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22/11/2018 | FRANCE | N°17-16414

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 novembre 2018, 17-16414


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mmes Z... et A... de leur reprise d'instance en qualité d'héritières d'Annick X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 février 2017), que la société civile immobilière Pierre Le Grand (la SCI) a confié à Serge Y... la maîtrise d'oeuvre de travaux de restauration d'un château, les parties ayant fixé les honoraires dans un accord du 20 février 2007 ; qu'après avoir perçu un acompte, l'architecte a assigné la SCI en paiement d'honoraires et en dommages et intérêt

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mmes Z... et A... de leur reprise d'instance en qualité d'héritières d'Annick X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 février 2017), que la société civile immobilière Pierre Le Grand (la SCI) a confié à Serge Y... la maîtrise d'oeuvre de travaux de restauration d'un château, les parties ayant fixé les honoraires dans un accord du 20 février 2007 ; qu'après avoir perçu un acompte, l'architecte a assigné la SCI en paiement d'honoraires et en dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ; que Mmes X..., Z... et A... ont repris l'instance après le décès de Serge Y... ;

Sur le premier moyen, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de nullité de l'accord présentée par la SCI, l'arrêt retient qu'elle n'a pas soulevé en première instance le caractère potestatif de la clause de l'accord relative au montant des honoraires et que cette demande, soulevée pour la première fois devant la cour d'appel, est nouvelle pour tendre à la nullité du contrat dont elle n'avait jamais antérieurement contesté la validité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en nullité de l'accord du 20 février 2007 tendait à faire écarter les prétentions de Serge Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de la disposition qui est critiquée par ce moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mmes Z... et A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Pierre Le Grand.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de nullité du protocole d'accord ;

AUX MOTIFS QUE « sur la recevabilité de la demande de nullité de la clause du protocole d'accord relative à la rémunération de l'architecte et de résiliation du contrat : sur l'action en paiement engagée par Monsieur Y..., la SCI [...] a contesté devoir le montant des honoraires sollicité en invoquant un manquement au devoir de conseil et des fautes contractuelles ; elle n'a jamais soulevé en première instance, le caractère potestatif de la clause du protocole d'accord relative au montant des honoraires, pas plus au demeurant dans ses conclusions déposées devant la cour avant l'arrêt avant dire droit du 3 juillet 2014 ; cette demande soulevée pour la première fois devant la cour est nouvelle pour tendre à la nullité du contrat dont elle n'avait jamais antérieurement contesté la validité ; cette prétention, nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, est dès lors irrecevables » (arrêt p. 5) ;

ALORS QUE les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause ; qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que le moyen tiré de la nullité de l'acte sur lequel était fondé la demande tendait à faire écarter les prétentions adverses ; que, pour déclarer irrecevable la demande en nullité du protocole d'accord du 20 février 2007, la cour d'appel retient que cette demande est nouvelle, comme soulevée pour la première fois devant elle, quand la validité du contrat n'avait pas été auparavant contestée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 72 et 564 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SCI [...] à payer à Mesdames X..., Z... et A..., ensemble en leur qualité d'héritières de Monsieur Y..., la somme de 54.422,40 € au titre des honoraires d'architecte ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le 22 juin 2009, M. Y... a établi le relevé de ses honoraires s'élevant, déduction faite de la provision versée, à la somme de 58.388 euros TTC sur la base d'une estimation des travaux faite selon courrier du 17 janvier 2008, de 600.000 euros HT ; la SCI [...] a