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20/12/2018 | FRANCE | N°17-31512

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 décembre 2018, 17-31512


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 5 juillet 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tulle a ordonné la prise en charge, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (la caisse), de la pathologie déclarée par M. Y..., salarié de la société Photonis France (l'employeur), au titre de la législation sur les risques professionnels ; que l'employeur, qui n'avait pas été appelé à cette instance, a sollicité, le 20 mai 2015, que la décision de prise en charge

lui soit déclarée inopposable ; que la commission de recours amiable aya...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 5 juillet 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tulle a ordonné la prise en charge, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (la caisse), de la pathologie déclarée par M. Y..., salarié de la société Photonis France (l'employeur), au titre de la législation sur les risques professionnels ; que l'employeur, qui n'avait pas été appelé à cette instance, a sollicité, le 20 mai 2015, que la décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable ; que la commission de recours amiable ayant déclaré sa demande irrecevable en raison de la forclusion, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour déclarer inopposable à l'employeur la reconnaissance de la maladie professionnelle, l'arrêt retient que dans le cadre du recours exercé par le salarié, le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise médicale qu'il avait ordonnée pour juger que le salarié était en droit de prétendre à une indemnisation au titre de la maladie professionnelle n° 42 ; que la société Photonis France, qui n'a pas été appelée à la cause dans le cadre de cette procédure, n'a pas eu connaissance des conclusions de l'expert et n'a pas été en mesure de les discuter ; qu'il s'ensuit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle est intervenue sur la base d'un élément susceptible de faire grief à l'employeur qui ne lui a pas été communiqué préalablement, ce qui caractérise une atteinte au principe du contradictoire ; qu'il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont déclaré inopposable à la société Photonis France la décision du 23 septembre 2005 acceptant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par M. Y... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie du recours formé par l'employeur qui contestait le caractère professionnel de la maladie déclarée par son salarié, et prise en charge au titre de la législation professionnelle, il lui appartenait de se prononcer, dans les rapports entre l'employeur et la caisse, sur la nature professionnelle ou non de la maladie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare inopposable à la société Photonis France la décision du 23 septembre 2005 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, acceptant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par M. Y..., l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Photonis France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze du 15 octobre 2015, déclaré recevable le recours exercé par la société Photonis à l'encontre de la décision prise le 23 septembre 2005 par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, acceptant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par Monsieur Jean Pierre Y...

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la recevabilité du recours :
Il résulte des dispositions de l'article R. 142-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale que la commission de recours amiable doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation et que la forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
En l'espèce, la caisse invoque la prescription du recours de l'employeur sur le fondement de l'article 2224 du code civil mais cette disposition ne trouve pas s'appliquer en l'espèce, le délai de recours contre les décisions prises par ses services étant prévu par l'article précité.
A l'appui de son moyen, elle soutient avoir informé la société Photonis France de la décision de prise en charge le 23 septembre 2005 mais ne produit pas cette lettre de notification. Il n'est donc pas établi que contrairement aux affirmations de l'employeur, celui-ci a bien reçu notification de cette décision.
Par ailleurs, les différents échanges que la caisse et l'employeur ont pu avoir postérieurement ne peuvent avoir pour effet de faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il n'est pas justifié de la notification de la décision de prise en charge ainsi que de l'indication de la possibilité de saisir la commission de recours amiable d'une contestation et des délais pour agir.
Dans ces conditions, le recours exercé par la société Photonis France devant la commission de recours amiable de la caisse le 20 mai 2015 était recevable. La décision des premiers juges sera donc confirmée. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « 1 -Sur la recevabilité du recours
Il résulte de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale que la commission de recours amiable doit être saisie dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision, ce délai commençant à courir, à l'égard de celui à qui la décision est notifiée, à la date de réception de la lettre et à la condition que le délai et les voies de recours aient été indiqués sur la décision en cause.
Il convient de souligner que la réglementation spéciale s'oppose à ce que les juridictions contentieuses de la sécurité sociale puissent faire application des dispositions du code civil relatives à la prescription des actions personnelles. En l'espèce, la CPAM indique avoir adressé à la société Photonis un courrier le 23 septembre 2005 l'informant de la prise en charge de la pathologie de son salarié au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société Photonis indique n'avoir jamais reçu ce courrier.
La CPAM de la Corrèze produit un courrier du 23 septembre 2005 adressé à Monsieur Jean-Pierre Y..., l'informant de la prise en charge de sa pathologie.
La CPAM ne rapporte pas la preuve que cette décision a été portée à la connaissance de l'employeur le 23 septembre 2005 et surtout elle ne rapporte pas la preuve que l'employeur a été valablement informé des délais et des voies de recours qu'il pouvait exercer à l'encontre de cette décision.
En effet, la CPAM de la Corrèze ne produit aucun courrier adressé à l'employeur l'informant qu'il pouvait saisir la commission de recours amiable pour contester cette décision de prise en charge.
D'où il suit qu'aucune forclusion ne peut être opposée au recours introduit par la société Photonis le 20 mai 2015 devant la commission de recours amiable ; en conséquence, la demande de la société Photonis sera déclarée recevable. »

ALORS D'UNE PART QU' avant le 1er janvier 2010, date d'application du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, il n'existait aucune disposition spéciale relative aux voies et délais de recours ouverts à l'employeur à l'encontre des décisions prises par la caisse à l'issue de l'instruction des demandes de prise en charge des accidents du travail et maladies professionnelles ; que la matière était donc gouvernée par les dispositions de l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 selon laquelle «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; qu'en retenant, pour écarter le moyen pris du caractère tardif du recours de l'employeur présenté par la caisse sur le fondement de l'article 2224 du code civil que « cette disposition ne trouve pas s'appliquer en l'espèce, le délai de recours contre les décisions prises par ses services étant prévu par l'article » R. 142-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé ensemble les articles R. 142-1 du code de la sécurité sociale et 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 ;

