La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2019 | FRANCE | N°17-15374

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 17-15374


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 janvier 2017), que M. E... a été engagé le 8 septembre 1997 par la société Barclays Finance, devenue Barclays patrimoine (la société) en qualité de conseiller financier ; qu'il a été licencié pour faute grave le 11 janvier 2012 ; qu'il avait saisi le 9 décembre 2011 le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de s

a demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de sa dema...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 janvier 2017), que M. E... a été engagé le 8 septembre 1997 par la société Barclays Finance, devenue Barclays patrimoine (la société) en qualité de conseiller financier ; qu'il a été licencié pour faute grave le 11 janvier 2012 ; qu'il avait saisi le 9 décembre 2011 le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que la modification des fonctions de M. E... ne s'était pas déroulée dans des conditions aussi sereines que celles décrites par la société Barclays patrimoine, que cette dernière reconnaissait qu'elle avait souhaité mettre un terme à ses fonctions de management et qu'à plusieurs reprises, sa hiérarchie avait pris des contacts directs et était intervenue dans la gestion de ses clients sans l'informer des décisions prises ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un harcèlement moral, qu'aucun de ces faits, pris individuellement, n'était de nature à établir un harcèlement, la cour, qui s'est déterminée par un examen séparé de chacun d'eux, quand il lui revenait de rechercher si, pris dans leur ensemble, ils ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que, les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, pour établir des faits laissant présumer un harcèlement moral, M. E..., preuves à l'appui, faisait valoir qu'il avait été destinataire de courriels injurieux ou comminatoires, que son employeur l'avait humilié en réduisant le périmètre de ses responsabilités, en lui supprimant la signature sur les dossiers d'ouverture de compte, placement, demande de crédit et activité bancaire en général, en lui imposant de partager son bureau avec un autre membre de l'encadrement, que son employeur lui avait caché des informations importantes concernant ses clients, à l'origine d'une perte de clientèle et d'une baisse de sa rémunération, que son papier en-tête avait été utilisé pour le court-circuiter auprès de certaines clients, que des mails avaient été détruits sur sa boîte mail ; que M. E... faisait encore valoir que les représentants du personnel avaient dénoncé cette situation ainsi que le climat particulièrement tendu au sein de l'agence de Toulouse où un collaborateur s'était suicidé ; qu'enfin, M. E... avait constaté en 2010 que sa hiérarchie avait sollicité des témoignages contre lui, ce qu'il avait dénoncé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à établir des faits de harcèlement moral, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir des faits laissant présumer un harcèlement moral, M. E... produisait régulièrement aux débats une ordonnance médicale en date du 5 janvier 2012 lui prescrivant des anxiolytiques et somnifères, ainsi qu'un arrêt de travail pour anxiété, angoisse et insomnie ; qu'en retenant que E... n'établissait pas des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans examiner cette pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à dire qu'au vu des documents versés au dossier, M. E... ne justifiait pas qu'il remplissait les conditions nécessaires pour être éligible à la convention interne en Sicile et que son défaut d'invitation n'était pas fondé sur des éléments objectifs, la cour, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en statuant ainsi, la cour a fait peser sur M. E... exclusivement la charge de la preuve du harcèlement et violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

