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30/01/2019 | FRANCE | N°17-22018

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 janvier 2019, 17-22018


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 5 juin 2010 en qualité d'ouvrier par la société La Fonte ardennaise, a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 6 septembre 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 3122-32 du code du travail, alors app

licable ;

Attendu que, selon l'article L. 3122-32 du code du travail, interprété à la lumière...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 5 juin 2010 en qualité d'ouvrier par la société La Fonte ardennaise, a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 6 septembre 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 3122-32 du code du travail, alors applicable ;

Attendu que, selon l'article L. 3122-32 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2003/88/CE, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'il en résulte que le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en oeuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement ;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié au titre du travail de nuit, l'arrêt retient que le travail de nuit dans les entreprises de métallurgie est prévu par l'accord collectif du 3 janvier 2002 et que cet accord rappelle la nécessité d'y recourir pour assurer la continuité de l'activité économique ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que le salarié faisait valoir que le travail effectué partiellement la nuit n'avait rien d'exceptionnel et n'était pas justifié par l'activité économique de l'entreprise, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si le recours au travail de nuit au sein de la société était justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique et était indispensable à son fonctionnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de sa demande indemnitaire au titre du recours au travail de nuit, l'arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société La Fonte ardennaise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Fonte ardennaise à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de M. Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE la société Fonte Ardennaise reproche au salarié d'avoir, dans la nuit du 26 au 27 août 2013, produit des pièces défectueuses sans exercer le contrôle qualité qui lui incombait ce à quoi M. Y... s'oppose en arguant de ce que : - la défectuosité des pièces et pour origine un dysfonctionnement de la machine 922 sur laquelle il a été affecté sans formation, - que le manquement ne peut lui être imputable faute de traçabilité des pièces produites, - qu'il a été sanctionné dès le 27 août 2013 par le chef de chantier tel que cela ressort d'un courriel, que l'employeur demande d'écarter des débats en raison de son obtention frauduleuse, - que son incapacité à satisfaire ses obligations professionnelles n'est pas démontrée sachant qu'il a toujours donné satisfaction ; qu'au préalable, il faut rappeler que s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la charge de la preuve est partagée ; que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu l'absence d'imputabilité des défectuosités des pièces au salarié licencié ; qu'en effet, M. Y... ne conteste pas l'existence de pièces non conformes mais prétend que la production défectueuse ne lui est pas imputable en raison de la diversité d'intervenants sur la machine 922 qui lui a été attribuée dans la nuit du 26 au 27 août 2013 ; qu'or l'employeur verse aux débats l'historique de l'utilisation de la machine qui démontre que dans la nuit du 26 au 27 août 2013 c'est M. Y... qui a travaillé sur la machine 922A de 20 heures à 4 heures pour produire 211 pièces ; que si d'autres personnes ont travaillé sur la machine le 26 août 2013, les horaires ne se chevauchent pas avec ceux de M. Y... ; qu'or, selon le directeur technique, M. Z..., le service qualité a exercé son contrôle le 27 août entre 4 heures et 7 heures du matin de sorte que, à supposer qu'un autre salarié ait pris le relais de la production au matin du 27 août 2013, l'imputabilité des défectuosités à la production de M. Y... est démontrée par l'employeur ; que toutefois, ce n'est pas la défectuosité des pièces qui est reprochée à M. Y... mais l'absence de contrôle qualité, avalisant, par une absence de reprise ou de mise au rebut, une livraison d'un produit défectueux au client ; que par conséquent, la question de la défectuosité de la machine elle-même est indifférente ; que le grief est établi notamment par l'historique d'utilisation de la machine qui totalise le taux de rebut, par l'attestation de M. Z..., qui dit avoir constaté lui-même les défectuosités non signalées, par le courriel écrit le 27 août 2013 par M. Z... à M. A... signalant une absence d'ébavurage des pièces produites par M. Y... ; que la société employeur demande d'écarter cette pièce des débats dès lors que sur la foi d'une attestation produite par M. A..., cette pièce a été obtenue de force et sous la menace ; que cette pièce sera toutefois maintenue dans le débat dès lors que, nonobstant les moyens contestables utilisés pour l'obtenir, il s'agit d'un courriel qui n'était certes pas adressé au salarié mais qui n'était couvert ni par le secret professionnel ni par le respect de la vie personnelle et privée ; que M. Y... prétend que ce courriel qui indique que M. A..., chef d'équipe, lui aurait dit que « c'était le dernier avertissement » contient sanction disciplinaire épuisant ainsi le pouvoir disciplinaire de l'employeur ; qu'or, l'avertissement oral délivré par un chef de service qui ne dispose pas du pouvoir de sanction ne peut être considéré comme une sanction disciplinaire de l'employeur, étant observé que les sanctions préalables délivrées à l'encontre de M. Y... étaient toujours signées du responsable des ressources humaines ainsi que du directeur du site ou du président du directoire ; qu'en outre, M. Y... prétend, sans le justifier, qu'il n'a pas été formé à la machine 922 alors que c'est l'objet de sa mission repris dans le contrat de travail et plus précisément conduire la machine, contrôler, emballer et manipuler les pièces ; qu'enfin, il soutient qu'il travaillait sur une machine sans aménagement de poste prévu par la médecine du travail sans justifier que son insuffisance professionnelle serait en lien avec ce manquement de l'employeur ; qu'en ne faisant pas le contrôle prévu dans son contrat de travail, alors qu'il avait été sanctionné précédemment, notamment le 13 mai 2013 pour des faits identiques, M. Y... s'est révélé dans l'incapacité de réaliser les tâches qui lui étaient demandées, faisant ainsi la démonstration de son insuffisance professionnelle justifiant son licenciement ; le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a octroyé des indemnités de rupture.

