LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 111-11 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée ; que cette exécution ne peut donner lieu qu'à restitution ; qu'elle ne peut en aucun cas être imputée à faute ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, statuant sur l'appel d'une ordonnance de référé du 6 décembre 2006 ayant débouté M. X... de ses demandes en résiliation du bail commercial le liant à la société Saber et en expulsion, une cour d'appel a, par un arrêt du 23 octobre 2007, infirmé cette décision et, statuant à nouveau, constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la société Saber et a condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer ; que M. X... a fait signifier cet arrêt et fait délivrer un commandement d'avoir à quitter les lieux à la société Saber ; que par un arrêt du 9 décembre 2008 (3e Civ., 9 décembre 2008, pourvoi n° 07-22.002), la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 23 octobre 2007 ; que par un arrêt irrévocable du 5 février 2015, la cour d'appel de renvoi a confirmé l'ordonnance de référé du 6 décembre 2006 ; que M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Saber, a saisi un juge de l'exécution à fin d'indemnisation du préjudice résultant de son départ des lieux en exécution de l'arrêt du 23 octobre 2007 sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que pour dire que la responsabilité de M. X... est engagée sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'arrêt retient qu'il a fait procéder à l'exécution forcée à ses risques et périls d'un arrêt rendu en matière de référé, constituant un titre exécutoire à titre provisoire n'ayant pas statué au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la cassation d'un arrêt exécuté ne peut donner lieu qu'à restitution, peu important qu'il ait été rendu en matière de référé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Y... en qualité de liquidateur judiciaire de la société Saber aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit que la responsabilité de M. X... était engagée sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution à l'égard de Me Y... ès qualités, de l'AVOIR en conséquence condamné à payer une provision de 5.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice et d'AVOIR ordonné une expertise aux fins d'évaluer le préjudice subi du fait de l'exécution forcée de l'arrêt du 27 octobre 2007 ;
AUX MOTIFS QU' « en vertu de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, « sous réserves des dispositions de l'article L. 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie au risque du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié » ; (...) qu'il résulte des éléments de la procédure que M. X..., après avoir interjeté appel d'une ordonnance de référé l'ayant débouté de ses demandes de résiliation du bail et d'expulsion de la société Saber, a obtenu l'infirmation de ladite ordonnance par un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 23 octobre 2007, qui a constaté la résiliation du bail commercial liant M. X... à la société Saber et ordonné l'expulsion de cette dernière dans les deux mois suivant la signification de l'arrêt ; qu'il est constant que M. X... a signifié l'arrêt du 23 octobre 2007 à la société Saber par acte d'huissier du 6 novembre 2007 et a délivré le 7 novembre 2007 à la société Saber un commandement de quitter les lieux au plus tard le 7 janvier 2008 ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 9 décembre 2008, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée ; que, par arrêt du 5 février 2015, la cour d'appel de Nîmes a confirmé l'ordonnance de référé du 6 décembre 2006 et rejeté les exceptions soulevées par M. X... ; que le pourvoi formé par M. X... a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2016 ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu par M. X... que la société Saber a souhaité mettre un terme au bail et interrompre son activité commerciale et qu'il est totalement étranger à cette décision alors même qu'il a fait délivrer à cette société un commandement de libérer les lieux le 7 novembre 2007 lui rappelant son expulsion prononcée par arrêt du 3 octobre 2007 dûment signifié et lui enjoignant de quitter les locaux loués au plus tard le 7 janvier 2008 ; que, par ailleurs, c'est à tort que M. X... soutient que l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 23 octobre 2007 conditionnait la recevabilité du pourvoi en cassation de la société Saber en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile alors que l'exécution préalable de l'arrêt d'appel n'est prévue par ce texte qu'après le dépôt dans les délais prescrits d'une demande de radiation par le défendeur dont le bien-fondé est appréciée par le premier président ou son délégué ; que l'exécution de l'arrêt d'appel ne constituait donc pas une condition de recevabilité du pourvoi ; qu'il ne fait pas de doute qu'en signifiant à la société Saber l'arrêt du 23 octobre 2007 et en lui délivrant le 7 novembre 2007, soit avant expiration du délai de pourvoi de deux mois suivant l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 23 octobre 2007, un commandement de libérer les lieux, M. X... a procédé à l'exécution forcée à ses risques et périls d'une décision qui n'était pas passée en force de chose jugée et qui a été annulée par un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2008 ; que l'action en indemnisation engagée à l'encontre de M. X... par Me Y... ès qualités est fondée sur l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution étant rappelé que l'arrêt du 27 octobre 2007 a été rendu en matière de référé et non au fond et qu'il constituait bien un titre exécutoire provisoire, contrairement à l'argumentation développée par Me X... ; qu'il s'ensuit que l'article L. 111-11 du code précité dont se prévaut l'appelant et qui limite les conséquences d'une cassation d'un arrêt d'appel au fond à la seule restitution est inapplicable en l'espèce ; (...) ; que par application de l'article L. 111-10 du code des procédures d'exécution, l'exécution d'une décision de justice n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit à charge pour lui de réparer, en cas d'infirmation de la décision, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution, sans qu'il y ait lieu de relever de faute dans l'exécution de la décision ; qu'il est d'évidence que l'exécution forcée de l'arrêt du 27 octobre 2007 a conduit la société Saber à quitter le local commercial loué où elle exploitait un salon de thé et petite restauration et à interrompre une activité commerciale qu'elle ne pouvait plus poursuivre ; que Me Y... affirme que l'état de cessation des paiements qui a motivé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Saber puis sa mise en liquidation judiciaire est dû à la perte du local loué et en veut pour preuve l'augmentation du résultat d'exploitation au cours des deux années qui ont précédé l'expulsion, soit 4.954,53 euros en 2005 et 5.271,00 euros en 2006 avec une chute en 2007 à - 21.484,59 s'expliquant par une perte de chiffre d'affaires avec un maintien des charges outre la perte de valeur du droit au bail comptabilisé comme une charge exceptionnelle de 190.000 euros ; qu'il évalue le préjudice subi à la somme de 315.000 euros correspondant à la perte du fonds de commerce majorée de frais divers, notamment de déménagement, de réinstallation, de licenciement, d'indemnité de remploi évalués à la somme de 71.448,50 euros ; que M. X... objecte que la situation financière de la société Saber était obérée avant même la mise à exécution de l'arrêt du 23 octobre 2007 puisque la société Saber présentait lors de son dépôt de bilan en 2007 un déficit de 215.000 euros et qu'elle n'a jamais généré de bénéfices ; qu'il ajoute que les indemnités sont réclamées par l'appelant sur la base d'un rapport non contradictoire dont l'auteur n'est pas désigné ; que celui-ci valorise le fonds de commerce à une somme variant entre 292.000 et 334.000 euros alors que le droit au bail a été acquis trois ans avant le dépôt du bilan pour la somme de 152.000 euros ; qu'il considère également que le chiffre d'affaires doit être pris en compte sur la base des seules activités autorisées au bail et conformes à l'objet social de la société ; qu'en l'espèce, la société Saber ne se limitait pas à une activité de salon de thé et exerçait une activité de restauration ; qu'il considère en outre que les frais annexes motivant la demande d'indemnisation ne sont justifiés par aucune pièce pertinente ; qu'ainsi, les contrats de travail ne sont pas produits, ni les factures de déménagement ; que l'état de frais du mandataire liquidateur n'a pas été vérifié ; qu'en l'état de l'opposition des parties sur la détermination du préjudice subi par la société Saber, il est nécessaire de désigner un expert qui aura pour mission de déterminer l'ampleur du préjudice subi par la société Saber représentée par Me Y..., sur la base de tout élément pertinent, notamment les chiffres d'affaires réalisés par la société Saber sur les trois années qui ont précédé l'éviction des lieux, le prix d'acquisition du droit au bail, les perspectives de développement de la société, outre les frais divers directement occasionnés par la mise à exécution forcée de la décision provisoire par le bailleur ; (...) ; qu'en considération du nécessaire préjudice occasionné à la SARL Saber représentée par son mandataire liquidateur par la délivrance d'un commandement de quitter les lieux qui l'a conduite à interrompre son activité commerciale, il est d'ores et déjà justifié de condamner M. X... au paiement d'une provision de 5.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi » ;
ALORS QU' il résulte de l'article L. 111-11 du code des procédures civiles d'exécution que le pourvoi en cassation n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée et que cette exécution ne peut donner lieu qu'à restitution et ne peut en aucun cas être imputée à faute ; qu'en retenant que la responsabilité de M. X... était engagée sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, en le condamnant au paiement d'une provision à valoir sur la réparation du préjudice et, avant dire droit sur l'indemnisation totale due, en ordonnant une expertise tendant à l'évaluation du préjudice subi en ce qu'il avait procédé à l'exécution d'un arrêt frappé de pourvoi par la suite cassé à ses risques et périls au motif inopérant que cette décision avait été rendue en matière de référé et non au fond et constituait un titre exécutoire provisoire, ce qui excluait l'application de l'article L. 111-11, la cour d'appel a violé l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, par fausse application, et l'article L. 111-11, par refus d'application.