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12/12/2018 | FRANCE | N°17-26221

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 décembre 2018, 17-26221


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 24 décembre 2009 par M. B... (le notaire), associé de la société civile professionnelle C..., la société Vergers du soleil (le vendeur) a vendu en l'état futur d'achèvement à M. et Mme X... un appartement situé à La Réunion, dans la commune de [...] ; qu'aux fins de donner l'appartement en location, les époux X... ont confié un

mandat de gestion à la société Villanova ; qu'ayant appris, à la suite de la notific...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 24 décembre 2009 par M. B... (le notaire), associé de la société civile professionnelle C..., la société Vergers du soleil (le vendeur) a vendu en l'état futur d'achèvement à M. et Mme X... un appartement situé à La Réunion, dans la commune de [...] ; qu'aux fins de donner l'appartement en location, les époux X... ont confié un mandat de gestion à la société Villanova ; qu'ayant appris, à la suite de la notification d'une proposition de rectification de l'impôt sur le revenu formulée par l'administration fiscale, que la date d'achèvement des travaux du 5 septembre 2011 avait été refusée par arrêté municipal du même jour, M. et Mme X..., qui avaient signé l'acte de la vente sur la foi d'une déclaration d'achèvement des travaux du 19 décembre 2008, ont assigné le vendeur et la société Villanova en nullité de la vente pour dol et le notaire en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que, nonobstant les informations qu'il pouvait détenir en septembre 2008 quant au retard pris dans la construction ou en décembre 2008 quant à la souscription par le vendeur d'un prêt de 700 000 euros, le notaire a instrumenté l'acte authentique de vente litigieux le 24 décembre 2009, soit douze mois plus tard, sur la déclaration du vendeur selon laquelle « l'immeuble dont dépendent les locaux vendus est achevé depuis le 19 décembre 2008 », confirmée par une déclaration d'achèvement de la totalité des travaux établie le 19 décembre 2008, signée par l'architecte et portant les cachets du vendeur et de la commune de [...] ; qu'il ajoute que la responsabilité du notaire ne peut être retenue, dès lors que ce document, qui se trouvait annexé à l'acte de vente et avait toutes les apparences de l'authenticité, dispensait celui-ci de toute autre diligence destinée à vérifier la réalité de l'achèvement des travaux ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la mention, dans l'acte authentique de vente, de la souscription par le vendeur, le 22 décembre 2008, d'un prêt de 700 000 euros destiné à financer des travaux de construction de l'immeuble dont dépendaient les lots vendus, n'était pas de nature à remettre en cause la déclaration d'achèvement des travaux du 19 décembre 2008 et, partant, à faire naître chez le notaire des soupçons sur la sincérité de cette déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme X... dirigées contre la société C... , l'arrêt rendu le 27 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... .

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux X... de l'ensemble de leurs demandes de condamnation, en tant qu'elles étaient dirigées contre la SCP C... ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE par une motivation non critiquée à hauteur d'appel, les premiers juges ont caractérisé le dol commis par la SCCV Les Vergers du Soleil en relevant que l'état d'achèvement au 31 décembre 2009 de l'appartement acquis constituait un élément déterminant du consentement des acquéreurs qui entendaient bénéficier des avantages fiscaux applicables sur leur imposition de l'année 2009, que cet immeuble n'était pas achevé au 24 décembre 2009, date de la signature de l'acte authentique de vente, que l'erreur des acquéreurs a été provoquée par le dol de la SCCV Les Vergers du Soleil et de la SARL Villanova, la première, qui connaissait l'état d'inachèvement, s'étant appuyée sur une déclaration d'achèvement des travaux datée du 19 décembre 2008 qui n'a jamais été déposée à la mairie de [...], puis les deux sociétés, qui avaient le même dirigeant, ayant adressé aux époux X... de faux avis de location, compte-rendu de gestion locative et contrat de location allant même jusqu'à leur verser une somme de 2.057 € provenant de prétendus loyers ;