1°) ALORS QU'il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; qu'en refusant de rechercher comme elle y était invitée si la véritable cause du licenciement du salarié n'était pas son état de santé, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article L. 1235-1 du code du travail, alors applicable.

2°) ALORS QU'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; que pour dire que l'avertissement oral du chef de service ne pouvait pas être considéré comme une sanction disciplinaire de l'employeur épuisant ainsi son pouvoir disciplinaire, l'arrêt retient qu'un chef de service ne dispose pas du pouvoir de sanction ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni expliquer en quoi les fonctions du chef de service excluaient une délégation de pouvoir pour procéder à l'avertissement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et 1998 du code civil, ensemble le principe non bis in idem et l'article L. 1235 du code du travail, alors applicable.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'interdiction du travail de nuit ;

AUX MOTIFS QUE M. Y... soutient que l'institutionnalisation du travail de nuit dans l'entreprise est douteuse, dans la mesure où : - il n'est pas justifié par la nature de l'activité, en contravention à l'article L. 3122-32 du code du travail, - il n'est pas justifié d'un accord collectif comme exigé par l'article L. 3122-32 du code du travail ; que comme l'a justement noté le conseil de prud'hommes, le travail de nuit dans les entreprises de métallurgie est prévu par un accord collectif ; que cet accord du 3 janvier 2002, figurant au dossier rappelle la nécessité d'y recourir pour assurer notamment la continuité de l'activité économique ; que le moyen, non fondé, doit être rejeté, comme l'a fait le conseil de prud'hommes dans son jugement qui sera confirmé ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il n'est pas contesté que M. Y... était amené à travailler de nuit ; que la relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et annexes des Ardennes ; que les conditions de mise en oeuvre du travail de nuit étant conformes aux dispositions légales, la demande de dommages et intérêts sur ce fondement est rejetée.

ALORS QUE selon l'article L. 3122-32 du code du travail interprété à la lumière de la directive 93/104 du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'il en résulte que le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en oeuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement ; que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour violation de l'interdiction du travail de nuit, l'arrêt retient que le travail de nuit dans les entreprises de métallurgie est prévu par un accord collectif du 3 janvier 2002 rappelant la nécessité d'y recourir pour assurer notamment la continuité de l'activité économique et que les conditions de mise en oeuvre du travail de nuit sont conformes aux dispositions légales ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier concrètement si le recours au travail de nuit était justifié au vu de la situation particulière de la société Fonte Ardennaise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3122-32 du code du travail interprété à la lumière de la directive 93/104 du 23 novembre 1993.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22018
Date de la décision : 30/01/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 24 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jan. 2019, pourvoi n°17-22018


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22018
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