture à ses torts exclusifs ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme cela lui était demandé, si le paiement avec retard de la rémunération du salarié constituait un manquement de l'employeur justifiant la rupture à ses torts exclusifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

3°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire ; qu'en se bornant à relever que le salarié ne justifiait pas avoir travaillé le dimanche sans contrepartie, quand il appartenait à l'employeur de justifier avoir rémunéré son salarié au titre des dimanches travaillés, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1237-2 du code du travail, ensemble les articles 1315 du code civil (devenu l'article 1353 du code civil) et L. 3171-4 du code du travail ;

4°/ que le juge ne peut statuer sans procéder à la moindre analyse des pièces qui lui sont soumises ; qu'en l'espèce, le salarié avait notamment versé aux débats des attestations établissant les remarques dégradantes et répétées dirigées à son encontre par l'employeur ; qu'en affirmant que le salarié ne justifiait pas de telles remarques, sans procéder à l'analyse, même sommaire, de ces pièces, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier moyen étant rejeté, les trois premières branches du second moyen deviennent inopérantes ;

Et attendu que la dernière branche du moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle écartait, des éléments de preuve et de fait dont elle a déduit que le salarié ne justifiait pas des remarques dégradantes et répétées qu'il prétendait avoir été dirigées à son encontre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le pourvoi incident de l'employeur, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. D..., demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. D... de ses demandes au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées et de ses demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QU'à l'appui de ses prétentions M. D... se contente de verser au débat un tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires manifestement établi pour les seuls besoins de la cause et qui n'émane de toute évidence pas de sa main par comparaison avec les éléments produits au dossier lesquels ont été indiscutablement rédigés de la main de l'intimé, étant observé par ailleurs qu'il n'a jamais élevé la moindre observation durant toute la relation de travail à ce titre. Les attestations produites par l'intimé ne présentent aucune pertinence notamment sur l'amplitude horaire journalière et hebdomadaire de travail et, en tout état de cause, les bulletins de paie de M. D... mentionnent bien le paiement des heures supplémentaires majorées de 25 % lorsque celles-ci ont été réalisées ;

1) ALORS QUE le juge ne peut faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, et il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en énonçant pour débouter M. D... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents que le tableau qu'il produisait avait été établi pour les besoins de la cause, sans rechercher si l'employeur produisait les éléments de nature à justifier les horaires effectués par son salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2) ALORS, à titre subsidiaire, QU'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles le tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires avait été établi pour les seuls besoins de la cause et n'émanait pas de sa main, qu'il n'avait jamais élevé la moindre protestation durant la relation de travail et qu'il résultait des bulletins de paie que des heures supplémentaires lui avaient été rémunérées, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. D... s'analysait en une démission et de l'avoir débouté de toutes ses demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE par courrier du 21 juin 2013 M. D... a pris acte de la rupture de son contrat de travail or il a été constaté que M. D... ne rapportait pas la preuve d'avoir effectué des heures supplémentaires non payées, il ne justifie pas des remarques dégradantes et répétées dirigées à son encontre pas plus qu'il ne justifie avoir travaillé le dimanche sans contrepartie. Par ailleurs, la seule irrégularité de la procédure disciplinaire suivie à son encontre ne saurait justifier une rupture imputable à l'employeur. M. D... sera donc débouté de ses prétentions à ce titre ;

1°) ALORS QUE la cassation du chef du dispositif relatif au bien-fondé des demandes formulées au titre des heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif portant sur la demande formée au titre de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

2°) ALORS QUE que le défaut de paiement ou le retard dans le paiement du salaire caractérise un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail, justifiant la rupture à ses torts exclusifs ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme cela lui était demandé, si le paiement avec retard de la rémunération de M. D... constituait un manquement de l'employeur justifiant la rupture à ses torts exclusifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire ; qu'en se bornant à relever que M. D... ne justifiait pas avoir travaillé le dimanche sans contrepartie, quand il appartenait à l'employeur de justifier avoir rémunéré son salarié au titre des dimanches travaillés, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1237-2 du code du travail, ensemble les articles 1315 du code civil (devenu l'article 1353 du code civil) et L. 3171-4 du code du travail ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut statuer sans procéder à la moindre analyse des pièces qui lui sont soumises ; qu'en l'espèce, M. D... avait notamment versé aux débats des attestations établissant les remarques dégradantes et répétées dirigées à son encontre par l'employeur (productions n° 6, 13, 14) ; qu'en affirmant que le salarié ne justifiait pas de telles remarques, sans procéder à l'analyse, même sommaire, de ces pièces, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y..., employeur, au paiement de la somme de 100 € à M. D..., salarié, à titre d'indemnité en raison de l'irrégularité de la procédure disciplinaire ;

AUX MOTIFS QUE, suite aux faits litigieux qui se sont déroulés le 12 avril 2013, l'employeur a convoqué M. D... le même jour à un entretien préalable qui se tenait le 22 avril 2013 pour lui notifier le 21 mai 2013 une mesure de mise à pied disciplinaire d'un jour ; que nul ne conteste que M. D... a, le 12 avril 2013, été renvoyé chez lui et que dans la lettre de sanction du 21 mai 2013, l'employeur indique : « nous avons décidé de vous notifier une mise à pied à titre disciplinaire d'un jour qui prend effet à compter du 12 avril 2013 », alors qu'aucune mise à pied conservatoire n'avait été notifiée au salarié ; qu'aux termes de l'article L 1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables après le jour fixé pour l'entretien, l'inobservation de ce délai constitue une irrégularité de forme ouvrant droit à réparation ; qu'en l'espèce, la sanction est intervenue antérieurement à sa notification ; que par ailleurs, M. X..., qui a assisté M. D... lors de son entretien préalable confirme que ce dernier a reconnu s'être effectivement emporté, mais « a justifié sa colère par le fait que M. Y... avait une fois encore eu des propos déplacés infériorisant M. D... (sic) » ; que cet élément tend à établir la réalité du grief reproché par M. Y..., qui rappelle qu'effectivement M. D... s'est emporté suite à une réflexion qu'il estimait injustifiée ; que l'employeur verse une attestation de M. B... confirmant que M. D... adoptait un comportement agressif et irrespectueux à l'égard de son employeur ; qu'il en résulte que la sanction est fondée ; qu'il sera alloué la somme de 100 € à l'intimé en raison de l'irrégularité de la procédure ;

ALORS QUE la mise à pied conservatoire n'obéit à aucune règle de forme particulière, et que l'employeur peut dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire décider qu'elle sera la sanction infligée à un manquement du salarié ; qu'ayant constaté que le salarié avait fait preuve d'un comportement irrespectueux et violent, ce qui avait conduit l'employeur à lui demander de rentrer chez lui sur-le-champ, tout en le convoquant le jour même à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire et que l'employeur avait en tant que sanction prononcé une mise à pied disciplinaire égale à la journée non travaillée, en jugeant que la sanction était antérieure à la procédure, la cour d'appel a violé l'article L 1332-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22368
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 30 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 fév. 2019, pourvoi n°17-22368


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22368
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award