La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2018 | FRANCE | N°17-27235

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 décembre 2018, 17-27235


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles R. 214-1 à R. 214-5 du code des ports maritimes dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles R. 5321-45 à R. 5321-49 du code des transports ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Chambre de commerce et d'industrie du Var (la CCI du Var) a assigné M. Y..., titulaire d'un contrat dit "abonnement aux redevances annuelles d'amarrage" au port de plaisance de Saint Mandrier pour le stationnement de son navire ThérÃ

¨se, en paiement d'une somme correspondant à la redevance d'équipement de p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles R. 214-1 à R. 214-5 du code des ports maritimes dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles R. 5321-45 à R. 5321-49 du code des transports ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Chambre de commerce et d'industrie du Var (la CCI du Var) a assigné M. Y..., titulaire d'un contrat dit "abonnement aux redevances annuelles d'amarrage" au port de plaisance de Saint Mandrier pour le stationnement de son navire Thérèse, en paiement d'une somme correspondant à la redevance d'équipement de port de plaisance due au titre de l'année 2012 diminuée du montant du trop-perçu par la CCI du Var au titre des années 2002 et 2005 après application, pour ces années, du tarif en vigueur en 2001 et 2004, la juridiction administrative ayant annulé les délibérations de la CCI du Var portant augmentation du montant de la redevance en 2002 et 2005 par une décision devenue irrévocable le 23 mai 2011 ;

Attendu que pour rejeter cette demande en paiement, l'arrêt retient que le contrat d'abonnement est d'une durée d'un an sans tacite reconduction de sorte que les conditions tarifaires ne sont valables qu'un an ; qu'il en déduit que les tarifs des années 2001 et 2004 étaient devenus caducs, les contrats les ayant fixés étant arrivés à leur échéance et qu'ils ne pouvaient pas s'appliquer aux redevances dues au titre des années 2002 et 2005 ; qu'il retient encore que l'annulation des tarifications des années 2002 et 2005 a eu pour conséquence de créer un vide juridique qu'il appartenait à la CCI du Var de combler en adoptant de nouveaux tarifs conformément aux dispositions légales précitées et que cette dernière s'est bornée à appliquer de manière illégale les tarifs de l'année précédente qui n'étaient plus en vigueur du fait de la caducité des contrats pour les années litigieuses ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les tarifs 2001 et 2004 tels que fixés réglementairement par la CCI du Var ne pouvaient pas être remis en vigueur pour les exercices 2002 et 2005, peu important les termes du contrat d'abonnement conclu individuellement avec l'usager, ce contrat et son annualité étant des éléments distincts des tarifs eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 1 500 euros à la Chambre de commerce et d'industrie du Var ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la Chambre de commerce et d'industrie du Var EPA

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal d'instance de Toulon en date du 28 avril 2016 en ce qu'il avait considéré que les tarifs institués demeuraient en vigueur jusqu'à leur éventuelle modification, d'AVOIR précisé que la Chambre de commerce et d'industrie du Var ne pouvait exiger une quelconque somme au titre des redevances pour les années 2002 et 2005 et d'AVOIR, en conséquence, condamné la Chambre de commerce et d'industrie du Var à rembourser à M. Y... les sommes versées en exécution du jugement ;

AUX MOTIFS QUE pour réclamer la redevance d'amarrage de M. Y... pour l'année 2012, la CCI du Var indique que le tarif institué reste en vigueur tant qu'il n'a pas été modifié, si bien qu'en cas d'annulation d'une délibération ayant modifié le tarif et sauf délibération régulière, modifiant rétroactivement le tarif, comme c'est le cas en l'espèce, le tarif initial non modifié reste valable ; qu'il résulte de l'article R. 5321-45 du code des transports qu'à l'occasion de leur séjour dans un port maritime, les navires de plaisance ou de sport, peuvent être soumis à une redevance d'équipement des ports de plaisance dont les taux sont variables suivant les ports ; qu'il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation ; que l'article R. 122-14 du code des ports maritimes prévoit que les tarifs et conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, sont institués selon la procédure définies par les articles R. 122-8 à R. 122-12 ; que cet article ajoute que lesdits tarifs figurent en annexes au cahier des charges qui doit prévoit que leur modification est opérée selon la procédure prévue à l'article R. 122-15 du code des ports maritimes ; que ce dernier article rappelle précisément les opérations qui doivent être effectuées à la diligence du directeur du port avant toute modification des tarifs, soit notamment l'affichage préalable des dispositions projetées durant 15 jours, la consultation du conseil portuaire et également l'obligation de transmettre au préfet les tarifs et conditions d'usage projetés ; que c'est en raison de l'irrespect des dispositions du code maritime que les juridictions administratives ont annulé les délibérations prises par la CCI du Var ayant augmenté les tarifs sans respecter la procédure requise, notamment en ce qui concerne l'affichage ; qu'il résulte des dispositions contractuelles, et notamment des articles 1, 2 et 3, que le contrat souscrit est d'une durée d'un an sans tacite reconduction, à compter du 1er janvier jusqu'au 31 décembre de l'année en cours ; que les conditions tarifaires sont donc valables un an et que si des modifications peuvent intervenir, celles-ci ne peuvent être établies que conformément aux dispositions du code des ports maritimes, rappelées ci-dessus ; qu'il résulte de ce qui précède que les tarifs fixés pour les années 2001 puis 2004 n'avaient vocation à s'appliquer que pour une année civile ; qu'au 1er janvier 2002 puis au 1er janvier 2005, les tarifs des années précédentes étaient devenus caducs, les contrats les ayant fixés étant arrivés à leur échéance ; que l'annulation des tarifications des années 2002 et 2005 a eu pour conséquence de créer un véritable vide juridique qu'il appartenait à la CCI du Var de combler en adoptant de nouveaux tarifs conformément aux dispositions légales précitées ; qu'en l'espèce, la CCI du Var n'a pas adopté une nouvelle grille tarifaire qu'elle aurait fait rétroactivement agir pour les années 2002 et 2005 ; qu'elle s'est contentée d'appliquer de manière illégale, les tarifs de l'année précédente qui n'étaient plus en vigueur du fait de la caducité des contrats pour les années litigieuses ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient d'infirmer le jugement en date du 28 avril 2016 en ce qu'il a considéré que les tarifs institués demeuraient en vigueur jusqu'à leur éventuelle modification ; qu'il convient de préciser qu'en l'absence de délibérations conformes aux textes susvisés, la CCI du Var ne peut exiger une quelconque somme au titre des redevances pour les années 2002 et 2005 ;

1°) ALORS QUE l'usager d'un service public industriel et commercial doit payer une redevance en contrepartie du service rendu ; qu'en l'espèce, pour décharger l'usager du paiement de toute redevance de stationnement et d'amarrage de son navire dans le port de plaisance de Saint-Mandrier pour les années 2002 et 2005, la cour d'appel a relevé que l'article R. 5321-45 du code des transports disposait qu'à l'occasion de leur séjour dans un port maritime, les navires de plaisance pouvaient être soumis à une redevance dite d'équipement des ports de plaisance, de sorte que la fixation d'une telle redevance n'était qu'une possibilité et non une obligation pour la personne publique ; qu'en statuant ainsi, quand le port de plaisance étant un service public industriel et commercial, l'usager dont le navire stationne à l'année dans le port doit nécessairement être assujetti au paiement d'une redevance en contrepartie des services rendus, la cour d'appel a violé les articles R. 214-1 à R. 214-5 du code des ports maritimes dans leur rédaction applicable au litige, devenus depuis le 1er janvier 2015 les articles R. 5321-45 à R. 5321-49 du code des transports ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE toute occupation privative du domaine public subordonnée à la délivrance d'une autorisation doit donner lieu au versement d'une redevance par l'occupant ; qu'en l'espèce, en relevant pour décharger l'usager du paiement de toute redevance de stationnement et d'amarrage de son navire dans le port de plaisance de Saint-Mandrier tout au long des années 2002 et 2005 qu'il résultait de l'article R. 5321-45 du code des transports que l'assujettissement des navires de plaisance à une redevance d'équipement des ports n'était qu'une possibilité pour la personne publique et non une obligation, sans rechercher si la redevance de stationnement et d'amarrage n'englobait pas également une redevance pour occupation privative du domaine public obligatoirement due par l'usager, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

