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09/01/2019 | FRANCE | N°17-21872

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 janvier 2019, 17-21872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 mars 2017), que Mme Y... était propriétaire indivise d'actions de la société anonyme X... frères dont les statuts comportent une clause d'agrément des nouveaux associés ; que le 7 octobre 2014, envisageant de vendre ses droits indivis sur 610 actions à la société Spiricap, Mme Y... a demandé l'agrément de cette dernière ; que par une délibération de son conseil d'administration du 23 décembre 2014, la société X... frères

a refusé son agrément ; que souhaitant acquérir les droits sociaux de Mme Y..., ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 mars 2017), que Mme Y... était propriétaire indivise d'actions de la société anonyme X... frères dont les statuts comportent une clause d'agrément des nouveaux associés ; que le 7 octobre 2014, envisageant de vendre ses droits indivis sur 610 actions à la société Spiricap, Mme Y... a demandé l'agrément de cette dernière ; que par une délibération de son conseil d'administration du 23 décembre 2014, la société X... frères a refusé son agrément ; que souhaitant acquérir les droits sociaux de Mme Y..., la société X... frères et M. X..., son actionnaire majoritaire, ont déposé deux requêtes devant le président d'un tribunal mixte de commerce aux fins, d'une part, de désignation d'un expert pour évaluer les actions en application de l'article 1843-4 du code civil et, d'autre part, de prolongation de trois mois du délai de rachat des titres en application de l'article R. 228-23 du code de commerce ; que par deux ordonnances du 19 mars 2015, le président de ce tribunal a désigné un expert avec pour mission de fixer la valeur des droits indivis de Mme Y... et accordé à la société X... frères un délai supplémentaire de rachat de trois mois à compter du 29 mars 2015 ; que le 27 mai 2015, Mme Y... a cédé ses droits indivis sur ses actions à la société Spiricap ; que celle-ci a saisi le juge des référés pour obtenir la rétractation des ordonnances du 19 mars 2015 ;

Attendu que M. X... et la société X... frères font grief à l'arrêt de rétracter les ordonnances sur requête du 19 mars 2015 et de déclarer de nul effet tous actes pris en application de ces ordonnances alors, selon le moyen :

1°/ que la désignation de l'expert prévue à l'article 1843-4 du code civil, à défaut d'accord entre les parties sur la valeur des droits sociaux, est faite par le président du tribunal qui accorde par ordonnance de référé, l'actionnaire cédant et le cessionnaire appelés, la prolongation de délai prévue au 3ème alinéa de l'article L. 228-24, ces ordonnances n'étant pas susceptibles de recours ; que, pour déclarer recevable le référé aux fins de rétractation formé par Mme Y..., cédante, et la société Spiricap, tiers cessionnaire, contre les ordonnances du 19 mars 2005, la cour d'appel a retenu qu'il ne constituait pas une voie de recours, faute pour le président du tribunal qui les a rendues d'avoir été saisi en la forme des référés, et pour l'avoir été sur requête de la société cessionnaire et sans appel de l'associée cédante, ces ordonnances dérogeant à la règle de la contradiction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas constaté d'excès de pouvoir a violé l'article R. 228-23, alinéa 2, du code de commerce ensemble l'article 1843-4 du code civil ;

2°/ que dans leurs conclusions, M. X... et la société X... frères faisaient valoir sans être démentis qu'ils avaient informé la société Spiricap et Mme Y... de l'introduction des procédures de désignation d'expert et de prorogation du délai et ce, dès leur engagement, et que l'expert désigné avait adressé à Mme Z... des courriers dès le 15 mai 2015 ; que cette dernière s'était abstenue d'y répondre aux fins de dissimuler la cession de ses actions à la société Spiricap frauduleusement intervenue le 27 mai 2015 avant le dépôt du rapport par l'expert qui l'avait informée de son imminence, et en l'état des ordonnances du 19 mars 2015 prorogeant les délais, contre lesquelles aucun recours n'avait encore été exercé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions tout en déclarant recevable et fondée la demande en rétractation de ces ordonnances, délibérément méconnues par les appelantes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction qui commande qu'une partie, à l'insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ; qu'ayant constaté que les ordonnances du 19 mars 2015 avaient été rendues sur requête, la cour d'appel en a exactement déduit que le référé aux fins de rétractation était recevable, peu important que ces ordonnances aient été rendues sur le fondement des articles 1843-4 du code civil et R. 228-23 du code de commerce ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les ordonnances rendues le 19 mars 2015 l'avaient été selon une procédure erronée et sans respect du principe de la contradiction, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... et la société X... frères aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Spiricap et la somme globale de 3 000 euros à Mme Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société X... frères

