LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante ;
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 2017, qui, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de la société Brasserie X... et de M. Yvan X..., du chef d'infraction à la législation des contributions indirectes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 de la directive n° 92/83/CEE, 178-0 bis A, 302 G et 520 A de l'annexe 3 du code général des impôts, 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce qu'il a, confirmant le jugement par motifs propres, relaxé M. X... et la société Brasserie X... des fins de la poursuite ;
"aux motifs propres que « les poursuites à l'encontre des prévenus par la direction régionale des douanes et droits indirects d'Auvergne sont fondées sur les articles 520 A, 1791 du code général des impôts et sur l'article 178-0 bis A de l'annexe 3 du même code ; qu'aux termes de l'article 520 alinéa 1, qui figure au livre 1 de la première partie du titre III du code général des impôts, tel qu'il était par exemple en vigueur entre le 19 décembre 2008 et le 10 avril 2009, « est perçu un droit spécifique : a) sur les bières dont le taux, par hectolitre, est fixé à : 1,3 euro par degré alcoométrique pour les bières dont le titre alcoométrique n'excède pas 2,8 % vol. ; 2,6 euros par degré alcoométrique pour les autres bières ; que dans les dispositions du présent code relatives aux contributions indirectes, sont compris sous la dénomination de bière, tout produit relevant du code NC 2203 du tarif des douanes ainsi que tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non-alcooliques relevant du code NC 2206 du tarif des douanes et ayant dans l'un ou l'autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol. ; que par dérogation aux dispositions précédentes, le taux par hectolitre applicable aux bières produites par les petites brasseries indépendantes, dont le titre alcoométrique excède 2,8 % vol., est fixé à : 1,3 euro par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est inférieure ou égale à 10 000 hectolitres ; 1,56 euros par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est supérieure à 10 000 hectolitres et inférieure à 50 000 hectolitres ; 1,95 euros par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est supérieure à 50 000 hectolitres et inférieure ou égale 200 000 hectolitres ; que le tarif du droit spécifique est relevé au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année ; qu'il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le second chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq ; qu'il est publié au journal officiel par arrêté du ministre chargé du budget » ; que la société Brasserie X... , en tant que brasserie qui produit des bières excédant 2,8 % vol. devait donc s'acquitter, suivant l'exemple, pour l'année 2008, d'un droit de 2,6 euros par degré alcoométrique, sauf si la dérogation prévue par l'article 520 A s'appliquait, c'est à dire si la société est considérée comme une petite brasserie indépendante, auquel cas le droit est réduit de moitié ; que l'article 178-0 bis A de l'annexe 3 du code général des impôts définit la notion de petite brasserie indépendante ainsi : « pour l'application des taux réduits du droit spécifique mentionnés du cinquième au huitième alinéa du a du I de l'article 520 A du code général des impôts, une petite brasserie indépendante s'entend d'une brasserie établie dans un État membre de la communauté européenne qui respecte cumulativement les critères suivants : 1° elle produit annuellement moins de 200 000 hectolitres de bière, 2° elle est juridiquement et économiquement indépendante de toute autre brasserie, 3° elle utilise des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie, 4° elle ne produit pas sous licence ; que lorsque deux ou plusieurs petites brasseries coopèrent et que leur production annuelle additionnée ne dépasse pas 200 000 hectolitres, ces brasseries peuvent être traitées comme une seule petite brasserie indépendante » ; qu'il s'agit donc de déterminer si la société Brasserie X... répond aux critères de cet article pour bénéficier du taux réduit qu'elle a acquitté depuis sa création en 2000 ; qu'à défaut, aux termes de l'article 1791 du code