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16/01/2019 | FRANCE | N°17-15002;17-15003

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 janvier 2019, 17-15002 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° G 17-15.002 et J 17-15.003 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 18 janvier 2017), que M. Y... et Mme Z... ont été engagés par la société Santéclair respectivement les 22 septembre 2008 et 21 avril 2008 en qualité de conseiller santé, Mme Z... étant ensuite promue en qualité de superviseur ; qu'ils ont été licenciés pour faute grave par lettre du 31 juillet 2013 ;

Attendu que les salariés font grief aux arrêts

de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter leurs demandes relatives à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° G 17-15.002 et J 17-15.003 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 18 janvier 2017), que M. Y... et Mme Z... ont été engagés par la société Santéclair respectivement les 22 septembre 2008 et 21 avril 2008 en qualité de conseiller santé, Mme Z... étant ensuite promue en qualité de superviseur ; qu'ils ont été licenciés pour faute grave par lettre du 31 juillet 2013 ;

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter leurs demandes relatives à la rupture de leur contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle ; que le fait qu'une salariée ait, en tant qu'assurée d'un organisme d'assurance complémentaire de santé, falsifié, - en dehors de son temps et lieu de travail, sans user de ses fonctions ni utiliser les moyens dont elle disposait dans l'entreprise -, des factures personnelles pour tenter d'obtenir un remboursement des frais de santé indus auprès de cet organisme est un fait tiré de la vie personnelle qui ne saurait être regardé ni comme une méconnaissance par l'intéressée des obligations découlant de son contrat de travail ni comme un fait se rattachant à la vie professionnelle ; que pour décider le contraire, après avoir énoncé, d'une part, que la société Santéclair a pour activité d'offrir aux organismes d'assurance complémentaire de santé des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés et, d'autre part, que les salariés, en tant que conseiller santé et superviseur d'une équipe de conseillers santé, avaient pour charge notamment de traiter des courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs et aussi d'encadrer une équipe de conseillers santé pratiquant ces mêmes taches, l'arrêt retient que les escroqueries ont été commises au détriment de l'assureur complémentaire de santé de l'employeur qui est l'un de ses principaux clients et aussi au détriment de l'un des praticiens de son réseau, que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que la salariée manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre, que les faits en cause se rattachent bien à la vie professionnelle de la salariée et non à sa vie personnelle et que ces faits constituent un manquement manifeste à son obligation de loyauté envers son employeur découlant de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résulte pas de ces motifs que la salariée était soumise à une obligation particulière de loyauté et/ou qu'elle avait usé de ses fonctions ou des moyens mis à sa disposition par l'employeur, et notamment qu'elle était chargée de débusquer les fraudes des assurés et que les factures falsifiées ne concernaient pas des soins dont la salariée avait bénéficié avant d'être embauchée par la société Santéclair, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et les articles L. 1331-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que lorsqu'une partie demande la confirmation des chefs du jugement déféré, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; que pour accueillir l'argument développé par la société Santéclair, laquelle avait soutenu que c'est à l'occasion de son travail que la salariée a pu être en relation avec le dentiste référencé au sein du réseau santé de la société dont les factures ont été falsifiées, connaître les processus de remboursement et traiter des factures de ce dentiste et garder copie de l'une d'elles pour la détourner, l'arrêt retient que les fausses factures établies par la salariée ont été mises au nom d'un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par l'employeur et que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que la salariée manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs, réputés appropriés par la salariée dès lors qu'elle demandait la confirmation du jugement, par lesquels le conseil de prud'hommes avait relevé qu'il résultait des pièces présentées, que la salariée avait subi des soins auprès du prestataire dont les factures ont été falsifiées, bien avant avoir été embauchée par l'employeur et qu'en conséquence, le choix de ce praticien ne pouvait être considéré comme directement lié aux activités professionnelles de la salariée et que les faits reprochés ne représentent nullement un manquement dans les tâches qu'elle devait accomplir dans son travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 954, alinéa 5, du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les faits reprochés avaient été commis auprès de l'assureur complémentaire de santé avec lequel la société Santéclair avait contracté en application d'un accord collectif d'entreprise mettant en place une couverture complémentaire de santé et auquel l'employeur versait une part patronale de cotisations pour permettre à ses salariés de bénéficier de ces prestations