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22/11/2018 | FRANCE | N°17-24802

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 novembre 2018, 17-24802


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 2017), que la société civile de construction vente Grand Large constructions (la SCCV), assurée en police dommages-ouvrage et police de responsabilité auprès de la société Covea risks, devenue la société MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur), a vendu en l'état futur d'achèvement une maison d'habitation à M. et Mme Y..., attribuée à Mme X... divorcée Y... ; que celle-ci, se plaignant de fissure

s sur le gros oeuvre du garage, a refusé l'offre de l'assureur qu'elle a assigné...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 2017), que la société civile de construction vente Grand Large constructions (la SCCV), assurée en police dommages-ouvrage et police de responsabilité auprès de la société Covea risks, devenue la société MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur), a vendu en l'état futur d'achèvement une maison d'habitation à M. et Mme Y..., attribuée à Mme X... divorcée Y... ; que celle-ci, se plaignant de fissures sur le gros oeuvre du garage, a refusé l'offre de l'assureur qu'elle a assigné en référé expertise, puis a assigné en exécution des travaux de reprise et indemnisation de ses préjudices la SCCV et l'assureur ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de réparation en nature des désordres et ses demandes indemnitaires au titre de ses préjudices matériels et immatériels formées contre la SCCV ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la SCCV, qui n'avait pas été attraite aux opérations d'expertise judiciaire, n'avait pas été mise en mesure de constater la réalité et l'importance des désordres ni de discuter l'analyse technique ou les préconisations de reprise de l'expert judiciaire ou de proposer d'autres procédés de réparation et souverainement retenu que la demande de réparation en nature présentée contre la SCCV était imprécise et indéterminée dans son montant comme dans ses caractéristiques, les différentes hypothèses de démolition et de reconstruction envisagées par Mme X... n'étant étayées par aucun document technique précis, descriptifs ou devis, permettant d'évaluer les prestations nécessaires et, plus particulièrement, en phase de reconstruction, les modalités techniques destinées à remédier à la mauvaise qualité du sol et qu'il en était de même de sa demande de condamnation à exécuter les travaux de reprise des désordres, malfaçons et non-conformités affectant la maison, la cour d'appel, devant laquelle Mme X... produisait les deux rapports d'expertise de MM. E... et A... et les attestations des entreprises refusant d'intervenir non pour corroborer les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, mais pour les contester, et qui n'a pas imputé à Mme X... une faute dans le fait de ne pas avoir procédé aux travaux préconisés dans le rapport d'expertise dommages-ouvrage, a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction et abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes devaient être rejetées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... veuve Y... de ses demandes de réparation en nature des désordres et de ses demandes indemnitaires au titre de ses préjudices matériels et immatériels contre la Sccv Grand Large Constructions ;

