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12/12/2018 | FRANCE | N°16-84586

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 décembre 2018, 16-84586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. E... X... ,
- Mme F... C... , épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 20 juin 2016, qui, pour abus de faiblesse, les a condamnés, le premier, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, la seconde, à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, ordonné la confiscation des scellés et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience

publique du 31 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. E... X... ,
- Mme F... C... , épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 20 juin 2016, qui, pour abus de faiblesse, les a condamnés, le premier, à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, la seconde, à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, ordonné la confiscation des scellés et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle ALAIN BÉNABENT, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du même code), 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné solidairement M. et Mme X... à payer à Mme A..., partie civile représentée par son tuteur, la somme de 600 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs propres que sur l'action civile, le tribunal a reçu Mme Christiane A..., incapable majeure, représentée par l'ANAT Saint Jean de Malte, personne morale, représentée par Mme B... H..., en sa constitution de partie civile, et condamné les prévenus Mme C..., épouse X... et M. X... à verser à la partie civile, la somme de quinze mille euros (15 000 euros) en réparation du préjudice moral, la somme de six cents mille euros (600 000 euros) en réparation du préjudice matériel, en outre, chacun, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction, que la victime ainsi définie est fondée à réclamer et à obtenir la réparation intégrale de son préjudice ; que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que les faits commis par Mme C..., épouse X... et X... ont directement causé à Mme Christiane A..., partie civile, un préjudice certain dont les prévenus doivent réparation ; que c'est à juste titre que la juridiction du premier degré a reçu celle-ci en sa constitution de partie civile ; qu'il est, par ailleurs, constant que les agissements de Mme C..., épouse X... et M. X... ont entraîné pour Mme A... non seulement un préjudice matériel mais aussi un préjudice moral ou psychologique en raison de la manipulation et de l'exploitation outrancière dont elle a fait l'objet au cours de l'infraction ; que s'agissant du préjudice matériel subi par la victime, il résulte des investigations réalisées au cours de la procédure suivie contre Mme C..., épouse X... et M. X... sur la période du mois de mai 2007 au mois de juillet 2008, le montant total des chèques, retraits, virements et chèques de banque enregistrés sur le compte de Mme A... s'est élevé à la somme de 600 229,26 euros répartie en : 158 810,26 euros de chèques, 68 250 euros de retraits, 64 269 euros de chèques de banque, 308 900 euros de virements ; que le montant du préjudice matériel subi par Mme A... et fixé par le tribunal à la somme de 600 000 euros est totalement justifié au regard des investigations accomplies par Mme I... D..., mandataire spéciale puis tutrice de Mme A..., nommée en ces qualités par le juge des tutelles de Paris, ayant constaté sur les comptes bancaires de Mme A... d'importants retraits de fonds qu'elle estimait à plus de 826 000 euros entre mai 2007 juillet 2008, l'actif de son patrimoine était de surcroît passé de 2 741 435 euros à 1 644 996 euros, par les investigations policières, par l'instruction ; que les affirmations, selon lesquelles la somme de 600 000 euros est fantaisiste, ou dénuée d'assise, sont totalement infondées ; que le tribunal a par ailleurs pris en considération le montant des dépenses régulières engagées par l'incapable majeure avant sa rencontre des prévenus et après, aucune dépense particulière et importante n'ayant été engagée par Mme A... courant 2007-2008 dans son propre intérêt ; que, par suite, la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction et que le jugement sera confirmé tant sur le montant des dommages intérêts alloués que sur la condamnation des prévenus au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, pour les frais irrépétibles exposés en première instance ; que M. X... et Mme C..., épouse X..., seront en outre condamnés chacun au paiement d'une somme supplémentaire de (sic) euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, pour les frais irrépétibles exposa en cause d'appel ; qu'enfin, la condamnation sur intérêts civils s'exécutera à due concurrence des sommes allouées à Mme A..., sur le bien immobilier appartenant aux consorts X..., situé à Corbeil-Essonnes (91100), [...] , affecté par ceux-ci par acte notarié du 27 décembre 2012 à titre d'hypothèque conventionnelle à titre conservatoire et constitué comme sureté réelle pour un montant de 250.000 euros ;

"aux motifs éventuellement adoptés que quant à l'existence d'un préjudice grave subi par la victime, il est établi par l'examen des relevés des comptes qu'entre le mois de mai 2007 et le mois de juillet 2008, le patrimoine personnel de Mme A... était passé de 2 741 435 euros à 1 644 996 euros, sommes qui ne peuvent sérieusement se rattacher à des dépenses effectuées pour l'entretien de cette dernière, qui vivait simplement selon ses proches ; qu'à ce titre, les prévenus, qui proposent en fin de procédure un remboursement des sommes, ne contestent pas avoir fait acheter par Mme A... un certain nombre de véhicules en France et à Madagascar, mais aussi deux biens immobiliers situés à Madagascar ; qu'ils reconnaissent en outre avoir reçu d'importantes sommes d'argent pour financer la création de la société Mada Prestige, des travaux d'aménagement et d'ameublement desdits biens ainsi que la construction d'une piscine ; que par ailleurs, la procédure a permis d'établir que Mme A... a financé, plusieurs voyages à Madagascar pour la famille des prévenus, les frais de douanes, les frais des employés de la société Mada et de nombreuses autres dépenses utiles au couple de prévenus et à leurs proches (
) ;
Sur l'action civile : que la constitution de partie civile de Mme A..., représentée par ANAT Saint Jean de Malte représentée par Mme B... H..., sa tutrice est régulière et recevable en la forme ; que comme il a été exposé, cette dernière a subi un préjudice financier qui doit être évalué à 600 000 euros (six cent mille euros) ; qu'elle a par ailleurs subi un préjudice moral incontestable qu'il convient d'indemniser à hauteur de 15 000 euros (quinze mille euros) ; que M. X... et Mme C... seront donc condamnés à régler solidairement à Mme A... la somme de 600 000 euros en réparation de son préjudice financier, outre celle de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

"1°) alors que si les juges apprécient souverainement, dans les limites des conclusions de la partie civile, le montant des dommages-intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction constatée, c'est à la condition de fonder leur décision sur l'importance réelle de ce dommage, qu'ils sont tenus d'évaluer exactement afin de le réparer dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a accordé une somme de 600 000 euros à Mme A... à titre de dommages-intérêts, correspondant au « montant total des chèques, retraits, virements et chèques de banque enregistrés sur le compte de Mme A... » (
) pendant « la période du mois de mai 2007 au mois de juillet 2008 », tenant ainsi pour établi que toutes les dépenses effectuées par Mme A... pendant la période de prévention l'auraient été au seul profit des époux X... ; qu'en statuant ainsi, sans étayer son évaluation par un calcul précis des sommes réellement dépensées au profit des exposants, et partant, sans caractériser un lien direct entre la totalité du préjudice dont elle a ordonné réparation et les faits délictueux, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;

"2°) alors que la juridiction répressive ne peut prononcer la condamnation du prévenu à des réparations civiles qu'autant que cette condamnation est fondée sur un préjudice résultant directement de l'infraction ; qu'en allouant à la partie civile des dommages-intérêts d'un montant de 600 000 euros correspondant au « montant total des chèques, retraits, virements et chèques de banque enregistrés sur le compte de Mme A... » pendant la période de prévention comprise entre les mois de mai 2007 et de juillet 2008, tout en constatant que le préjudice financier subi par Mme A... avait été évalué par les enquêteurs à la seule somme de 266 602, 69 euros, la cour d'appel, qui a ainsi réparé un préjudice ne découlant pas directement de l'infraction dont elle a déclaré les prévenus coupables, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;

"3) alors que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision retenue et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir, dans le même temps, que « sur la période du mois de mai 2007 au mois de juillet 2008, le montant total des chèques, retraits, virements et chèques de banque enregistrés sur le compte de Mme A... s'est élevé à la somme de 600 229,26 euros » et que « les investigations accomplies par Mme I... D..., mandataire spéciale puis tutrice de Mme A..., nommée en ces qualités par le juge des tutelles de Paris », avaient révélé d'importants retraits de fonds sur le compte bancaire de Mme A... « qu'elle estimait à plus de 826 000 euros entre mai 2007 juillet 2008, l'actif de son patrimoine était de surcroît passé de 2 741 435 euros à 1 644 996 euros » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"4°) alors qu'en vertu de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240) et du principe de réparation intégrale, le préjudice doit être réparé dans son intégralité, à condition notamment que le dommage soit certain dans son existence ; que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les dispositions de l'article 459 du code de procédure pénale, commandent aux juges du fond de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées, les exposants soulignaient que
« dans le cadre de leur contrôle judiciaire, les co-prévenus (avaient) été dans l'obligation de constituer une hypothèque sur leur domicile situé à Corbeil-Essonnes au profit de Mme A... pour un montant de 250 000 euros, très éloigné du préjudice allégué » et que par ailleurs, les enquêteurs avaient établi « un tableau des dépenses de Mme A... entre 2007 et 2008 pour un montant total de 266 602,69 euros », lequel comprenait « toutefois des retraits d'espèces pour un montant total de 37 600 euros effectués par Mme A... et un chèque de 5 000 euros établi au nom de K..., dont ni M. X..., ni son épouse n'étaient les bénéficiaires » ; qu'en se bornant à condamner les demandeurs à rembourser à la partie civile l'intégralité des retraits et dépenses effectués par cette dernière sur toute la durée de la prévention, de mai 2007 à juillet 2008, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel, a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé les textes et le principe susvisés ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que le juge des tutelles a signalé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris la situation de Mme Christiane A..., placée sous tutelle, qui apparaissait être sous l'influence de M. E... X... et de Mme F... C... , son épouse ; que la tutrice a signalé d'importants retraits de fonds qu'elle a estimé à plus de 826.000 euros entre mai 2007 et juillet 2008 ; qu'une information a été ouverte contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie et d'abus de faiblesse le 4 novembre 2009 ; qu'au terme des investigations entreprises, les époux X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour abus de faiblesse et déclarés coupables de ce chef ; que les prévenus et le ministère public, par voie incidente, ont interjeté appel ;

Attendu que pour confirmer les condamnations pénales et condamner solidairement M. et Mme X... à payer à Mme A..., représentée par son tuteur, la somme de 600 000 euros, en réparation de son préjudice matériel, l'arrêt retient les investigations accomplies par Mme I... D..., mandataire spéciale puis tutrice de Mme A..., nommée en ces qualités par le juge des tutelles de Paris, ayant constaté sur les comptes bancaires de Mme A... d'importants retraits de fonds qu'elle a estimés à plus de 826 000 euros entre mai 2007 et juillet 2008 ; que les juges ajoutent qu'il a été pris en compte les dépenses régulières engagées par la majeure protégée avant qu'elle ne rencontre les prévenus ;

Attendu qu'en évaluant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, le préjudice directement causé à la partie civile par le délit d'abus de faiblesse dont elle a déclaré les prévenus coupables, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires de leurs conclusions, a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... et Mme C..., épouse X..., devront payer solidairement à Mme A..., représentée par son tuteur, l'ANAT Saint Jean de Malte, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze décembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84586
Date de la décision : 12/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 déc. 2018, pourvoi n°16-84586


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.84586
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