LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé, par contrat à durée indéterminée, le 1er juillet 2012, en qualité d'ouvrier, coefficient 150, niveau I, position I, de la convention collective nationale du bâtiment, par M. Patrick Y..., a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre du 26 septembre 2014 et a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir qualifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération le grief tiré de l'absence d'habilitation électrique du salarié, aucun des courriers adressés par le salarié ne faisant état de ce reproche et ce dernier n'ayant pas songé à en faire une cause de rupture de son contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande tendant à voir qualifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement dépourvue de cause réelle et sérieuse et de ses demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat et en ce qu'il l'a condamné à payer à M. Y... la somme de 3 285,98 euros au titre du préavis non exécuté, l'arrêt rendu le 11 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à ce que son employeur soit condamné à lui payer les sommes de 15 515,20 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 878,80 euros à titre d'indemnité de préavis outre 387,88 euros au titre des congés payés afférents et 1 163,64 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et d'AVOIR condamné le salarié à payer la somme de 3 285,98 euros au titre du préavis non exécuté ;
AUX MOTIFS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que M. Yannick X... a écrit par courrier recommandé avec accusé de réception 11 septembre 2014, à son employeur pour exiger, en application de la convention collective précédemment citée un rappel de salaire d'un montant de 11 967,46 €, informant l'employeur qu'à défaut de règlement sous 15 jours, il « remettrait le dossier au tribunal des prud'hommes » ; que par courrier du 26 septembre 2014, également recommandé, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, rappelant sa créance salariale au titre de sa classification d'un montant alors évalué à 15 723,67 €, le préjudice financier important en résultant pour lui ; qu'il sera cependant observé que son courrier du 11 septembre 2014 a été reçu le 16 septembre 2014. Le salarié ayant pris acte de la rupture le 26 septembre 2014, le délai de 15 jours qu'il accordait à l'employeur pour se positionner vis-à-vis de sa réclamation salariale a donc été réduit à 10 jours ; que si la créance de M. Yannick X... est d'autre part jugée justifiée compte tenu de l'appréciation erronée de son degré de classification, M. Patrick Y... relève à bon droit la brièveté du délai qui lui a été concédé pour répondre aux demandes du salarié, demandes dont il observe également à bon droit qu'elles avaient été majorées sur ces quelques jours, de près de 4 000 € ; que dans un courrier du 3 octobre 2014, l'employeur demandait par ailleurs au salarié de lui adresser le diplôme justifiant sa réclamation et lui proposait de prendre contact avec lui afin de régulariser sa situation ajoutant qu'il ne s'opposait pas à le remplir de ces droits des lors que « la matérialité de son obligation serait établie par la présentation du diplôme » ; qu'il ressort par conséquent des échanges entre les parties, que l'employeur n'est pas apparu hostile au principe d'une régularisation salariale en faveur de M. Yannick X... ; qu'il en déduit à juste titre l'empressement de ce dernier à voir rompre la relation contractuelle alors que ni le principe ni le montant de la créance salariale revendiquée ne rendaient impossible la poursuite de la relation de travail ; que M. Yannick X... soutient également que l'employeur ne lui avait jamais délivré les titres d'habilitation électrique, ce manquement caractérisant selon les premiers juges une violation de l'obligation de sécurité de résultat ; qu'outre que l'employeur conteste le bien-fondé de ce reproche eu égard au délai dont il disposait pour former ses salariés conformément à la NF C 18 - 510, aucun des courriers adressés par le salarié à l'employeur les 11 et 26 septembre 2014 ne font état de ce reproche ; que le courrier du 26 septembre 2014 par lequel M. Yannick X... prend acte de la rupture de son contrat de travail ne répertorie que des réclamations salariales ; que M. Patrick Y... rappelle à bon droit que le salarié ne peut invoquer des manquements de l'employeur portés à sa connaissance postérieurement à sa prise d'acte même si ces faits ont été commis antérieurement à la rupture ; que les griefs relatif aux habilitations électriques, contestés par M. Patrick Y..., et dont M. Yannick X... n'a pas songé à faire une cause de rupture de son contrat de travail, ne pouvaient donc être pris en considération pour justifier la rupture ; que M. Yannick X... ne rapportant pas la preuve d'une faute de l'employeur d'une gravité telle qu'elle ait rendu impossible la poursuite de la relation de travail, la décision déférée sera réformée en ce qu'elle a considéré que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que cette prise d'acte produisant les effets d'une démission, M. Yannick X... verra ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse intégralement rejetées ;
Et AUX MOTIFS QUE dès lors que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, l'intimé sera en revanche jugé fondé en sa demande de paiement de la somme de 3 285,98 € correspondant aux deux mois du préavis non exécuté par le salarié ;
