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09/01/2019 | FRANCE | N°18-82829

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 2019, 18-82829


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Mahir X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 4 avril 2018, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rappo

rteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le ra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Mahir X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 4 avril 2018, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général B... ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 de la Convention des droits de l'homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 111-2, 111-3, 111-4, 222-22, 222-28 du code pénal, préliminaire, 175, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré M. Mahir X... coupable d'agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste commis à Paris le 30 avril 2011 ;

"aux motifs propres que les faits à l'origine des poursuites et leurs circonstances ayant été exactement rapportés par le tribunal dans la décision critiquée, la cour, pour leur exposé, se réfère expressément aux énonciations du jugement exhaustif déféré ; qu'il ressort des éléments de la procédure soumise à l'appréciation de la cour sur la culpabilité que :
- Les services de police intervenaient le 30 avril 2011 vers 7 heures 05 à la demande de M. Maximilien Z..., né le [...] , qui se plaignait d'avoir été victime d'une agression sexuelle au domicile de Mme A... situé au [...] vers 6 heures 30 alors qu'il dormait sur le lit-canapé de la pièce principale. Les policiers notaient que le prévenu présentait des signes d'alcoolisation, avait les yeux brillants, l'haleine sentant fortement l'alcool et tenait des propos peu cohérents mais leur déclarait néanmoins n'avoir rien fait à part dormir dans le même lit que le plaignant ;
- Un test d'imprégnation alcoolique par éthylomètre était effectué sur M. X..., établissant un taux de 0,43 mg/l d'air expiré à 8 heures 10 et de 0,42 mg/l à 8 heures 20, de la cocaïne était également présente dans son urine, avec un taux de 300 ng/ml ;
- M. Maximilien Z... a toujours maintenu au cours de la procédure avoir été agressé sexuellement par M. X... alors qu'il était endormi sur un canapé, dans l'appartement de Mme A..., indépendamment de versions plus fluctuantes sur le moment où il a vomi par rapport à l'acte sexuel, et a également précisé avec constance avoir ressenti au niveau de son sexe « de la chaleur, une bouche et de l'humidité », puis avoir constaté à son réveil que sa braguette était ouverte et son sexe humide dans son caleçon ;
- Entendu le 30 avril M. X... déclarait qu'il n'y avait pas eu de drague de sa part, ni de celle de M. Z... et ne pas comprendre pour quelle raison il était accusé de lui avoir pratiqué une fellation. Il contestait également la prise de produit stupéfiant, précisant qu'il n'avait consommé que de l'alcool ; que lors de la confrontation diligentée pendant sa garde à vue il maintenait qu'il n'avait pas dragué M. Z... et qu'il n'y avait pas eu d'allusion à caractère sexuel de sa part à l'égard du plaignant ; que s'agissant de la cocaïne il admettait en définitive qu'il en avait déjà pris, mais pas au cours de la soirée ;
- Les premiers examens de la partie civile concluaient à une absence de lésions traumatiques sur ses organes génitaux et à l'absence de trace de violence ; qu'une ITT de zéro jour lui était fixée ; le résultat des prélèvements effectués sur sa verge révélait une absence de spermatozoïdes ;
- L'institut national de police scientifique confirmant ultérieurement la matérialité des faits révélés par la partie civile, en ce sens que deux profils génétiques étaient identifiés sur les prélèvements effectués sur la verge de M. Z..., dont l'un correspondait à celui de M. X..., celui-ci admettait alors qu'il y avait bien eu une fellation mais faisait désormais valoir qu'elle était consentie, que M. Z... avait eu une érection et avait joui, ce qui démontrait son accord ; qu'en l'état de ces éléments, le tribunal a donc, à juste titre, noté la constance des déclarations de M. Z... sur l'atteinte sexuelle dénoncée, celui-ci étant par ailleurs décrit par l'expert psychologue comme une personne normalement crédible, sans troubles susceptibles d'affecter son comportement, ainsi que la sincérité ou la cohérence de son discours ; qu'à contrario les déclarations évolutives du prévenu et incompatibles entre elles, ne sont pas de nature à accréditer l'existence d'un consentement de la partie civile ;
La cour relèvera d'autre part :
- que l'endormissement de M. Z... ressort de la déposition de Mme A..., laquelle faisait de temps en temps des passages dans le salon ; que même, ce témoin confirme la réaction significative de violence et de perturbation de M. Z... décrit par elle comme recroquevillé sur le palier de son appartement, s'étant mis à vomir dans les escaliers, ayant pleuré, disant en anglais « he touched me, you don't understand, it's horrible » avant de frapper M. X... et de demander d'appeler la police ;
- que la preuve d'un comportement équivoque de séduction de M. Z... à l'égard du prévenu n'est pas rapportée et ne peut être déduite de son endormissement sur le même canapé, dès lors qu'aucun des témoins entendus ne mentionne avoir vu la moindre caresse échangée au cours de cette soirée entre les deux hommes, Mme A... ayant au demeurant confirmé que M. X... lui paraissait intéressé par M. Z... alors que ce dernier était indifférent ; que le délit d'agression sexuelle commis avec surprise par le prévenu en état d'ivresse manifeste et sous l'emprise de stupéfiants est donc caractérisé en son élément matériel par les tests ADN confirmant la version de la victime sur l'atteinte sexuelle subie, la surprise étant établie dès lors que la victime endormie était de ce seul fait dans l'incapacité de consentir ; que l'élément intentionnel de l'infraction ressort par ailleurs de la pratique délibérée par M. X... d'un acte sexuel alors qu'il ne pouvait se méprendre sur l'absence de consentement de la partie civile, endormie à ses côtés et donc hors d'état de consentir ; que la cour, confirmera dès lors le jugement sur la déclaration de culpabilité ;