complémentaires, qu'ils avaient eu lieu au détriment de l'un des principaux clients de l'employeur et de l'un des praticiens de son réseau professionnel et que les falsifications avaient été établies à partir de factures similaires à celle que chacun des salariés, chargés de traiter des courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs, manipulaient dans le cadre de leurs fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir le grief de la seconde branche, qu'ils se rattachaient à la vie de l'entreprise et constituaient, compte tenu des fonctions assumées par les salariés, un manquement manifeste à l'obligation de loyauté et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. Y... et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyen produit au pourvoi n° G 17-15.002 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et, par conséquent, de l'AVOIR débouté de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et de l'AVOIR condamné aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Santéclair la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « (...) Par conséquent, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les motifs rappelés ci-après. Vous avez été embauché le 22 septembre 2008 au sein de la société Santéclair et vous occupez depuis cette date la fonction de Conseiller santé. Nous avons été informés, par courrier simple en date du 05 juillet 2013 reçu en nos locaux ultérieurement, de la société Allianz, notre organisme d'assurance complémentaire santé, de la réalisation de remboursements de frais de santé indus, et ce pour un montant de 7 150 €. Il s'avère en effet, que vous avez présenté pour remboursement des factures d'honoraires et de soins à votre nom (pendant une période allant du mois de septembre 2010 à mai 2011) alors même que vous n'avez pas bénéficié des soins dentaires en question. La véracité de ces éléments a été révélée suite à une enquête menée par la société Allianz notamment auprès du praticien mentionné sur les factures que vous avez produites pour remboursement. Le praticien en question a confirmé n'avoir jamais pratiqué les soins facturés sur votre personne. Vous avez donc délibérément falsifié des factures de praticien dans un but d'enrichissement. Or, vous n'êtes pas sans savoir que la société Allianz n'est pas simplement notre organisme de complémentaire santé mais également l'un de nos clients. Nous vous rappelons que la société Santéclair est un prestataire de service de santé qui collabore chaque jour avec les organismes de santé et notamment la société Allianz. En tant que conseiller santé, vous traitez quotidiennement les courriers et appels des assurés de nos clients (dont Allianz) relatifs notamment aux demandes de remboursement sur justificatif, factures et notes d'honoraires des professionnels de santé. Vous manipulez donc chaque jour le type même de document que vous avez falsifié et envoyé auprès de notre mutuelle. Pire encore, il nous est apparu que vous n'avez pas agi seul mais en collaboration avec une autre salariée de l'entreprise. En outre, les factures que vous avez modifiées afin d'obtenir un remboursement indu proviennent d'un praticien référencé au sein de notre réseau santé. Par votre attitude, ce praticien a connaissance de malveillances commises par deux salariés de notre société. Un tel comportement, compte tenu de vos fonctions au sein de Santéclair, met en péril la probité de notre société dans son activité. Ainsi votre attitude porte non seulement atteinte à l'image et la réputation de notre société mais est préjudiciable à notre activité. La société est donc aujourd'hui contrainte de regagner la confiance d'un praticien de notre réseau de santé mais également de l'un de ses principaux clients. Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer que nous avons dû rééquilibrer les comptes de notre complémentaire santé au vu de l'augmentation importante des dépenses en matière dentaire en 2010 et 2011 ce qui s'est traduit par une augmentation des cotisations tant employeur que salariales ainsi qu'une baisse des garanties afférentes. Il apparaît aujourd'hui que votre comportement a donc contribué à ces augmentations pour l'ensemble des salariés et a eu un impact pour toute la société. La société ne peut en aucun cas tolérer ce type d'agissement de la part de l'un de ses salariés. Par ailleurs, nous avons pu observer de nouveaux manquements de votre part dans l'exécution de votre travail. En effet, vous persistez dans votre conduite quant au non-respect de vos obligations contractuelles relatives à votre temps de travail. Nous avons pu noter que vous ne respectez pas vos temps de pause qui sont comme vous le savez de 30 minutes par jour (15mn le matin et 15mn l'après midi). Or, nous ne pouvons que constater que vos temps de pause ont été en moyenne de : - 41 mn 32 en semaine 25, - 39 mn 22 en semaine 26, - 43 mn 29 en semaine 27. Ce dépassement de votre temps de pause est malheureusement un comportement récurrent de votre part depuis de nombreux mois. De même, vous cumulez le nombre de retards à votre prise de poste arrivant ainsi à un total de 3h39 de retards depuis le début de l'année. Il est évident que vous faite preuve d'un grand manque d'implication dans votre travail alors même que vous avez tout à fait conscience de l'importance du respect des plannings de présence pour la bonne continuité du service compte tenu de l'activité de la société. Vous avez ignoré délibérément les instructions de votre hiérarchie qui vous a, à plusieurs