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16/01/2019 | FRANCE | N°17-86726

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2019, 17-86726


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. F... X...,
- M. Y... X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 11 octobre 2017, qui, pour tentative de blanchiment douanier les a condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière et a prononcé une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soul

ard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. F... X...,
- M. Y... X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 11 octobre 2017, qui, pour tentative de blanchiment douanier les a condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière et a prononcé une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général A... ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6§2 de la Convention européenne des droits de l'homme , 409 et 415 du code des douanes, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel de Paris a déclaré M. F... X... coupable de tentative de blanchiment douanier ;

"aux motifs que : « Face aux nombreux éléments recueillis par les services des douanes, les prévenus opposent une série d'arguments qu'il convient d'examiner ; que du caractère spontané de la déclaration des 90 000 euros aux services des douanes, il est tout à fait relatif compte-tenu de la nature et des modalités des espèces transportées et ne peut en rien préjuger de l'origine licite des fonds ainsi transportés (surtout dans une serviette de bains) ; que de l'achat d'un véhicule allemand de haut de gamme, la défense produit aux débats trois courriels en langue allemande des 27 mars, 4 et 9 avril 2013 ; que leur caractère général et leur origine ne permettent pas de s'assurer de la réalité d'une opération d'achat concrète à un prix déterminé dans un garage précis, étant précisé que la destination est les Pays-Bas et non l'Allemagne ; que de la justification des revenus de Y... (bulletins de salaires), la cour constate que si effectivement celui-ci a confortablement gagné sa vie grâce notamment aux primes d'expatriation, ses explications relatives à des prêts en liquide faits à des amis (« une douzaine de copains ») se heurtent au fait qu'il n'a pas voulu, durant l'enquête et l'audience, en révéler l'identité sous prétexte qu'ils ne soient pas « embêtés » alors qu'un simple prêt d'argent n'est pas intrinsèquement répréhensible. Et qui a la conscience claire, doit pouvoir sans difficulté justifier de l'origine de fonds en espèces, étant précisé que cette somme aurait été conservée chez lui depuis 2009 et 2011 ; que des modalités de transport, il est inexact de soutenir qu'un parcours en voiture aurait été plus aisé, car les contrôle routiers entre la France, la Belgique et les Pays-Bas sont fréquents, compte-tenu notamment de la législation plus tolérante sur les stupéfiants dans ce dernier pays ; que de la fiabilité de l'appareil ITESIMER, il résulte du procès-verbal de constat des douanes que celui-ci avait fait l'objet d'une révision par une société agréée, qu'un test de bon fonctionnement a été effectué avant le début de l'analyse, que l'environnement d'analyse n'a pas été pollué, que les agents étaient porteurs de gants non poudrés, changés après chaque analyse positive et que ce matériel est également changé après chaque analyse positive. Les observations de la défense sont dès lors dénuées de fondement ;quant aux relations faites entre ce dossier et d'autres relatives au cercle familial des intéressés, le procès-verbal des services des douanes synthétisant plusieurs fichiers est éloquent :
* M. F... X... est connu pour être en relation habituelle avec M. Y... X..., son père, MM. E... X... , B... X..., ses frères, MM. B... C... et F... D... ;
* le premier a été cité comme complice dans une affaire de trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2005 et 2007 ;
* le troisième est cité dans une affaire d'importation non autorisée de stupéfiants et trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2002 et 2003, usage de stupéfiants entre 2006 et 2007, importation non autorisée de stupéfiants et trafic le 22 mars 2007 pour des faits commis entre 2006 et 2007 ;
* le deuxième est cité dans une affaire d'importation non autorisée de stupéfiants et trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2002 et 2003 avec condamnation à une peine de prison ferme en 2004, importation non autorisée de stupéfiants et trafic le 22 mars 2007 pour des faits entre 2006 et 2007 ; qu'il en va de même pour MM. B... C... et F... D..., étant précisé que ces deux derniers et M. E... X... ont été impliqués dans un convoi de type « go-fast » entre les Pays-Bas et la Bretagne, étant à ce propos noté que les deux véhicules ont été interpellés par la police judiciaire de Lille sur une aire de repos à proximité d'Abbeville : la conduite automobile ne met donc pas à l'abri d'un contrôle ; que tous ces éléments conjugués confortent donc ceux mis en avant à juste titre par les services des douanes :
- l'absence de justificatif probant quant à l'origine licite des sommes découvertes ;
- la destination de Rotterdam, ville d'approvisionnement en produits stupéfiants des frères X... ;
- les petites coupures utilisées fréquemment pour le commerce des stupéfiants ;
- les traces significatives de produits stupéfiants retrouvées sur ces billets ;
- l'arrêt des nombreux appels téléphoniques après le contrôle douanier ;
- l'absence de documents précis et circonstanciés sur l'achat d'un véhicule ; que l'infraction, objet de la poursuite, étant établie en tous ses éléments constitutifs, les deux prévenus en seront déclarés coupables, étant précisé que l'article 409 du code des douanes précise que toute tentative de délit douanier est considérée comme le délit même ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé » ;

