La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2018 | FRANCE | N°16-28765;16-28766;16-28767;16-28768

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 16-28765 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 16-28.765 à A 16-28.768 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rouen, 17 mars 2015 et 13 décembre 2016), que M. Y..., et Mmes Z..., A... et Bernard C... (aux droits duquel viennent Mmes B... et C...) étaient salariés de la société Lucent technologies France ; que leurs contrats de travail ont été transférés à la société Via systems EMS en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le 1er octobre 2002, la société Via systems EMS a été mis

e en redressement judiciaire et que l'administrateur judiciaire les a licenciés p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 16-28.765 à A 16-28.768 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rouen, 17 mars 2015 et 13 décembre 2016), que M. Y..., et Mmes Z..., A... et Bernard C... (aux droits duquel viennent Mmes B... et C...) étaient salariés de la société Lucent technologies France ; que leurs contrats de travail ont été transférés à la société Via systems EMS en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que le 1er octobre 2002, la société Via systems EMS a été mise en redressement judiciaire et que l'administrateur judiciaire les a licenciés pour motif économique ; que ces salariés ont, le 8 août 2001, attrait devant la juridiction prud'homale la société Lucent technologies France afin d'obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice résultant d'une faute qui aurait été commise par la société dans le cadre d'une opération de levée d'options ; qu'en décembre 2004, des salariés de la société Via systems EMS, anciens salariés de la société Lucent technologies France, ont saisi la même juridiction afin de contester leur licenciement pour motif économique et solliciter notamment la fixation au passif du redressement judiciaire de la société Via systems EMS de sommes à titre de dommages et intérêts ; que ces procédures ont été jointes par la juridiction prud'homale qui, par jugement du 18 décembre 2013, a constaté la péremption et débouté l'ensemble des salariés de leurs demandes ; que, sur appel des salariés, la cour d'appel a, le 17 mars 2015, annulé le jugement, dit que l'instance n'était pas périmée, que les demandes de certains salariés dont Mmes A..., Z..., Bernard C... et M. Y..., n'étaient pas prescrites et réouvert les débats ; que, le 27 septembre 2016, la cour d'appel a statué au fond ; que les salariés ont déposé une requête en omission de statuer sur laquelle il a été statué par arrêt du 13 décembre 2016 ;

Sur les premier et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et troisième moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt du 17 mars 2015 d'annuler le jugement du conseil des prud'hommes de Rouen du 18 décembre 2013 et de dire que les demandes formulées par les salariés n'étaient pas prescrites, alors, selon le moyen :

1°/ que l'interruption de prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre que lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, dérivent du même contrat de travail et opposent les mêmes parties ; qu'en étendant l'interruption résultant de l'action introduite le 8 août 2001 par les salariés à l'encontre de la société Alcatel Lucent, à l'action exercée par ces mêmes salariés à l'encontre des organes de la procédure collective de la société Via systems EMS France, au motif que ces deux actions concernent l'exécution des mêmes contrats de travail, transférés de la société Alcatel Lucent à la société Via systems EMS France, la cour d'appel, qui a fait fi de la condition tenant à l'identité des parties, a violé les articles 2242 et 2270 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble les articles R. 516-1, devenu R. 1452-6 du code du travail et L. 122-12, alinéa 2, devenu l'article L. 1224-1, du même code ;

2°/ que l'effet interruptif de prescription attaché à un acte ne peut jouer qu'à l'égard des actions dont le délai de prescription court au jour de l'acte ; qu'en étendant l'interruption résultant de l'action introduite le 8 août 2001 par les salariés à l'encontre de la société Alcatel Lucent, à l'action exercée par ces mêmes salariés à l'encontre des organes de la procédure collective de la société Via systems EMS France à raison des licenciements, lesquels ne sont intervenus qu'en 2003, la cour d'appel a violé les articles 2242 et 2270 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail, nonobstant le transfert dont celui-ci a pu faire l'objet ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts du 13 décembre 2016 de dire que les arrêts du 27 septembre 2016 de la cour d'appel de Rouen sont complétés en ce sens qu'ils disent chacun que le licenciement du salarié en cause est sans cause réelle et sérieuse et qu'ils fixent chacun la créance du salarié en cause au passif du redressement judiciaire de la société Via systems EMS à une certaine somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à une certaine somme au titre de l'absence de mention de la priorité de réembauchage, alors, selon le moyen :

