La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2019 | FRANCE | N°17-24746

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2019, 17-24746


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée, le 4 avril 2011, en qualité de secrétaire par la société Aménagements Dordogne piscines, ci-après ADP, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel ; que la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011 ; que la salariée a été licenciée pour motif économique par lettre du 17 avril 2013 ; que contestant la rupture et soutenant que son contrat de travail à temps partiel devait ê

tre requalifié en contrat à temps complet et qu'elle avait été victime de harcèlem...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée, le 4 avril 2011, en qualité de secrétaire par la société Aménagements Dordogne piscines, ci-après ADP, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel ; que la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011 ; que la salariée a été licenciée pour motif économique par lettre du 17 avril 2013 ; que contestant la rupture et soutenant que son contrat de travail à temps partiel devait être requalifié en contrat à temps complet et qu'elle avait été victime de harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes salariales et indemnitaires ; que par jugement du 20 mai 2016, la liquidation judiciaire de la société ADP a été prononcée et la société Pimouguet-Leuret et Devos-Bot a été désignée en qualité de liquidateur ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :

1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel, qui après avoir constaté que la salariée établissait un ensemble de faits laissant présumer l'existence d'actes de harcèlement moral, a néanmoins rejeté sa demande en retenant qu'un de ces faits étaient justifiés « par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de la salariée, « que les instructions et directives données par sa supérieure hiérarchique au moyen de post-it dont les termes ne sont ni comminatoires ni dénigrants et non susceptibles d'être qualifiés d'actes de harcèlement, étaient justifiées par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service qui rendaient nécessaire le rappel d'un certain nombre d'instructions et de consignes pour la bonne exécution du travail effectué par Mme Y... », sans expliquer en quoi la pression subie par la salariée et le comportement négatif de sa supérieure hiérarchique étaient justifiés par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que la cour d'appel, après avoir constaté que la matérialité des faits de harcèlement invoqués par la salariée était établie, s'est bornée à énoncer « qu'en réalité les arrêts de travail de cette dernière pour un syndrome dépressif ne sont pas consécutifs à la dégradation de ses conditions de travail dans l'entreprise » ; qu'en statuant ainsi, sans analyser l'ensemble des documents médicaux produit par la salariée, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit l'existence de justifications par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement économique justifié par une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, Mme Y... avait fait valoir que son employeur avait procédé à son remplacement à compter de son licenciement et elle versait aux débats des attestations de trois anciens salariés qui confirmaient que Mme Y... avait bien été remplacée lors de son départ ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la salariée, « qu'il est justifié par l'employeur que l'offre d'emploi publiée le 4 novembre 2012 sur le site Internet de pôle emploi concerne la recherche d'une secrétaire comptable bilingue en anglais pour un mi-temps avec une expérience en comptabilité générale pour l'entreprise située à Creysse sans qu'il soit précisé qu'il s'agit de l'entreprise Sud-Ouest piscine et qu'il en est de même de l'annonce pour un poste d'assistante administrative et commerciale en date du 27 mars 2013 », sans procéder à aucune analyse même sommaire des attestations régulièrement versées aux débats par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... avait également indiqué que « les dénégations de l'employeur sont d'autant moins convaincantes que le registre unique du personnel transmis par ce dernier à la demande du conseil de prud'hommes est volontairement incomplet puisque, d'une part, n'y figurent pas M. Arnaud A... et M. Ludovic B... embauchés à la même époque que Mme Nathalie Y... respectivement en qualité de VRP et d'ouvrier piscine et, d'autre part, il n'y est pas mentionné le personnel intérimaire de la SAS ADP alors que le bilan produit par l'employeur laisse apparaître un poste « personnel intérimaire » et un poste « personnel extérieur production » occupé par la remplaçante de Mme Nathalie Y..., Mme Nathalie C... » ; qu'elle versait aux débats le registre du personnel produit par l'employeur dans lequel les noms de MM. Arnaud A... et Ludovic B... n'apparaissaient pas et ne mentionnait pas de personnel intérimaire ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen essentiel soulevé par l'exposante et portant l'absence de suppression de son poste, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les dépenses somptuaires effectuées par l'employeur dont la société connaît de sérieuses difficultés économiques ne relèvent pas de la liberté de choix de l'employeur pour faire face aux difficultés économiques de l'entreprise ; qu'en énonçant « que si des dépenses à caractère somptuaire ont été réalisées par l'employeur notamment pour un ou deux véhicules de service ou de fonction notamment pour les commerciaux, ce choix de l'employeur lui appartient et ne remet pas en cause la nécessité pour la survie de l'entreprise de réduire sensiblement sa masse salariale », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis devant elle et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, après avoir constaté la réalité des difficultés économiques de l'entreprise, a retenu, répondant aux conclusions, d'une part que si l'employeur avait effectué des dépenses "somptuaires" en procédant à l'achat d'un ou deux véhicules de service ou de fonction pour les commerciaux, ce choix ne remettait pas en cause la nécessité pour la survie de l'entreprise de réduire sensiblement sa masse salariale, d'autre part que le poste de la salariée avait été supprimé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de la salariée en dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... avait fait valoir que son licenciement était irrégulier pour lui avoir été notifié verbalement lors de l'entretien préalable au licenciement et elle produisait aux débats le compte rendu de l'entretien préalable du 5 avril 2013 dans lequel il était expressément indiqué que : « Le Président pour toute explication remet à la salariée un document expliquant les difficultés économiques de l'entreprise et lui demander de bien vouloir le signer, et en précisant qu'il s'agit de la notification de son licenciement (
). Le Conseiller intervient et signale que, de son point de vue, il ne peut s'agir d'une notification de licenciement, le droit du travail imposant un délai de réflexion à compter de l'entretien préalable. Le Président explique qu'il n'est pas juriste, que c'est la première fois qu'il procède à un licenciement économique et qu'il applique la procédure établie par son Conseil » ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la salariée, qu'il est « soulevé par la salariée que le licenciement a été notifié verbalement lors de l'entretien préalable ce qui est contraire à la vérité alors que la rupture du contrat de travail résulte de la lettre de licenciement adressée par l'employeur à la salariée dans le délai d'au moins deux jours entre la tenue de l'entretien préalable le 5 avril 2013 et la notification du licenciement le 17 avril 2013 », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt n'ayant pas fait référence au compte-rendu d'entretien préalable du 5 avril 2013, la cour d'appel n'a pu dénaturer celui-ci ; que le moyen, qui manque en fait, ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, la cour d'appel a retenu que les relevés des horaires et les bulletins de salaire de la salariée ne montrent pas qu'elle travaillait à temps complet, alors qu'elle effectuait moins de 35 heures hebdomadaires en moyenne soit 147,34 heures par mois mais aussi des heures complémentaires dont certaines étaient majorées, lesquelles ont toutes été payées par l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses écritures oralement soutenues en appel, l'employeur reconnaissait que le contrat de travail de la salariée devait être requalifié en contrat à temps complet et affirmait que la salariée avait été remplie de ses droits sur une base de 151,67 heures par mois en s'opposant aux demandes de celle-ci fondées sur une durée du travail mensuelle alléguée de 169 heures, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation des dispositions de l'arrêt ayant débouté la salariée de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes à sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes, l'arrêt rendu le 28 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Pimouguet-Leuret et Devos-Bot, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pimouguet-Leuret et Devos-Bot, ès qualités, à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Monge, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Madame Nathalie Y... en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, il sera observé par la cour que les relevés des horaires et les bulletins de salaire de la salariée ne montrent pas qu'elle travaillait à temps complet alors qu'elle effectuait moins de 35 heures hebdomadaires en moyenne soit 147,34 heures par mois mais aussi des heures complémentaires dont certaines étaient majorées lesquelles ont toutes été payées par l'employeur ; qu'il convient donc de rejeter toutes les demandes indemnitaires présentées par l'appelante sur ce point ;

ALORS QUE l'employeur avait adressé, le 23 avril 2013, une lettre à Madame Y... dans laquelle il reconnaissait qu'elle effectuait un travail à temps complet (pièce n° 20) et, dans ses conclusions d'appel, il faisait seulement valoir, pour s'opposer à la demande de la salariée « que la Société avait spontanément accepté de requalifier ce contrat et de procéder aux régularisations qui s'imposaient » (conclusions d'appel, p. 14), ce dont il résultait que le litige ne portait pas sur le principe du temps complet effectué par la salariée, celui-ci étant admis par l'employeur, mais sur le fait de savoir si cette salariée avait été, à ce titre, remplie de ses droits ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la salariée, qu'« il sera observé par la cour que les relevés des horaires et les bulletins de salaire de la salariée ne montrent pas qu'elle travaillait à temps complet alors qu'elle effectuait moins de 35 heures hebdomadaires en moyenne soit 147,34 heures par mois mais aussi des heures complémentaires dont certaines étaient majorées lesquelles ont toutes été payées par l'employeur », la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a, dès lors, violé l'article 4 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Madame Nathalie Y... en dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS Qu'au terme des dispositions de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la salariée fait valoir qu'elle a dû faire face à un véritable acharnement de la part de sa supérieure hiérarchique se manifestant par une communication fondée sur des post-it infantilisants et contenant de nombreuses brimades et reproches injustifiés tout en précisant que son licenciement aurait comme principale cause les faits de harcèlement moral que la salariée a dénoncés à l'employeur ; qu'il est relevé notamment par un témoin ancien salarié de la société que Madame Y... devait travailler sous pression faisant plusieurs taches à la fois pendant que sa supérieure hiérarchique était dans son bureau pour boire son café et fumer une cigarette ; qu'il est précisé également que le comportement de cette personne était si négatif qu'en une seule année, pas moins de trois secrétaires s'étaient succédées au poste de Madame Y... ; que si la matérialité des faits invoquées par la salariée peuvent laisser présumer l'existence d'actes de harcèlement moral, la Cour constate que les instructions et directives données par sa supérieure hiérarchique au moyen de post-it dont les termes ne sont ni comminatoires ni dénigrants et non susceptibles d'être qualifiés d'actes de harcèlement, étaient justifiées par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service qui rendaient nécessaire le rappel d'un certain nombre de d'instructions et de consignes pour la bonne exécution du travail effectué par Madame Y... et qu'en réalité les arrêts de travail de cette dernière pour un syndrome dépressif ne sont pas consécutifs à la dégradation de ses conditions de travail dans l'entreprise ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la Cour d'appel, qui après avoir constaté que la salariée établissait un ensemble de faits laissant présumer l'existence d'actes de harcèlement moral, a néanmoins rejeté sa demande en retenant qu'un de ces faits étaient justifiés « par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, Qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de la salariée, « que les instructions et directives données par sa supérieure hiérarchique au moyen de post-it dont les termes ne sont ni comminatoires ni dénigrants et non susceptibles d'être qualifiés d'actes de harcèlement, étaient justifiées par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service qui rendaient nécessaire le rappel d'un certain nombre de d'instructions et de consignes pour la bonne exécution du travail effectué par Madame Y... », sans expliquer en quoi la pression subie par la salariée et le comportement négatif de sa supérieure hiérarchique étaient justifiés par des éléments objectifs pour le bon fonctionnement du service, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE, la Cour d'appel, après avoir constaté que la matérialité des faits de harcèlement invoqués par la salariée était établie, s'est bornée à énoncer « qu'en réalité les arrêts de travail de cette dernière pour un syndrome dépressif ne sont pas consécutifs à la dégradation de ses conditions de travail dans l'entreprise » ; qu'en statuant ainsi, sans analyser l'ensemble des documents médicaux produit par la salariée, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement économique de Madame Nathalie Y... est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS Qu'en application de l'article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ; qu'il appartient au juge de vérifier la réalité de la suppression de l'emploi ainsi que la réalité des difficultés économiques invoquées ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ; que la recherche des possibilités de reclassement s'apprécie à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que doivent être proposés au salarié dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou à défaut d'une catégorie inférieure ; que Madame Y... conteste son licenciement pour motif économique au motif d'une prétendue absence de suppression de son poste et de ce que les résultats négatifs de l'entreprise