"1°) alors que le délit de blanchiment douanier est une infraction intentionnelle qui suppose non seulement que les fonds ayant fait l'objet d'une opération financière entre la France et l'étranger soient issus d'une infraction à la législation sur les stupéfiants, mais encore que l'auteur des transferts ait su personnellement que ceux-ci provenaient directement ou indirectement d'une telle infraction ; qu'en s'abstenant de caractériser d'aucune manière que M. F... X... savait que les fonds transportés provenaient d'une infraction à la législation sur les stupéfiants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ; qu'en se fondant, pour affirmer que les fonds transportés par M. F... X... avaient une origine illicite, sur les citations dans des affaires de trafic de stupéfiants qui avaient par le passé été délivrées à M. Y... X..., M. E... X... et M. B... X..., ainsi que sur l'implication dans une telle affaire de MM. B... C..., F... D... et E... X... , avec qui M. F... X... entretient une relation habituelle, sans indiquer si ces procédures avaient conduit à une déclaration de culpabilité de ces chefs, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision ;

"3°) alors qu' en s'appuyant, pour affirmer que les fonds transportés par M. F... X... avaient une origine illicite, sur le fait que « cette somme aurait été conservée chez [Y... X...] depuis 2009 et 2011 », sans s'expliquer sur l'inutilité de procéder à l'audition de l'épouse de M. Y... X... sur ce sujet, audition expressément sollicitée par la défense dans ses conclusions et dont l'importance avait été soulignée par la décision de première instance, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6§2 de la Convention européenne des droits de l'homme , 409 et 415 du code des douanes, 121-5 du code pénal, préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel de Paris a déclaré M. Y... X... coupable de tentative de blanchiment douanier ;

"aux motifs que : « Face aux nombreux éléments recueillis par les services des douanes, les prévenus opposent une série d'arguments qu'il convient d'examiner ; que du caractère spontané de la déclaration des 90 000 euros aux services des douanes, il est tout à fait relatif compte-tenu de la nature et des modalités des espèces transportées et ne peut en rien préjuger de l'origine licite des fonds ainsi transportés (surtout dans une serviette de bains) ; que de l'achat d'un véhicule allemand de haut de gamme, la défense produit aux débats trois courriels en langue allemande des 27 mars, 4 et 9 avril 2013 ; que leur caractère général et leur origine ne permettent pas de s'assurer de la réalité d'une opération d'achat concrète à un prix déterminé dans un garage précis, étant précisé que la destination est les Pays-Bas et non l'Allemagne ; que de la justification des revenus de M. Y... X... (bulletins de salaires), la cour constate que si effectivement celui-ci a confortablement gagné sa vie grâce notamment aux primes d'expatriation, ses explications relatives à des prêts en liquide faits à des amis (« une douzaine de copains ») se heurtent au fait qu'il n'a pas voulu, durent l'enquête et l'audience, en révéler l'identité sous prétexte qu'ils ne soient pas « embêtés » alors qu'un simple prêt d'argent n'est pas intrinsèquement répréhensible. Et qui a la conscience claire, doit pouvoir sans difficulté justifier de l'origine de fonds en espèces, étant précisé que cette somme aurait été conservée chez lui depuis 2009 et 2011 ; que des modalités de transport, il est inexact de soutenir qu'un parcours en voiture aurait été plus aisé, car les contrôle routiers entre la France, la Belgique et les Pays-Bas sont fréquents, compte-tenu notamment de la législation plus tolérante sur les stupéfiants dans ce dernier pays ; que de la fiabilité de l'appareil ITESIMER, il résulte du procès-verbal de constat des douanes que celui-ci avait fait l'objet d'une révision par une société agréée, qu'un test de bon fonctionnement a été effectué avant le début de l'analyse, que l'environnement d'analyse n'a pas été pollué, que les agents étaient porteurs de gants non poudrés, changés après chaque analyse positive et que ce matériel est également changé après chaque analyse positive ; que les observations de la défense sont dès lors dénuées de fondement ; quant aux relations faites entre ce dossier et d'autres relatives au cercle familial des intéressés, le procès-verbal des services des douanes synthétisant plusieurs fichiers est éloquent :
* M. F... X... est connu pour être en relation habituelle avec M. Y... X..., son père, MM. E... X... , B... X..., ses frères, MM. B... C... et F... D... ;
* le premier a été cité comme complice dans une affaire de trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2005 et 2007 ;
* le troisième est cité dans une affaire d'importation non autorisée de stupéfiants et trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2002 et 2003, usage de stupéfiants entre 2006 et 2007, importation non autorisée de stupéfiants et trafic le 22 mars 2007 pour des faits commis entre 2006 et 2007 ;
* le deuxième est cité dans une affaire d'importation non autorisée de stupéfiants et trafic de stupéfiants pour des faits commis entre 2002 et 2003 avec condamnation à une peine de prison ferme en 2004, importation non autorisée de stupéfiants et trafic le 22 mars 2007 pour des faits entre 2006 et 2007 ; qu'il en va de même pour MM. B... C... et F... D..., étant précisé que ces deux derniers et M. E... X... ont été impliqués dans un convoi de type « go-fast » entre les Pays-Bas et la Bretagne, étant à ce propos noté que les deux véhicules ont été interpellés par la police judiciaire de Lille sur une aire de repos à proximité d'Abbeville : la conduite automobile ne met donc pas à l'abri d'un contrôle ; que tous ces éléments conjugués confortent donc ceux mis en avant à juste titre par les services des douanes :
- l'absence de justificatif probant quant à l'origine licite des sommes découvertes ;
- la destination de Rotterdam, ville d'approvisionnement en produits stupéfiants des frères X... ;
- les petites coupures utilisées fréquemment pour le commerce des stupéfiants ;
- les traces significatives de produits stupéfiants retrouvées sur ces billets ;
- l'arrêt des nombreux appels téléphoniques après le contrôle douanier ;
- l'absence de documents précis et circonstanciés sur l'achat d'un véhicule ; que l'infraction, objet de la poursuite, étant établie en tous ses éléments constitutifs, les deux prévenus en seront déclarés coupables, étant précisé que l'article 409 du code des douanes précise que toute tentative de délit douanier est considérée comme le délit même ; qu ‘en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé » ;