1°/ que s'agissant des recherches de reclassements interne, M. X... produisait une lettre en date du 27 février 2003, émanant de M. O... C. P..., vice-président et responsable des ressources humaines du groupe Via systems, qui, en réponse à une demande du responsable des ressources humaines de la société Via systems EMS France, précisait que les seuls établissements du groupe restant en Europe, Coventry et Echt, avaient été contraints de licencier des salariés et de recourir à l'intérim ; que les juges d'appel ne pouvaient se fonder sur « l'absence totale de recherche de reclassements interne » sans s'expliquer sur cette circonstance et que dès lors, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

2°/ que, et pour les mêmes raisons, la cour d'appel ne pouvait, sans s'expliquer, retenir que la société Via systems EMS France ne donne aucune indication sur les postes disponibles au sein des sociétés du groupe ; que la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

3°/ que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'une telle permutation est exclue lorsque l'ensemble des sociétés du groupe a fait l'objet de procédures collectives, cessions ou fermetures ; qu'en décidant que M. X... ne pouvait se prévaloir de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Via systems Inc ainsi que des procédures collectives, cessions et fermeture affectant des autres sociétés du groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

4°/ que M. X... produisait un jugement du 5 août 2003 du tribunal de commerce de Rouen, ayant ordonné la cession de l'établissement et le licenciement des salariés non repris, qui énonçait que « la société appartenait à un ensemble d'autres sociétés installées aux Etats-Unis et dans d'autres pays étrangers et qui ont fait l'objet de procédures collectives, cessions ou fermetures en raison de leurs propres difficultés », sachant que l'existence de procédures collectives, cessions ou fermetures est de nature à exclure la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à relever que le « jugement du tribunal de commerce de Rouen faisait état de difficultés économiques au sein du groupe », la cour d'appel a dénaturé ce jugement et violé l'article 1134 du Code civil ;

5°/ que M. X... produisait, outre les informations relatives à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Via systems Inc et le jugement du 5 août 2003 du tribunal de commerce de ROUEN, un document de présentation détaillant les fermetures et plans de restructuration des sociétés du groupe, ainsi qu'un rapport de M. H... rappelant à son tour l'existence de procédures collectives à l'encontre de sociétés du groupe, la cession et la fermeture de sites ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si au vu de ces éléments, la permutation de tout ou partie du personnel vers les autres sociétés du groupe n'était pas exclue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

6°/ que si, en application de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, la commission territoriale de l'emploi doit être saisie préalablement à la notification des licenciements, au cas d'espèce, l'arrêt relève que des licenciements sont intervenus le 25 juin 2003, le 2 septembre 2003 et le 26 novembre 2003 et que M. X... a produit, pour démontrer avoir saisi la commission territoriale de l'emploi, une copie de la page de garde du plan de sauvegarde de l'emploi comportant un tampon mentionnant la date du 4 juillet 2003 ; qu'en décidant dès lors que l'employeur avait méconnu l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, sans faire le départ entre les licenciements prononcés le 25 juin 2003, le 2 septembre 2003 et le 26 novembre 2003, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 27 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

7°/ que dans ses conclusions, M. X... rappelait que la commission territoriale de l'emploi ne se réunit que deux fois par an ; qu'en retenant qu'il résultait du compte rendu de la commission territoriale de l'emploi en date du 26 novembre 2003 que la commission avait été informée, à cette date, des licenciements économiques sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la mention du compte rendu de la réunion du 26 novembre 2003 ne signifiait pas que la commission avait été informée avant cette date, sachant que des licenciements sont intervenus le 26 novembre 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