seraient imputables aux dépenses somptuaires réalisées par l'employeur ; or qu'il est justifié par l'employeur que l'offre d'emploi publiée le 4 novembre 2012 sur le site Internet de pôle emploi concerne la recherche d'une secrétaire comptable bilingue en anglais pour un mi-temps avec une expérience en comptabilité générale pour l'entreprise située à Creysse sans qu'il soit précisé qu'il s'agit de l'entreprise sud-ouest piscine et qu'il en est de même de l'annonce pour un poste d'assistante administrative et commerciale en date du 27 mars 2013 ; que, s'agissant du motif économique du licenciement, la lettre de licenciement du 17 avril 2013 comme la convocation à l'entretien préalable du 26 mars 2013 précise que l'entreprise est déficitaire depuis deux ans et que le résultat qui était de -52 030 € au 30 septembre 2011, a été de -119 367 € au 30 septembre 2012 et que les capitaux propres s'élevant à 139 604 € à la fin de l'exercice 2011 ont été diminués à 20 237 € en 2012 avec une capacité d'autofinancement négative et que son poste a dû être supprimé sans aucune embauche de remplaçant ; qu'il est ajouté par l'employeur dans le licenciement qu'il lui a été proposé d'exercer ses fonctions dans le cadre d'un temps partiel à raison de 16 heures hebdomadaires et que cette proposition a été refusée par la salariée par lettre du 30 janvier 2013 et que pour l'ensemble de ces raisons l'employeur a été contraint de réduire sa masse salariale et par voie de conséquence de supprimer son poste avec impossibilité de tout reclassement compte tenu du faible effectif des salariés ; que, contrairement à l'appréciation du premier juge, les difficultés économiques de l'entreprise qui était placée par la suite dans le cadre d'une procédure collective sous le régime de la sauvegarde puis de la liquidation judiciaire, sont bien réelles et que si des dépenses à caractère somptuaire ont été réalisées par l'employeur notamment pour un ou deux véhicules de service ou de fonction notamment pour les commerciaux, ce choix de l'employeur lui appartient et ne remet pas en cause la nécessité pour la survie de l'entreprise de réduire sensiblement sa masse salariale en proposant à la salariée une diminution du nombre d'heures de travail et dont le refus justifie son licenciement ; qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris dans ce sens et de rejeter l'argumentation et les demandes de l'appelante sur la nullité de son licenciement ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, Madame Y... avait fait valoir que son employeur avait procédé à son remplacement à compter de son licenciement et elle versait aux débats des attestations de trois anciens salariés qui confirmaient que Madame Y... avait bien été remplacée lors de son départ (pièces n° 54, 55 et 61) ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la salariée,« qu'il est justifié par l'employeur que l'offre d'emploi publiée le 4 novembre 2012 sur le site Internet de pôle emploi concerne la recherche d'une secrétaire comptable bilingue en anglais pour un mi-temps avec une expérience en comptabilité générale pour l'entreprise située à Creysse sans qu'il soit précisé qu'il s'agit de l'entreprise sud-ouest piscine et qu'il en est de même de l'annonce pour un poste d'assistante administrative et commerciale en date du 27 mars 2013 », sans procéder à aucune analyse même sommaire des attestations régulièrement versées aux débats par l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 6), Madame Y... avait également indiqué que « les dénégations de l'employeur sont d'autant moins convaincantes que le registre unique du personnel transmis par ce dernier à la demande du Conseil de prud'hommes est volontairement incomplet puisque, d'une part, n'y figurent pas Monsieur Arnaud A... et Monsieur Ludovic B... embauchés à la même époque que Madame Nathalie Y... respectivement en qualité de VRP et d'ouvrier piscine et, d'autre part, il n'y est pas mentionné le personnel intérimaire de la SAS ADP alors que le bilan produit par l'employeur laisse apparaître un post « personnel intérimaire » et un poste « personnel extérieur production » occupé par la remplaçante de Madame Nathalie Y..., Madame Nathalie C... » ; qu'elle versait aux débats le registre du personnel produit par l'employeur dans lequel les noms de Messieurs Arnaud A... et Ludovic B... n'apparaissaient pas et ne mentionnait pas de personnel intérimaire (pièce n° 30) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen essentiel soulevé par l'exposante et portant l'absence de suppression de son poste, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE, les dépenses somptuaires effectuées par l'employeur dont la société connaît de sérieuses difficultés économiques ne relèvent pas de la liberté de choix de l'employeur pour faire face aux difficultés économiques de l'entreprise ; qu'en énonçant « que si des dépenses à caractère somptuaire ont été réalisées par l'employeur notamment pour un ou deux véhicules de service ou de fonction notamment pour les commerciaux, ce choix de l'employeur lui appartient et ne remet pas en cause la nécessité pour la survie de l'entreprise de réduire sensiblement sa masse salariale », la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1233-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la salariée en dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

AUX MOTIFS Qu'il est soulevé par la salariée que le licenciement a été notifié verbalement lors de l'entretien préalable ce qui est contraire à la vérité alors que la rupture du contrat de travail résulte de la lettre de licenciement adressée par l'employeur à la salariée dans le délai d'au moins deux jours entre la tenue de l'entretien préalable le 5 avril 2013 et la notification du licenciement le 17 avril 2013 ;

ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 10), Madame Y... avait fait valoir que son licenciement était irrégulier pour lui avoir été notifié verbalement lors de l'entretien préalable au licenciement et elle produisait aux débats le compte rendu de l'entretien préalable du 5 avril 2013 dans lequel il était expressément indiqué que : « Le Président pour toute explication remet à la salariée un document expliquant les difficultés économiques de l'entreprise et lui demander de bien vouloir le signer, et en précisant qu'il s'agit de la notification de son licenciement (
). Le Conseiller intervient et signale que, de son point de vue, il ne peut s'agir d'une notification de licenciement, le droit du travail imposant un délai de réflexion à compter de l'entretien préalable. Le Président explique qu'il n'est pas juriste, que c'est la première fois qu'il procède à un licenciement économique et qu'il applique la procédure établie par son Conseil » (pièce n° 42) ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de la salariée, qu'il est « soulevé par la salariée que le licenciement a été notifié verbalement lors de l'entretien préalable ce qui est contraire à la vérité alors que la rupture du contrat de travail résulte de la lettre de licenciement adressée par l'employeur à la salariée dans le délai d'au moins deux jours entre la tenue de l'entretien préalable le 5 avril 2013 et la notification du licenciement le 17 avril 2013 », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-24746
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-24746


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.24746
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award