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06/02/2019 | FRANCE | N°17-26547

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 février 2019, 17-26547


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la résolution de la vente d'un fonds de commerce consentie par M. X... à Mme Z... ayant été prononcée par un jugement du 11 avril 2013, assorti de l'exécution provisoire, celle-ci, qui en a poursuivi l'exécution, a fait dresser, en l'absence de M. X..., le 31 mai 2013, un procès-verbal d'offres réelles par lequel l'huissier de justice offrait de lui remettre les clés du local dans lequel le fonds de commerce était exploité, puis a assigné M. X... en validation de cet

te procédure de restitution afin de dire qu'elle se trouvait libérée ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la résolution de la vente d'un fonds de commerce consentie par M. X... à Mme Z... ayant été prononcée par un jugement du 11 avril 2013, assorti de l'exécution provisoire, celle-ci, qui en a poursuivi l'exécution, a fait dresser, en l'absence de M. X..., le 31 mai 2013, un procès-verbal d'offres réelles par lequel l'huissier de justice offrait de lui remettre les clés du local dans lequel le fonds de commerce était exploité, puis a assigné M. X... en validation de cette procédure de restitution afin de dire qu'elle se trouvait libérée et de condamner M. X... au paiement des frais ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1257 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et 1428 du code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour faire droit aux demandes de Mme Z..., l'arrêt retient que cette dernière ayant fait établir et signifier à M. X..., par huissier de justice, le 31 mai 2013, un procès-verbal d'offres réelles par lequel elle lui offrait les clés du local dans lequel le fonds de commerce restitué était exploité, en exécution du jugement, M. X... doit reprendre le fonds de commerce dont la vente a été judiciairement résolue ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'offre réelle effectuée par Mme Z... avait été suivie d'une consignation, alors que si, lorsque le créancier refuse de recevoir son paiement, le débiteur peut lui faire des offres réelles et, au refus du créancier de les accepter, consigner la somme ou la chose offerte, les offres réelles ne libèrent le débiteur et ne tiennent lieu, à son égard, de paiement que lorsqu'elles sont suivies de la consignation de la somme ou de la chose offerte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa première branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il condamne M. X... à payer à Mme Z... des dommages-intérêts pour résistance abusive ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé l'offre réelle de restitution du fonds de commerce de bar, brasserie, fabrication de plats cuisinés et à emporter, terminal de cuisson, sandwicherie, situé [...] sous l'enseigne « La Pause du Marché », et l'offre de consignation des clés, effectuées au nom de Mme Z... au profit de M. X... par acte de Maître C..., huissier de justice associé, à Angoulême du 31 mai 2013, d'avoir dit que Mme Z... se trouvait libérée, au sens de l'article 1257 de l'ancien code civil, sous réserve des droits de M. X... et de ceux des tiers et d'avoir condamné M. X... au paiement des frais des offres réelles et de la consignation, en application de l'article 1260 de l'ancien code civil.

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L141-7 du Code de commerce, en cas de résolution judiciaire ou amiable de la vente, le vendeur est tenu de reprendre tous les éléments du fonds qui ont fait partie de la vente, même ceux pour lesquels son privilège et l'action résolutoire sont éteints. Il est comptable du prix des marchandises et du matériel existant au moment de sa reprise de possession d'après l'estimation qui en est faite par expertise contradictoire, amiable ou judiciaire, sous la déduction de ce qui peut lui rester dû par privilège sur les prix respectifs des marchandises et du matériel, le surplus, s'il y en a, devant rester le gage des créanciers inscrits et, à défaut, des créanciers chirographaires. En soutenant que la validité de l'offre réelle de reprise du fonds de commerce faite par Mme Z... n'est pas soumise à une simple remise des clés, mais à des formalités juridiques, administratives et comptables préalables (un inventaire complet, la situation du bail commercial, les éventuels travaux effectués avec autorisation du bailleur, la communication d'une attestation ou reçu des paiements des loyers, la communication des bilans et des comptes sur toute la période, toutes informations utiles notamment sur l'ensemble des engagements pris par Madame Z... relatifs à l'exploitation du fonds de commerce), M. X... ajoute au texte des conditions qu'il ne prévoit pas. En effet, l'obligation faite au vendeur de reprendre tous les éléments du fonds qui ont fait partie de la vente n'est pas conditionnée à la communication de documents par l'acheteur ou à l'accomplissement d'une quelconque formalité commerciale, le texte rendant au contraire le vendeur comptable envers l'acheteur du prix des marchandises et du matériel existant au moment de sa remise en possession. L'expertise contradictoire prévue par le texte ne constitue pas non plus un préalable à la reprise du fonds par le vendeur, mais est destinée à fixer la créance éventuelle de l'acheteur pour les marchandises et le matériel repris par le vendeur, l'acheteur étant, en toute hypothèse, en droit de renoncer à cette créance, et donc à la mesure d'expertise, sans que cela affecte l'obligation principale de reprise du fonds de commerce qui pèse sur le vendeur comme conséquence de la résolution de la vente. S'il est de pratique courante de dresser un "compte de reprise" lors de la remise du fonds au vendeur, aucune disposition n'impose cependant que les comptes à faire entre les parties soient établis au jour de la reprise, les créances et dettes éventuelles devant se régler, amiablement ou judiciairement, après la reprise du fonds par le vendeur. En l'espèce, la résolution de la vente du fonds de commerce a été prononcée par un jugement du tribunal de commerce d'Angoulême du 11 avril 2013, assorti de l'exécution provisoire. L'appel formé par M. X... contre cette décision a été radié par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Bordeaux du 19 septembre 2013. M. X... n'a pas déféré à la sommation qui lui a été faite par acte d'huissier du 28 mai 2013 d'assister, le 31 mai 2013, à la restitution du fonds avec inventaire, état des lieux et remise des clés. L'huissier de justice a, en conséquence, établi un procès verbal d'offres réelles en date du 31 mai 2013, signifié le jour même à M. X..., aux termes duquel Mme Z... lui offre les clés du local dans lequel le fonds de commerce restitué était exploité en exécution du jugement du tribunal de commerce. En considération de ces éléments de droit et de fait, Mme Z... est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L141-7 du Code de commerce, qui oblige M. X... à reprendre le fonds de commerce dont la vente a été judiciairement résolue. L'offre réelle faite par Mme Z... n'étant pas autrement discutée par M. X..., il convient, infirmant le jugement déféré, de la valider, avec les effets de droit qui y sont attachés. »