refusé de régler cette somme ; cette facturation a été validée par l'Ordre des Architectes ; la validité du contrat d'architecte n'est pas soumise à la rédaction d'un écrit présentant la forme du contrat type proposé par l'Ordre des Architectes ; le protocole d'accord litigieux signé par les 2 parties, définit l'objet de la convention, la particularité du programme- s'agissant d'un bâtiment inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et sous la surveillance des Bâtiments de France et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles- les missions de l'architecte (3 phases et une phase complémentaire), les honoraires d'architecte et les réserves dont celles tenant à l'impossibilité de définir une estimation des travaux ; cet accord est confirmé par le courrier joint par le maître de l'ouvrage le 20 février 2007 au protocole signé ; le caractère contractuel de ce protocole n'est pas discutable ; il ne peut pas être reproché à l'architecte un manquement à son devoir de conseil alors que l'enveloppe des travaux ne pouvait pas être fixée à l'origine, l'opération dépendant à la fois de l'état des lieux à effectuer et de données administratives sur lesquelles les parties n'avaient pas d'emprise ; l'expert précise en page 12 de son rapport que le protocole « apporte clairement un montant global des honoraires de 12,5 % du montant des travaux, les dits travaux détaillés sur le tableau selon les missions détaillées 1-2-3 et la complémentaire, et des tâches ventilées selon tableau. En outre pour le détail de la répartition des 12,5 % d'honoraires par phases, il est fait référence à celles préconisées par l'Ordre des Architectes » ; l'expert précise qu'il n'est pas obligatoire de prévoir une clause de rémunération en cas de non-réalisation des travaux d'autant que les honoraires d'architectes se règlent au gré de l'avancement du travail du maître d'oeuvre ; il résulte de l'expertise que : - les parties 1 et 4 ont été réalisées, étant précisé que la phase complémentaire traditionnellement facturée en sus du pourcentage d'honoraire est ici incluse dans le taux de 12,5 % du montant des travaux, - la partie 3 (chantier) n'a pas été réalisée, - la partie 2 l'a été partiellement s'agissant du projet de conception, du descriptif sommaire et estimatif ; l'expert a ensuite analysé les diligences accomplies par M. Y... au cours des années 2007 et 2008, lesquels sont nombreuses et l'architecte a bien constitué l'entier dossier (plan et permis de construire) « entre le 5 septembre 2007 et le 11 décembre 2007 pour être remis avec le formulaire PC signé du Maître d''Ouvrage dès le 8 janvier 2007 au SDAP 24 » ; l'expert ajoute par ailleurs que : - le taux de TVA devait bien être calculé au taux normal en vigueur qui était de 19,6 % à l'époque, - l'estimation des travaux à la somme de 600.000 euros HT au moment de la demande d'honoraires « recoupe l'ensemble des charpentes, des couvertures en lauze mais aussi des grandes baies en pierre et menuiseries à vitraux et tout le détail du tableau de missions et du CR du 5 septembre 2007 », - l'absence de production de devis et du dépôt de permis de construire à la mairie est due : * à l'impossibilité pour l'architecte de demander des avis avant d'avoir les accords de principe de la DRAC et du SDAP sur les travaux ; la rubrique démolition faisant bien partie de la demande de permis de construire ; * à la critique du chiffrage des travaux par le maître de l'ouvrage, * à la demande de celui-ci d'arrêter les travaux, - le chiffrage des travaux est cohérent au regard de l'ensemble des travaux prévus selon les postes mentionnés au protocole et au vu du compte rendu du 5 septembre 2007 de la réunion avec les représentants des administrations concernées, - les travaux réalisés par l'architecte pouvaient effectivement être estimés à 57 % de sa mission ; il sera relevé quant au poste détail débit des bois de charpente, non prévu dans le protocole, qu'à la demande de la SCI [...], l'architecte a réalisé lui-même ce débit des bois de manière à pouvoir consulter directement les scieries (travail qui relève normalement de l'entreprise de charpente) et qu'il a réalisé les relevés avec de nombreuses cotations ; Mme C..., après une analyse approfondie et détaillée des éléments du dossier, estime que le montant