LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 19 septembre 2017), que la SCI Belco (la SCI) fait partie d'un groupe de sociétés dont la société mère est la société Stirca ; que le 29 juillet 2015, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de chacune des sociétés du groupe ; que par un jugement du 1er février 2017, il a arrêté le plan de redressement de la société Stirca ; que par un autre jugement du même jour, il a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI et désigné la société C... Y..., devenue la société Athéna, en qualité de liquidateur ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de confirmer ce dernier jugement alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque plusieurs sociétés membres d'un même groupe font l'objet de procédures simultanées de redressement judiciaire, les chances de redressement de chacune de ces sociétés doivent être appréciées en tenant compte, non seulement de leurs propres capacités, mais aussi des chances de redressement du groupe dans son ensemble ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'un plan de continuation a été adopté à l'égard de la société Stirca, société mère, en considération du patrimoine immobilier de ses filiales et de la réalisation progressive de la vente de leurs biens immobiliers, et que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'une ou de plusieurs de ces filiales serait susceptible de nuire à la bonne exécution de ce plan ; qu'en décidant néanmoins d'apprécier les chances de redressement de la SCI au regard de ses seules capacités, sans tenir compte du groupe auquel elle appartient, et en prononçant sa liquidation judiciaire nonobstant l'incidence négative de cette décision sur le redressement des autres sociétés du groupe et, particulièrement, de la société Stirca, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;
2°/ que lorsque la société mère ou une autre filiale a pris des engagements envers la société, les chances de redressement de celle-ci doivent s'apprécier au regard des capacités du groupe auquel elle appartient et non pas de ses seules capacités ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des capacités de redressement du groupe auquel la SCI appartient, sans rechercher si la société Stirca ou d'autres filiales du groupe n'avaient pas pris des engagements à son égard dans le cadre du plan de continuation proposé, notamment un engagement de cautionnement, et si cela ne justifiait pas de prendre en compte les capacités du groupe dans son entier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;
3°/ que le débiteur peut proposer un plan de continuation dont l'unique objet est de permettre l'apurement du passif dans le délai du plan ; que le plan proposé pour la SCI prévoyait que l'immeuble dont celle-ci est propriétaire serait vendu au cours de l'exécution du plan et au plus tard la huitième année, afin de permettre d'en obtenir le meilleur prix et ainsi d'apurer le passif de ladite SCI et de sa société mère, la société Stirca ; qu'en rejetant ce plan et en prononçant la liquidation judiciaire de la SCI, au motif inopérant que l'apurement du passif ne pouvait intervenir sans que l'immeuble ne soit vendu et que cette vente n'était prévue qu'au cours de la huitième année, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce délai n'était pas stipulé dans l'intérêt des créanciers eux-mêmes et si, en tout état de cause, le plan ne permettait pas, à l'issue d'un délai de huit ans, l'apurement intégral du passif, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que si le principe de l'autonomie de la personne morale impose d'apprécier séparément les conditions d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de chacune des sociétés d'un groupe, rien n'interdit au tribunal, lors de l'examen de la solution proposée pour chacune d'elles, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe ; que si c'est à tort que la cour d'appel a énoncé le contraire, la cassation n'est cependant pas encourue dès lors que, sous le couvert d'une approche globale de la situation des sociétés du groupe, les conclusions de la SCI ne tendaient qu'à favoriser le redressement de la seule société Stirca ;
Et attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu l'impossibilité manifeste du redressement de la SCI ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Belco aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Belco
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la liquidation judiciaire de la société Belco, mis fin à la période d'observation, nommé la Selarl C... Y..., prise en la personne de Me Camille Y..., en qualité de liquidateur judiciaire, mis fin aux fonctions de Me Sophie X..., administrateur judiciaire, fixé à 2 ans le délai au terme duquel la clôture devra être examinée, et ordonné les mesures de publicité légale,