"aux motifs éventuellement adoptés qu'en vertu de l'article 222-22 alinéa 1 du code pénal, constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; [
] que M. X... a toujours nié, au cours de l'information, les faits d'agressions sexuelles qui lui sont reprochés ; qu'il persiste à l'audience à ne pas les reconnaître ; qu'en premier lieu, s'agissant de l'élément matériel de l'infraction, il ressort des éléments du dossier que l'ADN du prévenu a été découvert sur la verge de la partie civile, corroborant ainsi une fellation de sa part qu'il n'a d'ailleurs reconnue qu'après avoir été confronté aux résultats des laboratoires de l'INPS adressés au magistrat instructeur (D 93) ; qu'à cet égard, il convient de relever que l'attitude de M. X... a été équivoque puisqu'il n'a pas cru opportun de faire état, au moment de son placement en garde à vue, de l'existence d'une relation sexuelle entre lui-même et la partie civile, se contentant d'expliquer que la question ne lui a pas été posée précisément, alors même qu'il a été placé en garde à vue pour des faits d'agressions sexuelles ; que de surplus, lors de sa première audition par l'officier de police judiciaire, celui-ci lui a clairement indiqué que M. Z... a déposé plainte contre lui pour des « faits d'agression sexuelle, à savoir (qu'il lui aurait) fait une fellation à son insu puisqu'il était assoupi » (D 34/3) ; que la question d'une relation sexuelle entre le prévenu et la partie civile a été ainsi abordée sans ambiguïté, dès le début de la procédure, sans que M. X... n'ait cru opportun de préciser qu'elle a été consentie par M. Z..., comme d'ailleurs il l'a fait valoir spontanément au magistrat instructeur lors de son interrogatoire de première comparution le 18 février 2013, soit après que l'INPS ait rendu son rapport d'expertise à ce magistrat (D 109) ; qu'ainsi, la nécessité d'expliquer la présence de son ADN sur le sexe de la partie civile pourrait éclairer ses déclarations spontanées près de deux ans après les faits qu'il convient dès lors de prendre avec précaution ; qu'en revanche, et contrairement au positionnement du prévenu, la partie civile a toujours fait des déclarations constantes sur l'existence d'une fellation non consentie de sa part et les circonstances de la découverte de cette agression ; qu'à cet égard, il convient de relever que la partie civile a déposé plainte dès qu'elle s'est rendue compte de l'agression dont elle venait d'être victime, tout en informant Mme A..., propriétaire des lieux, et en essayant d'avoir immédiatement une explication avec le prévenu ; qu'en outre, l'expertise psychologique de la partie civile relève un syndrome post-traumatique avec doute et perte de confiance en soi, ainsi que l'existence d'un état dépressif ; que l'expert a conclu à la crédibilité des propos tenus par la partie civile ; qu'en second lieu, s'agissant de l'élément intentionnel, il n'est pas établi par le prévenu que la partie civile ait donné un consentement préalable non équivoque à une relation sexuelle avec lui ; qu'en effet, il ressort d'une part des témoignages de l'entourage de M. X..., notamment Mme A..., que ce dernier semblait intéressé par M. Z..., lequel restait indifférent ; que même si certains témoignages évoquaient l'éventuelle existence d'un flirt entre les deux protagonistes, personne n'a constaté d'échange de baisers, de caresses ou de massage entre eux, de sorte que l'existence d'une situation d'intimité n'est pas établie par le prévenu ; que d'autre part, il n'est constaté aucun spermatozoïde sur la verge de la partie civile, de sorte que l'argument selon lequel une possible présence de liquide séminal, lequel témoignerait d'une érection, qui témoignerait elle-même d'un état de conscience et d'un consentement de la part de cette dernière, n'est en l'espèce nullement fondé ; que par conséquent, la fellation pratiquée durant le sommeil de M. Z... est nécessairement commise par surprise, de sorte qu'il ne saurait être soutenu qu'il lui appartenait de manifester, dans ces conditions, un refus clair et non équivoque à l'acte sexuel ; qu'enfin, il ressort de l'instruction que M. X... était positif à la cocaïne ; que son taux d'alcoolémie était de 0,42 mg/l d'air expiré (D 8, D 47/2) ; que la présence de ces toxiques, non contestée par le prévenu, conduit à s'interroger sur une certaine désinhibition de sa part et justifie de ce chef la prévention retenue à son encontre ; qu'en conséquence, compte tenu de ces éléments, il convient de déclarer M. X... coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ;