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté les ordonnances sur requête du 19 mars 2015 désignant un expert pour expertiser la valeur des droits indivis de Mme Carole Z... et prorogeant de trois mois le délai de rachat accordé à la société X... frères , et d'avoir déclaré de nul effet tous actes pris en application de ces ordonnances sur requête du 19 mars 2015,

AUX MOTIFS QUE sur la rétractation, Mme Z..., propriétaire indivis d'actions de la société X... frères , a sollicité l'agrément de ladite société, en vue de la cession de ses droits indivis sur 610 actions à la société Spiricap, tiers à la société X... frères , suivant la procédure instaurée par les statuts et par l'article L.228-24 du code de commerce ; que la société X... frères a notifié par acte d'huissier du 29 décembre 2014 à Mme Z... le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 23 décembre 2014 de la société X... frères aux termes duquel cette dernière refusait l'agrément de cession à la société Spiricap ; que cette notification a fait courir un délai de trois mois en application de l'article L.228-24 alinéa 2 du code de commerce, lequel énonce : « Si la société n'agrée pas le cessionnaire proposé, le conseil d'administration, le directoire ou les gérants, selon les cas, seront tenus, dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus, de faire acquérir les titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, soit par un actionnaire ou par un tiers, avec le consentement du cédant, par la société en vue d'une réduction du capital. A défaut d'accord entre les parties, le prix des titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital est déterminé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil...Si à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, l'achat n'est pas réalisé, l'agrément est considéré comme donné. Toutefois, ce délai peut être prolongé par décision de justice à la demande de la société » ; que M. Roger X..., actionnaire de la société X... frères , a formulé une offre de rachat mais pas au prix proposé par la cédante ; que dès lors, la société a entendu faire désigner un expert pour fixer la valeur des actions conformément à l'article 1843-4 du code civil, lequel dispose : « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée en cas de contestation par un expert désigné soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible » ; que de même, l'article R. 228-23 du code de commerce énonce : « la désignation de l'expert prévue à l'article 1844-4 du code civil est faite par le président du tribunal de commerce ; celui-ci accorde par ordonnance de référé, l'actionnaire cédant et le cessionnaire dûment appelés, la prolongation de délai prévue au troisième alinéa de l'article L.228-24. Ces ordonnances ne sont pas susceptibles de recours » ; que la société X... frères a déposé deux requêtes devant le président du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre aux fins de voir désigner un expert et en prolongation du délai de rachat ; que par ordonnances du 19 mars 2015, rendues par le président du tribunal mixte de commerce, il a été fait droit à ces demandes ; que se fondant sur les articles susvisés et invoquant l'impossibilité de tout recours, la société appelante conteste la procédure de référé en rétractation employée par la société Spiricap et l'ordonnance déférée qui y a fait droit, rétractant lesdites ordonnances du 19 mars 2015 ; que la société X... frères invoque notamment à l'appui de sa demande un arrêt rendu le 12 avril 2016 par la Cour de cassation, laquelle a jugé que la décision de nomination en justice d'un expert chargé de déterminer la valeur des droits sociaux (article 1843-4 du code civil) est sans recours possible sauf excès de pouvoir et que la fausse application de l'article 1843-4 du code civil ne constitue pas un excès de pouvoir ; qu'il en résulte en effet que l'ordonnance statuant sur la demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil est, en vertu de la lettre même de ce texte, sans recours possible et cette solution générale s'applique à toute voie de recours, mais sans atteindre toutefois celles ouvertes en cas d'excès de pouvoir ; que cependant, en l'espèce, le président du tribunal a été saisi non en la forme des référés soit par assignation mais sur requête de la société cessionnaire, sans appel même de l'associée cédante, et le président du tribunal a rendu des ordonnances sur requête et non des ordonnances en la forme des référés comme le prescrit l'article 1843-4 susvisé ; que seules ces dernières auraient été insusceptibles de tout recours ; qu'en revanche, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; qu'en l'espèce, la société X... frères , requérante, n'était pas fondée à ne pas appeler au moins la cédante, Mme Z..., en la cause, ce qu'elle n'ignorait pas, ayant été destinataire du rejet d'une première requête aux mêmes fins par décision du président du tribunal de commerce de Pointe à Pitre en date du 10 mars 2015, motivée par la non application des conditions de l'article 1843-4 ; que ces ordonnances rendues sur requête dérogeaient de manière injustifiée à la règle de la contradiction résultant de l'article R. 228-23 susmentionné et ne revêtaient pas un caractère contentieux ; qu'il n'appartenait pas à la société Spiricap ni Mme Z..., tiers étrangers à la requête de la société X... frères qui a été accueillie, d'attaquer les dites ordonnances par la voie de l'appel, fût ce un appel nullité, dans la mesure où elles n'étaient nullement parties à la dite procédure et alors que les ordonnances litigieuses ne leur ont pas même été notifiées ; qu'en revanche, l'article 496 du code de procédure civile prévoit que tout intéressé « peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance » et que l'article 497 dudit code énonce que « le juge a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l'affaire » ; que dès lors, la société Spiricap et Mme Z... s'estimant lésées par les mesures ordonnées sur requête à leur insu ne pouvaient qu'en référer au magistrat ayant rendu les dites ordonnances ; qu'un tel référé aux fins de rétractation ne constitue pas une voie de recours mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction ; que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil ayant pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant (en l'occurrence Mme Z...) devaient être appliquées, ce qui induisait le respect du contradictoire, au niveau de la désignation d'expert et de la prolongation du délai de rachat des titres ; que l'impossibilité de tout recours, alléguée par les appelants, s'entend à l'encontre d'ordonnances rendues en la forme des référés, c'est à dire sur assignation en référé, sans que les conditions de recevabilité du référé de l'article 808 du code de procédure civile soient exigées (urgence, défaut de contestation sérieuse) ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, les ordonnances rendues le 19 mars 2015 ayant été rendues selon une procédure erronée et sans contradiction ; qu'il ne peut cependant s'agir, comme le soutiennent les appelants, d'une fausse application de l'article 1843-4 du code civil, mais bien d'une procédure dévoyée par rapport aux conditions prévues dans ledit article ; qu'en conséquence, le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en rétractant lesdites ordonnances sur requête du 19 mars 2015 ; que par suite de la dite rétractation, les dites ordonnances doivent être considérées comme nulles et non avenues et l'ordonnance déférée doit être confirmée ;

