LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2224 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 mars 2017), que, le 4 avril 2008, l'Association de secours aux victimes des maladies tropicales (l'ASVMT) a consenti un bail emphytéotique, portant sur une partie de l'ensemble immobilier de la Chartreuse de Valbonne, à la société Espacim, qui s'est engagée à réhabiliter les bâtiments loués ; que la locataire a confié cette réhabilitation à la SCI du Grand Cloître (la SCI), qui a fait réaliser des travaux destructifs par la société SMTR ; que, la société Espacim ayant été placée en liquidation judiciaire, la cession du bail à la SCI a été autorisée par ordonnance du juge-commissaire du 18 septembre 2012 ; que l'ASVMT a assigné la SCI en résiliation du bail, et en indemnisation des dégradations constatées à la suite des travaux ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d'indemnisation présentée au titre des travaux effectués antérieurement à la cession du bail le 18 septembre 2012, l'arrêt retient qu'il n'est plus justifié de réunion de chantier après le 29 octobre 2008, que le document le plus récent attestant des travaux effectués sous l'autorité de la SCI est une facture de la société SMTR du 19 novembre 2008 et que la prescription de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil, qui courait depuis cette date, était donc acquise à la date de l'assignation, le 9 juillet 2014 ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la date de réalisation du dommage et à fixer le point de départ de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande d'indemnisation présentée au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 et fixe la mission de l'expert, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne la SCI du Grand Cloître aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI du Grand Cloître à payer à l'Association de secours aux victimes des maladies tropicales une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour l'Association de secours aux victimes des maladies tropicales
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement sauf sur le contenu de la mission confiée à l'expert et déclaré irrecevable la demande d'indemnisation présentée au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande d'indemnisation des dégradations : - sur la prescription : que la SCI du GRAND CLOÎTRE fait valoir que plus de 5 ans se sont écoulés entre l'achèvement des travaux mis en oeuvre par le biais de la société SMTR, qui a abandonné le chantier et dont la liquidation a été prononcée le 10 juillet 2009, et l'assignation délivrée par l'ASVMT le 9 juillet 2014 ; a. que l'absence de mise en oeuvre des travaux de réhabilitation et l'inexécution des travaux conservatoires de mise hors d'eau imposés par l'état des lieux occupés par la SCI du GRAND CLOÎTRE, constituent des fautes contractuelles obligeant le preneur à réparer le préjudice qui en résulte depuis son entrée dans les lieux le 18 septembre 2012 ; que sur ce chef de demande, la prescription de 5 ans n'est donc pas acquise, de sorte que la demande est recevable ; b. que s'agissant des travaux antérieurement exécutés par la SCI du GRAND CLOÎTRE en vertu des conventions passées entre elle et la SARL ESPACIM les 22 janvier 2007 (statuts de la société en participation la Grande Chartreuse), 16 octobre 2007 et 8 juillet 2009 et susceptibles d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers, il n'est plus justifié de réunion de chantier après le 29 octobre 2008, tandis que le document le plus récent attestant des travaux effectués sous l'autorité de la SCI du GRAND CLOÎTRE en vertu de ses accords avec l'ESPACIM, est une facture de la SARL SMTR du 19 novembre 2008 ; que l'ASVMT, qui ne réplique pas sur la prescription fondée sur l'article 2224 du code civil invoquée par l'appelante, ne justifie d'aucune cause de suspension, ni d'interruption du délai de 5 ans pour agir aux fins d'indemnisation des travaux effectués antérieurement à la prise de possession des lieux par la SCI du GRAND CLOÎTRE ; qu'au vu de ces éléments, la prescription de 5 ans courant à compter du 19 novembre 2008 était acquise à la date de l'assignation délivrée le 9 juillet 2014, de sorte que la demande d'indemnisation au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 est irrecevable » ;
1°) ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'éventuelle connaissance de la réalisation de travaux n'implique pas nécessairement la connaissance de leurs conséquences ; qu'en jugeant que la prescription quinquennale courait à compter du 19 novembre 2008 – date de la facture de la SARL SMTR attestant des travaux effectués sous l'autorité de la SCI du GRAND CLOÎTRE en vertu de ses accords avec ESPACIM – et qu'elle était acquise à la date de l'assignation délivrée par l'ASVMT le 9 juillet 2014, de sorte que la demande d'indemnisation au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 était irrecevable, tandis qu'à supposer même que l'ASVMT ait eu connaissance de la réalisation des travaux en 2008, celle-ci n'avait pu avoir connaissance des conséquences désastreuses des travaux effectués, et donc de la réalisation du dommage, avant la réalisation des constats d'huissier en 2012 et 2013 ou à tout le moins avant l'interruption des travaux par la mise en liquidation judiciaire de la société SMTR le 10 juillet 2009, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du code civil ;
2°) ALORS QU'en jugeant que la prescription de 5 ans courant à compter du 19 novembre 2008 – date de la facture de la SARL SMTR attestant des travaux effectués sous l'autorité de la SCI du GRAND CLOÎTRE en vertu de ses accords avec ESPACIM – était acquise à la date de l'assignation délivrée le 9 juillet 2014, de sorte que la demande d'indemnisation au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 était irrecevable, sans rechercher si l'ASVMT avait pu ignorer, à cette date du 19 novembre 2008, les conséquences désastreuses des travaux réalisés et ce jusqu'à l'interruption des travaux par la liquidation judiciaire de la société qui les réalisait ou jusqu'à la constatation des désordres par les constats d'huissier datant de 2012 et de 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
3°) ALORS QUE si la production de factures permet d'établir la réalisation des travaux, elle n'établit pas en revanche la réalisation du dommage et ne peut par conséquent suffire à fixer le point de départ du délai de prescription de l'action d'un tiers visant à obtenir une indemnisation au regard des désordres créés ; qu'en se fondant exclusivement sur le fait qu'il n'était plus justifié de réunion de chantier après le 29 octobre 2008 et que le document le plus récent attestant des travaux effectués sous l'autorité de la SCI du GRAND CLOÎTRE en vertu de ses accords avec ESPACIM, était une facture de la SARL SMTR du 19 novembre 2008, pour dire que la prescription de 5 ans courant à compter du 19 novembre 2008 était acquise à la date de l'assignation délivrée le 9 juillet 2014, de sorte que la demande d'indemnisation au titre des travaux effectués antérieurement au 18 septembre 2012 était irrecevable, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.