AUX MOTIFS QUE Sur les demandes de Mme X... contre la Sccv Grand Large Constructions : Mme X... sollicite la condamnation de la Sccv, venderesse de l'immeuble sous le régime de la vente d'immeuble à construire, à faire exécuter la réparation en nature de l'immeuble par une démolition/reconstruction, sur le fondement de l'article 1792 du code civil à raison du caractère décennal des désordres affectant la maison, responsabilité dont cette société est effectivement tenue par application de l'article 1646-1 du code civil ; toutefois cette demande de condamnation qu'elle soit en nature ou par équivalent ne peut être accueillie qu'autant qu'elle est fondée sur des expertises contenant des constatations notamment d'ordre technique opérées contradictoirement, même si le juge ne peut refuser d'examiner des pièces telles des rapports amiables régulièrement communiqués ; or en l'espèce, il apparaît qu'à la suite de l'instruction du sinistre par l'assureur dommages ouvrage, ayant conduit sur la base de l'analyse du désordre par son expert, à accorder sa garantie et offrir une indemnité, Mme X... qui ne l'a pas acceptée a sollicité une expertise judiciaire au seul contradictoire de la société Covea Risks, sans jamais solliciter une extension des opérations à la Sccv, qu'elle ne démontre pas non plus d'ailleurs avoir été avertie du sinistre dénoncé le 8 octobre 2010 à l'assureur, de sorte que la venderesse n'a pas été en mesure de constater physiquement la réalité et l'importance des désordres, de discuter leur analyse technique par l'expert comme les préconisations de reprise qu'il a effectuées, confirmant celles de l'assureur, voire de proposer d'autres procédés de réparation ; ainsi qu'elle le relève justement, la Sccv, constructeur non réalisateur, a également été privée de la possibilité d'attraire à l'expertise les constructeurs dont les responsabilités techniques dans la survenance des désordres ont été clairement mises en évidence par l'expert, ce dans l'optique d'une demande en garantie ; elle est en conséquence fondée à invoquer l'inopposabilité du rapport d'expertise à son égard, ce qui n'a cependant pas pour effet de rendre la demande de Mme X... irrecevable, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, mais seulement d'affecter la preuve des conditions requises pour engager sa responsabilité décennale ; il apparaît que les rapports d'expertise de M E... , comme celui de M. A..., établi en 2015 dans le cadre de la procédure de péril imminent sur lequel Mme X... se fonde pour demander cette fois la démolition/reconstruction ne remettent pas en cause l'analyse de l'expert sur l'origine des désordres, faute d'avoir organisé aucune nouvelle mesure d'investigation et sur leur imputabilité ; la solution de réparation différente préconisée par M. A... n'a pas non plus pu être discutée par la venderesse, le cadre de l'intervention de l'expert n'impliquant pas de débat avec les constructeurs ; ces rapports lui sont également inopposables et ne peuvent fonder une condamnation à démolir puis reconstruire ; Mme X... produit aux débats des attestations d'entreprises qui refusent de s'engager dans des travaux de réparation compte tenu de l'importance et de l'évolution des désordres depuis l'expertise en 2012 et d'autres qui rappellent la nécessité de procéder à une étude de sol ou une étude de structure ; toutefois le caractère évolutif des désordres avait été pointé dès l'expertise dommages ouvrage justifiant une urgence à réparer, comme la nécessité de procéder à des vérifications de structure qui avaient été demandées par la société Covea à M. B... ; au surplus, ainsi que l'a relevé le premier juge, la demande de réparation en nature présentée contre la Sccv est totalement imprécise et indéterminée dans son montant comme dans ses caractéristiques ; outre que M. A... n'a pas préconisé une démolition/reconstruction complète de la maison, seule la partie du garage et des chambres au-dessus étant affectée de désordres, les différentes hypothèses de démolition/reconstruction envisagées par l'appelante dans ses écritures ne sont en effet étayées, notamment via une étude du maître d'oeuvre Mme C... qu'elle a consultée, par aucun document technique précis, descriptifs ou devis, permettant d'évaluer les prestations nécessaires et plus particulièrement en phase de reconstruction, les modalités techniques destinées à pallier la mauvaise qualité du sol mise en évidence par l'étude réalisée lors de la construction en 2004 par la société Solen ; il en est de même de sa demande de condamnation à exécuter les travaux de reprise des désordres, malfaçons et non conformités affectant la maison ; il s'en déduit que les demandes de Mme X... de réparation en nature comme d'indemnisation présentées contre la Sccv Grand Large Constructions ne peuvent être accueillies ; le jugement sera réformé en ce qu'il a déclaré ces demandes irrecevables ;

