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28/11/2018 | FRANCE | N°17-13158

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 novembre 2018, 17-13158


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée par la société Intra call center à compter du 1er septembre 2007, en qualité de téléopérateur, Mme Y... a, à compter du 15 janvier 2010, accepté de travailler selon des horaires partiellement de nuit sans formalisation d'un avenant au contrat de travail ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par une lettre du 5 mars 2013 pour avoir refusé d'exécuter sa prestation de travail selo

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée par la société Intra call center à compter du 1er septembre 2007, en qualité de téléopérateur, Mme Y... a, à compter du 15 janvier 2010, accepté de travailler selon des horaires partiellement de nuit sans formalisation d'un avenant au contrat de travail ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par une lettre du 5 mars 2013 pour avoir refusé d'exécuter sa prestation de travail selon les prévisions du contrat de travail, c'est à dire selon l'horaire collectif de jour, ainsi qu'il le lui était demandé depuis le 6 novembre 2012 ; que, contestant le bien-fondé de ce licenciement, Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt énonce que, si les modifications d'horaires décrites par la société Intra call center dans la lettre de licenciement, même analysées comme une disparition du 'service de nuit', alors que seule une autre collègue et elle-même travaillaient dans ces conditions, se rattachent à l'activité économique de l'employeur afin de s'adapter aux exigences d'un client important pour le conserver mais toutefois sans preuve de difficultés économiques, ni mutation technologique ou menace de compétitivité, cette cause faute d'avoir une incidence sur l'emploi de l'intéressée -celui-ci n'étant pas supprimé, ni le contrat de travail modifié- ne contraignait nullement l'employeur à mettre en oeuvre une procédure de licenciement économique, que, partant, c'est exactement que la lettre de licenciement n'a énoncé qu'un motif inhérent à la personne de la salariée, à savoir son refus de se soumettre aux directives de l'employeur en matière d'horaires, qu'ensuite, au contraire de ce que persiste à soutenir l'appelante, son contrat de travail, du commun accord des parties, n'avait prévu les horaires que comme condition de travail modifiable unilatéralement par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, lesdits horaires n'étaient pas devenus contractuels par leur constance, ni leur nature de nuit et le paiement consécutif des majorations de salaire y afférentes, que la diminution de la rémunération résultant de la réduction des horaires du cycle de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail, que la salariée ne fait pas non plus valoir d'autres moyens pour soutenir que l'employeur aurait exercé abusivement son pouvoir de direction, qu'il s'ensuit que le refus de la salariée d'exécuter son travail selon les nouveaux horaires était fautif et qu'au contraire de l'opinion des premiers juges, cette insubordination faisait obstacle à la poursuite d'exécution de la relation contractuelle même pendant la durée limitée du préavis ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le changement des horaires de travail entraînant un passage du travail du soir ou de la nuit à un travail de jour assorti d'une réduction corrélative de la rémunération, n'entraînait pas un bouleversement de l'économie du contrat constitutive d'une modification du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen entraîne par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt critiqué par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme Y... de sa demande tendant à voir qualifier le licenciement de licenciement pour motif économique et de dommages-intérêts pour défaut de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'arrêt rendu le 14 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Intra call center aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Intra call center à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame Y... tendant à voir juger que son licenciement était intervenu pour un motif économique et en tout cas sans cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement d'une indemnité de préavis et les congés payés afférents, le paiement d'une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour absence de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle, et de l'avoir condamnée aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE d'abord le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires alors que pas plus qu'en première instance l'appelante n'établit qu'elle s'était, pendant la période considérée, tenue à la disposition de l'employeur qui n'avait nullement failli à son obligation de lui fournir du travail à l'issue de ses congés, dès lors qu'en ne modifiant pas son contrat de travail - ce qui sera vu ci après - mais seulement ses conditions de travail et en la prévoyant sur les plannings, il s'acquittait de ladite obligation, aucune dispense d'activité émanant de lui n'étant établie ; QUE c'est exactement, sauf à compléter leur motivation, que les premiers juges ont écarté toutes les prétentions de l'appelante visant à soutenir que le motif réel de son licenciement s'avérait de nature économique, de sorte que celui énoncé dans la lettre le notifiant - qui fixe les limites du litige - ne pouvait être considéré comme réelle et sérieuse ; que si les modifications d'horaires décrites par la SAS Intra Call Center dans la lettre de licenciement citées en exorde de l'arrêt, même analysées comme le remarque l'appelante comme une disparition du "service de nuit" alors que seule une autre collègue dont la procédure identique est présentement aussi soumise à la cour et elle même travaillaient dans ces conditions, se rattachent à l'activité économique de la SAS Intra Call Center afin de s'adapter aux exigences d'un client important pour le conserver mais toutefois sans preuve de difficultés économiques, ni mutation technologique ou menace de compétitivité, cette cause faute d'avoir une incidence sur l'emploi de l'intéressée - celui-ci n'étant pas supprimé, ni le contrat de travail modifié - ne contraignait nullement l'employeur à mettre en oeuvre une procédure de licenciement économique ; que partant c'est exactement que la lettre de licenciement n'a énoncé qu'un motif inhérent à la personne de la salariée, à savoir son refus de se soumettre aux directives de la SAS Intra Call Center en matière d'horaires ; QU'ensuite, au contraire de ce que persiste à soutenir l'appelante, alors que son contrat de travail versé aux débats - et elle ne soutient d'ailleurs pas à cet égard le contraire - du commun accord des parties n'avait prévu les horaires que comme condition de travail modifiable unilatéralement par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, lesdits horaires n'étaient pas devenus contractuels par leur constance, ni leur nature de nuit et le paiement consécutif des majorations de salaire y afférentes ; que la diminution de la rémunération résultant de la réduction des horaires du cycle de travail - et l'accord d'entreprise du 18 mai 2007 planifiant les horaires par cycles est produit au dossier sans que l'appelante n'a émis de moyens sur celui-ci - ne constitue pas une modification du contrat de travail ; que la salariée ne fait pas non plus valoir d'autres moyens pour soutenir que la SAS Intra Call Center aurait exercé abusivement son pouvoir de direction ; qu'il s'ensuit que le refus de la salariée d'exécuter son travail selon les nouveaux horaires était fautif ; qu'au contraire de l'opinion des premiers juges cette insubordination faisait obstacle à la poursuite d'exécution de la relation contractuelle même pendant la durée limitée du préavis ; que cette gravité ne se trouve pas amoindrie par le délai dans lequel la SAS Intra Call Center a mis en oeuvre la sanction dès qu'elle a pu se convaincre de l'abandon caractérisé de poste ; qu'en réformant le jugement il échet donc de retenir que le licenciement procède d'une faute grave imposant de débouter l'appelante de toutes ses demandes en paiement à ce titre ;

Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE selon le contrat de travail de Mme Y... du 1er septembre 2007 article 6 : « Jacqueline Y... sera soumise aux horaires collectifs en vigueur dans l'entreprise, du lundi au dimanche » ; selon l'avenant n° l du contrat de travail article 3 : « La durée du travail de Jacqueline Y... est fixée ....La répartition de l'horaire de travail telle que fixée au présent contrat pourra éventuellement être modifiée en considération des besoins exprimés par le clients, l'activité ... » ; en l'espèce, la société Intra Call Center a bien perdu le client « Pages Jaunes » sur la plage horaire de 06 h à minuit ; toutefois l'employeur à la suite de quoi, a proposé à Mme Y... d'intégrer les équipes de jour sur une plage horaire de 08 h à 18 h ; comme le stipule le contrat de travail, la répartition des horaires de travail peut évoluer selon les besoins notamment de l'activité de l'entreprise ; l'évolution de la plage horaire n'entraîne en rien une diminution de rémunération contractuelle, Mme Y... reste à 151,67 h selon l'avenant n°2 et conserve sa rémunération brute de 1.400 € ; cela ne peut donc pas être considéré comme une réorganisation des services dans le sens d'un licenciement économique ; en conséquence, le Conseil ne fera pas droit à cette demande ;
/
qu'en ne sanctionnant pas immédiatement la faute de Mme Y... qui est avérée par les éléments fournis, en ne lui demandant pas de justifier son absence prolongée, la SAS Entra Call Center la tient pour insuffisamment grave et le Conseil est fondé à se référer à cette appréciation pour requalifier le degré du licenciement, décidé « à retardement » ; en conséquence le Conseil reconnaît la légitimité du licenciement de Madame Y... pour cause réelle et sérieuse mais rejette toute notion de faute grave à l'égard de Madame Y... ;

