LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 11 mai 2017), que M. et Mme X... ont entrepris la construction d'une maison d'habitation dans un lotissement ; qu'à la demande de MM. Y..., B... et C..., colotis, et du maire de la commune, un arrêt du 24 avril 2014 a, sur le fondement du règlement du lotissement, d'un arrêté interruptif de travaux du 18 octobre 2013 et du procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 22 octobre 2013, ordonné l'arrêt des travaux sous astreinte et désigné un expert ; que, le 13 décembre 2016, M. et Mme X... ont déposé une déclaration d'inscription de faux incidente, pour voir déclarer nuls le procès-verbal de constat du 22 octobre 2013 et la lettre de la mairie de Nouméa du 10 janvier 2014 ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de les condamner à une amende civile ;
Mais attendu que, selon l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, les constatations purement matérielles, que ceux-ci peuvent effectuer commis par justice ou à la requête de particuliers, font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'ayant relevé que l'huissier de justice avait effectué un certain nombre de constatations purement matérielles à la demande du représentant de la mairie et que M. et Mme X... ne contestaient que la véracité du contenu de la lettre du 10 janvier 2014, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que la procédure d'inscription de faux les concernant devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la procédure d'inscription de faux incidente diligentée par les époux X... à l'encontre des mentions de l'acte d'huissier dressé par Me D... le 22 octobre 2013, d'AVOIR rejeté les contestations soulevées sur la lettre de la mairie de Nouméa du 10 janvier 2014 et d'AVOIR condamné les époux X... à payer solidairement la somme de 50 000 francs CPF à titre d'amende civile en application de l'article 305 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
AUX MOTIFS QUE « S'agissant en premier lieu du constat d'huissier établi le 22 octobre 2013 par Me Jean-Marie D... huissier de justice, il est admis en droit que seules les mentions de l'acte qui ont donné lieu à des vérifications personnelles de l'huissier font preuve jusqu'à inscription de faux et peuvent faire l'objet de la présente procédure. Or la cour relève, s'agissant du constat d'huissier litigieux, que l'auxiliaire de justice a effectué un certain nombre de constatations purement matérielles à la demande de M. E..., représentant la mairie de Nouméa, à l'origine du constat. Il n'a procédé à aucune mesure sur place de nature à établir ou à conforter ces constatations, qui n'avaient donc qu'une portée relative, limitée en réalité aux photographies réalisées et aux déclarations de M. E..., représentant la mairie de Nouméa. En conséquence la phrase de l'acte querellé par les époux X... n'est qu'un simple renseignement qui ne relève pas de la procédure d'inscription de faux incidente. La requête concernant les mentions de cet acte d'huissier sera donc rejetée sur le fondement des dispositions des articles 303 et suivants du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie. S'agissant en deuxième lieu de la lettre de la mairie de Nouméa en date du 10 janvier 2014 et du passage querellé, à savoir: "En premier lieu, votre mur de soutènement en limite Est repose sur une semelle en béton d'une vingtaine de centimètres de largeur, puis sans discontinuer, d'un seul tenant s'élève jusqu'au niveau du rez de chaussée (niveau + 36,14 NGNC) sur une hauteur de 5 mètres environ", les requérants invoquent les dispositions de l'article 287 et suivants du code de procédure civile. Or ces textes sont entrepris dans la section 1 du chapitre 1 relatif aux contestations relatives aux actes sous-seing privé intitulée la vérification d'écriture. Ces dispositions légales portent exclusivement sur la détermination du véritable rédacteur de l'acte en cause et ne concernent nullement le contenu de l'acte lui-même. En l'espèce les demandeurs ne contestent que la véracité du contenu du document. En conséquence leur demande de ce chef sera également rejetée. Sur l'application des dispositions de l'article 305 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie. En vertu de l'article 305 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile de 20 000 F CFP à 200 000 F CFP sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. En l'espèce la cour estime opportun de fixer à la somme de 50 000 F CFP le montant de l'amende civile » (arrêt, p. 7 et 8),
1°) ALORS QUE le juge ne saurait, sous couvert d'interprétation, conférer à un écrit clair et précis, un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ;
Qu'il résulte des termes clairs et précis du procès-verbal de constat du 22 octobre 2013 que l'huissier instrumentaire, Maître Jean-Marie D..., « Monsieur E... me montre et je constate, depuis la rue [...], que l'angle du mur de soutènement de la façade Est, est constitué d'un seul tenant sur une hauteur d'environ 5 mètres, depuis sa base se situant sur le sol de la servitude entre les lots 220 et 228 » (procès-verbal de constat, p. 1) ; qu'il s'en évince qu'il s'agit d'une constatation personnelle de l'officier ministériel faisant pleinement foi, dans le cadre de sa mission tendant à relever les non-conformités de la construction des époux X... par rapport au permis de construire délivré ;
Qu'en décidant cependant que le constat n'aurait qu'une « portée relative limitée en réalité aux photographies réalisées et aux déclarations de Monsieur E..., représentant la mairie de Nouméa » (arrêt, p. 7, dernier §), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du constat d'huissier du 22 octobre 2013 et a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, les constatations d'un huissier de justice font foi jusqu'à preuve contraire ;
Que par procès-verbal du 22 octobre 2013, Maître Jean-Marie D..., huissier de justice, a procédé à divers constats à la requête de la commune de Nouméa, dont un constat selon lequel « l'angle du mur de soutènement de la façade Est, est constitué d'un seul tenant sur une hauteur d'environ 5 mètres, depuis sa base se situant sur le sol de la servitude entre les lots 220 et 228 » (procès-verbal de constat, p. 1) ; que ce constat a été utilisé par la commune de Nouméa devant le juge civil afin d'obtenir l'arrêt des travaux sous astreinte par arrêt du 24 avril 2014 ;
Qu'en décidant cependant que les constatations de l'huissier de justice, versées aux débats dans le cadre d'un procès civil, ne constitueraient qu'un « simple renseignement qui ne relève pas de la procédure d'inscription de faux incidente » (arrêt, p. 8), la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice ;
3°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et leurs moyens ;
Que les exposants fondaient leur inscription de faux incidente, concernant le courrier de la commune de Nouméa du 10 janvier 2014, sur les articles 299 et suivants, 303, et 306 et suivants du Code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie (cf. mémoire des exposants, p.2) ; que la Cour d'appel, dans le cadre du rappel des prétentions des parties, avait elle-même relevé que « Par voie de conclusions récapitulatives déposées au greffe le 27 mars 2017, M. et Mme X... confirment leurs positions au visa des articles 299, 303, 306 et suivants du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie » (arrêt, p. 5) ;
Qu'en décidant cependant que « les requérants invoquent les dispositions de l'article 287 et suivants du Code de procédure civile » et que les époux X... limiteraient ainsi leur demande à la « vérification d'écriture » (arrêt, p. 8), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.