8°/ et en tout cas, qu'en s'abstenant de rechercher si, pour les licenciement prononcés le 26 novembre 2003, M. X... n'avait pas exécuté ses obligations au titre du reclassement externe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Via systems dépendait d'un groupe et ne donnait aucune indication sur son étendue et que l'administrateur judiciaire n'avait fait aucune recherche de reclassement au sein des sociétés du groupe la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités et le condamne à payer à M. Y..., Mmes A..., Z... et aux ayants droit de Bernard C..., la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens identiques produits aux pourvois n° X 16-28.765 à A 16-28.768 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué (CA Rouen, 17 mars 2015) encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le jugement du Conseil des Prud'hommes de Rouen du 18 décembre 2013 et dit que l'instance n'était pas périmée ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article R. 1452-8 du code du travail, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Or le jugement du 19 mars 2008 a radié l'affaire et subordonné sa réinscription à l'accomplissement de diligences sans cependant préciser celles qu'il mettait à la charge des parties. Le Conseil de prud'hommes ne pouvait dès lors déclarer l'instance périmée » ;

ALORS QUE l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'au cas d'espèce, il résulte du jugement du 19 mars 2008 que la radiation de l'affaire a été prononcée parce que les salariés n'avaient pas conclu et que l'accomplissement de diligences, soit le dépôt de conclusions par les salariés, était expressément mis à la charge des salariés ; que dès lors qu'il a constaté qu'aucunes conclusions n'ont été produites dans un délai de deux ans, le juge ne pouvait, dans son jugement du 18 décembre 2013, que déclarer la péremption ; qu'en décidant au contraire, pour annuler le jugement, qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la Cour d'appel a violé l'article R. 516-3, devenu R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article 386 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué (CA Rouen, 17 mars 2015) encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le jugement du Conseil des Prud'hommes de Rouen du 18 décembre 2013 et dit que les demandes formulées par les salariés n'étaient pas prescrites ;

AUX MOTIFS QUE « Le commissaire à l'exécution du plan de la société Via systems EMS France soulève la prescription des actions engagées par neuf salariés au motif qu'ils ont initialement saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en 2001 afin de voir réparer leur préjudice consécutif à la faute commise par la société Lucent technologies dans le cadre de la levée d'option, que ces salariés n'ont contesté leur licenciement par la société Via systems EMS-France que le 25 septembre 2013 pour Mme I... et M. D..., le 17 octobre 2013 pour M. J... et Mme K... et le 26 juin 2014 pour les autres, alors qu'ils avaient été licenciés le 25 juin 2003 et que la loi du 17 juin 208, relative à la prescription en matière de procédure civile ayant réduit le délai de prescription de 30 ans à 5 ans et étant applicable aux prescriptions en cours, la contestation de leur licenciement n'était plus possible après le 17 juin 2013. Cependant, ces neuf salariés ont initialement saisi le conseil de prud'hommes de Rouen, le 8 août 2001, d'une demande à l'encontre de la société Lutent technologies, afin d'obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice consécutif aux fautes commises dans l'opération de levée d'options. En septembre 2000, cette société avait cédé son activité à la société Via systems EMS-France au sein de laquelle les contrats de travail des salariés avaient été transférés. Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail, ce qui est le cas des salariés dont le contrat de travail s'est poursuivi au sein de la société Via systems EMS-France. Il s'ensuit que le moyen tiré de la prescription n'est pas fondé. » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'interruption de prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre que lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, dérivent du même contrat de travail et opposent les mêmes parties ; qu'en étendant l'interruption résultant de l'action introduite le 8 août 2001 par les salariés à l'encontre de la société ALCATEL LUCENT, à l'action exercée par ces mêmes salariés à l'encontre des organes de la procédure collective de la société VIA SYSTEMS EMS FRANCE, au motif que ces deux actions concernent l'exécution des mêmes contrats de travail, transférés de la société ALCATEL LUCENT à la société VIA SYSTEMS EMS FRANCE, la cour d'appel, qui a fait fi de la condition tenant à l'identité des parties, a violé les articles 2242 et 2270 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble les articles R. 516-1, devenu R. 1452-6 du code du travail et L. 122-12 alinéa 2, devenu l'article L. 1224-1, du même code ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'effet interruptif de prescription attaché à un acte ne peut jouer qu'à l'égard des actions dont le délai de prescription court au jour de l'acte ; qu'en étendant l'interruption résultant de l'action introduite le 8 août 2001 par les salariés à l'encontre de la société ALCATEL LUCENT, à l'action exercée par ces mêmes salariés à l'encontre des organes de la procédure collective de la société VIA SYSTEMS EMS FRANCE à raison des licenciements, lesquels ne sont intervenus qu'en 2003, la cour d'appel a violé les articles 2242 et 2270 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du juin 2008.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Les arrêts attaqués (CA Rouen, 13 décembre 2016) encourent la censure ;

