LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2017), que Mme X..., qui a épousé le [...] en Algérie C... Y... , décédé le [...] , a demandé le versement d'une pension de réversion dont la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la caisse) lui a refusé le bénéfice au motif que l'époux était, lors de ce mariage, engagé dans les liens d'une précédente union contractée en 1958 qui n'a été dissoute par divorce que le 1er février 2000 ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que Mme X..., veuve Y... a la qualité de conjoint survivant et a droit à une pension de réversion du chef de C... Y... , en concours avec Mme D... Y..., née Z... et de l'inviter à remplir la requérante de ses droits selon les modalités prévues par l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un second mariage ne pouvant être contracté avant la dissolution du premier, le mariage contracté en contravention de la loi française ne peut donner d'effets à une situation qu'elle ne reconnaît pas et ne peut ouvrir droit à une pension de réversion en faveur de la seconde épouse ; qu'en l'espèce, M. Y..., de nationalité française depuis 2004, décédé le [...] , avait contracté un second mariage le [...] en Algérie avec Mme Farida X..., également de nationalité française depuis 2003, tandis qu'il était encore dans les liens d'un premier mariage avec Mme D... Z..., mariage qui n'a été dissous, par divorce, que le 1er février 2000 ; que cette situation de bigamie, contraire à l'ordre public français, faisait obstacle à ce que le second mariage en Algérie de M. Y... avec Mme X..., tous deux depuis lors de nationalité française, produise des effets en France ; qu'en décidant que la seconde épouse de M. Y..., Mme X..., avait la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale et devait bénéficier de la pension de réversion, en concours avec la première épouse, Mme D... Z..., la cour d'appel a violé les articles L. 353-1 et L. 353-3 du code de la sécurité sociale et 147 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, le mariage contracté en état de polygamie et en violation de la loi française de la seconde épouse, de nationalité française, mais dont la nullité n'a pas été prononcée, ne peut pas être opposé à une caisse de sécurité sociale pour prétendre bénéficier d'une pension de réversion ; qu'aucun texte n'organise le partage de cette pension de réversion dans le cas d'un tel mariage polygame en raison de l'interdiction de celui-ci par la loi française ; qu'en retenant au contraire qu'en l'absence d'annulation du second mariage de M. Y..., la seconde épouse, Mme X..., de nationalité française, a la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale et que ce mariage était opposable à la Carsat qui devait, en conséquence, lui verser une pension de réversion en concours avec la première épouse, Mme D... Z..., la cour d'appel a violé derechef les articles L. 353-1 et L. 353-3 du code de la sécurité sociale et 147 du code civil ;
Mais attendu qu'en l'absence d'annulation du mariage, la cour d'appel a, sans méconnaître la conception française de l'ordre public international, exactement déduit que Mme X... a la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elle doit bénéficier de la pension de réversion, en concours avec la première épouse, selon les modalités prévues par l'article L. 353-3 du même code ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que Mme Farida X... veuve Y... a la qualité de conjoint survivant et a droit à une pension de réversion du chef de M. C... Y... décédé le [...] , en concours avec Mme D... Y... née Z... et invité la Carsat à la remplir de ses droits selon les modalités prévues par l'article L 353-3 du code de la sécurité sociale français.
AUX MOTIFS QUE l'appelante a demandé à percevoir une pension de réversion suite au décès de M. Y..., le [...] , avec lequel elle s'était mariée le [...], en Algérie ; que le 4 juin 2012, la CARSAT lui a opposé un refus car M. Y... était marié avec D... Z... depuis 1958, ce mariage n'ayant été dissous, par divorce, que le 1er février 2000 ; que la commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme Y..., le 6 décembre 2012 ; que l'appelante et M. Y... ont obtenu la nationalité française par l'effet des « décrets de réintégration » dans la nationalité française en 2003 puis en 2004 ; qu'au jour de son décès, la loi réglant le statut personnel de M. Y... était la loi française. ; que certes, la loi française prohibe la bigamie puisque l'article 147 du code civil prévoit que « On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier» ; que toutefois en l'absence d'annulation du second mariage, la seconde épouse a la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L 353-l du code de la sécurité sociale et doit bénéficier de la pension de réversion, en concours avec la première épouse, Mme D... Y... née Z... ; que l'article 34 de la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, invoquée par l'appelante pour solliciter à titre subsidiaire un partage de la pension par moitié entre les deux épouses, n'est applicable que « si, conformément à son statut personnel, l'assuré avait au moment de son décès, plusieurs épouses »; qu'or, au moment de son décès, le statut personnel de M. Y... relevant de la loi française, il ne pouvait pas avoir « plusieurs épouses » ; que le partage de la pension sera opéré au prorata de la durée respective de chaque mariage, conformément à l'article L 353-3 du code précité.
1) ALORS QU'un second mariage ne pouvant être contracté avant la dissolution du premier, le mariage contracté en contravention de la loi française ne peut donner d'effets à une situation qu'elle ne reconnaît pas et ne peut ouvrir droit à une pension de réversion en faveur de la seconde épouse ; qu'en l'espèce, M. Y..., de nationalité française depuis 2004, décédé le [...] , avait contracté un second mariage le [...] en Algérie avec Mme Farida X..., également de nationalité française depuis 2003, tandis qu'il était encore dans les liens d'un premier mariage avec Mme D... Z..., mariage qui n'a été dissous, par divorce, que le 1er février 2000 ; que cette situation de bigamie, contraire à l'ordre public français, faisait obstacle à ce que le second mariage en Algérie de M. Y... avec Mme X..., tous deux depuis lors de nationalité française, produise des effets en France ; qu'en décidant que la seconde épouse de M. Y..., Mme X..., avait la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L 353-1 du code de la sécurité sociale et devait bénéficier de la pension de réversion, en concours avec la première épouse, Mme D... Z..., la cour d'appel a violé les articles L 353-1 et L 353-3 du code de la sécurité sociale et 147 du code civil.
2) ALORS QUE le juge doit en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni de l'exposé des prétentions de Mme X... veuve Y... devant la cour d'appel ni de ses conclusions d'appel que celle-ci ait soutenu qu'en l'absence d'annulation du second mariage, la seconde épouse a la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L 353-1 du code de la sécurité sociale et doit bénéficier de la pension de réversion, en concours avec la première épouse ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans le soumettre à la discussion des parties, pour dire que Mme X... veuve Y... a la qualité de conjoint survivant et a droit à une pension de réversion du chef de M. Y..., en concours avec la seconde épouse de ce dernier, Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
3) ALORS QU'en tout état de cause, le mariage contracté en état de polygamie et en violation de la loi française de la seconde épouse, de nationalité française, mais dont la nullité n'a pas été prononcée, ne peut pas être opposé à une caisse de sécurité sociale pour prétendre bénéficier d'une pension de réversion ; qu'aucun texte n'organise le partage de cette pension de réversion dans le cas d'un tel mariage polygame en raison de l'interdiction de celui-ci par la loi française ; qu'en retenant au contraire qu'en l'absence d'annulation du second mariage de M. Y..., la seconde épouse, Mme X..., de nationalité française, a la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L 353-1 du code de la sécurité sociale et que ce mariage était opposable à la Carsat qui devait, en conséquence, lui verser une pension de réversion en concours avec la première épouse, Mme D... Z..., la cour d'appel a violé derechef les articles L 353-1 et L 353-3 du code de la sécurité sociale et 147 du code civil.