1° ALORS QUE la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixe pas les limites du litige de sorte qu'il appartient au juge d'examiner chacun des manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les pas mentionnés dans cet écrit ; qu'en retenant que le manquement commis par l'employeur en s'abstenant de délivrer les habilitations électriques au salarié ne pouvait être pris en considération pour justifier la prise d'acte dès lors qu'il n'avait pas été fait état de ce manquement dans le courrier par lequel celui-ci avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2° ALORS QUE la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle est justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que le fait de ne pas attribuer à un salarié la classification à laquelle il peut prétendre et donc de ne pas lui verser le salaire correspondant à cette classification constitue un manquement suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en retenant que le manquement commis par l'employeur en rémunérant pendant près de trois an le salarié selon une classification inférieure à celle à laquelle celui-ci pouvait prétendre n'était pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail après avoir caractérisé, d'une part, que c'est sciemment que l'employeur avait attribué au salarié une classification inadéquate et que, d'autre part, cela avait eu pour conséquence de diminuer la rémunération du salarié d'un montant de 5 000 euros par an, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y..., employeur, à payer à M. X..., salarié, la somme de 15 024,31 € à titre de rappel de salaire pour la période du 12 octobre 2011 au 26 septembre 2014, outre 1 502,13 € de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... a été engagé à durée indéterminée à l'issue de deux CDD en qualité d'ouvrier, coefficient 150, niveau I, position 1, de la Convention collective du bâtiment ; qu'aux termes des classifications planchers de la convention collective du bâtiment, les ouvriers titulaires d'un brevet professionnel, d'un brevet de technicien, d'un baccalauréat professionnel ou technologique ou d'un diplôme équivalent (niveau IV de l'éducation nationale) doivent être classés en niveau III, position 1, coefficient 210 ; que M. X... produit son diplôme de baccalauréat professionnel obtenu le 8 juillet 2011 en spécialité électrotechnique énergie équipement communicants, outre le brevet d'études professionnelles qu'il a obtenu le 3 juillet 2009 ; qu'il soutient dès lors à bon droit qu'il aurait dû être rémunéré à ce niveau de classification ; que M. Y... soutient avoir ignoré que M. X... était titulaire du baccalauréat professionnel ; qu'il a recruté ce dernier dans des activités d'électricité générale requérant par définition un minimum de qualification ; qu'il ne peut dès lors soutenir qu'il ne se serait pas enquis des connaissances et du degré de qualification du salarié qu'il recrutait ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE la convention collective des ouvriers du bâtiment prévoit que « les ouvriers titulaires d'un
baccalauréat professionnel
(niveau IV de l'Éducation nationale) seront classés au niveau III, position 1, coefficient 210 » ; que l'entreprise Y... n'a jamais donné suite aux réclamations de M. X..., en particulier à sa lettre du 11 septembre 2014 ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE le juge ne peut modifier l'objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en disant que la preuve de la connaissance d'un diplôme du salarié pouvait se déduire des tâches pour lesquelles le salarié avait été embauché, ce que le salarié lui-même ne prétendait pas, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE l'employeur rappelait que la preuve du diplôme ne suffisait pas à l'obtention de la classification professionnelle revendiquée, à défaut de preuve de l'exercice effectif des fonctions décrites par la convention collective ; qu'en négligeant de répondre à ce moyen de défense, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS ENFIN QUE si l'article 12.42, 1er alinéa, de la Convention collective nationale du Bâtiment dispose que les ouvriers titulaires d'un brevet professionnel, d'un brevet de technicien, d'un baccalauréat professionnel ou technologique ou d'un diplôme équivalent (niveau IV de l'Éducation nationale) seront classés en niveau III, position 1, coefficient 210, il ne supprime par l'article 12-2 de la même convention relatif à la définition générale des critères et des niveaux, précisant que le niveau III, position 1, est attribué aux ouvriers exécutant les travaux de leur métier, à partir de directives et sous contrôle de bonne fin, responsables de la bonne réalisation de ces travaux, qui peuvent impliquer la lecture de plans et la tenue de documents d'exécution qui s'y rapportent et qui mettent effectivement en oeuvre de bonnes connaissances professionnelles acquises par formation professionnelle, initiale ou continue, ou une expérience équivalente ; qu'en jugeant que l'employeur ayant recruté le salarié dans des activités d'électricité générale requérant par définition un minimum de qualification ne pouvait ignorer qu'il était titulaire d'un baccalauréat professionnel tout en constatant qu'il avait été embauché pour des fonctions d'ouvrier d'exécution niveau I, position 1, sans précision sur les tâches à accomplir et sans constater qu'il aurait exercé effectivement les tâches décrites dans la convention collective ouvrant droit au niveau revendiqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la convention collective, ensemble de l'article 1134 devenu 1103 et 1104 du code civil.