EN CE QU'ils ont dit que les arrêts du 27 septembre 2016 de la cour d'appel de Rouen sont complétés en ce sens qu'ils disent chacun que le licenciement du salarié en cause est sans cause réelle et sérieuse et qu'ils fixent chacun la créance du salarié en cause au passif du redressement judiciaire de la société VIA SYSTEMS EMS à une certaine somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 500 euros au titre de l'absence de mention de la priorité de réembauchage ;

AUX MOTIFS QUE « Par arrêt du 17 mars 2015, la cour d'appel de Rouen a annulé le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 18 décembre 2013, dit que l'instance n'était pas périmée, que les demandes de certains salariés dont Mmes I..., L..., K..., A... et Z..., MM. M..., D..., C... et Y..., n'étaient pas prescrites et réouvert les débats. Par arrêt du 27 septembre 2016, la cour d'appel de Rouen a débouté Mme Z... de toutes ses demandes après avoir statué, en la rejetant, sur la seule demande de dommages-intérêts de celle-ci relative à la levée d'options par la société Lucent technologies France. Cet arrêt ne statue pas sur le bien fondé du licenciement pour motif économique de la salariée prononcé en 2003 par l'administrateur judiciaire de la société Via systems EMS alors que cette question lui avait été soumise ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 17 mars 2015 qui a déclaré non prescrite la demande en contestation du licenciement. L'arrêt, en dépit de la formule générale "Déboute [le salarié] de ses demandes "figurant dans le dispositif, n'a pas statué sur le chef de demande relatif à la demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, la salariée est fondé à demander à ce que l'arrêt soit complété sur ses demandes au titre du licenciement formulées dans ses conclusions déposées en vue de l'audience du 13 janvier 2015 et de ses conclusions récapitulatives déposées en vue de l'audience du 2 mai 2016. Lors de l'audience du 13 janvier 2015 à la suite de laquelle a été rendu l'arrêt du 17 mars 2015 déclarant non prescrites les demandes [du salarié], le conseil [du salarié] avait régulièrement produit devant la cour et communiqué aux autres parties un tableau contenant les demandes chiffrées - au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et de la priorité de réembauchage - de l'ensemble des salariés licenciés, dont [le salarié] » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le juge ne peut compléter sa décision que lorsqu'il a omis de statuer sur un chef de demande dont il avait été effectivement saisi ; qu'en matière de procédure orale, le juge n'est saisi que des prétentions formulées à l'audience des débats ; qu'en présence d'audiences successives, et sauf exceptions, le juge n'est saisi que des prétentions formulées à la dernière audience des débats ; qu'en se référant, pour constater une prétendue omission de statuer affectant l'arrêt du 27 septembre 2016, aux prétentions formulées par le salarié lors de l'audience du 13 janvier 2015 ayant précédé le prononcé de l'arrêt avant dire droit du 17 mars 2015, sans avoir égard aux prétentions formulées par le salarié lors de l'audience du 2 mai 2016, la cour d'appel a violé l'article 463 du code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 946 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en tout état, qu'en statuant de la sorte sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de Me X..., p. 6), si le tableau récapitulatif des demandes présenté par le conseil des salariés lors de l'audience du 2 mai 2016 n'annulait et ne remplaçait pas le tableau récapitulatif des demandes présenté par le conseil de salariés lors de l'audience du 13 janvier 2015, la cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 463 du code de procédure civile, ensemble au regard des articles 4 et 946 du code de procédure civile et R. 1461-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Les arrêts attaqués (CA Rouen, 13 décembre 2016) encourent la censure ;

EN CE QU'ils ont dit que les arrêts du 27 septembre 2016 de la cour d'appel de Rouen sont complétés en ce sens qu'ils disent chacun que le licenciement du salarié en cause est sans cause réelle et sérieuse et qu'ils fixent chacun la créance du salarié en cause au passif du redressement judiciaire de la société VIA SYSTEMS EMS à une certaine somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 500 euros au titre de l'absence de mention de la priorité de réembauchage ;