AUX MOTIFS QU‘en application de l'article L 631-15 du code du commerce, à tout moment au cours de la période d'observation, le redressement judiciaire ouvert à l'égard d'un débiteur en état de cessation des paiements ne peut être converti en liquidation judiciaire que dans le cas où son redressement apparaît manifestement impossible ; qu'il est exact que le plan de continuation dont a bénéficié la société Stirca, tel que fixé par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 1er février 2017, n'apparaît avoir été élaboré qu'en considération de la réalisation de la vente progressive des immeubles propriétés de certaines SCI dont elle détient des parts et que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'une ou plusieurs de ces SCI serait susceptible d'en fragiliser l'exécution ; que cependant, lorsque la société en redressement judiciaire fait partie d'un groupe de sociétés détenues, comme en l'espèce, par une société-mère, l'impossibilité manifeste de plan de redressement exigée par l'article L 631-5 du code de commerce s'apprécie objectivement au regard de sa situation individuelle ; que c'est donc au regard de la seule situation de la SCI Belco détenue à 99% par l'EURL Stirca que doivent être examinées de chances sérieuses de redressement mise en avant par la SCI et l'administrateur judiciaire ou, au contraire, l'impossibilité manifeste de redressement ; que les considérations relatives aux effets péjoratifs qu'aurait une liquidation judiciaire sur la viabilité du plan de continuation de la société Stirca sont donc inopérantes ; qu'il ressort du rapport de l'administrateur judiciaire que le plan proposé par la SCI propose en substance : pour les créances privilégiées un gel des paiements et un cantonnement de la créance à 100 % du principal, avec paiement reporté à la vente du bien ; pour le surplus des créances : un apurement de 100 % du principal des autres créances en 8 échéances progressives de 1 %,2%, 5%,10 %,10 %,12 %,12 % et 48 % étant observé que la banque populaire, créancier privilégié a refusé le plan ; qu'en cas de refus d'un créancier hypothécaire il était demandé que le sort de sa créance soit aligné sur l'apurement progressif en huit annuités ; qu'il apparaît que : après vérification des créances, le passif échu à prendre en compte pour l'élaboration d'un plan est de 271 042,59 euros dont 248 531,13 euros de passif hypothécaire (créances de prêteurs de deniers), la SCI n'a pas de salarié ; que force est de constater que le plan proposé par la SCI prévoit que le créancier privilégié ne percevra, pour sa créance privilégiée, aucun dividende annuel, le paiement étant reporté en fin de plan où a minima au jour de la vente du bien si elle intervient avant le terme du plan ; que cette disposition, contraire aux dispositions de l'article L 626-18 alinéa 5 du code de commerce qui impose des délais uniformes de paiement et un premier paiement dans le délai d'un an, qui constitue la condition essentielle d'un plan d'apurement, sans vente immédiate de l'actif immobilier, n'a pas été acceptée par le créancier privilégié et ne peut lui être imposée par la juridiction ; qu'en l'absence d'acceptation des créanciers privilégiés la SCI propose un apurement de l'ensemble du passif en 8 annuités ; qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'en réalité, à ce jour, la SCI Belco ne perçoit pas de loyer, le locataire occupant les lieux étant défaillant depuis avril 2011 ; que si ce dernier a été condamné à payer l'arriéré et que son expulsion a été ordonnée il reste qu'en l'état rien n'établit que cette expulsion sera susceptible d'être effective à bref délai ; qu'à ce jour, la SCI ne dispose donc pas de revenus locatifs et les perspectives qu'elle puisse installer un nouveau locataire dans les lieux restent obérées ; que sa trésorerie est de l'ordre de 5,88 € soit quasi inexistante ; qu'il est en outre notable que pendant la période d'observation la SCI Belco a constitué un passif supplémentaire de 11 303,25 euros qu'elle ne saurait minimiser au motif qu'il est constitué à hauteur d'une somme de l'ordre de 7 000 euros de frais de procédure collective, dès lors que comme toutes créances postérieures à l'ouverture du redressement judiciaire, ces sommes étaient dues à leur échéance et que le surplus du passif constitué porte notamment sur des charges courantes de copropriété ; que, par ailleurs, si la SCI envisage de relouer, elle admet que des travaux seront nécessaires avant la mise en location et elle ne justifie pas des modalités de financement de ces travaux ; qu'en l'état, la SCI Belco ne justifie pas même de sa capacité à faire face à la première échéance du plan de l'ordre de 2710 euros ; qu'au vu des éléments qui précèdent, la SCI Belco n'est manifestement pas en mesure d'apurer son passif exigible sans réaliser son actif immobilier ; que nonobstant le fait que la recherche d'une plus-value constitue certes l'objet même de l'activité de la SCI, elle ne saurait sur ce seul motif, utilement proposer un plan de redressement qui consiste en réalité, pour elle, à limiter ses remboursements pendant une durée de huit années au détriment de ses créanciers en se réservant la faculté, laissée à sa seule discrétion, de réaliser les actifs au cours du plan, la cour observant qu'aux termes du plan proposé, la huitième annuité équivaut à 48 % des créances soumises au plan ; qu'en l'état aucun mandat de mise en vente n'est produit ce qui correspond au demeurant à la logique de la SCI qui déclare que la vente n'est pas d'actualité pour elle ; que rien n'indique que, compte tenu de sa consistance, de sa nature et de sa situation, l'immeuble serait, comme le soutient la SCI, moins bien vendu dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'au regard de ce qui précède, notamment des revenus de la société, de sa trésorerie, de ses charges et son passif échu y compris le passif constitué pendant la période d'observation, il apparaît, en l'absence de projet de vente à court terme de l'actif immobilier, aucune démarche n'ayant été concrétisée en ce sens, que l'existence de possibilités sérieuses de règlement du passif n'est pas établie et que le redressement de la SCI apparaît manifestement impossible au sens de l'article L 631-15 du code de commerce ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
