LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lefranc Vinolux a fait l'objet d'un plan de cession arrêté par un jugement du 19 octobre 2012 au profit de la société J Milliet Bercy Bistrot Cash (la société Milliet), laquelle, autorisée par une disposition de ce jugement, s'est substitué la société LM Boissons, pour l'exécution du plan ; que cette dernière société a elle-même été mise en liquidation judiciaire le 22 novembre 2013, la société Y...-A... étant désignée en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a assigné la société Milliet en paiement des échéances d'un prêt consenti par la société Banque commerciale du marché Nord Europe (la société BCMNE), repris par le cessionnaire substitué ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce ;
Attendu que si l'auteur de l'offre de reprise retenue par le tribunal demeure garant solidairement des engagements qu'il a souscrits lors de la préparation du plan de cession en cas de substitution autorisée du cessionnaire, il ne garantit pas à celui-ci l'exécution de l'obligation légale qui pèse sur le cessionnaire de s'acquitter des échéances du prêt transféré, sauf engagement personnel de sa part ;
Attendu que pour condamner la société Milliet à payer au liquidateur de la société LM Boissons la somme de 186 869,32 euros, l'arrêt, après avoir retenu que la société LM Boissons devait s'acquitter des échéances du prêt litigieux, conformément à l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce, relève que la société Milliet s'était engagée "à maintenir (sa) garantie financière en faveur de l'activité, objet de l'offre au minimum pour le temps nécessaire au remboursement des encours d'emprunts de la BCMNE" soit "un encours total d'environ 285 000 euros" et en a déduit qu'elle s'était engagée à supporter les échéances à échoir du prêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la société Milliet s'était engagée en faveur de la société LM Boissons à exécuter personnellement les obligations mises à la charge de cette dernière envers la société BCMNE, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il condamne la société Milliet à payer à la société Y...-A..., en sa qualité de liquidateur de la société LM Boissons, la somme de 186 869,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2014, l'arrêt rendu le 20 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Y... - A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société J Milliet Bercy Bistrot Cash
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Milliet à payer à la SELARL Y...- A... prise en la personne de Me D... Y..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société LM Boissons, la somme de 186.869,32 € avec intérêt au taux légal à compter du 16 mai 2014 ;
Aux motifs que « la société LM Boissons a été spécialement créée pour reprendre l'activité de la société Lefranc Vinolux placée en redressement judiciaire; elle est devenue cessionnaire du plan de cession de cette société, arrêté par le jugement du 19 octobre 2012 au profit de la société Milliet, par l'effet de la clause de substitution figurant à l'offre de cession désormais expressément autorisée par la loi de sauvegarde qui a eu pour effet d'ajouter un troisième alinéa à l'article L. 642-9 du code de commerce, lequel alinéa dispose « toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession. L'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits ». En l'occurrence, la substitution de la société Milliet par une autre société a été expressément prévue par le jugement arrêtant le plan de cession, le tribunal ayant ordonné la cession totale de la société Lefranc Vinolux au profit de la société Milliet ou de toute personne morale, dont ladite société se porterait fort. La substitution de la société Milliet par la société LM Boissons au titre de la cession de la société Lefranc Vinolux est par conséquent régulière. Le liquidateur judiciaire fonde ses demandes non seulement sur le troisième alinéa de l'article L. 642-9 du code de commerce, mais invoque, en sus, au soutien de sa demande en paiement à hauteur de la somme de 187.635,20 € correspondant au solde restant dû au titre des contrats de prêt consentis par la BCMNE et garantis par des nantissements sur le fonds de commerce de la société Lefranc Vinolux, le quatrième alinéa de l'article 642-12 du même code. Les fondements juridiques des différentes demandes du liquidateur judiciaire n'étant pas identiques, pour la clarté de l'exposé, la demande au titre du solde des contrats de prêts sera examinée en premier lieu, puis les autres demandes en paiement. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 642-12 du code de commerce, la charge des sûretés mobilières garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire qui est tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de propriété. Les contrats de prêts consentis par la BCMNE étant assortis de plusieurs nantissements sur le fonds de commerce qui était exploité par la société Lefranc Vinolux et n'étant pas contesté que ces sûretés étaient régulièrement inscrites, ils sont soumis aux dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce. La société Milliet aux termes de son offre (page 9) s'est engagée « à maintenir (sa) garantie financière en faveur de l'activité objet de l'offre au minimum pour le temps nécessaire au remboursement des encours d'emprunts de la BCMNE visés plus haut » soit « un encours total d'environ 285.000 € » (page 8). Le jugement a ordonné la cession au profit de la société Milliet ou de toute personne morale dont elle se porterait fort, aux conditions de reprise figurant au rapport de l'administrateur judiciaire présentant notamment la caractéristique suivante : « reprise par application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, de la charge des contrats de prêts consentis par la BCMNE en 2008 sous les n° [...] , [...], [...], pour les échéances à échoir à la date d'entrée en jouissance (montant estimé 186.869,32 € ». L'engagement souscrit par la société Milliet aux termes de son offre étant de supporter les échéances à échoir pour un montant estimé à hauteur de la somme de 186.869,32 €, des emprunts contractés envers la BCMNE, elle reste tenue après s'être faite substituer par la société LM Boissons en application de l'article 642-9 alinéa 3 du code de commerce, au paiement de cette somme, laquelle portera intérêt au taux légal à compter du 16 mai 2014, date de l'assignation ; le jugement sera donc infirmé en de ses demandes au titre des contrats de prêts consentis par la BCMNE et garantis par les nantissements pris sur le fonds de commerce » ;
1°) Alors que si l'auteur de l'offre retenue par le tribunal, autorisé à se substituer un tiers cessionnaire, reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits dans sa proposition de reprise, parmi lesquels ceux relatifs à la poursuite des contrats qui y figurent, l'engagement de poursuivre ces contrats résultant du plan arrêté par le tribunal ne s'étend pas à la garantie, envers les cocontractants cédés, de la bonne exécution des obligations en résultant par le cessionnaire substitué ; qu'en énonçant que la société Milliet restait tenue, après s'être fait substituer par la société LM Boissons au paiement des contrats de prêt repris, lorsqu'il résultait de son offre de reprise qu'elle ne comportait aucune garantie expresse envers le cocontractant cédé de la bonne exécution du contrat par le repreneur substitué, la cour d'appel a violé l'article L. 642-9 alinéa 3 du Code de commerce ;
2°) Alors subsidiairement que seuls les créanciers cédés peuvent, le cas échéant, obtenir la mise en oeuvre de la garantie, souscrite par l'auteur de l'offre de reprise, de la bonne exécution de ses obligations par le repreneur substitué ; qu'en permettant au liquidateur de l'emprunteur d'obtenir, en lieu et place du créancier cédé, le paiement des échéances du prêt auprès de la société Milliet, la cour d'appel a violé les articles L. 642-9 alinéa 3 et L. 641-4 du Code de commerce.