LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 février 2017), que, par acte du 12 juin 2001, la SCI du domaine de la roche (l'emprunteur) a souscrit auprès de la société caisse d'épargne-logement Deutsche Bausparkasse Badenia (la banque), un crédit immobilier composé de deux phases, la première étant constituée d'un prêt anticipé au taux nominal fixe de 5,85 % pendant cinq ans, au cours duquel serait versé un « avoir d'épargne-logement » et la seconde portant sur un prêt d'épargne logement d'un montant prévisionnel de 135 607 euros au taux nominal de 4,5 % ; que, le 1er mars 2004, l'emprunteur a consenti un engagement de caution hypothécaire au profit de la société Crédit foncier de France, aux droits de laquelle vient la société HSBC France ; que, par acte du 12 décembre 2014, la banque a délivré à l'emprunteur un commandement de payer valant saisie immobilière et, le 9 avril 2015, l'a assigné à l'audience d'orientation ; que l'emprunteur a, reconventionnellement, soulevé l'inexactitude du taux effectif global du crédit, sollicité l'annulation du contrat de prêt, de l'engagement de caution hypothécaire et du commandement de payer, et opposé la prescription de l'action de la banque ;
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer ses prétentions irrecevables et de les rejeter, alors, selon le moyen :
1°/ que le point de départ de l'action en nullité du taux effectif global ne peut pas être fixé à la date du prêt lorsqu'il ne fait état d'aucun taux effectif global ; qu'en faisant courir le délai de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce à compter de la date de ce prêt, quand elle constate elle-même qu'il ne fait pas mention d'un taux effectif global mais seulement d'un « teg prévisionnel », la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation ;
2°/ que le juge qui déclare une action irrecevable excède ses pouvoirs quand il statue sur le bien-fondé de cette action ; qu'en énonçant que l'action que l'emprunteur a formée pour voir annuler la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce est mal fondée après l'avoir déclarée irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tenait des articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation ;
3°/ que tout écrit constatant un contrat de prêt doit faire mention de son taux effectif global ; qu'en énonçant que l'action que l'emprunteur formait pour voir annuler la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce est mal fondée, quand elle constate que ce prêt fait mention, non d'un taux effectif global, mais seulement d'un « teg prévisionnel », la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt constate que l'acte authentique décrit avec précision le mécanisme des deux prêts et prévoit que le second ne pourra prendre effet que si l'emprunteur manifeste son intention de cesser le premier ; qu'il ajoute que le second prêt n'était que prévisionnel et pouvait varier en fonction de l' « avoir épargne-logement », de sorte que son taux effectif global ne pouvait qu'être prévisionnel ; qu'ayant relevé que l'emprunteur fondait sa contestation relative à la mention du taux effectif global sur les dispositions mêmes de la convention, sans y ajouter d'autres éléments ou de quelconques calculs, la cour d'appel a souverainement estimé qu'il avait eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'erreur alléguée dès la signature de l'acte ; qu'elle en a exactement déduit que la prescription était acquise ;
Attendu, ensuite, que, si l'arrêt confirme le jugement qui avait rejeté la contestation de l'emprunteur et le complète en déclarant cette contestation irrecevable comme prescrite, aucune de ces décisions ne comporte d'autres motifs que ceux relatifs à l'acquisition de la prescription et n'a donc statué au fond ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI du domaine de la roche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société caisse d'épargne-logement Deutsche Bausparkasse Badenia AG la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la SCI du domaine de la roche.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, lequel complète le dispositif du jugement entrepris, D'AVOIR débouté la société du Domaine de La Roche de sa contestation de saisie immobilière, laquelle visait à faire juger,
. d'une part, que la créance de la société Deutsche Bausparkasse Badenia n'est pas certaine liquide et exigible,
. et, d'autre part et par conséquent, que le commandement valant saisie du 22 septembre 2014 est irrégulier à défaut de contenir, outre le taux des intérêts moratoires, le décompte des sommes, en principal, frais et intérêts, réclamées au débiteur saisi ;
AUX MOTIFS QUE « la sci fonde [
] sa contestation [relative à la mention du teg dans l'acte de prêt] sur les dispositions mêmes de la convention sans y ajouter d'autres éléments ou de quelconques calculs, et que, dès la conclusion du contrat, elle a donc eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'erreur qu'elle affirme affecter le taux effectif global du prêt litigieux » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 7e attendu) ; « que la société du Domaine de La Roche est donc prescrite dans sa contestation et que ce n'est que surabondamment qu'il sera relevé qu'il ressort de son argumentation sus-exposée qu'elle procède par affirmation et se borne à prétendre que le teg était "nécessairement inexact" sans apporter la preuve qui lui incombe que le teg prévisionnel, seul mentionné dans le contrat de prêt, n'aurait pas été correctement calculé et qu'il serait supérieur à celui que la société Badenia était en droit de réclamer » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er attendu) ;
1. ALORS QUE le point de départ de l'action en nullité du taux effectif global ne peut pas être fixé à la date du prêt lorsqu'il ne fait état d'aucun taux effectif global ; qu'en faisant courir le délai de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce à compter de la date de ce prêt, quand elle constate elle-même qu'il ne fait pas mention d'un taux effectif global mais seulement d'un « teg prévisionnel », la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation ;
2. ALORS QUE le juge qui déclare une action irrecevable excède ses pouvoirs quand il statue sur le bien-fondé de cette action ; qu'en énonçant que l'action que la société du Domaine de la Roche a formée pour voir annuler la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce est mal fondée après l'avoir déclarée irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tenait des articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation ;
3. ALORS QUE tout écrit constatant un contrat de prêt doit faire mention de son taux effectif global ; qu'en énonçant que l'action que la société du Domaine de la Roche formait pour voir annuler la stipulation d'intérêt du prêt de l'espèce est mal fondée, quand elle constate que ce prêt fait mention, non d'un taux effectif global, mais seulement d'un « teg prévisionnel », la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien, 1906 et 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-2 ancien et L. 314-5 actuel du code de la consommation.