ALORS D'AUTRE PART QU'aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; qu'en l'espèce, la société Photonis avait attendu le 20 mai 2015 pour contester devant la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze la décision de cet organisme social de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par Monsieur Jean Pierre Y... le 21 août 2003 ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen pris de la tardiveté de ce recours, que «les différents échanges que la caisse et l'employeur ont pu avoir postérieurement » au 23 septembre 2005, date de la décision en cause « ne peuvent avoir pour effet de faire courir le délai de forclusion dès lors qu'il n'est pas justifié de la notification de la décision de prise en charge ainsi que de l'indication de la possibilité de saisir la commission de recours amiable d'une contestation et des délais pour agir » ; qu'en refusant de tenir compte des documents matérialisant ces échanges, au nombre desquels une télécopie datant du mois d'octobre 2007, portant à la connaissance de la société Photonis les éléments de son compte employeur 2006 et qui, en faisant mention de la prise en charge à titre professionnel de la pathologie de Monsieur Y..., portait à la connaissance de la société Photonis les informations nécessaires à l'exercice de l'action litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze du 15 octobre 2015, dit inopposable à la société Photonis la décision prise le 23 septembre 2005 par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, acceptant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par Monsieur Jean Pierre Y...

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le fond:
La société Photonis France reconnaît que la procédure d'instruction mise en oeuvre par la caisse préalablement à sa décision de refus de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. Y... est régulière.
En revanche, elle conteste la régularité de la procédure ayant conduit à une décision de prise en charge à la suite du recours exercé par le salarié devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Corrèze car elle n'a pas été appelée à la cause.
Dans le cadre du recours exercé par le salarié, le tribunal a ordonné avant dire droit la mise en oeuvre de l'expertise médicale prévue par l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale afin de déterminer si le salarié était atteint de la maladie mentionnée au tableau n° 42 des maladies professionnelles.
L'expertise a été réalisée par le Docteur Z... le 21 janvier 2005 et le tribunal, se fondant sur les conclusions de l'expert a jugé que le salarié était en droit de prétendre à une indemnisation au titre de la maladie professionnelle n° 42.
La société Photonis France n'a pas été appelée à la cause dans le cadre de cette procédure et, par la suite, elle n'a pas eu connaissance des conclusions de l'expert et n'a pas été en mesure de les discuter.
Il s'ensuit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle est intervenue sur la base d'un élément susceptible de faire grief à l'employeur (le rapport d'expertise du Docteur Z...) qui ne lui a pas été communiqué préalablement, ce qui caractérise une atteinte au principe du contradictoire.
Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont déclaré inopposable à la société Photonis France la décision du 23 septembre 2005 acceptant la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par M. Y.... »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «2 -Sur l'inopposabilité à la société Photonis de la décision de prise en charge Il est constant qu'en cas d'instruction d'un dossier de déclaration de maladie professionnelle, la caisse doit informer l'employeur. Il résulte du principe du contradictoire que la caisse doit informer l'employeur pour lui permettre de faire valoir ses observations dans les conditions qui ont été reprises aux articles R. 44114 et suivants du code de la sécurité sociale. En conséquence, la décision de prise en charge intervenant sur le recours de l'assuré contre la décision initiale de rejet de la caisse est inopposable à l'employeur lorsqu'il est demeuré étranger à l'instance judiciaire faute d'y avoir été appelé. En l'espèce, la pathologie de Monsieur Jean-Pierre Y... a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels suite à un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 5 juillet 2005. Il ressort de ce jugement que la société Photonis est restée étrangère à cette instance judiciaire.
En conséquence, il convient de déclarer inopposable à la société Photonis la décision de prise en charge du 23 septembre 2005 et d'infirmer la décision de la commission de recours amiable du 15 octobre 2015. »

ALORS QU'en application de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce, seule la procédure préalable à la décision initiale de la caisse doit être contradictoire à l'égard de l'employeur ; que par conséquent, l'obligation d'information de l'employeur ne s'applique pas à l'instruction du recours formé par l'assuré à l'encontre de la décision initiale de la caisse de refus de prise en charge ; qu'en l'espèce, la décision de prise en charge de la maladie professionnelle est intervenue à la suite d'une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 5 juillet 2005 rendue sur recours de Monsieur Jean-Pierre Y... ; qu'en retenant, pour dire inopposable à la société Photonis la décision de la CPAM de la Corrèze de procéder à la prise en charge de sa maladie que ladite décision avait été prise «sur la base d'un élément susceptible de faire grief à l'employeur (le rapport d'expertise du Docteur Z...) qui ne lui a pas été communiqué préalablement, ce qui caractérise une atteinte au principe du contradictoire », la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à l'époque des faits.

ALORS D'AUTRE PART QUE si l'employeur n'a pas été appelé à l'instance engagée par l'assuré afin de contester le refus de prise en charge qui lui avait été opposé par la caisse, la décision de la juridiction faisant droit au recours de l'assuré ne lui est pas opposable ; qu'il appartient alors aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, saisies du recours formé par l'employeur afin de contester l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse de reconnaître la maladie professionnelle en exécution de la décision rendue dans l'instance l'opposant à son assuré, de se prononcer sur la nature professionnelle ou non de la maladie ; qu'en l'espèce, faute d'avoir recherché si les conditions de prise en charge de la maladie étaient ou non réunies et en s'arrêtant à la seule absence de l'employeur à l'instance engagée par l'assuré pour dire inopposable à l'employeur la décision de la caisse, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-31512
Date de la décision : 20/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 24 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 déc. 2018, pourvoi n°17-31512


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.31512
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