LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2017), que René X... et Janine Z... se sont mariés en 1928 sous le régime de la communauté légale ; qu'au cours du mariage, l'époux a constitué avec Mme Y... une société civile immobilière (la société) ayant pour objet la gestion d'un appartement situé à [...] ; que Janine Z... est décédée le [...] en laissant pour lui succéder son époux et ses enfants, Catherine et Denis, issus de leur union ; que le [...], René X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; que René X... est décédé le [...] en laissant pour lui succéder son épouse et ses enfants ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté et des successions ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial de René X... et Janine Z... ainsi que de leurs successions et de commettre un notaire pour y procéder avec pour mission, notamment, d'examiner si les documents versés permettent de dire si la jouissance du capital social de la société par Mme Y... est ou non gratuite, et dans la négative, fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement situé à [...], alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut se dessaisir en délégant ses pouvoirs au notaire liquidateur, la mission de cet officier public se limitant à donner un avis de pur fait sur des éléments de la liquidation et du partage ; qu'en ordonnant au notaire d'examiner si les documents versés permettaient de dire si la jouissance du capital social de la SCI par Mme Y... était ou non gratuite, et dans la négative, de fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement de la rue [...], cependant que la mission de cet officier public ne pouvait être, sur ce point, que de donner un avis de pur fait sur les éléments d'évaluation d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a délégué ses pouvoirs alors qu'il appartient au juge de trancher lui-même la contestation dont il est régulièrement saisi, méconnaissant son office et violant l'article 4 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'il ne peut ordonner une mesure d'expertise portant sur un fait qui se trouve en dehors des limites du litige, telles qu'elles ont été fixées par les parties ; qu'en ordonnant au notaire désigné d'examiner si les documents versés permettaient de dire si la jouissance du capital social de la SCI par Mme Y... était ou non gratuite, et dans la négative, de fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement de la rue [...], cependant qu'aucune des parties n'avait évoqué, dans leurs dernières conclusions des 2 juin 2016 et 3 juillet 2017, la question d'une indemnité d'occupation de l'appartement rue [...], la cour d'appel a ordonné une mesure d'expertise portant sur des faits extérieurs à l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que n'ayant pas été saisie d'une demande en fixation d'une indemnité due pour l'occupation de l'appartement de [...], la cour d'appel n'a pas méconnu son office ni délégué ses pouvoirs au notaire ;
Attendu, d'autre part, que n'étant pas tenue d'ordonner une mesure d'expertise, elle a, dans une situation qu'elle a estimée complexe, désigné un notaire pour procéder, sous la surveillance d'un juge, aux opérations de liquidation et de partage, en précisant certains éléments de sa mission ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Me E... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial des époux X..., de la succession de Janine Z..., décédée le [...] , ainsi que de la succession de René X..., décédé le [...] et d'avoir commis un notaire pour y procéder avec pour mission de :
- chercher les modalités de financement des parts de la SCI [...] dont 80 % des parts sont détenus par Mme Joëlle Y..., de l'appartement de la rue [...] à [...] élément d'actif du patrimoine de la SCI, et l'origine des fonds versés pour les deux contrats d'assurance-vie souscrits pendant le mariage des époux X... Z..., dire qui en est le bénéficiaire ;
- reconstituer de façon exhaustive les flux financiers existant après la vente par M. X... en 1992 de ses actifs professionnels, dire si des flux ont pu bénéficier aux enfants de René X... et à toute autre personne, rechercher notamment si une partie des fonds a servi ou non à l'apurement des dettes de Denis X... et dans l'affirmative en tenir compte dans la répartition des droits de Denis X... et de Catherine X... ;
- valoriser l'appartement [...] ;
- mentionner dans le projet de liquidation de la communauté Z...-X... les meubles manquants (bijoux, bateau) ;
- examiner si les documents versés permettent de dire si la jouissance du capital social de la SCI par Mme Y... est ou non gratuite, et dans la négative, fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement de la rue [...] ;
- rechercher les fluctuations des comptes ouverts chez Maître A... ;
AUX MOTIFS QUE « Madame Y... critique le jugement ; que le tribunal n'a pas, selon elle, tiré les conséquences de ce qu'il décidait, qu'il lui appartenait de statuer sur les points litigieux et d'homologuer les points non critiqués ou critiqués sans sérieux ; qu'ensuite qu'elle soutient que Catherine X... et Denis X... ne justifient pas leurs contestations ; que pour les parts sociales de la SCI, elle remarque que le prix d'achat de l'appartement a été anormal mais qu'il n'est pas contestable, que la valeur des parts est établie convenablement ; que les comptes ouverts à l'étude de Maître A... ne sont pas contestables, que le partage judiciaire peut être ordonné sans qu'il y ait lieu de désigner un notaire, la cour disposant de tous les éléments pour homologuer le projet de Maître A... ; que Catherine X... et Denis X... contestent le projet établi par Maître A... dont ils relèvent la partialité et l'inertie devant leurs demandes ; qu'ils font état de multiples contestations sur le fond du projet ; qu'ils rappellent que leur père a constitué avec Madame Y... une SCI [...] en 1990, dont les parts sont réparties à hauteur de 80 % pour Madame Y... et 20 % pour lui-même ; qu'ils s'interrogent sur le financement par la SCI de [...] de l'acquisition de l'appartement de la rue [...] à un prix élevé, remarquent qu'à l'époque Madame Y... était impécunieuse, qu'ils contestent la sous-évaluation manifeste des parts de cette société par Maître A... ; qu'ils s'interrogent sur la fluctuation -inexpliquée- des comptes ouverts à l'étude de Maître A... ; qu'ils invoquent l'existence de contrats d'assurance vie souscrits en 1994 et 1995, du vivant de leur mère dont il n'y a pas trace, qu'ils font état de "l'évaporation du capital" retiré de la vente du groupe Minotier, qu'ils invoquent les éléments absents du projet (bijoux, bateau, appartement de [...]) ; qu'ils estiment que le projet de Maître A... ne peut être homologué compte tenu de toutes ces contestations, qu'un notaire autre doit être désigné ainsi qu'un expert ; mais qu'il est demandé à la cour d'homologuer les projets proposés par Maître A..., notaire de Madame Y..., alors que Catherine X... et Denis X... contestent l'impartialité du rédacteur et critiquent la teneur des projets ; que Madame Y... a chargé Maître A... d'établir des projets de liquidation et partage, que les projets ont été communiqués à Catherine X... et Denis X..., que ceux-ci, convoqués par Maître A... pour une réunion de lecture le 11 avril 2011, ne se sont pas présentés, qu'ils ont fait savoir par l'intermédiaire de Maître B..., notaire, que des questions multiples existaient ; qu'ils ont encore interrogé Madame Y... et Maître A... le 29 septembre 2011, vainement ; que, sommés de comparaître le 15 novembre 2011 par Maître A..., Catherine X... et Denis X... n'ont pas comparu et que Maître A... a alors dressé un procès-verbal de carence ; qu'il résulte des éléments du dossier que les projets proposés ne tiennent manifestement pas compte des questionnements de Catherine X... et Denis X... sur les modalités de financement des parts de la SCI [...] dont 80 % des parts sont détenus par Madame Y... et de l'appartement de la rue [...] à [...] , élément d'actif du patrimoine de la SCI, alors que Catherine X... et Denis X... justifient que leur père devait seul financer cette acquisition, des questionnements sur l'origine des fonds versés pour les deux contrats d'assurance vie souscrits pendant le mariage des époux X... Z... ; qu'au surplus, il apparaît, selon les pièces que versent Catherine X... et Denis X..., que la valorisation de l'appartement [...] est manifestement insuffisante, au regard des prix pratiqués sur le secteur ; que par ailleurs, il apparaît que certains biens meubles ne sont pas mentionnés dans le projet de liquidation de la communauté Z...-X... (bijoux, bateau) alors que Catherine X... et Denis X... rapportent la preuve de leur existence, étant toutefois observé que l'appartement de [...] n'a pas été omis des projets ; qu'en outre, il apparaît que Madame Y... occupe un bien de la SCI [...] dont elle ne détient que 80 % des parts et qu'il convient de savoir si la jouissance du capital social de la SCI par Madame Y... est ou non gratuite ; que de même, la vente de ses actifs professionnels en 1991 et 1992 par René X... a donné lieu à des perceptions de sommes et Maître A... fait état, dans un courrier du 24 avril 2008 adressé le 31 octobre 2017 à Maître Delphine C..., d'une " évaporation du capital" ; qu'à cet égard, il convient de reconstituer de façon exhaustive les flux financiers qui ont pu bénéficier aux enfants de René X... et à toute autre personne, de rechercher notamment si une partie des fonds a servi ou non à l'apurement des dettes de Denis X... et dans l'affirmative, d'en tenir compte dans la répartition des droits de Denis X... et de Catherine X... ; qu'enfin, les fluctuations des comptes ouverts chez Maître A... doivent être expliquées ; qu'ainsi les intimés sont bien fondés à critiquer les projets établis par Maître A..., à refuser l'homologation de ceux-ci et à demander la confirmation du jugement qui a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage du régime matrimonial des époux X..., de la succession de Madame Z... et de celle de Monsieur René X... ; que, selon les articles 1364 et 1365 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations ; que le notaire liquidateur est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal ; que le notaire convoque les parties et demande la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission ; que le notaire rend compte au juge commis des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement ; que le notaire peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s'adjoindre un expert, choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis ; que le règlement amiable des successions est manifestement impossible ; que Maître A... et Maître B... ne peuvent être désignés, ayant pris chacun cause pour leurs clients respectifs ; que par ailleurs, les opérations sont complexes, exigent de nombreuses recherches mais relèvent de la mission du notaire chargé des opérations ; que la désignation d'un expert n'est pas nécessaire ; que par conséquent, le jugement sera confirmé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « 1- Sur la demande en partage judiciaire : que selon l'article 840 du Code civil, le partage judiciaire est ordonné lorsqu'il s'élève des contestations sur la manière de procéder au partage amiable ; qu'en l'espèce, les deux enfants de Monsieur René X... rejettent les propositions contenues dans le projet d'état liquidatif, établi par Me A..., saisi par Madame Joêlle Y... pour procéder au partage amiable ; que dès lors, il convient d'ordonner le partage judiciaire de compte liquidation et partage du régime matrimonial des époux X..., de la succession de Madame Janine Z..., né le [...] et décédée le [...] , ainsi que de la succession de Monsieur René X..., né le [...] et décédé le [...] ; 2- Sur le choix du notaire : que l'article 1364 du code de procédure civile prévoit que le notaire désigné pour procéder aux opérations de partage est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal ; qu'en l'espèce, les copartageants sont en désaccord sur le choix du notaire, chacun demandant que soit désigné son propre notaire ; qu'or, ni Me B..., ni Me A... qui ont déjà pour client l'une des parties à la procédure ne répondent aux conditions d'impartialité requises pour procéder aux opérations de liquidation ; qu'il convient dès lors de désigner le président de la chambre des notaires d'Ille et Vilaine, avec faculté de déléguer un autre notaire que Me B... ou Me A..., pour procéder aux opérations de partage ordonnées ; 3- Sur la demande d'homologation du projet d'état liquidatif, établi par Me A..., le 15 novembre 2011 : que cette demande sera rejetée, le tribunal ne disposant d'aucune pièce pour vérifier la régularité de ce projet ; que par voie subséquente, il y a lieu également de rejeter les demandes de Madame Joêlle Y... tendant d'ores et déjà à : - dire que les droits de Madame Joêlle Y... s'élèvent à la somme de 492.131,07 euros à l'issue des opérations de compte liquidation partage, - dire que les droits de Madame Catherine X... s'élèvent à la somme de 79.530,82 euros à l'issue des opérations de compte liquidation partage, à prélever sur les comptes de la Société Générale, outre l'attribution du compte séquestre à son nom, - dire que les droits de Monsieur Denis X... s'élèvent à la somme de 36.558,94 euros à l'issue des opérations de compte liquidation partage, à prélever à hauteur de 30.524,76 euros, sur les comptes de la Société Générale, - fixer la date de jouissance divise au 15 novembre 2011 ; 4- Sur la demande en expertise : qu'il convient d'abord de rappeler qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, les défendeurs remettent en cause les valeurs retenues par le notaire de Madame Joëlle Y... et demandent qu'un expert vérifie les modalités de versement du capital de la SCI par Monsieur René X... et Madame Joëlle Y..., ainsi que les modalités de remboursement du prêt de 5.000.000,00 francs auprès de la Société Centrale de Banque, que soient apportés des éclaircissements quant aux contrats d'assurance-vie contractés près des Mutuelles du Mans, qu'il obtienne communication des actes de FIDAL, des parts et actions appartenant à la communauté et à ses enfants dans le groupe et qu'il évalue l'appartement situé [...] , ainsi que les parts de la SCI [...] ; que dès lors, les défendeurs demandent qu'une expertise soit ordonnée pour leur permettre de démontrer leurs dires que, pour autant, ils n'appuient sur aucune pièce ; que dès lors, leur demande d'expertise sera rejetée puisque destinée à compenser leur carence probatoire ; qu'il y a lieu de rappeler que, selon l'article 1365 du code de procédure civile, lorsque la valeur ou la consistance des biens le justifie, le notaire désigné pour procéder aux opérations de partage peut s'adjoindre un expert s'il en éprouve le besoin ; 5- Sur la demande de "prises en compte" : que le tribunal tranche le litige qui lui est soumis mais n'a pas vocation à "prendre en compte" des éléments en vue d'un litige ; que dès lors, les demandes formées par les défendeurs en ce sens et qui sont exactement les mêmes que celles invoquées pour asseoir leur demande en expertise sera rejetée à ce stade de la procédure. Il leur appartiendra de faire valoir l'ensemble de leurs remarques devant le notaire liquidateur, dans le cadre du partage judiciaire qui s'ouvre désormais » ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut se dessaisir en délégant ses pouvoirs au notaire liquidateur, la mission de cet officier public se limitant à donner un avis de pur fait sur des éléments de la liquidation et du partage ; qu'en ordonnant au notaire d'examiner si les documents versés permettaient de dire si la jouissance du capital social de la SCI par Madame Y... était ou non gratuite, et dans la négative, de fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement de la rue [...], cependant que la mission de cet officier public ne pouvait être, sur ce point, que de donner un avis de pur fait sur les éléments d'évaluation d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a délégué ses pouvoirs alors qu'il appartient au juge de trancher lui-même la contestation dont il est régulièrement saisi, méconnaissant son office et violant l'article 4 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'il ne peut ordonner une mesure d'expertise portant sur un fait qui se trouve en dehors des limites du litige, telles qu'elles ont été fixées par les parties ; qu'en ordonnant au notaire désigné d'examiner si les documents versés permettaient de dire si la jouissance du capital social de la SCI par Madame Y... était ou non gratuite, et dans la négative, de fixer l'indemnité d'occupation de l'appartement de la rue [...], cependant qu'aucune des parties n'avait évoqué, dans leurs dernières conclusions des 2 juin 2016 et 3 juillet 2017, la question d'une 'indemnité d'occupation de l'appartement rue [...], la cour d'appel a ordonné une mesure d'expertise portant sur des faits extérieurs à l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.