La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2018 | FRANCE | N°17-26980

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-26980


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1355 du code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, par un accord collectif conclu le 24 juin 2015 dans le cadre du processus électoral commencé en février 2014, une nouvelle unité économique et sociale (UES) a été mise en place entre les sociétés Altran Technologies, Altran Lab et Altran Education services ; que, par juge

ment du 24 août 2017, le tribunal d'instance, ayant constaté que le protocole préélec...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu les mémoires des parties ou de leurs mandataires reçus au greffe de la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1355 du code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, par un accord collectif conclu le 24 juin 2015 dans le cadre du processus électoral commencé en février 2014, une nouvelle unité économique et sociale (UES) a été mise en place entre les sociétés Altran Technologies, Altran Lab et Altran Education services ; que, par jugement du 24 août 2017, le tribunal d'instance, ayant constaté que le protocole préélectoral soumis en mars 2017 aux organisations syndicales ne pouvait recueillir la double majorité prévue par l'article L. 2314-3-1 du code du travail et qu'il ne pouvait donc être imposé à l'employeur de tenter à nouveau d'obtenir un accord, a enjoint aux trois sociétés, sous astreinte, de proclamer les résultats des élections professionnelles au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la réception des décisions des trois unités territoriales de la Direccte ; que les sociétés ont présenté à la signature des organisations syndicales, du 12 au 19 septembre 2017, un protocole d'accord préélectoral, lequel a été signé par le syndicat Amplitude, la CGT et FO, sans toutefois recueillir la double majorité prévue par les articles L. 2314-23 et L. 2324-1 du code du travail ; que, par requêtes des 20 et 25 septembre 2017, le syndicat SICSTI-CFTC et M. Y... ont saisi le tribunal d'instance pour voir constater la caducité du jugement du 24 août 2017 et ordonner la fin du processus électoral en cours ;

Attendu que pour constater qu'aucun accord préélectoral n'a été conclu avant le 23 septembre 2017 au sens des dispositions de l'article 9, II, 1° de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, suspendre le processus électoral engagé à la suite du jugement du 24 août 2017, dire que les dispositions de l'ordonnance n° 2017-1386 sont applicables à l'UES au jour de sa publication, sous réserve toutefois, de la ratification de l'ordonnance et la parution de ses décrets d'application, ordonner la mainlevée de l'astreinte telle que fixée par le jugement du 24 août 2017 et enjoindre aux sociétés comprises dans l'UES d'engager les négociations en vue de la mise en place d'un comité social et économique dans les plus brefs délais suivant la ratification de l'ordonnance, le jugement retient que par une interprétation a contrario des dispositions prévues au 1° du II de l'article 9 précité, il doit être considéré qu'en l'absence de protocole d'accord préélectoral conclu avant le 23 septembre 2017, date de la publication de l'ordonnance, les entreprises concernées au sein desquelles un processus électoral est en cours ne peuvent plus appliquer les dispositions en vigueur avant cette date et sont tenues de mettre en place le comité social et économique en application des dispositions nouvelles, que s'agissant d'une exception au préambule de l'article 9 II de l'ordonnance, les dispositions prévues au 1° doivent être d'interprétation stricte, que dès lors, le protocole conclu auquel elles font référence doit s'entendre, par une lecture combinée des articles L. 2314-23, L. 2324-1, L. 2314-3-1, L. 2324-4-1 du code du travail et 9 II de l'ordonnance, d'un protocole d'accord préélectoral valide conclu avant la publication de l'ordonnance et qu'en l'espèce, le protocole qui n'a pas recueilli la double majorité imposée par les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 n'a pas été valablement conclu ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Altran avaient l'obligation, en exécution du jugement du 24 août 2017 ayant force de chose jugée, de procéder immédiatement aux élections professionnelles en leur sein sans qu'il y ait lieu de procéder à la négociation d'un nouveau protocole préélectoral, ce dont il résultait que le processus électoral avait été engagé par la négociation du protocole préélectoral antérieur au jugement du 24 août 2017 et qu'en application des dispositions de l'article 9 II 1° de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, celle-ci n'était pas applicable, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de Courbevoie ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Puteaux ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Altran Technologies, Altran Lab et Altran Education services à payer la somme de 3 000 euros à la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la décision

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, aux Conseils, pour la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, des syndicats CGT Altran La Défense et CGT Altran Ouest

