LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Vu ensemble les articles L. 452-1, L. 452-3 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale et 126 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., victime le 11 mai 2009 d'un accident du travail, dont la consolidation a été fixée au 3 janvier 2013, a formé, le 14 janvier 2013, à l'encontre de la société Sofeca (l'employeur), dissoute le 25 mars 2011 et dont la radiation du registre du commerce et des sociétés a été publiée le 10 janvier 2013, en présence de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique (la caisse), une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et à l'indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que pour rejeter la demande, la cour d'appel retient qu'elle a été présentée à l'encontre d'une société qui n'avait plus d'existence légale, ni de représentant, la désignation de M. Arnaud Z... en qualité de mandataire ad hoc de la société Sofeca étant intervenue postérieurement à l'expiration du délai de la prescription biennale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de la victime contre l'employeur, qui était dirigée également contre la caisse avait interrompu la prescription, et que la mise en cause de l'employeur avait été régularisée par la désignation d'un mandataire ad hoc, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne M. Z..., mandataire ad hoc de la société Sofeca, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé ou décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit l'action en reconnaissance de la faute inexcusable dirigée contre la société Sofeca prescrite ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant de la société Sofeca, il apparaît que sa radiation a été publiée au Bodacc le 10 janvier 2013 et que l'action dirigée contre elle par M. Y... en octobre 2013 en l'absence de représentant légal était irrecevable ; en vertu de l'article 126, al. 2 du code de procédure civile, l'irrecevabilité ne peut être écartée que si la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance avant toute forclusion ; l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale dispose que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur se prescrit par deux ans à compter du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; en application de l'article 433-1 du même code l'indemnité journalière cesse d'être payée à compter de la date de la consolidation ; en l'espèce il ressort des pièces produites que la consolidation est intervenue le 3 janvier 2013 et que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable expirait en conséquence le 3 janvier 2015 ; la nomination de l'administrateur ad hoc étant intervenue le 19 mars 2015 soit au-delà de la date sus-visée, l'action de M. Y... ne peut prospérer contre Sofeca en raison de la prescription ;
1. ALORS QUE l'action en reconnaissance de la faute inexcusable dirigée par le salarié contre la personne ayant la qualité juridique d'employeur suffit à interrompre la prescription biennale, peu important, s'agissant d'une société radiée du registre du commerce et des sociétés, qu'elle ne soit pas encore représentée au moment de la saisine du tribunal ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.452-1, L.431-2 du code de la sécurité sociale et l'article L.2241 du code civil ;
2. ALORS QUE le juge ne peut déclarer prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par le salarié dans le délai biennal à l'encontre de la société employeur, motif pris de l'absence de représentant légal de cette société et de la nomination tardive de l'organe de représentation compétent, s'il ne l'a pas invité à régulariser la procédure à l'égard de l'employeur en temps utile ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que M. Y... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dès le 14 octobre 2013, soit bien avant l'expiration du délai de deux ans de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale; qu'en déclarant que son action était prescrite, en raison de la nomination tardive du mandataire ad hoc habilité à représenter la société employeur, sans avoir constaté que le salarié avait été invité à régulariser la procédure à l'égard de cette société en temps utile, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;
3. ALORS, en tout état de cause, QUE l'acte de saisine d'une juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion ; que constitue un vice de procédure le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ; qu'il en résulte que l'acte de saisine d'une juridiction, serait-il entaché d'un tel vice, interrompt la prescription ; que l'arrêt attaqué constate que dans le délai de la prescription biennale, M. Y... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une requête aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable dirigée contre la société Sofeca prise en la personne de son liquidateur, ce dont il résulte que le cours de la prescription a été interrompu à cette date, nonobstant l'absence de pouvoir du liquidateur pour représenter la société après la clôture de la liquidation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, 117, 121 et 126 du code de procédure civile.