reprises, fait part de son mécontentement face à votre attitude. Ce comportement est constitutif d'une insubordination. De plus, votre taux de productivité en back était encore insuffisant soit : - à fin mai 2013 de 43,6 %, - à fin juin 2013 de 64,2 %. Ces taux sont très largement inférieurs à l'objectif de 70 % et ce malgré les nouveaux rappels oraux de votre hiérarchie à ce sujet depuis le début de l'année 2013. Nous vous rappelons que nous vous avons notifié un blâme le 03 janvier 2013 compte tenu de votre comportement inadapté et de l'insuffisance de votre productivité au regard de l'objectif demandé et des productivités de la moyenne des autres membres de votre équipe. Ce manque de productivité n'est en réalité que la traduction de votre comportement et de votre manque d'investissement dans la réalisation de votre prestation de travail. Malgré les rappels de votre hiérarchie, vous persistez dans votre comportement, ce qui constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles ce que la société ne peut plus accepter. En conséquence, au regard de l'ensemble des griefs qui vous sont reprochés, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave » ; qu'il est ainsi reproché à M. Y... d'avoir présenté à la société Allianz, organisme d'assurance complémentaire santé des salariés de la société Santéclair, plusieurs factures d'honoraires et de soins dentaires falsifiées et d'avoir ainsi obtenu le remboursement de prestations indues pour un montant de 7 150 euros, ce qui constitue des faits assimilables à une escroquerie ; qu'il lui est également reproché des faits d'insubordination et une insuffisance de productivité ; que la société Santéclair soutient que les faits d'escroquerie, dont la matérialité est reconnue par le salarié, ne relèvent pas de sa vie personnelle contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes mais bien de sa vie professionnelle et constituent un manquement à son obligation de loyauté et de probité découlant de son contrat de travail et rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que les autres griefs sont également établis ; que la faute grave invoquée est donc bien, selon elle, constituée ; que M. Y... soutient que les falsifications de factures, qu'il reconnaît avoir commises, relèvent de sa vie personnelle pour avoir été accomplies dans un cadre privé et étranger à l'entreprise et qu'il n'a commis aucun manquement à des obligations découlant de son contrat de travail ; que les autres griefs ne sont pas établis ; que son licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse, comme l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ; que considérant au préalable, sur les faits d'escroquerie, qu'il ressort des pièces versées aux débats que : - la société Santéclair a pour activité d'offrir aux organismes d'assurance complémentaire de santé des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés, notamment en leur proposant d'accéder à des réseaux de professionnels de santé constitués par ses soins pratiquant des tarifs négociés et en proposant des services à leurs assurés tels que l'étude de devis de soins établis par des professionnels de santé hors réseau ou de demandes de remboursement de soins sur justificatifs ; - les fausses factures établies par M. Y... ont été mises au nom d'un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par la société Santéclair ; - la société Allianz, quant à elle, est à la fois un organisme d'assurance complémentaire de santé client de la société Santéclair mais aussi l'organisme d'assurance complémentaire de santé des salariés de la société Santéclair, au terme d'un accord collectif d'entreprise ; - M. Y... en tant que superviseur avait pour charge notamment de traiter des courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs ; que, dans ces conditions, il ressort des débats que les escroqueries auprès de la société Allianz reprochées à M. Y... ont ainsi été commises auprès de l'assureur complémentaire de santé avec lequel la société Santéclair a contracté en application d'un accord collectif d'entreprise mettant en place une couverture complémentaire de santé et auquel l'employeur verse une part patronale de cotisations pour permettre à ses salariés de bénéficier de ces prestations complémentaires ; que ces escroqueries ont de surcroît, eu égard à l'activité particulière de la société Santéclair rappelée ci-dessus, été commises au détriment de l'un de ses principaux clients et aussi au détriment de l'un des praticiens de son réseau ; que par ailleurs, les falsifications ont été établies à partir de factures similaires à celles que Y... manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; qu'il résulte de ce qui précède, que les faits en cause se rattachent bien à la vie professionnelle de Y... et non à sa vie personnelle, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes ; que ces faits constituent un manquement manifeste à son obligation de loyauté envers son employeur découlant de son contrat de travail ; qu'eu égard à la répétition de ces manquements et au préjudice causé tant à l'employeur lui-même, notamment en terme de réputation, qu'à son client Allianz et au praticien membre de son réseau, le maintien de Y... dans l'entreprise était impossible ; que la faute grave reprochée au salarié est ainsi constituée ; qu'il convient en conséquence de débouter Y... de ses demandes tendant à l'allocation d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ainsi que sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail.

