LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Belambra clubs (la société) s'est vue confier la gestion d'un centre de vacances propriété de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la CANSSM) ; que celle-ci a informé la société que le marché prenait fin au mois de janvier 2014 ; que cette dernière a demandé à la CANSSM la prise en charge des contrats de travail attachés au centre de vacances ;
Attendu que pour débouter la société de ses demandes en condamnation de la CANSSM à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice né du refus de reprendre les contrats de travail des salariés affectés au centre, l'arrêt retient que la fermeture du centre à l'expiration du marché public de droit privé de gestion dont la société était attributaire et la vente ultérieure de celui-ci font obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail en raison de ce que l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur, en sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la résiliation de la convention de gestion du centre de vacances, lequel constituait une entité économique autonome, empêchait la continuation de son l'exploitation par la CANSSM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Belambra clubs, l'arrêt rendu le 20 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Belambra clubs
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société BELAMBRA CLUBS de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « la société Belambra clubs a, depuis l'année 1974, assuré la gestion du centre de vacances 'Roger Z...' situé à Menton dont était propriétaire la CANSSM pour avoir, en dernier lieu, été attributaire d'un marché public de droit privé régi par l'article L.124-4 du code de la sécurité sociale et l'arrêté du 16 juin 2008 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale, d'une durée d'un an à compter du 1er janvier 2011 et reconductible annuellement dans la limite de trois ans et soumis au cahier des charges particulières nº 110 08 01 M ainsi qu'au cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par arrêté du 19 janvier 2009 ; que la CANSSM ayant rappelé à la société Belambra clubs par lettre du 10 juillet 2013 l'échéance du marché au 12 janvier 2014 et l'ayant informée par lettre du 26 septembre suivant de ce que le site de Menton cessait d'être un centre de vacances du régime minier à compter de l'exercice 2014 et serait mis en vente, cette société a demandé à la caisse de prendre en charge les contrats de travail des salariés attachés au centre puis, celle-ci ayant refusé, l'a assignée aux fins notamment de voir réintégrer le personnel dans ses effectifs devant le tribunal de grande instance de Paris qui a statué dans les termes susvisés » ;
ET AUX MOTIFS QUE « considérant, au fond, que l'article 4.2 du cahier des clauses particulières qui définit les obligations du gestionnaire stipule que ces obligations consistent notamment en la gestion du personnel employé sur le site « et toutes les conséquences financières qui y sont attachées : embauches, avancements, promotions, salaires, congés payés, indemnités de toutes sortes, y compris licenciements , etc (...) » ; qu'il appartenait donc à la société BELAMBRA CLUBS, au regard de ces dispositions, de faire son affaire personnel des procédures de licenciement ou de reclassement de son personnel imposées par la fermeture du centre de Menton en tant qu'infrastructure relevant du régime minier et la vente de l'ensemble immobilier le composant ; que cette fermeture et cette vente font par ailleurs obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail puisque ce texte vise la reprise des contrats de travail par le nouvel employeur alors qu'en l'espèce l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur de sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer ; qu'il suit de ces développements que la société Belambra clubs sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts » ;
1) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sur le transfert du contrat de travail s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome ; que la résiliation par le propriétaire d'un établissement ou d'un fonds de commerce - constituant une entité économique autonome - du contrat de gestion confié à un prestataire de services entraine le transfert de plein droit audit propriétaire du personnel attaché à cet établissement ou à ce fonds ; qu'il n'est fait obstacle au transfert des contrats de travail au propriétaire que lorsque l'entité économique dont la gestion avait été confiée à un prestataire de services a été restituée dans des conditions qui empêchaient la continuation de son exploitation ; que ne peut donc déroger à cette obligation le propriétaire qui, à l'issue du contrat de gestion, prend la décision unilatérale de fermer et de vendre l'entité économique autonome qui était toujours exploitable lors de sa restitution ; qu'en l'espèce, le caractère d'entité économique autonome du centre de vacances Roger Z... n'était pas contesté par les parties ; que la décision unilatérale de la CANSSM de ne pas reconduire le contrat de gestion conclu avec la société BELAMBRA CLUBS à compter du 12 janvier 2014 et de procéder à la fermeture du centre en vue de sa vente future, ne lui permettait donc pas de s'exonérer de son obligation de reprise du personnel dès lors qu'à la date de sa restitution le centre restait exploitable ; qu'en décidant au contraire que la décision unilatérale de la caisse de fermer le centre en vue de sa vente future lui permettait de s'exonérer de son obligation de reprise du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la décision du propriétaire d'un établissement ou d'un fonds de commerce de procéder à sa fermeture, à l'expiration du contrat de gestion confié à un tiers, ne l'exonère pas de son obligation de reprise du personnel qui y est attaché dès lors qu'au jour de l'expiration du contrat de gestion et de sa restitution l'établissement ou le fonds était toujours exploitable ; que par voie de conséquence en décidant que la décision unilatérale de la CANSSM de fermer le centre de vacances en vue de sa vente future faisait « obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail » - et empêchait en conséquence la reconnaissance du transfert d'une entité économique autonome et la reprise subséquente par la caisse du personnel qui y était attaché - sans constater qu'au jour de l'expiration du contrat ou du marché de gestion confié à BELAMBRA CLUBS, le 12 janvier 2014, le centre de vacances avait été rendu inexploitable par cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
3) ALORS, DE SURCROIT, QUE les conditions d'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail s'apprécient au jour de la cession de l'entité en cause ; qu'il n'est pas contesté, et la CANSSM l'indiquait elle-même dans ses écritures d'appel (conclusions n° 2 de la CANSSM p. 37 § 5), que la vente du centre de vacances Roger Z... par la CANSSM est intervenue en octobre 2015 plusieurs mois après l'expiration du contrat conclu avec BELAMBRA CLUBS le 12 janvier 2014 ;
qu'en fondant sa décision sur le motif selon lequel « l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur de sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer », cependant que c'est au jour de l'expiration du marché de gestion, le 12 janvier 2014, qu'elle devait se placer pour apprécier l'existence du transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
4) ALORS, PLUS ENCORE, QU'en retenant de manière affirmative que « l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur de sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer », sans préciser au regard des critères légaux applicables dans quelle mesure il était fait obstacle au transfert d'une entité économique autonome et à la reprise par la CANSSM de son personnel au jour de l'expiration du contrat ou du marché confié à BELAMBRA CLUBS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5) ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en retenant que « l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur de sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer », sans s'expliquer sur la production par l'exposante d'une pièce n° 10 à l'appui de laquelle elle soutenait que l'entité économique autonome constituée par le centre de vacances avait été reprise en octobre 2015 par l'établissement hôtelier « La Tournerie Hôtel » qui avait maintenu son activité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS, ENFIN ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE les clauses d'un marché, fût-il public, ne peuvent empêcher le transfert du contrat de travail, qui résulte du seul effet de la loi et des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail ; qu'à supposer que la cour d'appel ait implicitement jugé que les dispositions de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières du marché public de droit privé faisaient obstacle au transfert légal des contrats de travail - et par là-même dérogeaient aux droits du personnel du centre de vacances -, en statuant ainsi cependant que les dispositions de ce document ne pouvaient déroger à l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail sur le transfert des contrats de travail attachés à une entité économique autonome, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil.