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28/11/2018 | FRANCE | N°17-22724

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 novembre 2018, 17-22724


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 juin 2017), que Mme X..., engagée le 8 juin 1988 en qualité de secrétaire par la société La parisienne ADP, aux droits de laquelle vient la société Ambulances Saint-Bernard (la société), a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt, de la débouter de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de

travail et au paiement de différentes sommes à titre d'indemnités et de dommages-in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 juin 2017), que Mme X..., engagée le 8 juin 1988 en qualité de secrétaire par la société La parisienne ADP, aux droits de laquelle vient la société Ambulances Saint-Bernard (la société), a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt, de la débouter de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et au paiement de différentes sommes à titre d'indemnités et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit apprécier l'ensemble des manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail peu important qu'à la date où le juge statue, le manquement a ou non cessé ; que le refus réitéré de paiement des heures supplémentaires constitue un manquement même si l'employeur finit par régler une fois la juridiction prud'homale saisie ; qu'en refusant d'examiner le manquement tenant au non-paiement des heures supplémentaires dues à la salariée au motif qu'il avait cessé au jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que l'ordre adressé sur un ton ferme par l'employeur dans le but d'obtenir l'accord du salarié à la modification de son contrat de travail constitue non pas l'expression de son pouvoir hiérarchique légitime mais une faute suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts ; qu'en déboutant la salariée de ses demandes après avoir constaté que lors de l'incident du 28 octobre 2013, l'employeur s'était énervé et avait asséné que c'était « lui le patron », motif pris que ce comportement n'excédait pas ce qui est admissible dans le cadre de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas, en agissant ainsi après avoir soumis à la salariée un nouveau contrat qu'elle avait refusé de signer, tenté de faire pression sur cette dernière afin de lui imposer un nouveau contrat de travail modifiant le précédent, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'arriéré dû au titre des heures supplémentaires avait été réglé par l'employeur en cours de procédure et que celui-ci avait agi dans le cadre de son pouvoir de direction, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le manquement de l'employeur n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué, d'avoir débouté Mme Sylvine X... de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusif de son employeur et au paiement, en conséquence, de différentes sommes à titre d'indemnités et de dommages-intérêts ;

