LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... B... a été engagé le 8 février 1999 par la société Christian Mode qui a fait l'objet d'une dissolution le 16 janvier 2011, après que les locaux de l'entreprise ont été détruits par un incendie le 23 novembre 2010 ; que son patrimoine a fait l'objet d'une transmission universelle à son unique associé, la société Consortium de réalisation de la société Christian mode, créée le 10 janvier 2011 ; qu'après avoir convoqué le salarié le 30 janvier 2011 en vue d'un licenciement, la société Christian Mode a fait l'objet d'une radiation du registre des sociétés le 9 mars 2011 ; que le 9 mai 2012, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Consortium de réalisation de la société Christian mode, M. R... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement de salaires pour la période du mois de décembre 2010 au 9 mai 2012, l'arrêt retient que s'il justifie s'être rendu à l'entretien préalable au licenciement fixé au 14 février 2011, il ne produit aucune pièce démontrant qu'il est resté à la disposition de son employeur pour la période postérieure à cette date ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur démontrait que le salarié avait refusé d'exécuter son travail ou ne s'était pas tenu à sa disposition, a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de M. P... B... au passif de la liquidation judiciaire de la société Consortium de réalisation de la société Christian mode à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2010 au mois de février 2011 inclus, à la somme de 4 031,40 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 403,14 euros, l'arrêt rendu le 22 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'AGS UNEDIC CGEA Ile-de-France Ouest et M. R..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'AGS UNEDIC CGEA Ile-de-France Ouest et M. R... ès qualités à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Rousseau et Tapie, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. P... B....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir diminué la créance salariale de M. B... garantie par l'AGS CGEA IDF Ouest à la somme de 4.031 euros outre les congés payés y afférents ;
Aux motifs que l'AGS demande l'infirmation du jugement ayant alloué au salarié un rappel de salaire en faisant valoir que dans la nuit du 23 au 24 novembre 2010, un incendie a détruit les locaux de la société, qu'à la suite de cet incendie la société a été contrainte de fermer ses locaux, qu'en l'absence de reprise du travail, M. B... ne peut solliciter un rappel de salaire jusqu'au mois de mai 2012, et qu'au surplus il ne justifie pas s'être tenu à la disposition de son employeur postérieurement au 1er décembre 2010, date à laquelle la société a cessé de lui fournir du travail ; que l'AGS sollicite par ailleurs confirmation du jugement ayant alloué un euro de dommages et intérêts au salarié en réparation de son préjudice moral et soutient que sa garantie ne peut porter sur cette somme laquelle n'est pas due en exécution du contrat de travail ; que M. B... soutient que les salaires des mois de décembre 2010 au 9 mai 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société, lui sont dus ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes, que contrairement à ce que soutient l'AGS il est resté pendant toute cette période disponible pour son employeur ; qu'il demande la confirmation du jugement s'agissant de la somme allouée au titre de son préjudice moral ; que M. P... B... qui justifie s'être rendu à l'entretien préalable au licenciement fixé au 14 février 2011, ne produit aucune pièce démontrant qu'il est resté à la disposition de son employeur pour la période postérieure à cette date ; qu'en l'état des explications et des pièces fournies, le salarié est fondé en sa demande en rappel de salaires à hauteur de la somme de 4 031,40 euros correspondant à la période du mois de décembre 2010 au mois de février 2011 inclus, outre les congés payés afférents à hauteur de 403,14 euros ; que le jugement déféré qui a alloué au salarié un rappel de salaires de 23 797.85 euros et des congés payés afférents d'un montant de 2 379,78 euros sera infirmé à ce titre ; qu'en vertu de l'article L. 3253-8 du code du travail, il appartient à l'AGS CGEA IDF OUEST de garantir la créance salariale de M. P... B... s'élevant à la somme de 4 031,40 euros, outre les congés payés afférents ;
Alors 1°) que l'employeur qui méconnait son obligation de fournir du travail au salarié est tenu de lui verser son entière rémunération ; que la garantie de l'AGS couvre l'ensemble des créances salariales, de la date d'ouverture de la procédure de redressement de la société employeur, jusqu'à un délai de quinze jours suivant la date à laquelle a été prononcée sa liquidation ; qu'après avoir constaté que l'employeur avait cessé de fournir du travail au salarié à compter du 24 novembre 2010, la cour d'appel qui a néanmoins refusé de fixer la créance salariale de M. B... au passif de la liquidation de la société CRSCM, garantie par l'AGS, pour toute la période comprise entre le 1er décembre 2010, date à laquelle ne lui avait plus été donné aucun travail ni versé aucune rémunération, et le 9 mai 2012, date du jugement de liquidation judiciaire, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1121-1 du code du travail ;
Alors, 2°) qu'en limitant à la période du 1er décembre 2010 au 14 février 2011, la garantie couverte par l'AGS pour les salaires non versés à M. B..., au motif que le 14 février 2011 était la date de convocation du salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement, quand elle avait constaté que l'employeur n'avait jamais, après cette date, pris l'initiative de rompre le contrat de travail, ce dont il résultait que le contrat de travail s'était poursuivi et que le salarié était en droit de continuer de percevoir sa rémunération contractuelle, la cour d'appel qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1121-1 du code du travail ;
Alors, 2°) et à tout le moins, que l'employeur qui n'entend pas verser l'entière rémunération due au salarié doit démontrer que ce dernier ne s'est pas tenu en permanence à sa disposition ; qu'en refusant de fixer la créance salariale de M. B... au passif de la liquidation de la société CRSCM, pour la période du 1er décembre 2010 au 9 mai 2012, au motif qu'il « ne produit aucune pièce démontrant qu'il est resté à la disposition de son employeur pour la période postérieure » au 14 février 2011, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.