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté qu'aucun accord préélectoral n'a été conclu avant le 23 septembre 2017 au sens des dispositions de l'article 9 II 1° de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 au Journal Officiel ; d'AVOIR suspendu le processus électoral engagé à la suite du jugement du 24 août 2017 au sein de l'UES Altran Technologies, Altran Lab, Altran Education Services en vue de l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'établissement compte tenu de la publication de l'ordonnance n° 2017-1386 dont les dispositions relatives à la mise en place du comité social et économique sont applicables à l'UES au jour de sa publication, sous réserve toutefois, de la ratification de l'ordonnance précitée par le législateur avant le 23 décembre 2017 et la parution de ses décrets d'application ; d'AVOIR ordonné, à compter de ce jour, la mainlevée de l'astreinte telle que fixée par le jugement du 24 août 2017 ; d'AVOIR enjoint à la société Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services d'engager les négociations en vue de la mise en place du comité social et économique instauré par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dans les plus brefs délais suivant la ratification de l'ordonnance précitée par le législateur et la parution de ses décrets d'application ; d'AVOIR donné acte aux sociétés de leur volonté de maintenir l'ensemble des mandats et institutions représentatives du personnel élues ou désignées mises en place, et ce jusqu'au jour des élections qui seront organisées, conformément aux dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mai 2015.

AUX MOTIFS QUE suivant arrêt rendu le 28 mai 2015, la cour d'appel de Paris a notamment confirmé le jugement rendu le 20 février 2014 par le tribunal d'instance de Paris 8ème, notamment en ce qu'il constatait la disparition de l'UES ayant été judiciairement constatée, suivant jugement rendu le 3 avril 2009 par le tribunal d'instance de Paris 17ème au sein du groupe d'entreprises Altran, ce groupe se limitant au périmètre de la SA Altran Technologies, et donnait acte à la SA Altran Technologies de sa volonté de maintenir l'ensemble des mandats et institutions représentatives du personnel élues ou désignées mises en place dans le cadre de l'ancienne UES, et ce jusqu'au jour des élections qui seront organisées dans le cadre de la SA Altran Technologies ; que dans le cadre de la négociation du protocole d'accord préélectoral qui avait débuté en février 2014, un accord collectif signé le 24 juin 2015 a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services. Suivant courrier du 7 octobre 2015, la direction d'Altran a saisi la Direccte aux fins de voir définir les établissements distincts de l'UES ainsi que la répartition du personnel et des sièges entre les différents collèges électoraux. La saisine de l'autorité administrative a suspendu le processus électoral jusqu'au 20 juillet 2016. Suivant jugement rendu le 11 octobre 2016, le présent tribunal a notamment enjoint à la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et à la SAS Altran Education Services de reprendre les négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d'un protocole d'accord préélectoral, notamment relativement à la répartition du personnel et des sièges au sein des collèges électoraux pour l'élection des délégués du personnel dans les établissements de Neuilly-sur-Seine, Puteaux et Cormeilles-le-Royal. Des réunions de négociation ont eu lieu les 8 novembre 2016, 1er décembre 2016, 21 décembre 2016, 15 février 2017 et 16 mars 2017 et un protocole d'accord préélectoral a été mis à la signature en date du 21 mars 2017. Suivant jugement rendu le 9 mai 2017, le présent tribunal a notamment rejeté la demande du syndicat CGT tendant à ordonner la réouverture des négociations ; que suivant jugement rendu le 24 août 2017, le présent tribunal a notamment enjoint à la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services de proclamer les résultats des élections professionnelles au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la réception des décisions des trois unités territoriales des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi saisies le 30 juin 2017, sous astreinte provisoire de 5.000 euros par jour de retard à l'encontre de chacune des trois sociétés, pendant une durée maximale de 60 jours à l'issue de laquelle il pourra être, à nouveau, statué ; que suite à la dernières décision rendue par la Direccte d'Ile-de-France le 24 août 2017, le protocole d'accord préélectoral a été soumis à la signature des organisations syndicales du 12 septembre 2017 jusqu'au 19 septembre 2017 à midi. Celui-ci a été signé par l'organisation syndicale Amplitude, l'organisation syndicale CGT et l'organisation syndicale FO, mais n'a pas recueilli la double majorité requise aux dispositions des articles L.2314-23 et L.2324-1 du code du travail. Conformément au calendrier diffusé le 20 septembre 2017, l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services a constaté l'échec des négociations engagées dans le cadre de la conclusion du protocole d'accord préélectoral et a engagé le processus électoral en date du 27 septembre 2017, date à laquelle une note d'information relative au déroulement du processus électoral a été affichée à destination des salariés (jugt. p. 1).

