LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et la société Cemex bétons Centre et Ouest (la société) ont conclu le 25 septembre 1998 puis le 2 juillet 2002 deux contrats de location de véhicules avec conducteur moyennant une recette minimale annuelle ; que la société a mis fin au contrat le 31 janvier 2010 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de salarié et de demandes afférentes ; que l'existence d'un contrat de travail a été reconnue par un arrêt rendu par la cour d'appel de Caen le 14 juin 2013 devenu irrévocable ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes au titre du coût de remise en état de son camion et au titre du remboursement des charges sociales, du coût des camions, des impôts acquittés et des charges d'exploitation, alors, selon le moyen, que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération due à ce salarié ; qu'en déboutant M. X... de ses demandes de remboursement de frais liés au coût d'acquisition des camions de transport, aux frais de remise en état de ces véhicules et aux charges d'exploitation, impôts et cotisations sociales liés à l'usage des camions, au motif que le salaire perçu par celui-ci était "largement supérieur au salaire minimum conventionnel applicable à sa catégorie", quand la société Cemex ne pouvait prétendre imputer les frais litigieux sur la rémunération due à M. X..., fût-elle supérieure au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a violé la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur, ensemble l'article 1103 nouveau du code civil et l'article L. 3211-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a fixé, au vu des éléments dont elle disposait, la rémunération mensuelle en fonction du salaire minimum conventionnel applicable à la somme de 1 501,89 euros, sans imputer de frais professionnels sur cette rémunération, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, retenant que l'employeur avait sciemment dissimulé sous l'apparence d'un autre contrat la prestation de travail exécutée par le salarié, a caractérisé l'intention de dissimulation ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article L. 3141-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une convention expresse entre les parties et ne pas être défavorable au salarié ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité de congés payés, l'arrêt retient que les salaires que l'intéressé soutient avoir perçus - soit 4 687,50 euros mensuels - s'avèrent supérieurs au salaire minimum conventionnel augmenté de 10 % au titre des congés payés ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, sans avoir constaté l'existence d'une convention expresse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité de congés payés, l'arrêt rendu le 26 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Cemex bétons Centre et Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cemex bétons Centre et Ouest à payer à Me A... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Cemex à lui payer les sommes de 8.970 euros au titre du coût de remise en état de son camion, 95.224,93 euros au titre du remboursement des charges sociales, 189.755,29 euros au titre du remboursement du coût des camions, 42.744 euros au titre du remboursement des impôts acquittés et 514.000,50 euros au titre du remboursement des charges d'exploitation ;
AUX MOTIFS QUE le contrat liant les parties a été requalifié en contrat de travail au vu notamment des éléments figurant dans les contrats de 1998 et 2002. Dès lors, il n'y a pas lieu de considérer, au vu du précédent arrêt, que le contrat ayant existé antérieurement entre les parties entre 1991 et 1998 s'analyse en un contrat de travail. Les parties ont conclu, en 1998 puis en 2002, un contrat qui imposait au loueur de mettre à disposition un véhicule et un chauffeur. Les coûts d'entretien du véhicule, les charges d'exploitation, les charges sociales étaient assumées par M. X.... M. X... estime avoir perçu dans le cadre de ce contrat un salaire brut mensuel de 4.687,50 €. Ce salaire étant largement supérieur au salaire minimal conventionnel applicable à sa catégorie , M. X... n'est pas fondé à obtenir les remboursements qu'il réclame (charges sociales, remboursement de l'achat des camions, frais de remise en état du camion, remboursement des impôts et charges d'exploitation...). En effet, ces demandes ne seraient fondées que si la prise en charge de ces différents frais avait conduit à réduire son salaire en-dessous du minimum conventionnel applicable à sa catégorie, ce qu'il ne soutient pas. Il sera en conséquence débouté de l'ensemble des demandes de remboursement de frais qu'il a présentées (arrêt attaqué p. 3, al. 2 à 5) ;
