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29/11/2018 | FRANCE | N°17-18248

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 novembre 2018, 17-18248


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'

un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'i...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, par décision du 12 novembre 2014, après un recours gracieux, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a notifié à Mme X... épouse Y... une pénalité financière, au motif que celle-ci avait commis une fraude en ne déclarant pas son changement de situation familiale au cours de la période du 28 décembre 2011 au 30 septembre 2013 ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'obtenir l'annulation de cette pénalité ainsi que le retrait de son inscription du fichier de la base nationale fraude ;

Attendu que pour rejeter les demandes, après avoir constaté que l'avis de la commission, dont la teneur est rappelée par la décision du 12 novembre 2014, n'avait pas été adressé directement à Mme Y..., le jugement retient que cette omission, que l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ne sanctionne pas par la nullité, n'entache pas la validité de la décision du 12 novembre 2014 ainsi que cela résulte de l'article 114 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressée n'avait pas été destinataire de l'avis motivé de la commission saisie par le directeur de l'organisme dans le cadre de son recours gracieux, le tribunal qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne ; remet la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier ;

Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Aude aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'allocations familiales de l'Aude et la condamne à payer à la SCP Delamarre et Jehannin la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir rejeté les demandes de Mme Y... tendant à l'annulation de la pénalité de 1.500 euros mise à sa charge, au remboursement de cette somme et au retrait de son nom de la base nationale de fraude ;

AUX MOTIFS QUE

« La décision du 12 novembre 2014, rendue après recours gracieux formé par Mme Samira Y... à l'encontre de la décision du 30 juin 2014, vise le défaut de déclaration par Mme Samira Y... de sa vie de couple avec M. Y... pour la période du 28 décembre 2011 au 30 septembre 2013, dont il est résulté un indu global de 6.794,69 euros, et l'article L 114-17 du code de la sécurité sociale ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée, en fait et en droit ; que cette décision a été rendue par un directeur adjoint de la CAF de l'Aude dûment nommé, disposant d'une délégation permanente en vertu de l'article R 122-3 du code de la sécurité sociale et d'une délégation de signature du 1er juin 2014 produite par la caisse ; que cette décision a été rendue : - après une procédure de contrôle régulière, et en particulier d'un contrôle effectué par un agent de la CAF de l'Aude dûment assermenté, dont les noms et qualités sont rappelés par le apport d'enquête du 24 décembre 2013, après que Mme Samira Y... a été avisée de la date de son passage à son domicile, - et au terme d'une procédure de sanction régulière au regard des dispositions de l'article L 114-17 du code de la sécurité sociale, la commission prévue par ce texte ayant été dûment réunie le 28 octobre 2014 ; que si l'avis de cette commission, dont la teneur est rappelée par la décision du 12 novembre 2014, n'a pas été adressé directement à Mme Samira Y..., cette omission, que l'article L. 114-17 ne sanctionne pas par la nullité, n'entache pas la validité de la décision du 12 novembre 2014, ainsi que cela résulte de l'article 114 du code de procédure civile; de même, le fait que Mme Samira Y... ait été avisée par lettre du 16 mai 2014 d'une pénalité "prononcée" au lieu d'une pénalité "envisagée" ne caractérise qu'une maladresse de forme insusceptible d'entacher la validité de cette notification au regard des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, dès lors que cette même notification invitait bien Mme Samira Y... à faire part de ses observations, ce qui implique nécessairement que la décision n'était pas alors définitive ; que la fausse déclaration intentionnelle de Mme Samira Y... est par ailleurs établie par les pièces versées aux débats, et notamment par le rapport d'enquête du 24 décembre 2013. Sur l'inscription à la base d'information dénommée Base Nationale Fraude ; qu'en multipliant les arguments de forme dépourvus de fondement, sans développer de motifs de fond propres à l'espèce, Mme Samira Y... a contraint la CAF de l'Aude à se défendre longuement en justice, de sorte qu'elle devra lui payer une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE

La « base nationale fraude » constitue un fichier dont le régime juridique relève de l'autorisation des traitements relatifs aux infractions, aux condamnations et aux mesures de sûreté, avec pour objectif de recueillir, d'enregistrer et de stocker, dans une base unique, les informations concernant les personnes ayant commis une fraude, individuelle ou multiple et prévenir les risques de récidive ; que l'inscription du nom d'une personne dans un tel fichier constitue une décision qui présente le caractère d'une sanction et appelle, en conséquence, le respect des garanties propres aux droits de la défense et au procès équitable, ce qui comprend notamment l'existence d'un débat contradictoire et d'une motivation de la sanction ; qu'en jugeant que l'inscription sur la « base nationale fraude » ne nécessitait aucune de ces deux garanties, le tribunal aux affaires de sécurité sociale a méconnu l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa version applicable au litige, ainsi que l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, dans sa version alors en vigueur, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ensemble l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

Peuvent faire l'objet d'une pénalité les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations sociales ; que la personne concernée peut former, dans un délai fixé par voie réglementaire, un recours gracieux contre cette décision auprès du directeur de l'organisme social en cause ; que ce dernier statue après avis d'une commission constituée au sein du conseil d'administration de l'organisme ; que cette commission apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés ; que si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé afin que ce dernier puisse utilement se défendre ; qu'en l'espèce, le tribunal aux affaires de sécurité sociale a rejeté les demandes de Mme Y... tendant à l'annulation des pénalités prononcées à son encontre après avoir pourtant relevé que l'avis de ladite commission, pourtant essentiel à sa défense, ne lui avait pas été communiqué ; qu'en statuant ainsi, le tribunal aux affaires de sécurité sociale de l'Aude n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-18248
Date de la décision : 29/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Prestations - Infraction - Pénalité - Recours gracieux - Avis motivé de la commission des pénalités - Communication - Défaut - Sanction - Détermination

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Pénalité - Recours gracieux - Avis motivé de la commission des pénalités - Communication - Défaut - Effets

Il résulte des articles L. 114-17, I, alinéa 6, et R. 114-11 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, que peut faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par ce dernier, notamment, l'absence de déclaration d'un changement de situation justifiant le service des prestations ; que lorsqu'il est saisi d'un recours gracieux par la personne à laquelle il a notifié sa décision fixant le montant de la pénalité, le directeur de l'organisme statue après avis d'une commission qui apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés et, si elle l'estime établie, propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant ; que l'avis motivé de la commission portant notamment sur la matérialité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure ainsi que la sauvegarde des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la pénalité prononcée par le directeur de l'organisme, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. Viole ces textes, le tribunal qui, ayant constaté que dans le cadre de son recours gracieux l'intéressé n'avait pas été destinataire de l'avis motivé de la commission adressé au directeur de la caisse d'allocations familiales, retient que cette omission n'entache pas la validité de la pénalité prononcée par celui-ci


Références :

articles L. 114-17, I, alinéa 6, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 et R. 114-11 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Carcassonne, 12 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 nov. 2018, pourvoi n°17-18248, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18248
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