1°) ALORS QU'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle ; que le fait qu'un salarié ait, en tant qu'assuré d'un organisme d'assurance complémentaire de santé, falsifié, - en dehors de son temps et lieu de travail, sans user de ses fonctions ni utiliser les moyens dont il disposait dans l'entreprise -, des factures personnelles pour tenter d'obtenir un remboursement des frais de santé indus auprès de cet organisme est un fait tiré de la vie personnelle qui ne saurait être regardé ni comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ni comme un fait se rattachant à la vie professionnelle ; que pour décider le contraire, après avoir énoncé, d'une part, que la société Santéclair a pour activité d'offrir aux organismes d'assurance complémentaire de santé des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés et, d'autre part, que le salarié, en tant que conseiller santé, avait pour charge notamment de traiter des courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs, l'arrêt retient que les escroqueries ont été commises au détriment de l'assureur complémentaire de santé de l'employeur qui est l'un de ses principaux clients et aussi au détriment de l'un des praticiens de son réseau, que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que le salarié manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre, que les faits en cause se rattachent bien à la vie professionnelle du salarié et non à sa vie personnelle et que ces faits constituent un manquement manifeste à son obligation de loyauté envers son employeur découlant de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résulte pas de ces motifs que le salarié était soumis à une obligation particulière de loyauté et/ou qu'il avait usé de ses fonctions ou des moyens mis à sa disposition par l'employeur, et notamment qu'il était chargé de débusquer les fraudes des assurés et que les factures falsifiées ne concernaient pas des soins dont le salarié avait bénéficié avant d'être embauché par la société Santéclair, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et les articles L. 1331-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

2°) ALORS QUE lorsqu'une partie demande la confirmation des chefs du jugement déféré, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; que pour accueillir l'argument développé par la société Santéclair, laquelle avait soutenu que c'est à l'occasion de son travail que le salarié a pu être en relation avec le dentiste référencé au sein du réseau santé de la société dont les factures ont été falsifiées, connaître les processus de remboursement et traiter des factures de ce dentiste et garder copie de l'une d'elles pour la détourner, l'arrêt retient que les fausses factures établies par le salarié ont été mises au nom d'un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par l'employeur et que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que le salarié manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs, réputés appropriés par le salarié dès lors qu'elle demandait la confirmation du jugement, par lesquels le conseil de prud'hommes avait relevé qu'il résultait des pièces présentées, que le salarié avait subi des soins auprès du prestataire dont les factures ont été falsifiées, bien avant avoir été embauché par l'employeur et qu'en conséquence, le choix de ce praticien ne pouvait être considéré comme directement lié aux activités professionnelles du salarié et que les faits reprochés ne représentent nullement un manquement dans les tâches qu'il devait accomplir dans son travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 954, alinéa 5, du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° J 17-15.003 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z....

Il est fait grief à l'arrêt informatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave et, par conséquent, de l'AVOIR déboutée de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et de l'AVOIR condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Santéclair la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « (...) Par conséquent, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les motifs rappelés ci-après. Vous avez été embauchée le 21 avril 2008 au sein de la société Santéclair en tant que Conseiller santé. Vous occupez actuellement la fonction de Superviseur. Nous avons été informés, par courrier simple en date du 05 juillet 2013 reçu en nos locaux ultérieurement, de la société Allianz, notre organisme d'assurance complémentaire santé, de la réalisation de remboursements de frais de santé indus, et ce pour un montant de 6 595,25 €. Il s'avère en effet, que vous avez présenté pour remboursement des factures d'honoraires et de soins à votre nom (pendant une période allant du mois d'avril 2010 à mai 2011) alors même que vous n'avez pas bénéficié des soins dentaires en question. La véracité de ces éléments a été révélée suite à une enquête menée par la société Allianz notamment auprès du praticien mentionné sur les factures que vous avez produites pour remboursement. Le praticien en question a confirmé n'avoir jamais pratiqué les soins facturés sur votre personne. Vous avez donc délibérément falsifié des factures de praticien dans un but d'enrichissement. Or, vous n'êtes pas sans savoir que la société Allianz n'est pas simplement notre organisme de complémentaire santé mais également l'un de nos clients. Nous vous rappelons que la société Santéclair est un prestataire de service de santé qui collabore chaque jour avec les organismes de santé et notamment la société Allianz. En tant que conseiller santé, puis superviseur de conseiller santé, vous traitez quotidiennement les courriers et appels des assurés de nos clients relatifs notamment aux demandes de remboursement sur justificatif (factures et notes d'honoraires des professionnels de santé) et vous contrôlez l'exécution de ces tâches par les conseillers santé de votre équipe. Vous manipulez donc chaque jour le type même de document que vous avez falsifié et envoyé auprès de notre mutuelle. Comme si ces faits n'étaient pas suffisamment grave, il nous est apparu que vous n'avez pas agi seule mais en collaboration avec un autre salarié de l'entreprise. Pire encore, les factures que vous avez modifiées afin d'obtenir un remboursement indu proviennent d'un praticien référencé au sein de notre réseau santé. Par votre attitude, ce praticien a connaissance de malveillances commises par deux salariés de notre société. Un tel comportement, compte tenu de vos fonctions au sein de Santéclair, met en péril la probité de notre société dans son activité. Ainsi votre attitude porte non seulement atteinte à l'image et la réputation de notre société mais est préjudiciable à notre activité. La société est donc aujourd'hui contrainte de regagner la confiance d'un praticien de notre réseau de santé mais également de l'un de ses principaux clients. Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer que nous avons dû rééquilibrer les comptes de notre complémentaire santé au vu de l'augmentation importante des dépenses en matière dentaire en 2010 et 2011 ce qui s'est traduit par une augmentation des cotisations tant employeur que salariales ainsi qu'une baisse des garanties afférentes. Il apparaît aujourd'hui que votre comportement a donc contribué à ces augmentations pour l'ensemble des 8 salariés et a eu un impact pour toute la société. La société ne peut en aucun cas tolérer ce type d'agissement de la part de l'un de ses salariés. Vous avez d'ailleurs reconnu l'intégralité de ces faits pendant votre entretien préalable. En conséquence, au regard de l'ensemble des griefs qui vous sont reprochés, de leur gravité, de leur impact préjudiciable sur la société compte tenu de vos fonctions, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.(...) » ; qu'il est ainsi reproché à Mme Z... d'avoir présenté à la société Allianz, organisme d'assurance complémentaire santé des salariés de la société Santéclair, plusieurs factures d'honoraires et de soins dentaires falsifiées et d'avoir ainsi obtenu le remboursement de prestations indues pour un montant de 6 595,25 euros, ce qui constitue des faits assimilables à une escroquerie ; que la société Santéclair soutient que ces faits, dont la matérialité est reconnue par la salariée, ne relèvent pas de la vie personnelle de la salariée contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes mais bien de sa vie professionnelle et constituent un manquement à son obligation de loyauté et de probité découlant de son contrat de travail et rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que la faute grave invoquée est donc bien, selon elle, constituée ; que Mme Z... soutient que les falsifications de factures, qu'elle reconnaît avoir commises, relèvent de sa vie personnelle pour avoir été accomplies dans un cadre privé et étranger à l'entreprise et qu'elle n'a commis aucun manquement à des obligations découlant de son contrat de travail ; que son licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse, comme l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque ; que considérant au préalable qu'il ressort des pièces versées aux débats que : - la société Santéclair a pour activité d'offrir aux organismes d'assurance complémentaire de santé des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés, notamment en leur proposant d'accéder à des réseaux de professionnels de santé constitués par ses soins pratiquant des tarifs négociés et en proposant des services aux assurés tels que l'étude de devis de soins établis par des professionnels de santé hors réseau ou de demandes de remboursement de soins sur justificatifs ; - les fausses factures établies par Mme Z... ont été mises au nom d'un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par la société Santéclair ; - la société Allianz, quant à elle, est à la fois un organisme d'assurance complémentaire de santé client de la société Santéclair mais aussi l'organisme d'assurance complémentaire de santé des salariés de la société Santéclair, au terme d'un accord collectif d'entreprise ; - Mme Z..., en tant que superviseur d'une équipe de conseillers santé, avait pour charge notamment de traiter de courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs et aussi d'encadrer une équipe de conseillers santé pratiquant ces mêmes taches ; que, dans ces conditions, il ressort des débats que les escroqueries auprès de la société Allianz reprochées à Mme Z... ont ainsi été commises auprès de l'assureur complémentaire de santé avec lequel la société Santéclair a contracté en application d'un accord collectif d'entreprise mettant en place une couverture complémentaire de santé et auquel l'employeur verse une part patronale de cotisations pour permettre à ses salariés de bénéficier de ces prestations complémentaires ; que ces escroqueries ont de surcroît, eu égard à l'activité particulière de la société Santéclair rappelée ci-dessus, été commises au détriment de l'un de ses principaux clients et aussi au détriment de l'un des praticiens de son réseau ; que par ailleurs, les falsifications ont été établies à partir de factures similaires à celle que Mme Z... manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; qu'il résulte de ce qui précède que les faits en cause se rattachent bien à la vie professionnelle de Mme Z... et non à sa vie personnelle, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes ; que ces faits constituent un manquement manifeste à son obligation de loyauté envers son employeur découlant de son contrat de travail ; qu'eu égard à la répétition de ces manquements et au préjudice causé tant à l'employeur lui-même, notamment en terme de réputation, qu'à son client Allianz et au praticien membre de son réseau, le maintien de Mme Z... dans l'entreprise était impossible ; que la faute grave reprochée à la salariée est ainsi constituée ; qu'il convient en conséquence de débouter Mme Z... de ses demandes tendant à l'allocation d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ainsi que sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail.