"1) alors que constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la seule circonstance que M. Z... était assoupi et endormi pour retenir que M. X... avait commis une atteinte sexuelle avec surprise sur sa personne sans, toutefois, caractériser l'existence d'un stratagème pour parvenir à cette fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2) alors qu'il appartient à la partie poursuivante de rapporter la preuve de l'infraction en tous ses éléments constitutifs, le doute profitant au prévenu ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les accusations et affirmations péremptoires de M. Z..., sur ses propres dénégations et sur le fait que le prévenu n'en établissait pas le caractère mensonger, en l'absence, pourtant, de tout aveu, de toute preuve matérielle et de tout élément objectif susceptibles de concourir de manière univoque à la manifestation de la vérité, pour considérer que M. X... aurait été conscient de l'absence de consentement de sa prétendue victime, nonobstant le doute qui entachait ce constat, la cour d'appel a fait peser sur le prévenu la charge d'établir son innocence et a violé les règles de preuve applicables en matière pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme, et des pièces de procédure que, le 30 avril 2011, vers 7 heures 05, M. Sébastien Z... a appelé les services de police pour signaler qu'il venait d'être victime, au domicile d'une personne de rencontre, Mme A..., d'une agression sexuelle de la part de M. Mahir X... avec lequel il dormait sur le canapé du salon, qu'il a déclaré s'être réveillé alors que l'intéressé lui pratiquait une fellation, la braguette de son pantalon étant ouverte, que les policiers ont noté que M. X... présentait des signes d'alcoolisation, son alcoolémie étant fixée à 0,42 mg d'alcool par litre d'air expiré à 8 heures 20, que de la cocaïne était également présente dans ses urines pour un taux de 300 ng/ml ; que M. X..., qui a contesté avoir pratiqué une fellation à M. Z..., puis, lors de l'information, a expliqué que le plaignant était consentant, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'agression sexuelle par personne en état d'ivresse manifeste et sous l'emprise de produits stupéfiants ; que la juridiction de jugement l'a déclaré coupable, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et a statué sur les intérêts civils ; que le prévenu, le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer dans toutes ses dispositions le jugement, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'à la différence du prévenu, le plaignant est demeuré constant dans ses déclarations, qu'il est décrit par le psychologue comme une personne normalement crédible, sans troubles susceptibles d'affecter la sincérité ou la cohérence de son discours, que l'endormissement de M. Z... ressort de la déposition de Mme A... qui faisait de temps en temps des passages dans le salon, que ce même témoin a attesté de la réaction violente et significative du plaignant lors de la découverte des faits, que le délit d'agression sexuelle est caractérisé en son élément matériel par les tests ADN confirmant la version de la victime sur l'atteinte sexuelle subie, l'élement intentionnel ressortant par ailleurs de la pratique délibérée par M. X... d'un acte sexuel alors qu'il ne pouvait se méprendre sur l'absence de consentement de la partie civile, endormie à ses côtés et hors d'état de consentir ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors qu'en l'absence même de toute autre manoeuvre, constitue le délit d'agression sexuelle commise par surprise, prévu par les articles 222-22 et 222-27 du code pénal, le fait de profiter, en connaissance de cause, du sommeil d'une personne pour pratiquer sur elle des gestes à caractère sexuel comportant un contact corporel, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82829
Date de la décision : 09/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 2019, pourvoi n°18-82829


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.82829
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