des honoraires après déduction de l'acompte de 1.582,50 euros déjà versé, est justifié à hauteur de la somme de 54.422,40 euros TTC ; M. Y..., contrairement à ce que soutient l'appelante, n'a pas écrit que M. D... avait fourni des devis concernant la toiture mais qu'il avait pu cerner un budget ; il ne peut donc pas être reproché à l'architecte d'avoir commis un faux ; il résulte de l'ensemble des éléments du dossier que le contrat liant les parties est valable, que l'architecte a rempli ses obligations de telle sorte que la SCI [...] est mal fondée à solliciter la résiliation du contrat aux torts de M. Y... ; le jugement du tribunal de grande instance de BERGERAC sera en conséquence confirmé sauf sur le montant de la condamnation qui sera ramenée à la somme de 54.422,40 euros TTC, cette somme étant allouée aux coindivisaires » (arrêt pp. 6 à 8) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il résulte des pièces produites par les parties qu'elles ont signé un seul protocole d'accord le 20/02/2007 et que si un protocole d'accord a été signe' le 23/07/2007 selon le défendeur, il n'est communiqué par aucune des parties et ne concerne probablement pas les travaux de restauration du corps central de la toiture et des deux fenêtres sous randières du château de [...], et en tout cas aucune preuve n'en est rapportée par le défendeur ; qu'il résulte de la lecture du protocole du 20/02/2007 que le maître d'ouvrage était conscient de ce que, compte tenu de l'imprécision des données administratives et de l'état des lieux, il était impossible, au jour du protocole, de définir une estimation des travaux et que le coût devait être fixé par les devis d'entreprises et le récapitulatif de l'architecte ; que le protocole du 20/02/2007 prévoyait en outre que les honoraires de l'architecte seraient de 12,5 % du montant total hors taxes final des travaux y compris façon et fournitures + TVA en vigueur ; que, sur le travail de l'architecte qui est lui-même contesté par le défendeur dans sa réalité, il est établi par l'ensemble des pièces produites par monsieur Y... qu'il a travaillé pendant 8 mois, au cours de l'année 2007, à la réalisation de sa mission, tant en démarches qu'en établissement de relevés manuscrits de mesures et de plans ; qu'en effet, monsieur Y... s'est en premier lieu attelé aux travaux urgents de résorption des fuites existantes et de soulevage d'une lame de plancher pour repérage des solivages (ordres de mission signés par les maitres d'ouvrage ) puis a poursuivi sa mission (contacts et réunions de travail avec les Bâtiments de France et la DRAC notamment ) pour aboutir au dossier complet de permis de construire ; que l'huissier de justice mandaté par monsieur Y... ne s'est pas contenté - comme il le lui est reproché - de photographier la page de garde des dossiers qui lui ont été présentés par l'architecte mais a précisé le contenu de ces dossiers dont il ressort que monsieur Y... a notamment établi 30 relevés de mesures, des relevés photographiques, effectué des recherches, établi encore 10 plans, diverses coupes, des plans, projets implantation, coupes transversales sur combles, 5 autres plans, et un dossier complet de permis de construire signé par le maître d'ouvrage ; que d'ailleurs le 4/12/2007, monsieur Y... établissait une facture d'honoraires de 13.156 € TTC (TVA à 19,6 %) et que le 12/12/2007, la SCI [...] ne contestait pas la réalité du travail réalisé par l'architecte puisqu'elle écrivait « nous comprenons fort bien que vous souhaitiez être payé pour les travaux que vous avez déjà exécutés » et reconnaissait que les plans avaient été réalisés ; et qu'encore, le 01/01/2009, la SCI PIERRE LE BON reconnaissait que fin novembre 2007, le dossier de demande administrative était prêt à être déposé, ce qui implique que le travail nécessaire avait été réalisé par l'architecte pour parvenir à la finalisation de ce dossier de dépôt du permis de construire ; qu'en outre, s'il est constant que la ventilation réalisée par le maître d'oeuvre entre les différentes phases de sa mission le 17/01/2008 (phase 1 : 42 %, phase 2 : 35 % et phase 3 : 23 % ) n'est pas un élément contractuel puisqu'elle n'a pas été acceptée par le maître d'ouvrage, il résulte toutefois de l'appréciation du conseil de l'Ordre des Architectes que monsieur Y... a réalisé la phase 1 du protocole dans son intégralité et la phase 2 pour moitié environ et que les honoraires sont dus ; que monsieur Y... indique quant à lui qu'il n'a pas réalisé totalement la phase 1 (et il a d'ailleurs retenu une moins-value de 594 € HT de ce fait sur sa facture) et seulement 15 % de la phase 2 du protocole soit 57 % de sa mission ; qu'en conséquence, le maître d'ouvrage ne peut pas nier la réalité des diligences de monsieur Y... qui a finalement fourni une prévision globale du coût prévisible de l'opération à la somme HT de 600.000 euros, le 17/0l/2008, en précisant toutefois que « cette somme n'est pas contractuelle, elle variera vers le haut ou vers le bas en fonction des devis d'entreprises à venir » ; qu'après cette estimation, il est constant que monsieur Y... n'a fourni aux maîtres d'ouvrage aucun devis d'entreprises ; mais cependant, que la SCI [...] ne communique quant à elle aucun devis d'entreprises dont il résulterait incontestablement que les travaux ne peuvent être estimés à 600.000 euros et qu'elle est de mauvaise foi en ne proposant aucune rémunération de son travail au maître d'oeuvre à l'exception de l'acompte de 1.500 euros ; qu'à titre de comparaison, la SCI [...] fait valoir qu'elle a confié une mission d'architecte à monsieur E... dont les honoraires sont bien inférieurs à ceux sollicités par monsieur Y... ; mais que la SCI [...] a confié à monsieur E... une mission limitée à l'obtention des permis de construire et de démolir, lequel a établi un devis de 15.936 € 09 TTC (TVA à 5,5 %) pour des travaux de restructuration des parties hautes du corps de logis, restauration ou réfection à neuf par parties de la charpente et restauration de la couverture outre la démolition de l'auvent uniquement ; que selon monsieur Y..., la TVA devait être à 19,6 % ce qui porte le devis à 18.065 € TTC ; qu'elle a d'autre part confié à monsieur G... une mission de relevé d'architecture pour un coût de 2.990 € TTC (TVA à 19.6 %) comprenant seulement le relevé de 3 façades sur le château, calculs, report, dessin, plan des façades et des toitures et établissement d'une coupe longitudinale et d'une coupe transversale, et fourniture d'un jeu de plans et du fichier informatique alors que cette mission a été plus complètement réalisée par monsieur Y... : que la SCI [...] s'est en outre chargée de l'étude historique et archéologique du bâti alors que monsieur Y... a lui-même réalisé une telle étude et qu'enfin, monsieur E... n'a établi qu'un forfait provisoire de rémunération sans lui-même chiffrer le coût des travaux ; qu'il résulte de cette analyse d'une part que monsieur Y... a bien exécuté sa mission à hauteur de 57 % et qu'en sa qualité de professionnel connaissant parfaitement le château de [...] pour y avoir travaillé pendant 8 mois, il a toutes compétences pour estimer le coût des travaux prévus au protocole à 600.000 euros alors que le maître d'ouvrage n'apporte quant à lui aucun devis contraire » (jugement, pp. 5 et 6) ;

ALORS QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la demande d'annulation du contrat d'architecte formée par la SCI [...], doit entraîner, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SCI [...] à payer à Mesdames X..., Z... et A..., ensemble en leur qualité d'héritières de Monsieur Y..., la somme de 54.422,40 € au titre des honoraires d'architecte, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments versés aux débats ; que le protocole d'accord litigieux indiquait seulement, au titre des honoraires d'architecte : « le tout : 12,5 % du montant hors taxes final des travaux y compris façon et fournitures + TVA en vigueur » et « à la signature : acompte de 1.500 € HT + TVA 5,5 % 82,5 € = 1.582,50 € TTC » ; qu'en reprenant à son compte l'analyse de l'expert judiciaire, selon lequel, dans le protocole du 20 février 2007, « pour le détail de la répartition des 12,5 % d'honoraires, par phases, il [était] fait référence à celles préconisées par l'Ordre des Architectes » (arrêt p. 6), quand ce contrat ne prévoyait aucune répartition par phases des honoraires de l'architecte, et ne se référait pas aux normes préconisées par l'Ordre des Architectes à cet égard, la cour d'appel a dénaturé le protocole d'accord litigieux, et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments versés aux débats ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT ENCORE, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la fraude corrompt tout ; que, dans ses conclusions (pp. 5, et 17 à 23), la SCI [...] faisait valoir qu'il résultait des termes clairs et précis du protocole d'accord litigieux que les parties étaient convenues que le montant des honoraires de l'architecte ne pouvait être calculé qu'à la fin des travaux, et n'avaient envisagé, outre le versement de 1.582,50 € TTC à la signature du contrat, aucun versement d'honoraires intermédiaires, a fortiori encore moins calculés sur une estimation provisoire des travaux réalisée par le maître d'oeuvre, laquelle était – aux termes du contrat - impossible à définir lors de la signature du contrat et devrait résulter des « devis d'entreprises et [du] récapitulatif de l'architecte » ; que la SCI en déduisait que Monsieur Y... avait commis une fraude en exigeant, à peine de rupture du contrat, le paiement d'honoraires intermédiaires, qu'il fixait à 13.156 € TTC le 4 décembre 2007, puis à 58.388 € TTC le 22 juin 2009, correspondant - selon lui - à l'exécution de 57% de sa mission, basée sur un coût prévisionnel des travaux de 600.000 €, quand le montant final des travaux était encore inconnu à cette date, et qu'aucun devis n'avait même été soumis au maître d'ouvrage ; que la SCI sollicitait donc que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts de l'architecte, privant ce dernier de tout droit aux honoraires ; qu'en se bornant à constater que l'estimation des travaux à la somme de 600.000 € HT était cohérente au regard de l'ensemble des travaux prévus, et que les travaux réalisés par l'architecte pouvaient effectivement être estimés à 57 % de sa mission, pour en déduire que le montant des honoraires, après déduction de l'acompte de 1.582,50 € TTC déjà versé, était justifié à hauteur de la somme de 54.422,40 € TTC, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, compte tenu des termes clairs et précis du contrat liant les parties, qui prévoyait expressément la fixation du montant des honoraires de l'architecte à l'aune du montant final des travaux, tel que fixé par les devis d'entreprises et le récapitulatif de l'architecte, Monsieur Y... avait frauduleusement exigé du maître d'ouvrage, à peine de rupture du contrat, le paiement d'honoraires intermédiaires, non prévus au contrat et fixés unilatéralement au regard d'une évaluation provisoire des travaux effectuée par le maître d'oeuvre, en dehors de tout devis d'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et du principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT ET ENFIN, QU'entre, dans le devoir de conseil de l'architecte, l'obligation de renseigner le maître de l'ouvrage sur le coût prévisionnel des travaux d'une part, et l'obligation de se renseigner sur les possibilités financières de son client avant d'établir les plans et les devis d'autre part ; que, si les parties sont certes convenues qu'il était impossible de définir une estimation du coût des travaux au jour de la signature du protocole d'accord, Monsieur Y... avait néanmoins l'obligation de se renseigner préalablement sur les possibilités financières de la SCI [...], et de la mettre en garde contre l'éventualité que le montant final des travaux, et corrélativement de ses honoraires, puisse dépasser son enveloppe budgétaire, sauf à déterminer par avance une limite conventionnelle à ne pas dépasser, avant de réaliser des prestations correspondant à des honoraires, dont le montant ne pouvait être déterminé au jour de la conclusion du contrat, et donc appréhendé par le maître d'ouvrage ; qu'en écartant tout manquement de l'architecte à son devoir de conseil, expressément invoqué par la SCI [...] (conclusions, p. 8), au motif inopérant que l'enveloppe des travaux ne pouvait pas être fixée à l'origine, la cour d'appel n'a donc pas caractérisé le respect par l'architecte de son devoir de conseil, et elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 1184 du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-16414
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 nov. 2018, pourvoi n°17-16414


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16414
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