1°) ALORS QUE, lorsque le créancier refuse de recevoir son paiement, le débiteur peut lui faire des offres réelles et, au refus du créancier de les accepter, consigner la somme ou la chose offerte ; que les offres réelles ne libèrent le débiteur et ne tiennent lieu, à son égard, de paiement que lorsqu'elles sont suivies de la consignation de la somme ou de la chose offerte ; qu'en l'espèce, aucune consignation n'a été réalisée, comme l'a d'ailleurs relevé le jugement de première instance qui a constaté que la consignation prévue à l'article 1257 du code civil « n'est pas intervenue en l'espèce puisque seule une offre des clés du local a été émise » ; qu'en jugeant cependant que Mme Z... se trouvait libérée, au sens de l'article 1257 de l'ancien code civil, sans avoir constaté que l'offre réelle avait été suivie d'une consignation, la cour d'appel a violé les articles 1257 ancien du code civil et 1428 ancien du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le procès-verbal d'offres réelles doit désigner la chose offerte ; que la validation de l'offre ne peut porter que sur la chose ainsi offerte ; qu'en l'espèce, le procès-verbal d'offres réelles du 31 mai 2013 indiquait qu'étaient offertes les clés du local servant à l'exploitation du fonds de commerce, ce que la cour d'appel a elle-même relevé ; qu'en validant cependant « l'offre réelle de restitution du fonds de commerce », la cour d'appel a violé les articles 1257 ancien et suivants du code civil et 1426 ancien et suivants du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté, dans les motifs de sa décision, que l'huissier de justice avait « établi un procès verbal d'offres réelles en date du 31 mai 2013, signifié le jour même à M. X..., aux termes duquel Mme Z... lui offre les clés du local dans lequel le fonds de commerce restitué était exploité en exécution du jugement du tribunal de commerce » et qu'il convenait de valider cette offre ; qu'en prononçant cependant, dans le dispositif, la validation de « l'offre réelle de restitution du fonds de commerce », la cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la procédure d'offre de paiement et de consignation prévue aux articles 1257 ancien et suivants du code civil et 1426 ancien et suivants du code de procédure civile prévoit ne comporte pas d'offre de consignation mais seulement une offre de paiement suivie d'une consignation de la chose offerte ; qu'en validant cependant « l'offre de consignation des clés [
] effectuée [
] par acte [
] du 31 mai 2013 », la cour d'appel a violé les articles 1257 ancien et suivants du code civil et 1426 ancien et suivants du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en validant « l'offre de consignation des clés [
] effectuée [
] par acte [
] du 31 mai 2013 », sans avoir consacré le moindre motif à ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE le procès-verbal d'offres réelles du 31 mai 2013 ne contient pas d'offre de consignation des clés ; qu'en validant cependant « l'offre de consignation des clés [
] effectuée [
] par acte [
] du 31 mai 2013 », la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal du 31 mai 2013, violant ainsi le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

7°) ALORS QUE, subsidiairement, la restitution d'un fonds de commerce ne peut s'effectuer par la seule remise des clés des locaux dans lesquels s'exerce l'activité ; que doivent être également remis tous les documents permettant l'exercice de l'activité et qu'un inventaire et un compte de reprise doivent être réalisés ; qu'en retenant cependant que la restitution du fonds de commerce pouvait résulter d'une simple offre de remise des clés du local dans lequel le fonds était exploité, la cour d'appel a violé les articles 1257 ancien et suivants du code civil, 1426 ancien et suivants du code de procédure civile et L.141-7 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à verser à Mme Z... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS QU' « il apparaît de la succession des procédures engagées depuis le jugement du tribunal de commerce du 11 avril 2013 que M. X... n'entend pas exécuter cette décision, pourtant assortie de l'exécution provisoire, sans qu'il bénéficie pour autant d'une décision de justice l'autorisant à différer cette exécution. Le refus de M. X... de déférer à la sommation de reprendre possession du fonds de commerce, en exécution du jugement qui a prononcé la résolution de la vente, participe de la même volonté dilatoire d'empêcher l'exécution du jugement du tribunal. Cette attitude procédurale a causé à Mme Z..., qui ne peut bénéficier des droits qui lui sont reconnus en justice, un préjudice, qui ne peut être réparé par la seule attribution d'une indemnité de frais de procès et qui justifie qu'il lui soit alloué la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts. »

1°) ALORS QUE la cassation prononcée sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné M. X... à verser à Mme Z... la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction de premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ;
que, pour condamner M. X... à payer une indemnité, la cour d'appel a retenu que la succession de procédures engagées depuis le jugement du tribunal de commerce du 11 avril 2013 et le refus de M. X... de déférer à la sommation de reprendre possession du fonds de commerce participaient d'une volonté dilatoire d'empêcher l'exécution du jugement ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser de circonstances particulières, bien que M. X... ait obtenu, devant les premiers juges, le rejet de l'action intentée par Mme Z... à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26547
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-26547


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26547
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