1) ALORS QUE le licenciement prononcé en raison du refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail est dénué de fondement ; que le passage, même partiel, d'un horaire de nuit à un horaire de jour, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié, a fortiori lorsque la modification exerce une influence sur la rémunération du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il résultait de ses constatations que le nouvel horaire entraînait le passage d'un horaire de nuit avec le paiement consécutif des majorations de salaire, à un horaire de jour, ce dont il résultait qu'il constituait une modification du contrat de travail de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais articles 1103, 1104 et 1193 du code civil) ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le licenciement prononcé en raison du refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail est dénué de fondement ; qu'il n'était pas contesté que la salariée travaillait depuis janvier 2010 en horaires de nuit en bénéficiant des majorations de salaire en conséquence, et que la modification entraînait le passage en horaires de jour et la privation des majorations de salaire pour travail de nuit ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée ne travaillait pas de nuit depuis janvier 2010, en bénéficiant des majorations de salaires en conséquence, quand la modification imposée par l'employeur entraînait le passage en horaires de jour et par conséquent la privation des majorations de salaire pour travail de nuit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais articles 1103, 1104 et 1193 du code civil) ;

3) Et ALORS QUE le licenciement prononcé en raison du refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail est dénué de fondement ; que le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, a fortiori lorsqu'il exerce une influence sur la rémunération du salarié, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire ; qu'en opposant à la salariée son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais articles 1103, 1104 et 1193 du code civil) ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Y... au titre des rappels de salaire, et de l'avoir condamnée aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires alors que pas plus qu'en première instance l'appelante n'établit qu'elle s'était, pendant la période considérée tenue à la disposition de l'employeur qui n'avait nullement failli à son obligation de lui fournir du travail à l'issue de ses congés, dès lors qu'en ne modifiant pas son contrat de travail - ce qui sera vu ci après - mais seulement ses conditions de travail et en la prévoyant sur les plannings, il s'acquittait de ladite obligation, aucune dispense d'activité émanant de lui n'étant établie ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE, sur la demande de rappel de salaire et les congés payés afférents, selon l'article 3121-1 du Code du travail : le temps de travail effectif est considéré comme suit « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » ; en l'espèce, Mme Y... ne s'est pas tenue à la disposition de son employeur durant la période du 29 janvier au 5 mars ; elle ne fournit pas non plus d'éléments permettant de dire que l'employeur l'autorisait à rester à son domicile ; que Mme Y... elle-même a reconnu à la barre qu'elle avait décidé seule de rester à son domicile au lieu de se mettre à la disposition de son employeur ;

1) ALORS QUE pour rejeter la demande de la salariée, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait pas modifié son contrat de travail ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera cassation de l'arrêt en ses dispositions relatives au rappel de salaires et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié ; que la cour d'appel a retenu que l'employeur avait prévu la salariée sur les plannings et, par des motifs adoptés, que la salariée avait reconnu qu'elle avait décidé de rester à son domicile au lieu de se mettre à la disposition de son employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la salariée avait contesté avoir tenu de tels propos mais avait souligné que l'employeur ne lui avait confié aucun travail de nuit et qu'il lui apparentait de rechercher, comme y était invitée, si l'employeur avait confié à la salariée un travail de nuit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais articles 1103, 1104 et 1193 du code civil).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13158
Date de la décision : 28/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 14 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 nov. 2018, pourvoi n°17-13158


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13158
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