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13/02/2019 | FRANCE | N°17-15251

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 17-15251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en qualité de commercial le 17 septembre 2001 par la société Clinitex grand Lille et devenu à compter du 1er octobre 2010, chef d'une agence au sein de la société Clinitex 62, filiale de la société mère Clinitex services synergie park, M. O... a été licencié pour cause réelle et sérieuse par une lettre du 18 octobre 2013 à entête de

la société Clinitex services synergie park, signée par le directeur régional du group...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en qualité de commercial le 17 septembre 2001 par la société Clinitex grand Lille et devenu à compter du 1er octobre 2010, chef d'une agence au sein de la société Clinitex 62, filiale de la société mère Clinitex services synergie park, M. O... a été licencié pour cause réelle et sérieuse par une lettre du 18 octobre 2013 à entête de la société Clinitex services synergie park, signée par le directeur régional du groupe ; que contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si la lettre de convocation à l'entretien préalable

émane de la société Clinitex 62, elle est signée de M. F..., directeur régional et que l'entretien préalable a été mené par celui-ci, en sa qualité de représentant légal de la société Clinitex 62, la lettre de licenciement du 18 octobre 2013, signée également par le directeur régional, a été rédigée à l'entête de la société mère Clinitex services synergies park ; qu'il retient encore qu'aucun élément dans sa rédaction ni aucun autre élément externe ne permet de rattacher cet écrit à la société Clinitex 62, ces constatations conduisant à rejeter l'argument selon lequel l'utilisation du papier à entête du nom de la société mère procéderait d'une simple erreur matérielle ; qu'il en déduit que la société Clinitex services synergies park n'avait aucune qualité pour notifier le licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, qui émanait de la société Clinitex Pas-de-Calais, avait été signée par M. F..., directeur régional du groupe et que ce dernier avait mené l'entretien préalable en sa qualité de représentant légal de l'employeur, ce dont il résultait qu'il n'était pas une personne étrangère à la société filiale Clinitex 62 et qu'il devait être considéré de ce fait comme étant titulaire du pouvoir de licencier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Arras du 23 avril 2015 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Clinitex 62 en remboursement de la somme 286,02 euros au titre de frais de déplacement, l'arrêt rendu le 31 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les points restant au litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. O... au dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Clinitex 62

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, compte tenu de l'irrégularité majeure affectant la lettre de licenciement et d'AVOIR condamné la société Clinitex 62 à verser à Monsieur O... les sommes de 62.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article L. 1232-6 du Code du Travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Pour être régulière, la lettre de licenciement doit être signée, soit par l'employeur, soit par son représentant à condition que celui-ci appartienne à l'entreprise et justifie d'une délégation de pouvoir en la matière, qui peut être verbale. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse s'il est prononcé par une personne non habilitée pour le faire. L'examen des pièces versées à la procédure permet de relever les éléments suivants : A compter du 1er octobre 2010, la Société CLINITEX 62, située à [...] est devenue l'employeur de Monsieur O.... Celle-ci a mis en oeuvre, le 25 septembre 2013, une procédure de licenciement disciplinaire à l'encontre du salarié. Le courrier de convocation à l'entretien préalable émane de cette société et a été adressé à son destinataire sous la signature de Monsieur David F..., Directeur régional. L'entretien préalable a été mené par Monsieur F..., en sa qualité de représentant légal de la société CLINITEX 62. Pour autant, le courrier de rupture date du 18 octobre 2013, signé également par le Directeur Régional, a été rédigé à l'entête de la Société mère CLINITEX SERVICES SYNERGIE PARK située à [...]. Son contenu, clair et dépourvu de toute ambiguïté, permet d'établir qu'il émane bien de cette société. Par ailleurs, aucun élément dans sa rédaction ni aucun autre élément externe ne permettent de rattacher cet écrit à la société CLINITEX 62. Ces constatations conduisent à rejeter l'argument selon lequel l'utilisation du papier entête au nom de la société mère procéderait d'une simple erreur matérielle. Dans ces conditions, la Cour ne peut que constater que la société CLINITEX SERVICES SYNERGIE PARK, qui constitue une entité juridique distincte de la Société CLINITEX 62, n'avait aucune qualité pour notifier le licenciement. L'envoie de la lettre de licenciement en date du 18 octobre 2013 ayant entraîné la cessation de la relation contractuelle, la Société CLINITEX 62 ne peut donc se prévaloir d'une régularisation a posteriori du courrier de rupture litigieux par l'expédition de la lettre confirmative en date du 7 novembre 2013, celle-ci étant dépourvue d'effet. En conséquence, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'irrégularité substantielle affectant la lettre de licenciement, si elle ne constitue pas un motif de nullité de la rupture, entraîne, cependant, la requalification de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le Directeur régional du groupe sous l'autorité hiérarchique directe duquel le salarié est placé n'est pas une personne étrangère à la société employeur et peut donc recevoir mandat de cette société pour procéder au licenciement du salarié ; que dès lors que la procédure de licenciement a été menée par une personne habilitée à procéder au licenciement et agissant pour l'employeur, la lettre de licenciement signée par cette personne doit être regardée comme émanant de la société employeur, peu important la société mentionnée sur l'en-tête de cette lettre, sauf disposition expresse contraire ; qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur O... était placé, en qualité de chef d'agence de la société Clinitex 62, sous l'autorité de Monsieur F..., Directeur régional du groupe, lequel avait signé, en qualité de représentant de la société Clinitex 62, le contrat de travail de Monsieur O..., un avenant à ce contrat et la subdélégation de pouvoirs dont Monsieur O... tirait l'autorité nécessaire à l'exercice de ses fonctions de chef d'agence ; que Monsieur F... était le rédacteur et le signataire de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement établie sur papier à en-tête de la société Clinitex 62, avait mené l'entretien préalable au licenciement pour le compte de la société Clinitex 62 et avait rédigé et signé la lettre de licenciement ; qu'en affirmant néanmoins que la lettre de licenciement était entachée d'une irrégularité substantielle comme émanant d'une entité juridique qui n'avait pas la qualité d'employeur dès lors qu'elle était établie sur papier à en-tête de la société Clinitex Services et que « son contenu clair et dépourvu de toute ambiguïté permet d'établir qu'il émane bien de cette société », sans relever aucune mention expresse précise de cette lettre permettant d'affirmer que Monsieur F..., qui avant mené jusqu'alors la procédure de licenciement pour le compte de la société Clinitex 62, aurait à l'issue de cette procédure notifié le licenciement pour le compte de la société Clinitex Services, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1984 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, les motifs de la lettre de licenciement ne comportent aucune mention de la société Clinitex Services, ni ne font référence à cette société ; qu'en affirmant cependant que le contenu de cette lettre, clair et dépourvu de toute ambiguïté, permet d'établir qu'il émane bien de la société Clinitex 62, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation du principe précité ;

3. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé qu'après avoir exercé d'autres fonctions dans le groupe Clinitex, Monsieur O... avait été embauché en qualité de chef d'agence par la société Clinitex 62, par contrat du 30 septembre 2010 ; que, dans la lettre de licenciement, Monsieur F... faisait référence au recrutement de Monsieur O... en « remplacement de notre chef d'agence sortant », expliquait que la rupture du contrat était motivée par les carences de Monsieur O... dans l'exercice de ses fonctions de chef d'agence et que la décision de mise à pied visait à « protéger les intérêts de l'entreprise et de ton équipe », désignait le véhicule de fonction mis à la disposition de Monsieur O... par la société Clinitex 62 comme « notre véhicule de société » et visait, enfin, « le contrat que tu as signé le 30 septembre 2010 avec notre entreprise » ; qu'en affirmant encore qu'aucun élément dans la rédaction de la lettre de licenciement ne permet de rattacher cet écrit à la société Clinitex 62, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation du principe précité ;

4. ALORS QUE qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, établie sur papier à en-tête de la société Clinitex 62, était signée par Monsieur F..., Directeur régional du groupe, que Monsieur F... avait tenu l'entretien préalable au licenciement, en qualité de représentant légal de la société Clinitex 62 et que Monsieur F... était également l'auteur et le signataire de la lettre de licenciement notifiée au salarié à l'issue de cette procédure ; qu'en affirmant cependant qu'aucun élément externe à la lettre de licenciement ne permet de rattacher cet écrit à la société Clinitex 62, la cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5. ALORS QUE l'employeur peut ratifier le licenciement prononcé par le salarié d'une autre société du groupe auquel il appartient, en défendant la validité et le bien-fondé du licenciement ; qu'en l'espèce, devant les juges du fond, la société Clinitex 62 défendait la régularité du licenciement notifié à Monsieur O... par Monsieur F..., Directeur régional du groupe, et avait, au surplus, de sa propre initiative, adressé au salarié une nouvelle lettre de licenciement le 7 novembre 2013, sur son propre papier à en-tête, lorsqu'elle s'était aperçue que la lettre de licenciement du 13 octobre 2013 avait été établie, par erreur, sur papier à en-tête de la société holding Clinitex Services ; qu'en affirmant cependant que la société Clinitex 62 ne pouvait se prévaloir d'une régularisation a posteriori du licenciement, par l'expédition de la lettre confirmative du 7 novembre 2013, au motif inopérant que la lettre de licenciement du 13 octobre 2013 avait entraîné la cessation des relations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail et les articles 1984 et 1998 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15251
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 fév. 2019, pourvoi n°17-15251


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.15251
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