AUX MOTIFS QUE « le licenciement ayant été autorisé par le juge commissaire, la salariée n'est pas recevable à mettre en cause son motif économique. L'obligation de reclassement individuel à l'égard de chaque salarié s'impose à l'employeur quel que soit le nombre de licenciements envisagés, sans préjudice de l'application des articles 1233-32 et L. 1233-61 et suivants du code du travail relatifs aux mesures de reclassement et au plan de sauvegarde de l'emploi quand les conditions en sont réunies. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, le périmètre de l'obligation de reclassement est étendu aux entreprises dont les activités et l'organisation du lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La société Via systems EMS dépend d'un groupe américain comprenant 34 sociétés implantées aux Etats-Unis, Canada, Mexique, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas et Chine et comptait, en décembre 2001, 18 800 salariés. Or, l'administrateur judiciaire n'a pas recherché le reclassement des salariés au sein des sociétés du groupe, celui-ci ne pouvant, pour justifier l'absence totale de recherche de reclassements interne, opposer l'existence d'une procédure de dépôt de bilan en vertu de la loi américaine à l'égard du groupe, ni le jugement du tribunal de commerce de Rouen faisant état de difficultés économiques au sein du groupe. Au demeurant, la société Via systems EMS ne donne aucune indication sur l'étendue du groupe auquel elle appartient, le nom des sociétés le composant et les postes disponibles au sein de ces sociétés. Il n'a donc pas satisfait à son obligation de reclassement interne. En outre, la convention collective nationale de la métallurgie en son article 28 intitulé « actions à entreprendre par l'entreprise » dispose : « lorsqu'une entreprise sera conduite à réduire ou à cesser son activité, elle recherchera en liaison étroite avec le comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les organismes habilités, toutes les solutions permettant d'assurer le reclassement du personnel. Elle favorisera les adaptations nécessaires, notamment dans le domaine des ressources, de la formation et du reclassement des travailleurs. Elle garantira les conditions de continuité de la représentation du personnel et des organisations syndicales signataires et leur possibilité, en tout état de cause, de garantir le rôle qui leur est imparti par le présent accord. Si toutefois elle est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit : - s'efforcer de réduire autant qu'il est possible le nombre des licenciements ; - Utiliser les possibilités offertes à cet égard par une politique de mutations internes, éventuellement par l'affichage des emplois à pourvoir, en priorité, à l'intérieur de l'établissement concerné et en cas d'impossibilité, dans un autre établissement de l'entreprise ou dans les entreprises qui lui sont reliées ; - rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi (
) ; - informer la commission territoriale de l'emploi conformément aux dispositions de l'article 2 du présent accord ». L'article 2 de cet accord institue une commission territoriale afin d'améliorer la situation de l'emploi et de rendre plus efficace le rôle de la commission nationale. Me X..., ès qualités, se borne à produire : - une pièce numéro 266 (copie de la page de garde du plan de sauvegarde de l'emploi livre III Via systems EMS comportant un tampon mentionnant la date du 4 juillet 2003 et la mention manuscrite « vous en souhaitant bonne réception » ; - une pièce numéro 267 : compte rendu de la réunion du 26 novembre 2003 de la commission paritaire territoriale de l'emploi de la métallurgie Rouen Dieppe qui révèle seulement que la commission paritaire a été informée, à cette date, des 320 licenciements pour motif économique prononcés par Via systems EMS les 25 juin, 2 Septembre et 26 novembre 2003, mais qui ne démontre pas qu'elle a été informée préalablement dos licenciements conformément aux dispositions de la convention collective. Quant à l'attestation de M. N..., ancien directeur général de la société Via systems EMS, selon laquelle l'entreprise, qui était adhérente de l'UIMM, s'est rapprochée de la commission paritaire territoriale de l'emploi dans le cadre de ses recherches de reclassement externe bien avant la notification des licenciements, elle est dépourvue de valeur probante compte tenu de la qualité de son auteur et, en tout état de cause, de l'absence de précision de date. Ainsi, la société et l'administrateur judiciaire ont méconnu l'article 28 précité qui impose à l'employeur qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique, de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi. Ainsi, il n'a donc pas été satisfait à l'obligation de reclassement externe. Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, s'agissant des recherches de reclassements interne, Me X... produisait une lettre en date du 27 février 2003, émanant de M. O... C. P..., vice-président et responsable des ressources humaines du groupe VIA SYSTEMS, qui, en réponse à une demande du responsable des ressources humaines de la société VIA SYSTEMS EMS FRANCE, précisait que les seuls établissements du groupe restant en Europe, Coventry et Echt, avaient été contraints de licencier des salariés et de recourir à l'intérim ; que les juges d'appel ne pouvaient se fonder sur « l'absence totale de recherche de reclassements interne » sans s'expliquer sur cette circonstance et que dès lors, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et pour les mêmes raisons, la Cour d'appel ne pouvait, sans s'expliquer, retenir que la société VIA SYSTEMS EMS FRANCE ne donne aucune indication sur les postes disponibles au sein des sociétés du groupe ; que la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'une telle permutation est exclue lorsque l'ensemble des sociétés du groupe a fait l'objet de procédures collectives, cessions ou fermetures ; qu'en décidant que Me X... ne pouvait se prévaloir de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société VIASYSTEMS INC ainsi que des procédures collectives, cessions et fermeture affectant des autres sociétés du groupe, la Cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, Me X... produisait un jugement du 5 aout 2003 du tribunal de commerce de ROUEN, ayant ordonné la cession de l'établissement et le licenciement des salariés non repris, qui énonçait que « la société appartenait à un ensemble d'autres sociétés installées aux Etats Unis et dans d'autres pays étrangers et qui ont fait l'objet de procédures collectives, cessions ou fermetures en raison de leurs propres difficultés », sachant que l'existence de procédures collectives, cessions ou fermetures est de nature à exclure la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en se bornant à relever que le « jugement du tribunal de commerce de Rouen faisa[i]t état de difficultés économiques au sein du groupe », la Cour d'appel a dénaturé ce jugement et violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, Me X... produisait, outre les informations relatives à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société VIASYSTEMS INC et le jugement du 5 aout 2003 du tribunal de commerce de ROUEN, un document de présentation détaillant les fermetures et plans de restructuration des sociétés du groupe, ainsi qu'un rapport de Me H... rappelant à son tour l'existence de procédures collectives à l'encontre de sociétés du groupe, la cession et la fermeture de sites ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si au vu de ces éléments, la permutation de tout ou partie du personnel vers les autres sociétés du groupe n'était pas exclue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail, devenu l'article L. 1233-4 du même code ;