Aux motifs que sur la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail Mme X... invoque le non-paiement des heures supplémentaires qu'elle a effectuées et qui ne lui ont pas été payées ainsi que le comportement de M. Z..., gérant de la société, à son encontre, les 23 et 29 octobre 2013 ; qu'en ce qui concerne les heures supplémentaires, qu'il est établi que, le 6 août 2014, la société la parisienne a réglé à Mme X... l'intégralité du rappel de salaire qu'elle sollicitait au titre des heures supplémentaires, soit la somme nette de 1 005, 66 euros ; que dans le cadre de la procédure d'appel Mme X... ne sollicite aucune somme à ce titre, demandant à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a donné acte à la société La Parisienne de ce qu'elle avait versé à la salariée la somme de 1 202,46 euros bruts au titre des heures supplémentaires et celle de 120,25 euros bruts au titre des congés payés afférents ; qu'or, attendu qu'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et qu'il appartient au juge du fond d'apprécier les manquements imputés à l'employeur au jour de leur décision ; que par suite, la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail par Mme X... ayant été formée le 23 janvier 2014, alors que son contrat de travail était en cours, et dès lors qu'à la date du présent arrêt l'arriéré de salaire dû au titre des heures supplémentaires lui a été versé intégralement, la salariée n'est pas fondée à invoquer, à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le non-paiement par l'employeur d'heures supplémentaires ; que sur les altercations, Mme X... invoque une altercation avec M. Z..., gérant de la société, qui aurait eu lieu le 23 octobre 2013, dans le cadre de laquelle, celui-ci aurait hurlé et déclaré que "les choses allaient changer pour elle, que ça n'allait pas se passer comme ça" ; qu'elle ne verse, toutefois, aucun document établissant la réalité de cette altercation ainsi que les propos qui lui auraient été tenus par M. Z... ; que Mme X..., invoque également une autre altercation entre elle et M. Z... qui aurait eu lieu le 28 octobre 2013 et soutient que celui-ci s'est emporté violemment, "a hurlé sur elle et a frappé un grand coup dans l'armoire" ; qu'elle indique que cette altercation a donné lieu à une plainte de sa part à l'encontre de M. Z..., déposée devant les services de police ; qu'elle verse aux débats le procès-verbal d'enquête établi à cette occasion afin d'établir la réalité des faits qu'elle allègue ; que dans le cadre de cette enquête ont été entendus plusieurs salariés de la société ; que Mme A... a déclaré : "... concernant les faits du 28 octobre 2013, je me trouvais à la régulation, mon poste est proche du bureau de M. Z... et de Mme X.... Le jour des faits, j''avais le casque sur les oreilles, je n''ai pas entendu entièrement la discussion entre les 2, je sais qu'ils se sont énervés, je sais que le différend porte sur un contrat de travail. Il est vrai que Mme X... est venue s'asseoir dans son bureau et que M. Z... l'a suivie, pour ma part, il n'a pas frappé volontairement dans l'armoire, je l'ai bien entendu dire que c'était lui le patron mais je n'ai pas entendu les autres propos comme quoi il allait l'isoler dans un autre bureau et qu'elle serait sous surveillance. Pour ma part je ne pense pas que M. combe puisse harceler qui que ce soit..." ; que Mme B... a déclaré : "...concernant les faits du 28 octobre 2013 il y a bien eu une altercation verbale dans notre bureau entre les 2 et ce, au sujet d'un contrat de travail. Il est vrai que lorsque Mme X... est revenue du bureau de M. Z..., celui-ci a simplement fermé la porte de l'armoire métallique pour accéder au bureau de Mme X..., pour moi il n'a pas frappé volontairement la porte. Je n'ai pas souvenance de propos tenus par M. Z... au sujet de l'isolement et qu'elle serait sous surveillance, par contre il est possible qu'il lui ait dit qu'il était le patron..." ; que M. C... a déclaré : "
le 28 octobre 2013 je me trouvais à mon poste en tant que régulateur. J'ai entendu des éclats de voix dans le couloir entre M. Z... et Mme X..., les 2 sont arrivés dans notre bureau, Mme X... est allée à son poste, M. Z... l'a rejointe pour avoir des explications sur son refus de signer son contrat de travail qu'elle avait demandé. À aucun moment je n'ai entendu M. Z... dire ma collègue qu'il allait la mettre dans un bureau isolé sous surveillance, par contre il a bien dit que c'était lui le patron. Concernant le coup clans l'armoire, j'ai simplement entendu le bruit, je ne peux pas vous dire si il a mis un coup volontairement, pour moi, je pense qu'il a simplement poussé pour passer, chose que nous faisons régulièrement quand les armoires sont ouvertes..." ; que Mme D... a déclaré "... je n'ai pas assisté au début des disputes car nous étions en pause et quand nous étions de retour nous avons entendu la conversation s'animer plus fort. Mme X... essayait de lui expliquer ce qu'elle ne souhaitait pas apparaître dans son contrat mais il ne voulait plus rien entendre et s'est mis à crier. Il lui a demandé fortement de sortir de son bureau chose qu'elle a faite et elle est venue s'asseoir à son bureau à côté du mien. Quelques secondes après, M. Z... est arrivé dans le bureau en hurlant "que c'était lui le patron, que c'était lui qui commandait et qu'il allait l'isoler dans un bureau pour qu'elle réfléchisse et même pour la surveiller dans son travail" il est vrai que M. Z... a frappé un grand coup dans l'armoire"... ; qu'il apparaît, à la lecture de ces témoignages, que les propos attribués par Mme D... à M. Z..., sont en totale contradiction avec le récit des faits rapportés par les trois autres attestataires lesquels ont tous précisé que si celui-ci s'était énervé, il n'avait pas tenu les propos que Mme D... lui prête, qu'il avait seulement dit à la salariée sur un ton ferme qu'il était le patron, que rien ne permettait de dire qu'il avait tapé volontairement dans l'armoire, qu'ils n'avaient jamais eu de problème hiérarchique avec M. Z... et que celui-ci n'était pas un harceleur ; que pour conforter ses allégations Mme X... verse une attestation établie par M. E..., un ancien salarié de la société qui n'était pas présent moment des faits puisqu'il avait quitté la société le 28 janvier 2013 à la suite de quoi il avait engagé une procédure à l'encontre de son employeur dont il a été débouté par arrêt définitif rendu par la cour de céans, ce qui ne permet pas de lui accorder une quelconque crédibilité ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments Mme X... ne rapporte pas la preuve que, ainsi qu'elle l'affirme, le 28 janvier 2013, M. Z... ait eu, à son encontre, un comportement caractérisant de sa part un manquement à ses obligations contractuelles ; que si la preuve de l'altercation du 28 janvier 2013 entre elle et M. Z... est bien rapportée, aucune parole, aucun geste de la part de celui-ci ne peuvent lui être reprochés dans la mesure où le fait de parler avec autorité à un salarié et de lui dire que "c'est moi le patron" ne constituent pas, de la part d'un chef d'entreprise, un comportement excédant ce qui est admissible dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction ; que les manquements allégués par Mme X... à l'encontre de son employeur n'étant pas établis, celle-ci doit être déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de celui-ci et de toutes ses demandes en résultant ; qu'en conséquence le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Alors 1°) que le juge doit apprécier l'ensemble des manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail peu important qu'à la date où le juge statue, le manquement a ou non cessé ; que le refus réitéré de paiement des heures supplémentaires constitue un manquement même si l'employeur finit par régler une fois la juridiction prud'homale saisie ; qu'en refusant d'examiner le manquement tenant au non-paiement des heures supplémentaires dues à Mme X... au motif qu'il avait cessé au jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

Alors, 2°) que l'ordre adressé sur un ton ferme par l'employeur dans le but d'obtenir l'accord du salarié à la modification de son contrat de travail constitue non pas l'expression de son pouvoir hiérarchique légitime mais une faute suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts ; qu'en déboutant Mme X... de ses demandes après avoir constaté que lors de l'incident du 28 octobre 2013, M. Z... s'était énervé et avait asséné que c'était « lui le patron », motif pris que ce comportement n'excédait pas ce qui est admissible dans le cadre de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Z... n'avait pas, en agissant ainsi après avoir soumis à la salariée un nouveau contrat qu'elle avait refusé de signer, tenté de faire pression sur cette dernière afin de lui imposer un nouveau contrat de travail modifiant le précédent, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22724
Date de la décision : 28/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 08 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 nov. 2018, pourvoi n°17-22724


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22724
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