1) ALORS QUE le rapport d'expertise judiciaire établi dans le cadre d'une procédure de référé à laquelle le vendeur d'immeuble à construire n'est pas partie, lui est opposable lors de la procédure au fond et peut servir de fondement à la demande dirigée à son encontre dès lors que ce rapport a été régulièrement communiqué et soumis à la discussion contradictoire des parties et qu'il n'est pas le seul élément de preuve produit aux débats ; qu'en déclarant inopposable à la Sccv Grand Large Constructions, vendeur, le rapport d'expertise judiciaire établi dans le cadre de la procédure de référé à laquelle elle n'était pas partie et en énonçant, pour débouter Mme Y... de ses demandes au titre de la garantie décennale, que ce rapport avait été établi au seul contradictoire de l'assureur ce qui affecterait la preuve des conditions requises pour engager sa responsabilité quand ce rapport, versé aux débats dans le cadre de la procédure au fond, a été soumis à la libre discussion des parties et qu'ainsi qu'elle le relevait, outre ce rapport d'expertise judiciaire, Mme Y... avait produit deux rapports d'expertise, l'un amiable, l'autre établi dans le cadre de la procédure administrative de péril imminent affectant sa maison ainsi que des attestations d'entreprises refusant d'intervenir sur la maison au vu de l'ampleur des désordres et l'étude d'un maître d'oeuvre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le rapport d'expertise judiciaire établi dans le cadre d'une procédure de référé à laquelle le vendeur n'est pas partie, lui est opposable lors de la procédure au fond dès lors que, régulièrement communiqué, il a eu la possibilité d'en discuter les conclusions ; qu'en déclarant inopposable à la Sccv Grand Large Constructions, débitrice de la garantie décennale des constructeurs, le rapport d'expertise judiciaire établi dans le cadre de la procédure de référé au seul contradictoire de son assureur, au motif inopérant que celle-ci aurait été privée de la possibilité d'attraire à l'expertise les constructeurs désignés comme responsables des désordres quand ce rapport, versé aux débats, a été soumis à la libre discussion des parties de sorte qu'il lui appartenait, si elle l'estimait nécessaire, d'appeler en garantie les constructeurs visés au rapport, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le rapport d'expertise amiable, fût-il établi non contradictoirement, est opposable et peut servir de fondement à une demande dès lors que, régulièrement communiqué et soumis à la discussion des parties, il n'est pas le seul élément de preuve produit aux débats ; qu'en déclarant inopposable le rapport d'expertise de M. E... établi à la demande de Mme Y... en considérant qu'il ne pouvait fonder sa demande de condamnation envers la Sccv Grand Large Constructions sur le fondement de la garantie décennale, quand ce rapport avaient été régulièrement communiqué à la Sccv Grand Large Constructions et qu'ainsi qu'elle le relevait, outre ce rapport, Mme Y... avait produit un rapport d'expertise judiciaire et un rapport d'expertise établi dans le cadre de la procédure administrative de péril imminent affectant sa maison, ainsi que des attestations d'entreprises refusant d'intervenir sur la maison au vu de l'ampleur des désordres et l'étude d'un maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le rapport d'expertise établi dans le cadre de la procédure administrative de péril imminent affectant l'immeuble est opposable et peut servir de fondement à une demande dirigée contre le vendeur d'immeuble à construire sur le fondement de la garantie décennale ; qu'en déclarant inopposable le rapport d'expertise de M. A... établi à la demande de la commune et en considérant qu'il ne pouvait fonder la demande de condamnation de Mme Y... envers la Sccv Grand Large Constructions sur le fondement de la garantie décennale quand ce rapport avaient été régulièrement communiqué à cette dernière et qu'ainsi qu'elle le relevait, outre ce rapport, Mme Y... avait produit un rapport d'expertise judiciaire et un rapport d'expertise amiable, ainsi que des attestations d'entreprises refusant d'intervenir sur la maison au vu de l'ampleur des désordres et l'étude d'un maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que pour imputer à Mme Y... une faute dans le fait de n'avoir pas procédé aux travaux préconisés dans le rapport d'expertise dommage ouvrage sollicité par l'assureur et la débouter de ses demandes de réparation en nature envers le vendeur, la cour d'appel relève que ce rapport indiquait la nature évolutive des désordres et ainsi l'urgence à réparer ; qu'en statuant de la sorte cependant que ce rapport datait de janvier 2011, que l'offre d'indemnisation de l'assureur date de juin 2011 et que Mme Y... avait sollicité, en référé, dès novembre 2011, une expertise judiciaire dont le rapport avait été déposé en novembre 2012 et que les attestations d'entreprises refusant de s'engager dans des travaux compte tenu de l'ampleur des désordres dataient toutes du premier semestre 2013, de sorte que Mme Y... qui n'était tenue par aucune obligation d'accepter la proposition initiale de l'assureur et avait le droit d'établir la preuve de son dommage par le biais d'une contreexpertise judiciaire, la cour d'appel, qui a fait peser sur Mme Y..., victime, l'obligation de minimiser son dommage, a violé l'article 1147 code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6) ALORS QUE, en tout état de cause, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application de la garantie décennale, la mise en jeu de cette garantie n'exigeant pas la recherche de la cause des désordres ; qu'en rejetant les demandes de réparation en nature et en indemnisation de Mme Y... à l'encontre de son vendeur, la Sccv Grand Large Constructions, au motif inopérant que si Mme Y... produisait des attestations d'entreprises contactées pour effectuer les travaux de reprise et refusant de les effectuer au vu de l'ampleur des désordres et de la nécessité d'une étude du sol ou d'une étude de structure, le caractère évolutif des désordres et la nécessité de vérifier la structure avaient été signalés dès l'expertise dommage ouvrage, quand elle avait préalablement relevé le caractère décennal des désordres affectant sa maison et que la garantie de la Sccv Grand Large Constructions était due en application de l'article 1646-1 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1646-1 et 1792 du code civil ;

7) ALORS QUE, à titre subsidiaire, la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; qu'en refusant de faire droit aux demandes de Mme Y... à l'encontre de la SCCV Grand Large Constructions sur le fondement de la garantie décennale en raison de la prétendue inaction fautive de Mme Y... à effectuer les travaux de reprise indiqués dans l'expertise dommage-ouvrage malgré sa connaissance du caractère évolutif des désordres, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les désordres dont elle demandait réparation étaient dus à sa seule inexécution fautive, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1646-1 et 1792 du code civil ;

8) ALORS QUE toute demande tendant à la condamnation du défendeur à l'exécution d'une obligation de faire constitue en ellemême une demande indéterminée ; qu'aussi, en rejetant les demandes de réparation en nature et de condamnation à effectuer les travaux de reprise des désordres présentées par Mme Y... envers la SCCV Grand Large Construction au motif inopérant de leur nature imprécise et indéterminée quand elle avait préalablement relevé le caractère décennal des désordres affectant sa maison et que la garantie de la SSCV Grand Large Constructions était due en application de l'article 1646-1 du code civil, de sorte que celle-ci était tenue de réparer les désordres et que cette réparation constituait une obligation de faire, par nature indéterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1646-1 et 1792 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-24802
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 06 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 nov. 2018, pourvoi n°17-24802


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24802
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