LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. B... X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4e chambre, en date du 19 octobre 2016, qui, pour vol aggravé et violences aggravées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-6, 311-11, 311-14, 311-15, 222-13, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du code pénal, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe non bis in idem ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. B... X... coupable de vol avec violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours et de violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité ;
"aux motifs que la cour doit se prononcer sur la portée probatoire des éléments rassemblés au dossier ; ceux-ci ayant été appréciés comme insuffisants par le tribunal ; qu'il est constant que la victime a pu voir à très courte distance son agresseur et été en mesure de fournir des indications précises aux policiers qui l'entendaient pour la première fois le 29 juin 2012 ; que la lecture de la cote D 8 du dossier est caractéristique de la précision de la description alors fournie aux enquêteurs qui, à partir de ce seul élément, ont sélectionné douze clichés représentant des personnes dont la physionomie approchait ou ressemblait à celle à eux fournie ce 29 juin 2012 ; qu'il est tout aussi constant que sur présentation le 3 juillet de cette planche photographique, la victime a, sans stratagème ni procédé déloyal envers quiconque, identifié, pour la première fois, le prévenu intimé ; que cette identification a été renouvelée le 7 juillet ; le cliché unique du prévenu intimé lui ayant été présenté le 3 juillet et non ainsi qu'il a été plaidé devant la cour quelques instants avant la présentation physique du 7 juillet ; qu'il doit être retenu que la victime a fourni d'emblée les traits caractéristiques de son agresseur, de mémoire, et l'a, ensuite, reconnu parmi douze clichés puis parmi deux autres personnes le 7 juillet, soit neuf jours après les faits ; que pour la cour, cette triple identification tout d'abord mémorielle puis visuelle est une charge probatoire que l'absence d'élément probatoire autre d'ordre technique ne peut réduire ; qu'en effet, la cour le rappelle, la victime a eu le temps d'apercevoir son agresseur à une courte distance ; que cette reconnaissance est exempte de contradiction, est pérenne depuis le 3 juillet 2012 et constitue en elle-même, de par ses caractéristiques propres, un élément à charge accusatoire substantiel ; qu'il doit être aussi relevé que dès sa première déposition, la victime a été en mesure de situer l'âge de son agresseur, entre vingt-cinq et trente ans ; que cette indication n'est pas démentie par la constatation qu'au jour des faits, le prévenu était âgé de vingt-sept ans ; que cette indication sur l'âge de son agresseur est une donnée qui n'est pas dirimante de la portée accusatoire des déclarations de la partie civile qui, sur l'âge de son agresseur, n'est pas prise en défaut ; qu'il est constant que le prévenu, recherché jusqu'au 6 juillet a été dans l'incapacité de fournir des explications crédibles sur la nature de ses activités ce matin-là, les allégations de ses proches, non reprises devant la cour, qu'il avait, alors qu'il se disait sans domicile fixe, dormi au domicile familial cette nuit-là étant appréciées comme purement circonstancielles et seulement dictées par le souci de constituer un alibi à un proche poursuivi pour des faits graves ; la cour rappelant qu'à l'époque le prévenu n'avait pas de domicile fixe ; que le comportement devant la cour du prévenu intimé est la manifestation d'un absolu manque de maîtrise et d'un total irrespect envers la partie civile, ce qui est compatible avec le passage à l'acte marqué par la violence qui lui est reproché ; que la cour relève aussi que fréquentant à l'époque la commune où les faits ont été commis, aucune impossibilité d'ordre matériel tel que son éloignement géographique n'empêchait le prévenu de commettre les faits ; qu'en définitive, ces éléments de contexte, qui sont le complément de la reconnaissance de la victime, fondent la poursuite en tous ses éléments ; que le jugement sera pour ces motifs infirmé et le prévenu déclaré coupable car auteur de violences sur la personne de la partie civile, le prévenu a ensuite volé le véhicule dont la partie civile se servait pour assurer son travail ;
"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que M. X... a été poursuivi du chef d'une part, de vol avec violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours, pour avoir dérobé un véhicule avec usage d'un cutter, d'autre part, de violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, « en l'espèce, en fonçant délibérément avec un véhicule en direction de la victime » ; que l'arrêt attaqué, qui ne constate nulle part que l'agresseur de la partie civile ait délibérément foncé avec un véhicule dans sa direction, est dépourvu de motifs propres à justifier la déclaration de culpabilité du chef de violences avec arme ;
"2°) alors qu'un même fait ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité ni être retenu comme élément constitutif d'un crime et comme circonstance aggravante d'une autre infraction ; que l'arrêt attaqué, qui se borne à relever, pour retenir le prévenu dans les liens de cette double prévention, un vol avec usage d'un cutter et qu'il est l'auteur de violences, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle quant au respect de la règle non bis in idem ;
"3°) alors que le doute doit profiter à l'accusé ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la défense a contesté l'identification opérée par la victime en ce qu'elle avait été forcée par les policiers, observant notamment que le tapissage de confirmation du 7 juillet ne s'était fait qu'en présence de deux autres personnes qui ne ressemblaient pas au prévenu ; qu'en se bornant à exclure tout procédé déloyal au moment de la présentation de la planche photographique le 3 juillet, la cour n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
"4°) alors que le doute doit profiter à l'accusé ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la partie civile a déclaré que l'individu qui l'avait agressé tenait le cutter de sa main gauche ; que M. X... a fait valoir que la victime, en l'identifiant comme son agresseur, se trompait, qu'il est droitier et porte un signe distinctif visible sur la main gauche qui aurait dû être vu par la victime ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette contestation, d'autant plus décisive que cette identification constituait l'unique élément à charge, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que le juge répressif doit caractériser en tous ses éléments constitutifs chacune des infractions dont il déclare un prévenu coupable ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme A... a indiqué avoir été blessée d'un coup de cutter par un individu qui, lui volant les clefs de son véhicule, s'en est emparé et a ensuite tenté de la percuter avec celui-ci ; qu'ayant donné une description précise de son agresseur, elle l'a reconnu sur planches photographiques présentées par les enquêteurs ; que, poursuivi, au terme d'une information ouverte pour vol avec violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et violences avec usage d'une arme, en l'espèce, le véhicule automobile dérobé, M. X..., qui a contesté les faits, a été relaxé par le tribunal correctionnel ; que le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de la décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable du vol et des violences aggravés, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les éléments permettant sa reconnaissance par la victime due au contexte des faits, retient que le prévenu est l'auteur de violences sur Mme A... et qu'il a ensuite volé son véhicule ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer aucunement sur les éléments constitutifs du second délit de violences avec arme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 19 octobre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze décembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.