AUX MOTIFS ENSUITE QUE pour retenir la responsabilité délictuelle du notaire, in solidum avec celle contractuelle des sociétés Vergers du Soleil et Villanova, les premiers juges ont reproché à l'officier ministériel d'avoir omis de s'informer plus avant sur l'état d'achèvement de la construction cependant qu'il détenait des informations qui pouvaient le faire douter de la sincérité de la déclaration d'achèvement des travaux du 22 décembre 2008 ; qu'or, nonobstant les informations qu'il pouvait détenir en septembre 2008 quant au retard pris dans la construction, ou en décembre 2008 quant à la souscription par le vendeur d'un prêt de 700.000 €, il est constant que le notaire a instrumenté l'acte authentique de vente litigieux le 24 décembre 2009, soit douze mois plus tard, selon la déclaration du vendeur (p.6) « que l'immeuble dont dépend les locaux vendus est achevé depuis le 19 décembre 2008 » confirmée par une déclaration d'achèvement de la totalité des travaux établie le 19 décembre 2008, signée par l'architecte et portant les cachets de la SCCV Les Vergers du Soleil et de la commune de [...] service urbanisme et foncier ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu la responsabilité du notaire puisque ce document, annexé à l'acte de vente, qui avait toutes les apparences de l'authenticité, dispensait celui-ci de toute autre diligence destinée à vérifier la réalité de l'achèvement des travaux ; qu'il s'ensuit que le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a condamné la SCP de notaires in solidum avec la SCCV Les Vergers du Soleil et la SARL Villanova à verser des sommes aux époux X... et à supporter les dépens de l'instance ; que, statuant à nouveau, la cour déboutera ces derniers de l'ensemble de leurs demandes en tant qu'elles sont dirigées contre la SCP de notaires ;

1/ ALORS QUE le notaire est tenu, pour pouvoir garantir l'efficacité de son acte, de vérifier les déclarations des parties et les documents qui lui sont fournis par celles-ci ; qu'à ce titre, le notaire ne doit pas seulement s'assurer que le document qui lui est présenté ne comporte pas d'irrégularité ou d'anomalie intrinsèques, mais doit également vérifier qu'il n'existe entre ce document et les autres éléments qui figurent à son dossier aucune discordance de nature à rendre suspecte sa sincérité ou son authenticité ; qu'en décidant au contraire qu'à partir du moment où la fausse déclaration d'achèvement du 19 décembre 2008, sur la base de laquelle le notaire avait instrumenté, avait toutes les apparences de l'authenticité, celui-ci n'avait aucun autre contrôle à opérer, et en refusant, pour cette raison, de tenir compte de la circonstance que la déclaration d'achèvement était en l'occurrence contredite par des éléments contemporains de cette déclaration, qui figuraient également au dossier du notaire et qui étaient au minimum de nature à rendre suspect sa sincérité et son authenticité, la cour d'appel a minoré l'étendue de l'obligation de vérification documentaire pesant sur les notaires et ce faisant violé l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil ;

2/ ALORS QUE le notaire est tenu, pour pouvoir garantir l'efficacité de son acte, de vérifier les déclarations des parties et les documents qui lui sont fournis par celles-ci ; qu'à ce titre, le notaire ne doit pas seulement s'assurer que le document qui lui est présenté ne comporte pas d'irrégularité ou d'anomalie intrinsèques, mais doit également vérifier qu'il n'existe entre ce document et les autres éléments qui figurent à son dossier aucune discordance de nature à rendre suspecte sa sincérité ou son authenticité ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures des époux X..., spéc. p.9, § 2), si la mention, contenue dans l'acte notarié de vente litigieux, de la souscription le 22 décembre 2008 par la société Les Vergers du Soleil, d'un prêt de 700.000 € destiné à financer des travaux de construction de l'immeuble dont dépendaient les lots vendus, ne contredisait pas la déclaration d'achèvement de ce même immeuble du 19 décembre 2008, si cette discordance, qu'une simple vérification documentaire permettait de mettre à jour, n'était pas de nature à rendre suspect ladite déclaration d'achèvement et si dès lors, le notaire, pour satisfaire à ses obligations professionnelles, n'aurait pas dû s'assurer par d'autres biais de l'achèvement effectif de l'immeuble ou à tout le moins attirer spécialement l'attention des parties sur cette anomalie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil ;

3/ ALORS QUE le notaire est tenu, pour pouvoir garantir l'efficacité de son acte, de vérifier les déclarations des parties et les documents qui lui sont fournis par celles-ci ; qu'à ce titre, le notaire ne doit pas seulement s'assurer que le document qui lui est présenté ne comporte pas d'irrégularité ou d'anomalie intrinsèques, mais doit également vérifier qu'il n'existe entre ce document et les autres éléments qui figurent à son dossier aucune discordance de nature à rendre suspecte sa sincérité ou son authenticité ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures des époux X..., spéc. p.9, § 4 et s. et p.10), si le courrier de l'architecte D... du 25 septembre 2008, qui avait porté à la connaissance du notaire la modification du projet initial, notamment quant à l'implantation de l'immeuble, qui rendait indispensable le dépôt d'un permis de construire modificatif et le fait que l'état d'avancement de la construction rendait impossible l'achèvement de l'ouvrage avant la fin de l'année 2008, ne contredisait pas la déclaration d'achèvement du 19 décembre 2008 et n'aurait pas dû, dès lors, éveiller les soupçons de l'officier ministériel quant à la sincérité et l'authenticité de ce document, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil.

4/ ALORS QUE le notaire est tenu, pour pouvoir garantir l'efficacité de son acte, de vérifier les déclarations des parties et les documents qui lui sont fournis par celles-ci ; qu'à ce titre, le notaire ne doit pas seulement s'assurer que le document qui lui est présenté ne comporte pas d'irrégularité ou d'anomalie intrinsèques, mais doit également vérifier qu'il n'existe entre ce document et les autres éléments qui figurent à son dossier aucune discordance de nature à rendre suspecte sa sincérité ou son authenticité ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était également invitée (cf. les dernières écritures des époux X... p.9, § 2), si l'achèvement du programme de construction, qui portait sur 26 logements répartis en plusieurs bâtiments, dès la date du 19 décembre 2008, n'était pas contredit par le fait que la déclaration d'ouverture de chantier avait été opérée huit mois plus tôt à peine, le 14 avril 2008, et si cet élément n'était pas lui aussi de nature à faire douter le notaire de la sincérité et de l'authenticité de la déclaration d'achèvement sur le fondement de laquelle il avait instrumenté, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil ;

5/ ALORS QUE le notaire est tenu, pour pouvoir garantir l'efficacité de son acte, de vérifier les déclarations des parties et les documents qui lui sont fournis par celles-ci ; qu'à ce titre, le notaire ne doit pas seulement s'assurer que le document qui lui est présenté ne comporte pas d'irrégularité ou d'anomalie intrinsèques, mais doit également vérifier qu'il n'existe entre ce document et les autres éléments qui figurent à son dossier aucune discordance de nature à rendre suspecte sa sincérité ou son authenticité ; que dès lors que l'acte notarié de vente litigieux avait été instrumenté, certes le 24 décembre 2009, mais sur la base d'une déclaration d'achèvement du 19 décembre 2008, la circonstance que douze mois s'étaient écoulés entre le moment où le notaire avait été informé du retard pris par la construction et de la souscription par le vendeur d'un prêt destiné à la financer et le moment où le notaire avait instrumenté ne pouvait en aucune façon justifier l'exonération du notaire de toute responsabilité, nonobstant le fait qu'il avait instrumenté sur la base d'une fausse déclaration d'achèvement en dépit des éléments, contemporains de cette déclaration, qui figuraient également à son dossier et qui faisaient ressortir que l'immeuble n'avait pu être achevé à la date portée sur ce document ; qu'en se fondant de la sorte sur un motif inopérant, la cour d'appel a derechef privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-26221
Date de la décision : 12/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 27 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 déc. 2018, pourvoi n°17-26221


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.26221
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