ALORS QUE les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération due à ce salarié ; qu'en déboutant M. X... de ses demandes de remboursement de frais liés au coût d'acquisition des camions de transport, aux frais de remise en état de ces véhicules et aux charges d'exploitation, impôts et cotisations sociales liés à l'usage des camions, au motif que le salaire perçu par celui-ci était "largement supérieur au salaire minimum conventionnel applicable à sa catégorie", quand la société Cemex ne pouvait prétendre imputer les frais litigieux sur la rémunération due à M. X..., fût-elle supérieure au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a violé la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur, ensemble l'article 1103 nouveau du code civil et l'article L. 3211-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Cemex à lui payer la somme de 28.695,05 euros à titre d'indemnité de congés payés ;
AUX MOTIFS QUE M. X... réclame le paiement, non de dommages et intérêts pour n'avoir pas bénéficié de congés payés mais des congés payés afférents aux salaires qu'il estime avoir touchés, soit 10 % des sommes figurant sous l'appellation "produits d'exploitation" dans le compte de résultat. Toutefois, les salaires que M. X... soutient avoir perçus - soit 4.687,50 € mensuels - s'avèrent supérieurs au salaire minimum conventionnel augmenté de 10 % au titre des congés payés. M. X... sera donc débouté de cette demande (arrêt attaqué p. 3, al. 6 à 7) ;
ALORS QUE s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une convention expresse entre les parties et ne pas être défavorable au salarié ; qu'en déboutant M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés, au motif que le salaire perçu par celui-ci était supérieur au salaire minimum conventionnel augmenté de 10 % au titre des congés payés, quand cette circonstance ne permettait pas d'en déduire, en l'absence de convention expresse, que les congés payés dus à M. X... se trouvaient forfaitairement inclus dans sa rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-22 du code du travail, ensemble l'article 1103 nouveau du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Cemex bétons Centre et Ouest
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société CEMEX BETONS CENTRE ET OUEST à verser à Monsieur X... la somme de 9.011,34 € d'indemnité pour travail dissimulé avec intérêts au taux légal à compter du 14/1/2015 ;
AUX MOTIFS QUE « La présente cour a relevé dans son précédent arrêt que la SAS Cemex Bétons Centre et Ouest imposait à Monsieur X... des horaires de travail précis et fixes, des consignes notamment quant aux bons de livraison, qu'elle se réservait le droit d'effectuer des contrôles et qu'elle a, notamment le 10/9/2009, reproché des retards et une absence à Monsieur X..., qu'enfin elle l'a sanctionné en rompant les relations contractuelles. Dès lors, en recourant à un contrat de prestation de services alors qu'elle s'est comportée en employeur à l'égard du contractant, la SAS Cemex Bétons Centre et Ouest a sciemment dissimulé sous l'apparence d'un autre contrat la prestation de travail exécutée par Monsieur X.... Ce dernier est donc fondé à obtenir une indemnité à raison de la dissimulation de son travail. À ce titre, la SAS Cemex Bétons Centre et Ouest sera condamnée à lui verser 9 011,34 € » ;
ALORS QUE le fait de recourir de manière erronée à une qualification autre que celle de contrat de travail ne saurait caractériser, à lui seul, l'existence d'un travail dissimulé ; que le caractère intentionnel de la faute constitutive du travail dissimulé ne peut donc se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ; qu'en présence d'une erreur de qualification de contrat commise par une entreprise il incombe dès lors aux juges du fond de motiver leur décision par des éléments de fait susceptibles de caractériser une intention frauduleuse de sa part ; que pour retenir la dissimulation d'emploi salarié, la cour d'appel s'est bornée, en l'espèce, à relever que la Société CEMEX BETONS CENTRE ET OUEST avait eu recours de manière inappropriée au contrat de prestation de service, et non au contrat de travail, dans ses relations avec Monsieur X... ; qu'en se fondant sur tels éléments impropres à caractériser l'intention de dissimulation de la société, et en déduisant l'existence d'une dissimulation du seul constat d'une erreur de qualification du contrat commise par la société, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8223-1 et L. 8223-2 du code du travail.