ALORS QUE, SIXIEMEMENT, si, en application de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, la commission territoriale de l'emploi doit être saisie préalablement à la notification des licenciements, au cas d'espèce, l'arrêt relève que des licenciements sont intervenus le 25 juin 2003, le 2 septembre 2003 et le 26 novembre 2003 et que Me X... a produit, pour démontrer avoir saisi la commission territoriale de l'emploi, une copie de la page de garde du plan de sauvegarde de l'emploi comportant un tampon mentionnant la date du 4 juillet 2003 ; qu'en décidant dès lors que l'employeur avait méconnu l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, sans faire le départ entre les licenciements prononcés le 25 juin 2003, le 2 septembre 2003 et le 26 novembre 2003, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et l'article de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

ALORS QUE, SEPTIEMEMENT, dans ses conclusions, Me X... rappelait que la commission territoriale de l'emploi ne se réunit que deux fois par an ; qu'en retenant qu'il résultait du compte rendu de la commission territoriale de l'emploi en date du 26 novembre 2003 que la commission avait été informée, à cette date, des licenciements économiques sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la mention du compte rendu de la réunion du 26 novembre 2003 ne signifiait pas que la commission avait été informée avant cette date, sachant que des licenciements sont intervenus le 26 novembre 2003, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

ET ALORS QUE, HUITIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de rechercher si, pour les licenciement prononcés le 26 novembre 2003, Me X... n'avait pas exécuté ses obligations au titre du reclassement externe, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du code du travail, devenus les articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du même code et de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-28765;16-28766;16-28767;16-28768
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 13 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2018, pourvoi n°16-28765;16-28766;16-28767;16-28768


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28765
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award