LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 412 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de son licenciement survenu le 17 mars 2008, M. X..., assisté de M. Y... (l'avocat), a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'obtenir le paiement d'une indemnisation de 150 000 euros ; qu'un arrêt du 12 octobre 2010 lui a alloué une indemnité d'un montant de 45 000 euros ; que M. X... a assigné l'avocat en responsabilité et en paiement d'une somme de 105 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tenant compte de son ancienneté ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, l'arrêt retient que l'avocat justifie avoir demandé à son client de lui apporter toute précision sur son ancienneté dans le secteur bancaire, que M. X... a donné le détail des cinq banques dans lesquelles il avait travaillé entre le 1er janvier 1983 et le 17 juin 2008, sans joindre aucun document en justifiant, et que son ancienneté n'avait pas fait l'objet d'une contestation par l'employeur, de sorte que l'avocat n'a pas commis de faute en s'abstenant de produire les documents justifiant de l'ancienneté de son client, et notamment les certificats de travail ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'avocat avait exécuté son devoir de conseil envers son client en l'informant de la nécessité de prouver son ancienneté par la production de pièces justificatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit et signé par lui et par Mme Pecquenard, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de mise en oeuvre de la responsabilité professionnelle de M. Y... à son égard et d'indemnisation du préjudice en découlant,
AUX MOTIFS QUE « Tout avocat est débiteur à l'égard de son client, par application des dispositions de l'article 1147 du code civil, d'une obligation de diligences et de conseil.
L'avocat doit répondre de l'inexécution de cette obligation de moyen s'il est démontré qu'il a commis une faute dans l'exercice de sa mission, que son client a subi un préjudice et qu'il existe un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
Celui qui s'en prévaut doit, en effet, rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice causé par cette faute, préjudice consistant en la perte d'une chance réelle et sérieuse de gagner le procès engagé.
La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait pu procurer cette chance si elle s'était réalisée.
M. X... considère que Maître Y... a commis une faute en ne produisant pas devant la cour d'appel de Bordeaux les documents justifiant de son ancienneté et, notamment, les certificats de travail.
Maître Y... justifie, au travers d'un mail qu'il a adressé à M. X... le 3 octobre 2008, avoir demandé à son client de lui apporter toute précision sur son ancienneté dans le secteur bancaire.
M. X... y a répondu le 5 octobre 2008, en donnant entre le 1er janvier 1983 et le 17 juin 2008 le détail des 5 banques dans lesquelles il a travaillé et ce, sans joindre aucun document en justifiant.
M. X... en tire la conséquence que la cour d'appel de Bordeaux, en l'absence de ces documents attestant de son ancienneté, ne lui a pas accordé l'indemnisation à laquelle il aurait pu prétendre si elle les avait eus en sa possession.
L'ancienneté de M. X... n'a, cependant, pas fait l'objet d'une contestation par l'employeur et, donc, d'un débat entre les parties tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel de Bordeaux.
Celle-ci, non remise en cause a, donc, été acquise aux débats.
Maître Y... n'a donc pas commis la faute alléguée par M. X....
Sa responsabilité ne peut, en conséquence, être recherchée.
La décision entreprise, sera, en conséquence, infirmée en toutes ses dispositions » ;
1°) ALORS QU' en se contentant, pour considérer que M. Y... rapporte la preuve de l'exécution de son devoir de conseil, de constater qu'il justifie au travers d'un mail adressé à M. X... le 3 octobre 2008, avoir demandé à ce dernier de lui apporter toute précision sur son ancienneté dans le secteur bancaire, ce dont il ressort que M. Y... n'a pas informé son client de la nécessité d'étayer son ancienneté par la transmission des pièces justificatives l'établissant, la cour a statué par un motif impropre à établir que l'avocat avait exécuté son devoir de conseil et privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, et 412 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en relevant, pour exclure tout manquement de M. Y... à son devoir de conseil, que l'ancienneté de M. X..., qui n'a pas fait l'objet d'une contestation par l'employeur et, donc, d'un débat entre les parties tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel de Bordeaux n'était pas remise en cause et a été acquise aux débats quand l'arrêt rendu le 12 octobre 2010 par la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux indiquait au contraire que « M. X... fait état d'une ancienneté qui remonterait à 1990 mais ni son contrat de travail, ni ses bulletins de paie ne permettent de considérer qu'il avait une reprise d'ancienneté remontant à cette date », ce dont il ressort que l'ancienneté de M. X... n'était pas acquise aux débats, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt du 12 octobre 2010 rendu par la chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux et violé le principe précité.
3°) ALORS QU' à tout le moins, en se contentant, pour exclure tout manquement de M. Y... à son obligation de diligence, de relever que l'ancienneté de M. X... n'a fait l'objet d'aucun débat entre les parties lors des débats prud'homaux sans rechercher si le devoir de conseil de l'avocat ne lui imposait pas de recueillir, de sa propre initiative, tous les éléments nécessaires pour défendre au mieux les intérêts de son client, la cour a statué par un motif impropre à établir que l'avocat avait accompli toutes les diligences utiles à la défense de son client et privé sa décision de base légale au regard au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, et 412 du code de procédure civile.