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22/11/2018 | FRANCE | N°17-28997

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 novembre 2018, 17-28997


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 10 et 27, alinéa 1er, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 104 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Attendu qu'il ne résulte ni de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ni du décret du 19 décembre 1991, pris pour son application, que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle emporte renonciation rétroactive

à cette aide ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier présid...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 10 et 27, alinéa 1er, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 104 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Attendu qu'il ne résulte ni de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ni du décret du 19 décembre 1991, pris pour son application, que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle emporte renonciation rétroactive à cette aide ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que Mme Y... a confié à Mme Z... la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce pour laquelle elle avait obtenu l'aide juridictionnelle ; qu'en cours de procédure, elle a renoncé à cette aide juridictionnelle et choisi un autre avocat ; que Mme Z... lui ayant alors réclamé paiement d'une certaine somme à titre d'honoraires, Mme Y... a saisi le bâtonnier de l'ordre de celle-ci d'une contestation de ce chef ;

Attendu que pour fixer à la somme de 4 459,99 euros TTC le montant des honoraires de Mme Z... et ordonner à Mme Y... de lui payer cette somme, l'ordonnance retient que la facture établie par l'avocat détaille l'ensemble des diligences effectuées, dont la réalité est attestée par les pièces du dossier, et que le taux horaire pratiqué est compatible avec le critère de difficulté moyenne du dossier, l'expérience de l'avocat et la situation personnelle modeste de sa cliente ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat qui avait été désigné au titre de l'aide juridictionnelle, n'ayant pas mené sa mission jusqu'à son terme, ne pouvait prétendre à la perception d'honoraires s'il n'était pas justifié que son client avait renoncé rétroactivement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours de Mme Y... à l'encontre de la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Thonon-les-Bains le 5 juin 2017, l'ordonnance rendue le 17 octobre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit, et signé par lui et par Mme Pecquenard, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Laurent Goldman , avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Mme Y... fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires, frais et débours dus par elle à Me Z... à la somme de 4.459,99 euros TTC et de l'avoir condamnée à payer cette somme à Me Z... ;

AUX MOTIFS QUE Mme X... Y... a sollicité et obtenu l'aide juridictionnelle totale le 12 janvier 2015 dans le cadre de sa procédure de divorce, et Maître Z... a été missionnée par le Bâtonnier pour prêter son concours à Mme X... Y... (courrier au Bâtonnier de l'Ordre en date du 4 mars 2015) au lieu et place de Maître Virginie D... initialement désignée ; que par courrier du 4 janvier 2017, Mme X... Y... a indiqué qu'elle renonçait au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que c'est à la suite de ce courrier que Maître Z... a produit sa facture définitive de frais et honoraires pour un montant de 3 716,66 € HT soit 4 459,99 € TTC en date du 13 janvier 2017 ; que Maître Z... n'était pas soumise à l'obligation de finaliser avec sa cliente une convention d'honoraires à la date où elle est intervenue ; que l'audience tenue devant le Premier président le 10 octobre 2017 a permis à chacune des parties de s'expliquer et il a été procédé à un examen contradictoire des pièces produites ; que Mme X... Y... reproche à Maître Z... son manque de diligences et divers manquements à la déontologie de l'avocat ; que ces griefs relèvent d'une éventuelle mise en cause de la responsabilité de l'avocat, mais échappent à la compétence du Premier président statuant en qualité de taxateur ; qu'aux termes des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 10 juillet 1991, critères rappelés par le décret du 12 juillet 2005, "à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci" ; que la facture n° 210951 détaille l'ensemble des diligences effectuées par l'avocat et la réalité de ces diligences peut être vérifiée par les pièces du dossier versées aux débats par Maître Z... ; que le décompte horaires de 18,35 heures de travail apparaît ainsi justifié ; qu'il n'est facturé aucune diligence au titre d'échanges entre Maître Z... et le bureau de l'aide juridictionnelle ; que le taux horaire pratiqué de 200 € de l'heure, correspondant à une fourchette basse du taux horaire habituellement pratiqué et il apparaît compatible avec le critère de difficulté moyenne du dossier, l'expérience de l'avocat et la situation personnelle modeste de sa cliente ; que l'ordonnance de taxe du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Thonon-les-Bains en date du 5 juin 2017 sera en conséquence confirmée en tous points ;

1°) ALORS QUE l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle n'emportant pas renonciation rétroactive à cette aide, l'avocat initialement désigné au titre de l'aide juridictionnelle ne peut percevoir d'autre rémunération que la contribution due au titre de cette aide ; que le premier président qui, après avoir relevé que Mme Y..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, avait, en cours de procédure, choisi un nouveau conseil en renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ce dont il résultait que Me Z..., désignée au titre de cette aide, ne pouvait prétendre à aucune autre rémunération que la contribution due à ce titre, a néanmoins condamné Mme Y... à lui payer des honoraires à hauteur de 4.459,99 euros, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et ainsi violé les articles 10 et 27, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1991 et l'article 104 du décret du 19 décembre 1991 ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se bornant à relever, pour condamner Mme Y... à payer la somme de 4.459,99 euros à titre d'honoraires, que la facture qui lui avait été adressée détaillait l'ensemble des diligences effectuées par l'avocate et que la réalité de celles-ci pouvait être vérifiée par les pièces versées aux débats par celle-ci, sans préciser les diligences en cause et les critères déterminants de son évaluation, le premier président a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-28997
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 nov. 2018, pourvoi n°17-28997


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Laurent Goldman

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.28997
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