"1°) alors que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen en sa deuxième et sa troisième branche sur la déclaration de culpabilité de M. F... X... entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt en ce qu'il déclare M. Y... X... coupable du même délit ;

"2°) alors que la tentative de blanchiment douanier suppose la caractérisation d'un commencement d'exécution par des actes qui, n'étant pas simplement préparatoires, tendent directement et immédiatement à la consommation de ce délit ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. Y... X... sans constater aucun acte commis par lui et pouvant être considéré comme tendant à la consommation du délit de blanchiment douanier reproché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à l'occasion du contrôle opéré par les fonctionnaires des douanes, le 18 avril 2013, en gare du Nord, à Paris, M. F... X... qui, arrivé de Brest par avion le jour même, a déclaré se rendre à Rotterdam pour acheter un véhicule de haut de gamme, de marque allemande, pour le compte de son père, M. Y... X..., a été trouvé porteur d'une somme, en espèces, de 97 650 euros remise, selon ses dires, par ce dernier ;

Attendu que, poursuivis l'un et l'autre devant le tribunal correctionnel des chefs de tentatives de transfert non déclaré de somme d'argent et de blanchiment douanier, les prévenus ont été déclarés coupables du premier délit et relaxés pour la seconde infraction ; que l'administration des douanes a relevé appel de cette décision sur la relaxe ainsi prononcée, le jugement sur le premier délit devenant définitif en l'absence d'appels des prévenus ou du ministère public ;

Attendu que pour infirmer le jugement entrepris, après avoir requalifié les faits poursuivis sous la qualification de blanchiment douanier en tentative de ce délit et en déclarer les prévenus coupables, les condamner solidairement au paiement d'une amende douanière et ordonner la confiscation des espèces dont M. F... X... avait été trouvé porteur, sur les explications formulées par les prévenus aux fonctionnaires des douanes, durant l'enquête et à l'audience, selon lesquels ces espèces provenaient de salaires d'expatrié et de prêts d'argent, l'arrêt retient, d'une part, que, compte tenu du montant total de la somme, du nombre de billets, notamment 4458 de 20 euros, dissimulés dans une serviette de linge, de ce que les prévenus n'ont pas fourni les identités des supposés prêteurs, d'autre part, qu'outre l'interruption, après le contrôle douanier, des appels constatés sur le téléphone portable de M. F... X..., provenant , notamment, des Pays-Bas, l'appareil, à l'aide duquel ont été découvertes sur les billets des traces de stupéfiants dans des proportions supérieures aux seuils admissibles, était fiable pour avoir été utilisé par les douaniers selon le règlement et après un test de bon fonctionnement, qu'enfin, les "courriels" en langue allemande, invoqués par les prévenus, ne permettaient nullement de démontrer que le but du déplacement de M. F... X... était d'acheter un véhicule de marque allemande, celui-ci, lors du contrôle douanier, se rendant à Rotterdam, ville d'approvisionnement en produits stupéfiants ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les prévenus ne pouvaient méconnaître l'origine frauduleuse des fonds transportés, provenant d'une infraction prévue par le code des douanes, et dés lors qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction principale soit condamné ou même connu, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit reproché, a justifié sa décision;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-86726
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2019, pourvoi n°17-86726


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.86726
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