ET AUX MOTIFS QU'il résulte des débats à l'audience et des pièces versées au dossier que la situation de la société Belco SCI est irrémédiablement compromise et que le redressement de son activité est manifestement impossible ; qu'en effet, la société n'est pas en mesure de désintéresser les créanciers dans le cadre d'un plan d'apurement du passif avant la cession des biens immobiliers dont elle est propriétaire ; qu'il n'est pas démontré que la cession de ces biens immobiliers dans le cadre d'une procédure judiciaire soit moins avantageuse que celle qui serait opérée dans le cadre d'une procédure amiable qui interviendrait dans un délai plus ou moins long ; que les principaux créanciers se sont déclarés défavorables au plan d'apurement proposé ; que la société n'emploie aucun salarié, de sorte que le maintien de l'emploi ne se pose pas ; que la poursuite de l'activité de la société n'est pas un élément à retenir puisque sa pérennité ne peut être qu'éphémère ; que la société serait, en effet, en cas d'homologation d'un plan d'apurement du passif, appelée à disparaître dans un délai plus ou moins court dans le cadre d'une procédure de liquidation amiable à intervenir juste après la vente des biens immobiliers dont est propriétaire la société ; que dans ces conditions, le tribunal rejette la proposition de plan de la société Belco ; qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer la liquidation judiciaire de la société Belco et de mettre fin aux fondions de Me Sophie X..., administrateur judiciaire ;
1° ALORS QUE lorsque plusieurs sociétés membres d'un même groupe font l'objet de procédures simultanées de redressement judiciaire, les chances de redressement de chacune de ces sociétés doivent être appréciées en tenant compte, non seulement de leurs propres capacités, mais aussi des chances de redressement du groupe dans son ensemble ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'un plan de continuation a été adopté à l'égard de la société Stirca, société-mère, en considération du patrimoine immobilier de ses filiales et de la réalisation progressive de la vente de leurs biens immobiliers, et que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'une ou de plusieurs de ces filiales serait susceptible de nuire à la bonne exécution de ce plan ; qu'en décidant néanmoins d'apprécier les chances de redressement de la SCI Belco au regard de ses seules capacités, sans tenir compte du groupe auquel elle appartient, et en prononçant sa liquidation judiciaire nonobstant l'incidence négative de cette décision sur le redressement des autres sociétés du groupe et, particulièrement, de la société Stirca, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;
2° ALORS QUE lorsque la société mère ou une autre filiale a pris des engagements envers la société, les chances de redressement de celle-ci doivent s'apprécier au regard des capacités du groupe auquel elle appartient et non pas de ses seules capacités ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des capacités de redressement du groupe auquel la SCI Belco appartient, sans rechercher si la société Stirca ou d'autres filiales du groupe n'avaient pas pris des engagements à son égard dans le cadre du plan de continuation proposé, notamment un engagement de cautionnement, et si cela ne justifiait pas de prendre en compte les capacités du groupe dans son entier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;
3° ALORS, en tout état de cause, QUE le débiteur peut proposer un plan de continuation dont l'unique objet est de permettre l'apurement du passif dans le délai du plan ; que le plan proposé pour la SCI Belco prévoyait que l'immeuble dont celle-ci est propriétaire serait vendu au cours de l'exécution du plan et au plus tard la huitième année, afin de permettre d'en obtenir le meilleur prix et ainsi d'apurer le passif de ladite SCI et de sa société-mère, la société Stirca ; qu'en rejetant ce plan et en prononçant la liquidation judiciaire de la SCI Belco, au motif inopérant que l'apurement du passif ne pouvait intervenir sans que l'immeuble ne soit vendu et que cette vente n'était prévue qu'au cours de la huitième année, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce délai n'était pas stipulé dans l'intérêt des créanciers eux-mêmes et si, en tout état de cause, le plan ne permettait pas, à l'issue d'un délai de huit ans, l'apurement intégral du passif, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce.