LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2324-4, L. 2324-4-1 et L. 2327-7 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
Attendu, qu'il résulte des textes susvisés, d'une part, que les stipulations d'un accord collectif relatives au périmètre de mise en place d'un comité central d'entreprise et de comités d'établissement ont une nature électorale et relèvent du régime propre aux accords préélectoraux et, d'autre part, que, en saisissant, à l'occasion de l'organisation d'un cycle électoral postérieur à celui pour lequel un tel accord a été conclu l'autorité administrative d'une demande de reconnaissance de la disparition d'établissements distincts, l'employeur manifeste la volonté claire et non équivoque de ne pas reconduire les stipulations conventionnelles antérieures afférentes à la reconnaissance de l'existence d'établissements distincts ;
Attendu, selon le jugement attaqué, qu'a été signé, le 19 septembre 2012, un accord collectif prévoyant la mise en place au sein de la société BT services d'un comité central d'entreprise et de deux comités d'établissement, que, au cours de l'année 2017, les négociations d'un protocole d'accord préélectoral n'ayant pu aboutir en ce qu'elles portaient sur la détermination du nombre d'établissements distincts, la société a saisi l'autorité administrative d'une demande de reconnaissance de la disparition des deux établissements distincts, que, par décision du 12 juillet 2017, cette autorité a fixé à deux le nombre de ces établissements ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de cette décision et celle de suppression des deux établissements distincts, le jugement retient que l'accord collectif du 19 septembre 2012 est à durée indéterminée, que celui-ci n'a fait l'objet d'aucune dénonciation ou révision régulière, que l'article 1186 du code civil relatif à la caducité n'est pas applicable au présent litige, que l'absence de renégociation, en 2016, n'a pas eu pour effet de rendre caduques les stipulations de cet accord relatives à la mise en place des deux comités d'établissement, aucune disposition légale n'imposant de renégocier l'accord du seul fait de l'intervention d'un nouveau syndicat représentatif, que, dans ces conditions, il convient de considérer que l'accord collectif du 19 septembre 2012 a force obligatoire et doit donc s'imposer ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate l'intervention volontaire à l'instance du Comité d'établissement d'Ile-de-France de la société BT services et du Comité d'établissement des régions de cette société, le jugement rendu le 27 octobre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Puteaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Courbevoie ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société BT services.
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande formée par la société BT Services en annulation de la décision de la DIRECCTE Ile-de-France du 12 juillet 2017 et rejeté par conséquent la demande formée par la société BT Services en suppression des établissements distincts Ile-de-France et Régions au sens du comité d'établissement de la société BT Services, et d'AVOIR condamné la société BT Services à payer la somme de 500 € au comité d'établissement d'Ile-de-France de la société BT Services, au comité d'établissement Régions de la société BT Services, au syndicat CFE-CGC, au syndicat CGT, au syndicat Solidaires, et au syndicat CFTC,
AUX MOTIFS QUE la résolution du litige soumis au Tribunal implique d'examiner au préalable la question de la force obligatoire de l'accord du 19 septembre 2012, puis à défaut, d'examiner la présence des critères de reconnaissance définissant l'établissement distinct ; que sur la force obligatoire de l'accord du 19 septembre 2012 ; sur la nature de l'accord : aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, la société SAS BT Services (en page 11) précise qu' "il n'est pas contesté que la négociation et la conclusion de l'accord du 19 septembre 2012 se sont déroulées dans les conditions d'un accord de droit commun" ; que la qualification de cet accord en accord collectif de droit commun ne pose dès lors aucune difficulté ; que cet accord collectif a par ailleurs été conclu pour une durée indéterminée, ce dont il résulte expressément de l'article 3.1 de la convention ; que force est de constater que la société SAS BT Services ne verse aux débats aucun élément utile de nature à démontrer que les clauses 2.2 et 2,3 de cet accord collectif n'étaient valables que pour les élections de 2013 et n'avaient pas vocation à s'appliquer pour les élections suivantes, à l'instar des autres clauses ; que la dénomination choisie par l'ensemble des parties signataires "accord relatif à l'architecture sociale de BT Services" tend au contraire à démontrer que la convention avait, dans son ensemble, vocation à s'appliquer durablement dans le temps ; que dans ces conditions, il convient de juger que l'accord du 19 septembre 2012 est un accord collectif, à durée indéterminée, en ce compris les clauses 2.2 et 2.3 ; que sur l'absence de dénonciation et révision de l'accord dans les formes prescrites : en application de l'article 31 de l'accord du 19 septembre 2012, la dénonciation et la révision dudit accord obéit à un formalisme de notification par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par remise en main propre contre décharge à l'ensemble des autres parties signataires ; que force est de constater qu'aucune dénonciation ou révision obéissant à ce formalisme n'a été faite par la société SAS BT Services ; que la saisine de l'autorité administrative en date du 06 juillet 2017 ne saurait par ailleurs valoir dénonciation régulière de cet accord, à défaut pour la société SAS BT Services de justifier du respect des formes expressément prescrites et rappelées supra ; que la jurisprudence administrative dont se prévaut la société SAS BT Services (en l'espèce, CE, 5 juin 2002, n° 242005) ne peut être transposée utilement au cas présent, dans la mesure où l'accord litigieux soumis à l'examen du Conseil d'Etat ne prévoyait aucune modalité de dénonciation propre, à l'inverse de celui du 19 septembre 2012 ; que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'accord collectif n'a fait l'objet d'aucune dénonciation ou révision régulière ; que sur l'absence d'exigence d'une négociation des articles 2.2 et 2.3 de cet accord dans les conditions du protocole d'accord préélectoral : il convient à titre liminaire de rappeler qu'en application de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'accord collectif du 19 septembre 2012 reste soumis à la loi en vigueur à l'époque de sa formation, aussi bien en ce qui concerne ses conditions de formation, que ses effets passés et futurs ; qu'il est ainsi fait application du principe de survie de la loi ancienne que la jurisprudence retient en matière contractuelle, seul de nature à préserver les prévisions des parties ; que par conséquent, l'article 1186 du Code civil relatif à la caducité visé par la société SAS BT Services n'est pas applicable au présent litige ; qu'en application des dispositions combinées des articles L. 2322-5 et L. 2324-4-1 du code du travail, l'accord déterminant le nombre d'établissement distinct dans l'entreprise doit répondre aux mêmes conditions de majorité que le protocole d'accord électoral ; qu'ainsi, la validité de l'accord prévoyant le nombre d'établissements distincts est subordonnée à
- d'une part, sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation,
- d'autre part, l'obtention par les organisations syndicales signataires de la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ;
Qu'en l'espèce, la société SAS BT Services ne conteste pas la validité de l'accord collectif du 19 septembre 2012 au stade initial de sa formation mais soutient que les articles 2.2 et 2.3 de cet accord sont devenus caducs à défaut d'avoir été renégociés en 2016 par l'ensemble des organisations syndicales intéressées, alors que deux organisations syndicales (le Syndicat UNSA et le Syndicat Solidaires) sont devenues intéressées en plus des cinq syndicats signataires ; que toutefois, l'absence de renégociation en 2016 n'a pas pour effet de rendre caducs ces deux articles, aucune disposition légale n'imposant de renégocier l'accord du seul fait de l'intervention d'un nouveau syndicat représentatif ; que par ailleurs, les jurisprudences citées par la société SAS BT SERVICES (Cass. Soc 17-9-2003, n° 01-15.710 et CA PARIS 22 février 2007 n° 05-21328) ne sont pas de nature à confirmer sa propre analyse du mécanisme de la caducité, les litiges évoqués ne traitant pas de la question de la disparition des conditions de majorité visées par les articles L. 2322-5 et L. 2324-4-1 du Code du travail (rappelons s'agissant du premier arrêt que la caducité de l'accord de réduction du temps de travail a été constatée, en raison des licenciements prononcés en application du plan de cession arrêté par le Tribunal de commerce et s'agissant du second arrêt qu'il a été jugé que certaines dispositions d'un accord collectif relatives aux grilles de classification pour l'emploi de formateur étaient devenues sans objet du fait de l'introduction d'un nouvel accord de rénovation imposant le classement des formateurs dans le cadre de leur contrat de travail) ; que dans ces conditions, il convient de considérer que l'accord collectif du 19 septembre 2012 prévoyant la constitution d'un comité central d'entreprise du fait de la mise en place de deux comités d'établissement a force obligatoire et doit donc s'imposer aux parties ; que la demande formée par la société SAS BT Services visant à voir annuler la décision de la DIRECCTE Ile de France en date du 12 juillet 2017 et voir supprimer les établissements distincts Ile de France et Régions au sens du Comité d'établissement de la société sera donc rejetée, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second point relatif aux critères de reconnaissance définissant l'établissement distinct ;
1. ALORS QUE l'accord collectif portant découpage de l'entreprise en établissements distincts conclu à l'occasion des précédentes élections entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées présentes dans l'entreprise est caduc lors du renouvellement de l'institution dès lors que de nouvelles organisations syndicales intéressées se sont depuis implantées dans l'entreprise, ce qui impose la négociation d'un nouvel accord répondant aux conditions de majorité de l'article L. 2324-4-1 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2322-5, L. 2327-7 et L. 2324-4-1 du code du travail ;
2. ALORS subsidiairement QUE la saisine, par l'une des parties à la négociation préélectorale, de l'autorité administrative d'un litige relatif à l'existence d'établissements distincts au sein d'une entreprise vaut dénonciation de l'accord collectif conclu lors des élections précédentes et portant découpage de l'entreprise en établissements distincts, peu important l'absence de respect du formalisme prévu par cet accord pour sa dénonciation ; qu'en affirmant que la saisine de l'autorité administrative du 6 juillet 2017 ne saurait valoir dénonciation régulière de l'accord collectif du 19 septembre 2012 prévoyant l'existence de deux comités d'établissement et d'un comité central d'entreprise, à défaut pour la société BT Services de justifier du respect des formes de dénonciation prévue par l'article 31 de cet accord, à savoir la notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge à l'ensemble des autres parties signataires, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2322-5 et L. 2327-7 du code du travail ;
3. ALORS en toute hypothèse QUE l'existence d'un accord collectif conclu lors des précédentes élections entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées instituant des comités d'établissement et un comité central d'entreprise ne fait pas obstacle à ce que lors du renouvellement du comité d'entreprise, la direction de l'entreprise, dès lors qu'elle a procédé à une concertation avec les organisations syndicales à l'effet de modifier le cadre d'implantation de cette institution, et faute d'entente entre les partenaires sociaux, saisisse l'autorité administrative aux fins qu'elle statue sur la suppression des établissements distincts, sans être liée par l'accord collectif ; qu'en cas de recours contre la décision de l'autorité administrative, le tribunal d'instance doit lui-même vérifier l'existence d'établissements distincts au sens du droit des comités d'entreprise ; qu'en retenant que l'accord collectif conclu le 19 septembre 2012 prévoyant l'existence de deux comités d'établissement et d'un comité central d'entreprise, ayant selon lui toujours force obligatoire, s'imposait aux parties de sorte que le recours de l'employeur contre la décision de la DIRECCTE du 12 juillet 2017 maintenant l'existence de deux établissements distincts devait être rejeté sans qu'il n'y ait lieu de vérifier les critères de l'établissement distinct, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2322-5, L. 2327-7 et R. 2327-5 du code du travail.