6°/ qu'en déduisant de ce que M. E... avait indiqué au conseil de prud'hommes que sa demande de résiliation judiciaire était sans objet, qu'il avait renoncé ainsi implicitement à ses prétentions fondées sur un prétendu harcèlement, quand il résulte des propres constatations de l'arrêt que dans ses conclusions récapitulatives d'appel reprises oralement à l'audience, M. E... formait une demande de dommages-intérêts pour faits de harcèlement moral, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve, sans dénaturation et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que, le salarié n'établissait pas de faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième et quatrième moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. E...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. E... de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs que, sur la résiliation judiciaire, en application des dispositions de l'article 1184 du code civil, le salarié peut solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles ; que, lorsque le licenciement intervient postérieurement à l'introduction de la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur est ou non justifiée avant de se prononcer sur le bien-fondé du licenciement ; que M. E... fonde sa demande de résiliation sur le harcèlement moral dont il a fait l'objet à compter de la nomination de M. K... à la tête de l'agence de Toulouse au mois de janvier 2010 ; qu'en application de l'article L. 1152-1 du code du travail, « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que selon les dispositions de l'article L. 154-1 du code du travail, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153 -1 à L. 1153-4, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. » ; que M. E... soutient en premier lieu que par avenant au contrat de travail en date du 29 octobre 2010, il s'est vu retirer toutes ses missions d'encadrement sans pouvoir s'y opposer et que sa rémunération s'est ainsi trouvée affectée, diminuant de plus de 18 000 euros bruts entre 2010 et 2011 ; que la société Barclays Patrimoine expose que, consciente que M. E... était un excellent conseiller financier mais que sa promotion à un poste d'encadrement constituait une erreur, elle lui a proposé de réintégrer ses anciennes fonctions, ce qu'il a accepté notamment parce que sa rémunération en qualité de manager était inférieure à celle perçue en qualité de conseiller financier ; qu'elle précise que l'accord de M. E... a été subordonné à certaines conditions : conservation de son titre de sous-directeur, attribution de nouveaux clients, rémunération garantie jusqu'en avril 2011, choix des managers auxquels ses collaborateurs seraient transférés ; qu'elle affirme que M. E... n'a subi aucune pression le contraignant à la signature de l'avenant et qu'il a été parfaitement satisfait des conditions dans lesquelles est intervenue la modification de ses fonctions ; qu'au vu des pièces versées au dossier par les parties et de leurs explications, il apparaît que la modification des fonctions de M. E... ne s'est pas déroulée dans des conditions aussi sereines que celles décrites par la société Barclays Patrimoine, celle-ci reconnaissant d'ailleurs qu'elle souhaitait mettre fin aux fonctions de management du salarié, mais qu'elle est néanmoins intervenue à l'issue de négociations constructives et dans des conditions préservant tant les intérêts financiers de M. E... que sa dignité et sa valeur personnelle (cf. pièces nº 8 à 11 de la Sté Barclays Patrimoine ; avenant du 29 octobre 2010) ; que M. E... soutient ensuite que du fait de ses résultats, il devait participer à la convention interne en Sicile qui devait se dérouler au mois de juin 2011, mais qu'il n'y a pas été convié sans justification, ce qui n'a pas manqué de le discréditer auprès de ses collègues ; que la société Barclays Patrimoine explique que pour participer à la convention, les conseillers financiers devaient remplir les conditions fixées par le règlement du concours, et notamment atteindre un minimum de chiffre d'affaires et valider avant le 30 juin 2011 l'ouverture de 12, 15 ou 18 comptes clients soit avec des avoirs d'un minimum de 50 000 euros soit avec des comptes Premier Life ; qu'elle affirme que M. E... avait atteint le chiffre d'affaires minimum mais qu'il ne s'était pas préoccupé du second objectif et s'est donc employé au cours du mois de juin 2011 à ouvrir de nombreux comptes clients en s'affranchissant de certaines procédures mises en place au sein de l'entreprise et en faisant des pressions sur ses interlocuteurs ; qu'au vu des