1°) ALORS QU'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle ; que le fait qu'une salarié ait, en tant qu'assurée d'un organisme d'assurance complémentaire de santé, falsifié, - en dehors de son temps et lieu de travail, sans user de ses fonctions ni utiliser les moyens dont elle disposait dans l'entreprise -, des factures personnelles pour tenter d'obtenir un remboursement des frais de santé indus auprès de cet organisme est un fait tiré de la vie personnelle qui ne saurait être regardé ni comme une méconnaissance par l'intéressée des obligations découlant de son contrat de travail ni comme un fait se rattachant à la vie professionnelle ; que pour décider le contraire, après avoir énoncé, d'une part, que la société Santéclair a pour activité d'offrir aux organismes d'assurance complémentaire de santé des prestations de service destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés et, d'autre part, que la salariée, en tant que superviseur d'une équipe de conseillers santé, avait pour charge notamment de traiter des courriers et appels téléphoniques d'assurés pour le compte des organismes d'assurances complémentaires portant notamment sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs et aussi d'encadrer une équipe de conseillers santé pratiquant ces mêmes taches, l'arrêt retient que les escroqueries ont été commises au détriment de l'assureur complémentaire de santé de l'employeur qui est l'un de ses principaux clients et aussi au détriment de l'un des praticiens de son réseau, que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que la salariée manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre, que les faits en cause se rattachent bien à la vie professionnelle de la salariée et non à sa vie personnelle et que ces faits constituent un manquement manifeste à son obligation de loyauté envers son employeur découlant de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résulte pas de ces motifs que la salariée était soumise à une obligation particulière de loyauté et/ou qu'elle avait usé de ses fonctions ou des moyens mis à sa disposition par l'employeur, et notamment qu'elle était chargée de débusquer les fraudes des assurés et que les factures falsifiées ne concernaient pas des soins dont la salariée avait bénéficié avant d'être embauchée par la société Santéclair, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et les articles L. 1331-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

2°) ALORS QUE lorsqu'une partie demande la confirmation des chefs du jugement déféré, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; que pour accueillir l'argument développé par la société Santéclair, laquelle avait soutenu que c'est à l'occasion de son travail que la salariée a pu être en relation avec le dentiste référencé au sein du réseau santé de la société dont les factures ont été falsifiées, connaître les processus de remboursement et traiter des factures de ce dentiste et garder copie de l'une d'elles pour la détourner, l'arrêt retient que les fausses factures établies par la salariée ont été mises au nom d'un dentiste membre du réseau de praticiens constitué par l'employeur et que les falsifications ont été établies à partir des factures similaires à celles que la salariée manipule dans le cadre de ses fonctions et manifestement grâce à la connaissance de ces documents acquise dans ce cadre ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs, réputés appropriés par la salariée dès lors qu'elle demandait la confirmation du jugement, par lesquels le conseil de prud'hommes avait relevé qu'il résultait des pièces présentées, que la salariée avait subi des soins auprès du prestataire dont les factures ont été falsifiées, bien avant avoir été embauchée par l'employeur et qu'en conséquence, le choix de ce praticien ne pouvait être considéré comme directement lié aux activités professionnelles de la salariée et que les faits reprochés ne représentent nullement un manquement dans les tâches qu'elle devait accomplir dans son travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 954, alinéa 5, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15002;17-15003
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jan. 2019, pourvoi n°17-15002;17-15003


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.15002
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