1) ALORS QUE la désignation de l'expert prévue à l'article 1843-4 du code civil, à défaut d'accord entre les parties sur la valeur des droits sociaux, est faite par le président du tribunal qui accorde par ordonnance de référé, l'actionnaire cédant et le cessionnaire appelés, la prolongation de délai prévue au 3ème alinéa de l'article L.228-24, ces ordonnances n'étant pas susceptibles de recours ; que, pour déclarer recevable le référé aux fins de rétractation formé par Mme Z..., cédante, et la société Spiricap, tiers cessionnaire, contre les ordonnances du 19 mars 2005, la cour d'appel a retenu qu'il ne constituait pas une voie de recours, faute pour le président du tribunal qui les a rendues d'avoir été saisi en la forme des référés, et pour l'avoir été sur requête de la société cessionnaire et sans appel de l'associée cédante, ces ordonnances dérogeant à la règle de la contradiction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas constaté d'excès de pouvoir a violé l'article R. 228-3 alinéa 2 du code de commerce ensemble l'article 1843-4 du code civil ;

2) ALORS QUE subsidiairement, dans leurs conclusions (pages 16 et s.), M. X... et la société X... frères faisaient valoir sans être démentis qu'ils avaient informé la société Spiricap et Mme Z... de l'introduction des procédures de désignation d'expert et de prorogation du délai et ce, dès leur engagement, et que l'expert désigné avait adressé à Mme Z... des courriers dès le 15 mai 2015 ; que cette dernière s'était abstenue d'y répondre aux fins de dissimuler la cession de ses actions à la société Spiricap frauduleusement intervenue le 27 mai 2015 avant le dépôt du rapport par l'expert qui l'avait informée de son imminence, et en l'état des ordonnances du 19 mars 2015 prorogeant les délais, contre lesquelles aucun recours n'avait encore été exercé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions tout en déclarant recevable et fondée la demande en rétractation de ces ordonnances, délibérément méconnues par les appelantes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-21872
Date de la décision : 09/01/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 20 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jan. 2019, pourvoi n°17-21872


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delvolvé et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21872
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