documents versés au dossier, le Cour ne peut que constater que M. E... ne justifie pas qu'il remplissait les conditions nécessaires pour être éligible à la convention et que son défaut d'invitation ne serait pas fondé sur des motifs objectifs ; qu'il soutient enfin qu'à plusieurs reprises sa hiérarchie a pris des contacts directs et est intervenue dans la gestion de ses clients sans l'informer des décisions prises, mais les rares exemples fournis ne sont pas constitutifs d'actes de harcèlement moral ; que la Cour constate, d'une manière plus générale, que préalablement à sa convocation à un entretien préalable, M. E... n'avait jamais prétendu faire l'objet d'un quelconque harcèlement moral de la part de son employeur, qu'il a saisi la juridiction prud'homale postérieurement à cette convocation, et qu'il a ensuite indiqué à cette juridiction que sa demande de résiliation judiciaire était sans objet, renonçant ainsi implicitement à ses prétentions fondées sur un prétendu harcèlement moral ; que dans ces conditions, la Cour juge que M. E... n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que M. E... doit être débouté de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, ainsi que de sa demande en paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Alors 1°) que, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que la modification des fonctions de M. E... ne s'était pas déroulée dans des conditions aussi sereines que celles décrites par la société Barclays patrimoine, que cette dernière reconnaissait qu'elle avait souhaité mettre un terme à ses fonctions de management et qu'à plusieurs reprises, sa hiérarchie avait pris des contacts directs et était intervenue dans la gestion de ses clients sans l'informer des décisions prises ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un harcèlement moral, qu'aucun de ces faits, pris individuellement, n'était de nature à établir un harcèlement, la cour, qui s'est déterminée par un examen séparé de chacun d'eux, quand il lui revenait de rechercher si, pris dans leur ensemble, ils ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Alors 2°) que, les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, pour établir des faits laissant présumer un harcèlement moral, M. E..., preuves à l'appui (pièces n° 38 à 42, 54, 58, 65 et 73), faisait valoir qu'il avait été destinataire de courriels injurieux ou comminatoires, que son employeur l'avait humilié en réduisant le périmètre de ses responsabilités, en lui supprimant la signature sur les dossiers d'ouverture de compte, placement, demande de crédit et activité bancaire en général, en lui imposant de partager son bureau avec un autre membre de l'encadrement, que son employeur lui avait caché des informations importantes concernant ses clients, à l'origine d'une perte de clientèle et d'une baisse de sa rémunération, que son papier en-tête avait été utilisé pour le court-circuiter auprès de certaines clients, que des mails avaient été détruits sur sa boîte mail ; que M. E... faisait encore valoir que les représentants du personnel avaient dénoncé cette situation ainsi que le climat particulièrement tendu au sein de l'agence de Toulouse où un collaborateur s'était suicidé ; qu'enfin, M. E... avait constaté en 2010 que sa hiérarchie avait sollicité des témoignages contre lui, ce qu'il avait dénoncé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à établir des faits de harcèlement moral, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3° que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir des faits laissant présumer un harcèlement moral, M. E... produisait régulièrement aux débats une ordonnance médicale en date du 5 janvier 2012 lui prescrivant des anxiolytiques et somnifères, ainsi qu'un arrêt de travail pour anxiété, angoisse et insomnie (cf. bordereau de communication de pièces, pièces n° 34 et 74) ; qu'en retenant que M. E... n'établissait pas des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans examiner cette pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que, tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à dire qu'au vu des documents versés au dossier, M. E... ne justifiait pas qu'il remplissait les conditions nécessaires pour être éligible à la convention interne en Sicile et que son défaut d'invitation n'était pas fondé sur des éléments objectifs, la cour, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 5°) que, en statuant ainsi, la cour a fait peser sur M. E... exclusivement la charge de la preuve du harcèlement et violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

