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06/02/2019 | FRANCE | N°17-18162

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2019, 17-18162


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l‘arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 7 juin 1993 en qualité d'agent de production par la société Royal service, a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle ; qu'ayant été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 18 septembre et 6 octobre 2009, elle a été licenciée, le 10 novembre suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par

une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de natu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l‘arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 7 juin 1993 en qualité d'agent de production par la société Royal service, a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle ; qu'ayant été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 18 septembre et 6 octobre 2009, elle a été licenciée, le 10 novembre suivant, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu qu'après avoir énoncé que la rupture du contrat de travail ouvrait droit pour la salariée à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, l'arrêt condamne l'employeur au paiement d'une somme au titre des congés payés afférents à cette indemnité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et, dès lors, n'ouvre pas droit à congés payés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Royal service à payer à Mme X... la somme de 264,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme X... de sa demande en paiement des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Royal service.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 21 mai 2012 et, statuant à nouveau et y ajoutant, d'AVOIR condamné la société ROYAL SERVICE à payer à Madame Y... les sommes de 21.300 € au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail et 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur le bien-fondé du licenciement : l'article L 1226-10 du code du travail dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; l'emploi proposé est aussi comparable que possible à I 'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. L'article L 1226-12 du code du travail dispose en son deuxième alinéa que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. L'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 ; toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif, En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que : - l'avis du docteur Pierre B..., médecin du travail, formulé le 6 octobre 2009 à l'issue de la deuxième visite en application de l'article R 4624-31 du code du travail, est ainsi rédigé : "Inapte au poste d'agent de production ; contre-indication aux gestes répétés ou forcés des poignets, à haute fréquence, à la station debout prolongée, au port de charges ; à muter vers contrôle qualité, accueil, tâches administratives" ; - suivant lettre datée du 13 octobre 2009, l'employeur a proposé un poste de reclassement à Madame E... F... C... Y... ainsi rédigé : "suivant ses recommandations (du médecin du travail) et les contre-indications médicales, nous pouvons vous proposer un poste de contrôle qualité, poste assis et ne nécessitant pas de gestes répétés, à mi-temps journalier (car ce poste serait créé pour vous et ne peut vous occuper toute la journée), l'autre mi-temps journalier pourrait être consacré au ménage des parties communes et sanitaires de l'entreprise" ; - suivant lettre datée du 19 octobre 2009, Madame E... F... C... Y... a notifié à l'employeur son refus de ce poste en indiquant : "le poste de contrôle qualité correspondrait entièrement à ma condition de santé mais celui n'est qu'un poste à mi-temps journalier or selon mon contrat je suis employée à plein temps. Quant au poste de ménage des parties communes et sanitaires de l'entreprise requiert à de I 'effort physique et à des gestes répétitifs. Ce qui ne correspondant pas aux contres indications médicales décrites par le médecin du travail" ; - suivant lettre datée du 10 novembre 2009, l'employeur a notifié son licenciement pour inaptitude à Madame E... F... C... Y... suite à son refus de la proposition de poste de reclassement. Il résulte de ce qui précède que : - l'employeur a proposé à Madame E... F... C... Y... un poste comprenant pour partie le ménage des parties communes et sanitaires de l'entreprise, qui nécessite, par sa nature même, des gestes répétés des poignets, à haute fréquence, une station debout prolongée et un port de charges, toutes tâches faisant l'objet de contre-indications par le médecin du travail dans son avis du 6 octobre 2009, au regard de l'état de santé de la salariée ; - si dans la lettre du 13 octobre 2009, l'employeur a proposé à la salariée des attributions de contrôle qualité à mi-temps journalier qui correspondent aux propositions du médecin du travail, il n'en demeure pas moins que ces tâches ne composaient que partiellement le poste proposé qui comprenait par ailleurs des tâches ne respectant pas les indications formulées par le médecin du travail sur l'aptitude de la salariée à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; contrairement à ce que soutient l'employeur, la formulation du poste ne permettait pas à la salariée de comprendre que les tâches de contrôle qualité à mi-temps journalier et les tâches de ménage à mi-temps journalier pouvaient être dissociées et qu'il lui aurait été offert une large faculté d'acceptation d'un poste et pas de l'autre, peu important qu'une partie de ces tâches aient correspondu à des fonctions créées pour la salariée ; - enfin, l'employeur ne justifie pas être revenu vers le médecin du travail afin de s'assurer que le poste de reclassement proposé correspondait à ses propositions. Par conséquent, la cour retient que l'employeur, en tenant insuffisamment compte des propositions de reclassement du médecin du travail, a violé son obligation de recherche de reclassement et que le refus de reclassement de la salariée au poste proposé, au regard de sa situation de santé, n'était pas abusif. Sur les conséquences indemnitaires du licenciement ; L'employeur ne justifiant pas de l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10 et le refus du reclassement par la salariée du poste proposé n'étant pas abusif, la rupture du contrat de travail ouvre droit pour Madame E... F... C... Y... à : - une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue, à l'article L 1234-5, correspondant, au regard des dispositions de la convention collective applicable, à deux mois de salaire, soit la somme de 2.642,10 euros (1.321,05 euros x 2), ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés y afférents de 264,21 euros ; - une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par les dispositions des articles L. 1234-9, R 1234-1 et R 1234-2 du code du travail, qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoute deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté, qui s'établit en l'espèce, au regard de l'ancienneté de 16 ans et 6 mois de la salariée, à la somme de 10.568,55, soit {[(1.321,05 x 1/5) x 16 [(1.321,05 x 2/15) x 6] x 2}, ont doit être déduite la somme déjà versée de 5.597,95 euros, soit la somme de 4.970,60 euros. L'article L 1226-15 du code du travail dispose qu'en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte prévues aux articles L 1226-10 à L 1226-12, en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires et qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et le cas échéant avec l'indemnité spéciale de licenciement.Reconnue travailleur handicapé depuis le 3 octobre 2002, Madame E... F... C... Y... était âgée de 55 ans au moment du licenciement. Elle perçoit une allocation mensuelle aux adultes handicapés depuis son licenciement de 800,45 euros. Au regard de son ancienneté de 16 ans et 6 mois et de sa situation personnelle, la cour lui alloue sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail, une indemnité de 21.300 euros correspondant à 16 mois de salaires arrondis » ;

