LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Informatique des banques populaires de son désistement du pourvoi incident ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé en 1979 par la SA Informatique des banques populaires en qualité d'opérateur de mise sous plis a été promu à la fonction d'ingénieur développement par avenant au contrat de travail du 22 novembre 2010 et a obtenu le statut de cadre par avenant du 15 juillet 2013 ; que durant toute sa carrière, il a exercé des mandats syndicaux et de représentant du personnel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 24 décembre 2014 estimant notamment être victime de discrimination syndicale et d'inégalité de traitement ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement formées au titre des primes exceptionnelles, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail est justifiée par des éléments objectifs et pertinents ; qu'en mettant à la charge du salarié la preuve de sa contribution forte et exceptionnelle à la réalisation d'un projet, qui lui aurait ouvert le droit au versement d'une prime exceptionnelle, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble le principe d'égalité de traitement ;
2°/ que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération ; qu'en déduisant l'absence de caractère discriminatoire de la prime exceptionnelle de sa faible probabilité d'attribution, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé le principe d'égalité de traitement ;
Mais attendu que si le caractère discrétionnaire d'une rémunération ne permet pas à un employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré, la cour d'appel, ayant relevé que le salarié n'offrait pas de démontrer être dans une situation identique ou similaire à celle des bénéficiaires de la prime au regard de la contribution forte et exceptionnelle à la réalisation d'un projet susceptible de lui ouvrir droit à l'attribution de la prime, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;
Attendu qu'après avoir retenu l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales du salarié, la cour d'appel l'a débouté de ses demandes tendant à la reconstitution de sa carrière et au paiement du rappel de rémunération correspondant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et qu'il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes tendant à la reconstitution de sa carrière et au paiement du rappel de rémunération correspondant au titre de la discrimination syndicale et en ce qu'il condamne la société Informatique des banques populaires à payer au salarié la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Informatique des banques populaires aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Informatique des banques populaires et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Lavigne, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le seize janvier deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes tendant à la reconstitution de sa carrière et au paiement d'un rappel de rémunération correspondant ;
AUX MOTIFS QUE la société I-BP a commis à l'égard de M. Y... une discrimination en raison de ses activités syndicales ; qu'en fonction des éléments soumis à son appréciation, la cour évaluera la juste réparation de son préjudice à la somme de 10 000 euros ;
ALORS, 1°), QU'en rejetant sans motif la demande de reconstitution de carrière, la cour d'appel a n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que les dispositions des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de reconstitution de carrière, après avoir pourtant relevé qu'il n'avait pas eu d'entretien d'évaluation entre 2002 et 2005 et qu'il n'avait pas connu d'évolution de carrière entre 2003 et 2010 en raison de son engagement syndical, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes en paiement formées au titre des primes exceptionnelles ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... explique que la société I-BP verse des primes annuelles pour récompenser certains collaborateurs pour une implication ou performance exceptionnelle constatée dans l'année et en informe les représentants du personnel au cours du mois de novembre de l'année suivante ; qu'il est fait grief à l'employeur de ne fournir aucun critère objectif, matériellement vérifiable, qui permettrait de comprendre les conditions dans lesquelles ces primes sont versées et soutient en avoir été privé depuis l'année 2011 ; que, cependant, les principes d'attributions de ces primes sont connus des salariés ; que le bilan d'attribution fait l'objet de négociations annuelles obligatoires ; que, qualifiées d'exceptionnelles, elles doivent « être attribuées uniquement aux collaborateurs dont la contribution à la réalisation de projet a été forte et exceptionnelle ; l'attribution de ces primes doit en conséquence être limitée à un nombre restreint de collaborateurs et ne peut avoir un caractère récurrent systématique ; par ailleurs, le montant de cette prime doit se situer dans une fourchette allant de 1 000 à 2 000 euros » ; que la société I-BP justifie du bilan d'attribution de ces primes qui, entre 2011 et 2013, n'ont concerné qu'une moyenne de 7,22 % des collaborateurs en contrat à durée indéterminée ; que M. Y... n'évoque aucune contribution forte et exceptionnelle à la réalisation d'un projet susceptible de lui ouvrir droit à l'attribution de cette prime qui, du fait de la faible probabilité d'attribution, ne revêt pas de caractère discriminatoire ;
ALORS QU'il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail est justifiée par des éléments objectifs et pertinents ; qu'en mettant à la charge du salarié la preuve de sa contribution forte et exceptionnelle à la réalisation d'un projet, qui lui aurait ouvert le droit au versement d'une prime exceptionnelle, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble le principe d'égalité de traitement ;
ALORS, 2°), QUE l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération ; qu'en déduisant l'absence de caractère discriminatoire de la prime exceptionnelle de sa faible probabilité d'attribution, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé le principe d'égalité de traitement.