Alors 6°) que, en déduisant de ce que M. E... avait indiqué au conseil de prud'hommes que sa demande de résiliation judiciaire était sans objet, qu'il avait renoncé ainsi implicitement à ses prétentions fondées sur un prétendu harcèlement, quand il résulte des propres constatations de l'arrêt que dans ses conclusions récapitulatives d'appel reprises oralement à l'audience, M. E... formait une demande de dommages intérêts pour faits de harcèlement moral, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. E... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et de sa demande au titre de ses frais professionnels ;

Aux motifs propres que, sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, en application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que si un doute persiste, il profite au salarié ; que les motifs de la lettre de licenciement sont les suivants : « (...) Vous occupez aujourd'hui le poste de conseiller financier au sein de la société Barclays Patrimoine que vous avez rejoint le 1er septembre 1997 et êtes rattaché au bureau de Toulouse. En tant que conseiller financier, votre contrat de travail stipule dans son article 8 que vous vous engagez "à réserver toute (votre) activité professionnelle à la société et à ne pas apporter pendant toute la durée du présent contrat, un concours direct ou indirect à une entreprise quelconque à but lucratif, sauf autorisation de la société" ; qu'or force est de constater que vous avez créé une société, dénommée Pit'AP le 28 septembre 2009, SARL dont vous êtes le gérant, sans en avoir référé au préalable à votre hiérarchie afin d'obtenir un accord éventuel. Lors de cet entretien, vous avez confirmé : - être le gérant de cette société, - ne pas avoir parlé de cette création d'entreprise avec votre hiérarchie, - et ne pas avoir obtenu d'accord de Barclays Patrimoine pour la création de cette SARL. M. D... vous a clairement exposé les risques encourus en cas de faillite de la société et dans le cas où vous vous seriez trouvé en interdiction de gérance ou d'exercer une activité commerciale. Par ailleurs, à la suite d'une réclamation formulée par un client dont vous aviez la charge au sujet des modalités de rachat d'un contrat d'assurance vie, réclamation qui a donné lieu à un contentieux, vous n'avez pas fourni à Barclays Patrimoine les éléments d'information nécessaires à la préparation du dossier en défense. Plus particulièrement, vous n'avez pris aucune initiative à cet égard et avez même refusé de vous rendre à la réunion à laquelle vous a convié la Direction juridique le 20 décembre 2011 sur ce sujet. Votre absence à l'entretien préalable complémentaire du 6 janvier 2012 n'a pas davantage permis que nous recevions des informations et explications à ce sujet. Nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants, à savoir : - violation de la clause d'exclusivité - défaut de diligence à la suite d'une réclamation client, motifs constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement » ; que M. E... soutient en premier lieu que l'employeur avait connaissance de la création de la société depuis 2009, soit depuis plus de deux mois, et que ces faits sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ; qu'il produit à cet effet une attestation établie par M. I..., collègue présent à l'entretien au cours duquel il avait informé sa hiérarchie, à savoir M. W..., de la création de la SARL ; qu'il est indiqué dans cette attestation que, en contrepartie d'un témoignage de M. E... concernant les agissements professionnels d'un salarié de la Banque Barclays, M. W... aurait dit clairement le 16 septembre 2009 que « M. E... pourrait aider son fils Adrien dans une période scolaire difficile en l'autorisant à créer une structure entreprenariale utile à son cursus professionnel, ce qui lui permettrait de devenir un jeune entrepreneur dès l'âge de sa majorité » ; que cette attestation est insuffisante pour établir que la société Barclays Patrimoine a été à cette date informée de la création effective de la SARL Pit'AP ; qu'elle est en outre démentie par le compte-rendu de l'entretien préalable du 12 décembre 2011 établi par M. C... dont il ressort clairement que M. E... n'avait pas le souvenir d'avoir informé l'employeur ou fait une démarche auprès de la société Barclays Patrimoine, et que celle-ci avait découvert l'existence de cette société depuis trois ou quatre semaines ; que les faits ne sont donc pas prescrits ; que M. E... rappelle ensuite que la jurisprudence n'admet la validité d'une clause d'exclusivité que si elle ne porte pas une atteinte excessive à la liberté du travail du salarié, ce qui implique qu'elle soit non seulement indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, mais aussi justifiée par la nature de la tâche à accomplir par le salarié et proportionnée au but recherché ; qu'il soutient que l'activité de la SARL Pit'AP n'a rien à voir avec l'activité de prestation bancaire de la Société Barclays et ne porte pas atteinte à l'intérêt légitime de l'entreprise, l'objet social de la société étant « Commerce de tous produits ou bien et plus particulièrement ceux liés aux énergies renouvelables » et le Kbis indiquant que les activités principales de l'entreprise sont « toutes opérations techniques liées aux applications de courant électrique et particulièrement aux énergies renouvelables. Ces opérations couvriront l'installation, l'entretien, le dépannage de tous matériels utilisant l'électricité ou les énergies renouvelables » ; que l'objet social de la société est en réalité : « Activité de commerce de tous produits ou biens et plus particulièrement ceux liés aux énergies renouvelables, et, généralement, toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes, de nature à favoriser son extension ou son développement », tandis que l'extrait Kbis du RCS mentionne comme principale activités « Commerce de tous produits et biens et plus particulièrement ceux liés aux énergies renouvelables » ; que dans un courrier adressé à l'employeur après l'entretien préalable, M. E... parle de la constitution d'une « petite société patrimoniale » ; que ces divers éléments permettent de conclure que l'activité de la SARL Pit'AP aurait en réalité été notamment une activité patrimoniale de défiscalisation dans le domaine des énergies renouvelables entrant en concurrence directe avec les activités de la Sté Barclays Patrimoine ; qu'enfin, l'attestation de M. I... permet de conclure que l'autorisation de créer une telle société n'allait pas de soi puisqu'elle n'aurait été délivrée qu'en contrepartie du témoignage de M. E... en faveur de la banque ; que M. E... ne justifie d'ailleurs pas avoir pas sollicité officiellement une telle autorisation ; que la clause d'exclusivité était en conséquence tout à fait valable et elle a été violée par M. E... qui n'a pas sollicité l'autorisation expresse de son employeur avant sa création ; qu'un tel manquement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé sur ce point ; que M. E... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et aussi de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les conditions vexatoires du licenciement, celles-ci ne pouvant résulter des conditions difficiles dans lesquelles s'est apparemment déroulé l'entretien préalable au licenciement et de la seconde convocation adressée ensuite au salarié ;

Alors 1°) que, la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur et qui soumet l'exercice d'une autre activité professionnelle à une autorisation préalable, porte atteinte à la liberté du travail ; qu'elle n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que la clause d'exclusivité stipulée dans le contrat de travail de M. E... était valable et que sa violation rendait justifié le licenciement, que la société Pit'ap exerçait notamment une activité patrimoniale de défiscalisation dans le domaine des énergies renouvelables entrant en concurrence directe avec les activités de la société Barclays patrimoine SCS, sans vérifier, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de l'exposant, p.14 et s.), si les fonctions de M. E..., qui n'en était plus le gérant depuis le 25 décembre 2009, ne s'étaient pas limitées à créer cette société à seule fin de permettre à son fils Adrien, qui en était devenu le gérant à sa majorité, d'avoir un avenir professionnel en dépit d'une situation d'échec scolaire, ainsi que d'aider une personne lourdement handicapée, et ceci, sans que l'exposant n'utilise les connaissances qu'il avait acquises dans l'exercice de son activité au sein de la société Barclays patrimoine SCS, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;