précité, « sous réserve des dispositions spéciales prévues aux articles ci-après, toute infraction aux dispositions du titre III de la première partie du livre I et des lois régissant les contributions indirectes, ainsi que des décrets et arrêtés pris pour leur exécution, toute manoeuvre ayant pour but ou pour résultat de frauder ou de compromettre les droits, taxes, redevances, soultes et autres impositions établies par ces dispositions sont punies d'une amende de 15 à 750 euros, d'une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois celui des droits, taxes, redevances, soultes ou autres impositions fraudés ou compromis, sans préjudice de la confiscation des objets, produits ou marchandises saisis en contravention, ainsi que de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction » ; que dès lors, contrairement à la motivation des premiers juges, il n'est pas nécessaire qu'une manoeuvre frauduleuse ait été commise ; que la société Brasserie X... n'est pas une petite brasserie indépendante au sens du premier alinéa de l'article 178-0 bis annexe 3 puisqu'elle ne cumule pas les quatre critères prévus ; qu'en effet, elle produit sous licence comme l'a énoncé la Cour de cassation dans son arrêt en date du 5 janvier 2016, après avoir obtenu de la cour de justice de l'Union européenne un avis sur la notion de licence prévue à l'article 4 du paragraphe 2 de la directive 92/83/CEE du conseil du 19 octobre 1992, dont l'article 178-0 bis A est la transcription en droit interne, cassant ainsi l'arrêt rendu par la chambre civile de la cour d'appel de Riom en date du 25 février 2013 qui avait estimé, au contraire, que la société Brasserie X... ne produisait pas sous licence ; que cependant, la société Brasserie X... avait déjà soutenu à titre subsidiaire devant la cour d'appel de Riom qu'elle pouvait bénéficier de l'alinéa 2 de l'article 178-0 bis A puisque son capital n'était détenu par aucune autre brasserie et que le cumul des productions des brasseries exerçant sous la marque les trois brasseurs ne dépassait pas les 20 000 hectolitres ; que la cour d'appel de Bourges, désignée comme cour d'appel de renvoi par la Cour de cassation, estimait, sur ce fondement, que la société Brasserie X... pouvait bénéficier pour les années 2008 à 2010 du taux réduit de TVA puisque d'une part, il n'était pas discuté que l'ensemble de l'activité des petites brasseries avec lesquelles coopérait la société Brasserie X... avait une production inférieure à 200 000 hectolitres puisqu'avoisinant seulement les 20 000 hectolitres par an, d'autre part, il n'était pas démontré que cet ensemble d'entreprises dont faisait parie la société Brasserie X... avait des rapports quelconques avec d'autres brasseurs dont il n'aurait pas été indépendant juridiquement et économiquement, dont il aurait utilisé les installations physiques ou avec lequel il aurait été lié par un contrat de licence ou dont la production cumulée aurait été supérieure à 2000 000 hectolitres par an ; que la direction régionale des douanes et des droits indirects d'Auvergne estime cependant que les critères cumulatifs de l'alinéa 1 de l'article 178-0 bis A doivent s'appliquer à chaque entreprise faisant partie de l'ensemble ; que cependant, l'article 178-0 bis A n'a pas repris les termes exacts de l'article 4 paragraphe 1 et 2 de la directive européenne, lequel prévoit : « 1° les états membres peuvent appliquer des taux d'accises réduits, qui peuvent être différentes selon la production annuelle des brasseries concernées, à la bière brassée par des petites brasseries indépendantes dans les limites suivantes : - les taux réduits ne sont pas appliqués aux entreprises produisant plus de 200 000 hectolitres de bière par an, - les taux réduits, qui peuvent descendre en dessous du taux minimal, ne sont pas inférieur de plus de 50 % au taux national normal de l'accise, 2° aux fins de l'application des taux réduits, on entend par petite brasserie indépendante : une brasserie qui est juridiquement et économiquement indépendante de toute autre brasserie, qui utilise des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie et qui ne produit pas sou licence ; que toutefois, lorsque deux ou plusieurs petites brasseries coopèrent et que leur production