LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 2225 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en mars 1995, M. X... a été victime d'un accident de la circulation, constituant un accident du travail, alors qu'il conduisait le véhicule de son employeur, assuré auprès de la société Rhin et Moselle assurances, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD ; que M. X... a confié la défense de ses intérêts à Mme Y... (l'avocat) ; que, le responsable de l'accident n'ayant pas été identifié, une ordonnance de non-lieu a été rendue ; que la demande de garantie formée, le 5 septembre 1996, auprès de l'assureur de l'employeur n'a pas abouti ; qu'en mars 2015, reprochant à l'avocat une inexécution fautive de son mandat, M. X... l'a assigné, ainsi que la société d'exercice libéral Y..., devenue la société E. Versolato et H. Y... (la société d'avocats), en responsabilité et indemnisation ;
Attendu que, pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt se borne à énoncer que le point de départ du délai de prescription qui doit être retenu est la date de fin de mission de l'avocat, conformément à l'article 2225 du code civil ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur la nature du mandat confié à l'avocat et sans constater que la faute à lui reprochée relevait de sa mission de représentation et d'assistance en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action aux fins d'indemnisation de son préjudice formée par M. X..., l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et la société E. Versolato et H. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit et signé par lui et par Mme Pecquenard, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir admis l'appel principal comme bien fondé et rejeté l'appel incident et, après avoir annulé le jugement prononcé le 22 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines, d'avoir jugé irrecevable comme prescrite l'action aux fins d'indemnisation de son préjudice formée par Laurent X... à l'encontre de Hélène Y... ;
AUX MOTIFS QUE « sur la prescription encourue par Laurent X..., l'article 2277-1 ancien du code civil dispose que l'action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait se prescrit par 10 ans à compter de la fin de leur mission ; que ce texte est repris par l'article 2224 (sic lire 2225) du code civil dans sa version issue de la loi numéro 2005-561 du 17 juin 2008 qui réduit ce délai spécial de prescription à cinq ans ; que selon les dispositions transitoires de cette loi, codifiées à l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de faire application au litige des dispositions de l'article 2224 du code civil faisant partir le délai de prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le point de départ du délai de prescription qui doit être retenu dans cette affaire est la date du 27 juillet 2000 par laquelle Me Y... a adressé à son client Laurent X..., qui ne dénie pas l'avoir reçu, un courrier rédigé de la façon suivante par lequel est elle constate que sa mission a pris fin :
"Je vous remercie du règlement du solde de mes honoraires.
Vous avez posé la question de savoir si le dossier pénal pouvait vous être remis.
Je vous ai donné connaissance en vous le confiant quelques jours par l'intermédiaire de votre père.
La reproduction d'un dossier pénal est interdite.
Il s'agit d'une pièce de procédure qui doit rester à mon dossier.
Bien évidemment Monsieur votre père peut à nouveau le consulter en mon étude s'il le souhaite.
Je vous remercie de la confiance que vous m'avez témoignée.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées" ;
qu'ainsi à la date à laquelle la loi du 17 juin 2008 est entrée en vigueur le délai décennal de prescription de l'article 2277-1 ancien du code civil n'était pas écoulé et un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter de cette même date, avec cette conséquence que la prescription était largement acquise le 31 mars 2015 lorsque Laurent X... a fait assigner Hélène Y... et la SELARL Y... devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'indemnisation du préjudice causé par les manquements à ses obligations contractuelles dont il faisait grief à son avocat ; que par suite les demandes et prétentions de Laurent X... à l'encontre de Hélène Y... sont irrecevables comme prescrites ; qu'il s'en déduit que par l'effet de la loi et du présent arrêt les sommes versées à Laurent X... au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de grande instance de Sarguemines doivent être restituées à l'appelante sans qu'il y ait lieu de prononcer condamnation en ce sens » (cf. arrêt, p. 6, § 2 à p. 7, § 2) ;
1°/ ALORS QUE ce n'est que si l'avocat a représenté ou assisté une partie en justice que l'action en responsabilité dirigée contre l'avocat se prescrit par cinq ans à compter de la fin de sa mission ; que l'action en responsabilité à l'encontre d'un avocat à raison de ses activités juridiques, et non judiciaires, se prescrit, quant à elle, par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action de M. X..., qu' « il n'y a pas lieu de faire application au litige des dispositions de l'article 2224 du code civil faisant partir le délai de prescription de cinq ans au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » et en faisant courir le délai de prescription à compter du jour de la prétendue fin de mission de l'avocat (cf. arrêt, p. 6, §§ 4, 7 et 8) sans constater que la faute reprochée à Mme Y..., avocat de M. X..., relevait de sa mission de représentation et d'assistance en justice de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2277-1 ancien et 2225 du code civil ;
2°/ ALORS, subsidiairement, QU' en retenant pour dire prescrite l'action de M. X... que « le point de départ du délai de prescription qui doit être retenu dans cette affaire est la date du 27 juillet 2000 par laquelle Me Y... a adressé à son client Laurent X..., qui ne dénie pas l'avoir reçu, un courrier (
) par lequel elle constate que sa mission a pris fin » (cf. arrêt, p. 6, § 8) quand M. X... contestait, au contraire, dans ses conclusions d'appel avoir été destinataire de ce courrier en faisant valoir qu' « il n'est nullement établi que [le courrier du 27 juillet 2000 de Mme Y...] aurait effectivement été réceptionné par M. X... [et] ne saurait donc pas être considéré comme un courrier mettant fin au mandat de Me Y... et susceptible de faire courir le délai de prescription » (cf. conclusions, p. 6, § 3), la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, encore subsidiairement, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le courrier adressé le 27 juillet 2000 par Mme Y... à son client, M. X..., indiquait « Je vous remercie du règlement du solde de mes honoraires. Vous avez posé la question de savoir si le dossier pénal pouvait vous être remis. Je vous en ai donné connaissance en vous le confiant quelques jours par l'intermédiaire de votre père. La reproduction d'un dossier pénal est interdite. Il s'agit d'une pièce de procédure qui doit rester à mon dossier. Bien évidemment Monsieur votre père peut à nouveau le consulter en mon étude s'il le souhaite. Je vous remercie de la confiance que vous m'avez témoignée. Veuillez agréer, Monsieur l'expression de mes salutations distinguées. H. Y..., Avocat » ; qu'en retenant que, par ce courrier, Mme Y... « constate que sa mission a pris fin » (cf. arrêt, p. 6, § 8), la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi le principe précité.