Alors 2°) que, en relevant, pour considérer que M. E... avait violé la clause d'exclusivité figurant dans le contrat de travail conclu avec la société Barclays Patrimoine SCS, qu'il avait créé la société Pit'ap dont l'objet social, tel que décrit dans les statuts et l'extrait du RCS, révélait qu'elle exerçait une activité concurrentielle à celle de son employeur, au lieu de rechercher quelle était l'activité réellement exercée par cette nouvelle société, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail ;

Alors 3°) que, les juges du fond ne peuvent, sous couvert d'interprétation, dénaturer les documents de la cause ; que, en des termes clairs et précis, l'attestation de M. I... fait état de ce que « j'atteste sur mon honneur et je déclare que j'étais présent le 16 septembre 2009 devant l'échange verbal entre M. M... E... mon responsable hiérarchique et M. Gilles Emmanuel W..., co-gérant de Barclays Patrimoine France, au cours duquel M. Gilles Emmanuel W... a demandé expressément et sans équivoque le témoignage de M. E... concernant les agissements professionnels de M. Denis O... qui portait atteinte à la Banque Barclays sans par ailleurs évoquer son futur licenciement. En contre-partie, M. Gilles Emmanuel W... a dit clairement que M. E... pourrait aider son fils Adrien dans une période scolaire difficile en l'autorisant à créer une structure entreprenariale utile à son cursus professionnel, ce qui lui permettrait de devenir un jeune entrepreneur dès l'âge de sa majorité » ; qu'en considérant qu'il n'en résultait pas que la société Barclays Patrimoine SCS avait été informée à cette date de la création de la société Pit'ap, et avait donné son autorisation, la cour a dénaturé cette attestation et violé l'article 1134 ancien du code civil, ensemble le principe interdisant aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause ;

Alors 4°) que, les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en jugeant le licenciement pour violation de la clause d'exclusivité bien-fondé, sans répondre aux écritures de M. E... faisant état de ce que la société Barclays patrimoine SCS, informée dès le lendemain du premier entretien préalable de ce que la gérance de la société Pit'ap était en réalité assurée par M. Adrien E... depuis quelques mois, avait, sous le prétexte fallacieux d'une interruption du premier entretien, organisé un second entretien à seule fin d'évoquer un autre grief, tenant pour la première fois à un manque de diligence dans le traitement d'une réclamation de client, la cour, qui n'a pas répondu à un moyen péremptoire établissant que les motifs du licenciement étaient totalement fantaisistes, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. E... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Aux motifs que, M. E... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et aussi de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les conditions vexatoires du licenciement, celles-ci ne pouvant résulter des conditions difficiles dans lesquelles s'est apparemment déroulé l'entretien préalable au licenciement et de la seconde convocation adressée ensuite au salarié ;

Alors que, commet une faute de nature à engager sa responsabilité, l'employeur qui diligente la procédure de licenciement dans des conditions qui présentent un caractère vexatoire pour le salarié ; qu'en l'espèce, la cour a expressément constaté que l'entretien préalable au licenciement de M. E... s'était déroulé dans des conditions particulièrement difficiles ; qu'en considérant, par principe, que les conditions vexatoires d'un licenciement ne pouvaient résulter des conditions difficiles dans lesquelles se déroulait un entretien, la cour a violé l'article 1382 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. E... de sa demande de dommages-intérêts pour non-prise des congés payés;

Aux motifs que, M. E... réclame en outre la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au motif qu'il n'a pas pu bénéficier de son droit de prendre des congés ; mais qu'aucune indemnité ne peut être accordée au salarié dès lors que ce dernier n'a pas personnellement réclamé le bénéfice de son droit de prendre des congés ; que la société Barclays patrimoine expose que comme tous ses conseillers financiers, M. E... bénéficiait d'une totale liberté dans l'organisation de son travail et était libre de prendre des congés à sa guise sous la seule réserve de prévenir son employeur ; qu'il ne justifie pas avoir réclamé le bénéfice de congés qui lui auraient été refusés par son employeur ; qu'il doit être débouté de ce chef de demande ;

Alors que, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'en retenant cependant, pour débouter M. E... de sa demande au titre des congés payés, qu'il ne rapportait pas la preuve que son employeur l'aurait privé de la possibilité de prendre ses congés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 3141-12, L. 3141-14, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15374
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 27 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 fév. 2019, pourvoi n°17-15374


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.15374
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award