annuelle additionnée ne dépasse pas 200 000 hectolitres, ces brasseries peuvent être traitées comme une seule petite brasserie indépendante », puisque la seconde partie du paragraphe 2 de cet article débute par toutefois, mot qui ne figure pas au début de l'alinéa 2 de l'article 178-0 bis A ; que compte-tenu de la primauté du droit communautaire sur le droit interne, il convient de considérer que l'adverbe toutefois introduit une exception au principe des critères cumulatifs par brasserie en cas d'ensemble de petites brasseries ; que d'ailleurs, la commission européenne, dans son avis à la cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Cour de cassation, indiquait que l'interprétation du tribunal de Clermont-Ferrand, lequel avait considéré que la brasserie et la société ICO 3B faisaient partie d'un même groupe et que de ce fait ne remplissaient pas les termes de la première phrase de l'article 4 paragraphe 2 de la directive 92/83, n'était pas correcte puisque « cette dernière phrase devait être interprétée comme une exception à la première phrase et que le mot coopèrent doit être pris dans un sens large et couvrant les situations visées à la première phrase comme les situations de dépendance juridique ou économique ou de production sous licence » ; que la commission estimait que le mot toutefois en début de deuxième phrase corroborait cette interprétation et que si cette seconde phrase n'était pas une exception à la première phrase, la question de son utilité serait posée ; qu'ainsi elle estimait que si la société brasserie X... et la société ICO 3B mais aussi l'ensemble des autres petites brasseries dépendant du réseau les trois brasseurs ne dépassaient pas une production annuelle de 200 000 hectolitres, la société brasserie X... devait pouvoir bénéficier de l'application de la deuxième phrase de l'article 4 paragraphe 2 de la directive 92 : 83 et donc un taux réduit ; que contrairement à ce que soutient la direction régionale des douanes et droits indirects d'Auvergne, la cour de justice de l'Union européenne ne s'est pas, dans son arrêt Glückauf Brauerei GmbH c Hauptzollant Erfur prononcée sur l'application de la dernière phrase de l'article 4 paragraphe 2 de la directive 92/83, mais sur les contours du critère d'indépendance économique visé dans la première phrase ; qu'en définitive, alors que la société Brasserie X... appartient à un ensemble de petites brasseries dont la production annuelle n'est pas supérieure à 200 000 hectolitres par an et qui est indépendant juridique et économique d'un ou d'autres brasseurs, qui n'utilise pas les installations physiques d'un ou d'autres brasseurs et qui n'est pas sous contrat de licence, elle peut bénéficier du taux réduit sur les droits d'accises prévu par l'article 520 A et l'article 178-0 bis A annexe 3 du code général des impôts ; que par ailleurs, si effectivement l'administration des douanes n'a pas à démontrer l'existence d'une manoeuvre frauduleuse et en l'espèce, il n'en existe pas, puisque l'infraction visée figure aux dispositions du titre III de la première partie du livre 1 comme le prévoit l'article 1791 du code général des impôts, il n'en demeure pas moins que la preuve de l'élément intentionnel n'est pas rapportée ; qu'en effet, la société Brasserie X... fait ses déclarations de la même façon depuis 2000 ; qu'elle a pu légitimement penser qu'elle bénéficiait du taux réduit puisque l'administration des douanes ne lui avait fait aucune remarque pendant dix ans, et que quatre juridictions, outre la commission européenne, ont pu se pencher sur l'interprétation de l'article 178-0 bis A annexe 3, avec des divergences de vue, et que la Cour de cassation est à nouveau saisie, cette procédure civile démontrant que cet article n'est pas de ceux qui ne souffre d'aucune interprétation ; qu'en conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a relaxé la société Brasserie X... et M. X... des fins des fins de la poursuite » ;
"1°) alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en décidant tout à la fois que la société Brasserie X... pouvait bénéficier du taux réduit de droit d'accises, et qu'elle pouvait légitimement croire qu'elle pouvait en bénéficier (arrêt, p. 9 alinéa 4), ce qui suppose qu'elle n'y avait pas le droit, la cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 593 du code de procédure pénale ;