3°) ALORS en outre QUE lorsque l'acte réglementaire augmentant les tarifs d'une redevance est annulé, les tarifs immédiatement antérieurs doivent être remis en vigueur pour éviter tout vide juridique qui aboutirait à ce que le bénéficiaire du service industriel et commercial - impliquant qui plus est occupation du domaine public - puisse bénéficier de ce service sans aucune contrepartie ; que cela aboutirait, sinon, à ce que le bénéficiaire du service industriel et commercial reçoive une libéralité, contraire à l'ordre public ; que ce n'est que lorsque l'annulation de l'acte réglementaire n'a pu faire revivre les tarifs antérieurs, qu'il est accordé à la personne publique le droit de fixer rétroactivement de nouveaux tarifs applicables pour la période couverte par les décisions annulées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est référée aux dispositions du contrat d'abonnement annuel conclu entre la CCIV et l'usager pour juger que le contrat étant souscrit pour une durée d'un an sans tacite reconduction, les tarifs pour les années 2001 et 2004 étaient devenus caducs au 1er janvier 2002 puis au 1er janvier 2005, de sorte qu'il appartenait à la CCIV d'adopter rétroactivement de nouveaux tarifs ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la cour d'appel de rechercher si les tarifs 2001 et 2004 tels que fixés réglementairement par la CCIV ne pouvaient être remis en vigueur pour les exercices 2002 et 2005, peu important les termes du contrat d'abonnement conclu individuellement par l'usager avec la CCIV, ce contrat et son annualité étant un élément distinct des tarifs eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, R. 214-1 à R. 214-5 du code des ports maritimes dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles R. 5321-45 à R. 5321-49 du code des transports ;

4°) ALORS QUE lorsque l'acte réglementaire augmentant les tarifs d'une redevance est annulé, la personne publique est en droit de faire application des tarifs antérieurs pour éviter tout vide juridique, qui aboutirait à ce que le bénéficiaire du service industriel et commercial, impliquant qui plus est occupation du domaine public, puisse bénéficier de ce service sans aucune contrepartie ; que cela aboutirait, sinon, à ce que le bénéficiaire du service industriel et commercial reçoive une libéralité, contraire à l'ordre public ; qu'en l'espèce, en jugeant que les tarifs pour les années 2001 et 2004 ne pouvaient être reconduits pour l'année suivante, tandis que le juge administratif avait seulement annulé l'augmentation des tarifs et non la fixation des tarifs elle-même, la cour d'appel a violé les articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, R. 214-1 à R. 214-5 du code des ports maritimes dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles R. 5321-45 à R. 5321-49 du code des transports ;

5°) ALORS, en tout état de cause, QU'en tant que gestionnaire du domaine public, la chambre de commerce et d'industrie, établissement public administratif concessionnaire d'un port de plaisance, est en droit de modifier les conditions pécuniaires auxquelles l'occupation du domaine public est subordonnée, quelles que soient les clauses contractuelles ; qu'ainsi, à supposer même que l'annulation des augmentations tarifaires n'aient pas faire revivre dans l'ordonnancement juridique les tarifs immédiatement antérieurs, la CCIV, gestionnaire du domaine public était en droit, afin qui plus est d'éviter que les usagers concernés ne bénéficient sans aucune contrepartie, et donc à titre libéral, du service d'amarrage et de l'occupation privative du domaine public induite, d'exiger d'eux le règlement d'une contrepartie, qu'elle pouvait fixer par référence aux derniers tarifs applicables ; qu'en l'espèce, en jugeant, au regard des clauses du contrat conclu entre l'usager et la CCIV, que les tarifs fixés pour les années 2001 puis 2004 n'avaient vocation à s'appliquer que pour une année civile de sorte qu'en l'absence de délibérations conformes aux textes susvisés, la CCIV ne pouvait exiger une quelconque somme au titre des redevances pour les années 2002 et 2005, la cour d'appel, qui a méconnu les prérogatives qui étaient celles de la CCIV en tant que gestionnaire du domaine public, a violé les articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-27235
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-27235


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.27235
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award