1. ALORS QUE le caractère abusif ou non du refus du poste proposé à un salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'a d'incidence que sur le bénéfice des indemnités de rupture spécifiques garanties par l'article L. 1226-14 du code du travail ; qu'en cas de refus, abusif ou non, du poste proposé, il revient à l'employeur d'établir qu'il ne disposait d'aucun autre poste disponible compatible avec l'état de santé du salarié et, le cas échéant, au juge de s'en assurer ; qu'en l'espèce, Madame Y... avait été déclarée « inapte au poste d'agent de production », le médecin du travail précisant « contre-indication aux gestes répétés ou forcés des poignets, à haute fréquence, à la station debout prolongée, au port de charge ; à muter vers contrôle qualité, accueil, tâches administratives » ; que la société ROYAL SERVICE avait précisé qu'il résultait du registre du personnel qu'elle ne disposait d'aucun poste susceptible d'être offert au titre du reclassement, et que c'était dans ces conditions qu'elle avait créé un poste de contrôle qualité à mi-temps proposé à la salariée par courrier du 13 octobre 2009, en précisant que « l'autre mi-temps journalier pourrait être consacré au ménage des parties communes et sanitaires de l'entreprise » ; que, pour condamner la société ROYAL SERVICES au paiement de sommes au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail, la cour d'appel a retenu que le poste proposé, même s'il avait été créé pour la salariée, ne correspondait qu'en partie aux préconisations du médecin du travail, en sorte qu'elle l'avait refusé sans abus ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si, ainsi que le soutenait la société ROYAL SERVICES, aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226- 10, L. 1226-12, et L. 1226-15 du code du travail ;

2. ALORS QU'en en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société ROYAL SERVICE précisant qu'elle ne disposait d'aucun poste permettant le reclassement de Madame Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu de soumettre au médecin du travail le poste proposé ; qu'en retenant que l'employeur ne justifiait pas être revenu vers le médecin du travail avant d'adresser la proposition de poste à la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 1226-14, L. 1226-15, et L. 4624-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 21 mai 2012 et, statuant à nouveau et y ajoutant, et d'AVOIR condamné la société ROYAL SERVICE à payer à Madame Y... la somme de 264,21 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L 1226-14 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE «Sur les conséquences indemnitaires du licenciement ; L'employeur ne justifiant pas de l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10 et le refus du reclassement par la salariée du poste proposé n'étant pas abusif, la rupture du contrat de travail ouvre droit pour Madame E... F... C... Y... à : - une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue, à l'article L 1234-5, correspondant, au regard des dispositions de la convention collective applicable, à deux mois de salaire, soit la somme de 2.642,10 euros (1.321,05 euros x 2), ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés y afférents de 264,21 (
) » ;

ALORS QUE l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et, dès lors, n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en condamnant néanmoins l'exposante au paiement d'une somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L 1226-14 du code du travail, la cour d'appel a violé ledit article.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18162
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-18162


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.18162
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