"2°) alors que l'ensemble composé de plusieurs brasseries et dont la production ne dépasse pas 200 000 hectolitres ne peut être considéré comme une seule petite brasserie indépendante qu'à la condition qu'il procède d'une coopération entre partenaires ; que tel n'est pas le cas lorsqu'une société de tête impose contractuellement les méthodes de travail et se réserve la fourniture exclusive des souches de levure nécessaires à l'activité ; qu'en décidant que la société Brasserie X... appartenait à un ensemble assimilé à une petite brasserie indépendante, alors que par contrat d'affiliation conclu avec la société ICO 3B, la société Brasserie X... produisait sous les marques de la société ICO 3B, avec son savoir-faire, et s'engageait à respecter une bible du cercle des trois brasseurs élaborée par la société ICO 3B et à se fournir en souches de levure auprès de cette même société, la cour d'appel a violé les articles 178-0 bis A de l'annexe 3 du code général des impôts et l'article 4 para. 2 de la directive n° 92/83/CEE du 19 octobre 1992 ;
"3°) alors que le bénéfice de l'erreur de droit ne peut être accordé qu'au prévenu s'en étant expressément prévalu ; qu'en accordant d'office le bénéfice de l'erreur de droit à M. X... et à la société brasserie X..., la cour d'appel a violé l'article 122-3 du code pénal ;
"4°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que cette erreur ne saurait être invincible si le prévenu ne justifie pas de démarches en vue de se prémunir de l'erreur ; qu'en accordant à la brasserie X... et à M. X... le bénéfice de l'erreur de droit au motif que l'administration n'avait « fait aucune remarque » et que plusieurs juridictions « ont dû se pencher sur l'interprétation de l'article 178-0 bis A annexe 3 avec des divergences de vue », quand ces motifs démontrent au contraire l'absence de diligence des prévenus quant à la légalité de leur comportement, la cour d'appel a violé l'article 122-3 du code pénal" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, que la société Brasserie X... et M. Yvan X... , son dirigeant, ont été cités, par l'administration des douanes et droits indirects, devant le tribunal correctionnel du chef d'infraction à la législation des contributions indirectes ; que les juges du premier degré ont relaxé les prévenus ; que l'administration des douanes et droits indirects a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement déféré, l'arrêt énonce que, selon les dispositions de l'article 4, paragraphe 2, in fine, de la directive 98/83/CE transposées à l'article 178-0 bis A, alinéa 2, de l'annexe III du code général des impôts, plusieurs petites brasseries coopérant ensemble peuvent être traitées comme une seule petite brasserie indépendante si leurs productions cumulées ne dépassent pas 200 000 hl, et bénéficier ainsi du taux de droits d'accise réduit prévu par l'article 520 A I a) du code général des impôts ; constate que les brasseries X..., ICO 3 B et des brasseries dépendantes du réseau Les Trois brasseurs coopéraient ensemble et que leur production cumulée était de l'ordre de 20 000 hl par an , que les juges relèvent qu'il n'est pas démontré que cet ensemble d'entreprises, dont fait partie la société Brasserie X... , aurait des rapports quelconques avec d'autres brasseurs dont il ne serait pas indépendant juridiquement et économiquement, dont il utiliserait les installations physiques ou avec lequel il serait lié par un contrat de licence ou dont la production cumulée serait supérieure à 200 000 hl par an et que la société Brasserie X... était éligible au taux réduit sur les droits d'accise ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que l'élément matériel de l'infraction reprochée n'est pas constitué, dès lors que la Brasserie X... qui coopère avec d'autres petites brasseries , dont la production annuelle cumulée n'est pas supérieure à 200 000 hl par an, bénéficie du taux réduit sur les droits d'accises prévu par les articles 520A et 178-0 Bis A de l'annexe 3 du code général des impôts, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf décembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.