LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 18-82.235 F-D
N° 3021
27 NOVEMBRE 2018
CG10
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 3 septembre 2018 et présentée par :
- M. René X...,
- Mme Nadine Y..., épouse X...,
- M. David X..., parties civiles,
à l'occasion de leurs pourvois formés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 14 mars 2018, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ; La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 novembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Z..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général A... ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, qui, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Chambre criminelle, dénient tout effet interruptif de la prescription de l'action publique à la première plainte simple adressée au parquet par la victime d'une infraction, en ce qu'elles instituent une différence de traitement entre, d'une part, la victime qui dépose une plainte simple devant le procureur de la République et d'autre part, non seulement celle qui dépose une plainte avec constitution de partie civile et verse une consignation, mais aussi celle qui dépose une plainte simple devant un officier de police judiciaire recueillant ces dénonciations dans un procès-verbal, portent-elles atteinte au droit à un recours effectif ainsi qu'aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice, garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » ;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée, rapportée à l'interprétation constante de la Cour de cassation qu'elle vise, ne présente pas un caractère sérieux ;
Que d'une part, les textes précités et leur interprétation jurisprudentielle ne portent pas une atteinte substantielle au droit des victimes d'exercer un recours effectif devant une juridiction, dès lors qu'il leur est loisible, selon les modalités prévues aux articles 85 et 88 du code de procédure pénale, de porter plainte en se constituant partie civile auprès du juge d'instruction, une telle plainte étant interruptive de la prescription de l'action publique ;
Que d'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que des règles différentes soient appliquées à des situations différentes, ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la différence de situation entre, d'une part, la victime qui dépose une plainte simple devant le procureur de la République, d'autre part, celle qui dépose une plainte avec constitution de partie civile et verse une consignation et celle dont la plainte est recueillie par procès-verbal par un agent ou un officier de police judiciaire, justifie la différence de traitement induite par l'interprétation constante que la Cour de cassation fait des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, laquelle est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;