ET AUX MOTIFS QUE l'article 2 du code civil dispose que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif. En application de ce texte, il doit être considéré que toute loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur et que, dès lors que sa ratification est opérée par le législateur, une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution acquiert valeur législative à compter de sa signature. L'ordre public social impose l'application immédiate aux contrats de travail en cours et conclus avant leur entrée en vigueur des lois nouvelles ayant pour objet d'améliorer la condition ou la protection des salariés ; que la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social publiée le 16 septembre 2017 au Journal Officiel de la République française, a notamment, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de sa promulgation, autorisé, à son article 2, le gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l'entreprise et de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales, applicables aux employeurs et aux salariés mentionnés à l'article L.2211-1 du code du travail, en : 1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et en définissant les conditions de mise en place, les seuils d'effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d'information-consultation, la formation de ses membres, ses moyens et les modalités de contrôle de ses comptes et de choix de ses prestataires et fournisseurs, et en fixant à trois, sauf exceptions, le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l'instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises, notamment la sollicitation obligatoire de devis auprès de plusieurs prestataires, et en définissant les conditions dans lesquelles une commission spécifique traitant des questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être créée au sein de cette instance ; 2° Déterminant les conditions dans lesquelles l'instance mentionnée au 1° exerce, si une convention ou un accord le prévoit, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d'entreprise ou d'établissement, en disposant des moyens nécessaires à l'exercice de ces prérogatives ; 3° Déterminant, dans le cas mentionné au 2°, les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l'employeur dans certaines matières, notamment concernant la formation, et en favorisant au sein des instances mentionnées aux 1°, 2° et 4° la prise en compte de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de celui de renforcement de l'emploi des personnes handicapées au sein de l'entreprise ; 4° Améliorant les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration et de surveillance des sociétés dont les effectifs sont supérieurs ou égaux aux seuils mentionnés au I des articles L.225-27-1 et L.225-79-2 du code de commerce, notamment en matière de formation des représentants de salariés ; 5°Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d'apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l'employeur, par le renforcement et la simplification des conditions d'accès à la formation des représentants des salariés, par l'encouragement à l'évolution des conditions d'exercice de responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l'amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ; 6° Définissant, s'agissant de la contribution au fonds paritaire prévue à l'article L.2135-10 du code du travail : a) Une modulation du montant de cette contribution en fonction de l'effectif de l'entreprise ; b) Les conditions et les modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de cette contribution ou bénéficier d'une subvention forfaitaire au regard des modalités de représentation des salariés dans leur entreprise ; 7° Redéfinissant le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, en modifiant les conditions de leur mise en place, leur composition, leurs attributions et leurs modalités de financement, notamment pour tenir compte, le cas échéant, de besoins identifiés en matière de dialogue social dans les très petites entreprises ou d'éventuelles difficultés de mise en place ; 8° Modernisant les dispositions du chapitre 1er du titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail afin de favoriser le droit d'expression des salariés, notamment par le développement du recours aux outils numériques ; que l'article 8 de la loi d'habilitation précitée prévoit que, pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1 à 6, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication ; que l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 au Journal Officiel de la République française prévoit, en son article 1, la mise en place, dans les entreprises d'au moins onze salariés, d'un comité social et économique, en remplacement des délégués du personnel et du comité d'entreprise régis par les dispositions des titres I et II du livre III de la deuxième partie du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance, ainsi que du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'article 8 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dispose que les accords mentionnés aux articles L.2312-19, L.2312-21 et L.2312-55 du code du travail, dans leur rédaction issue de la présente ordonnance, peuvent être négociés à compter de sa publication. Ils s'appliquent aux instances représentatives du personnel existantes à la date de leur conclusion ; que l'article 9 de la même ordonnance prévoit que : I - Ses dispositions, autres que celles mentionnées à l'article 8 précité, entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 1er janvier 2018, sous réserve des dispositions prévues par le présent article. II - Le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019, sous réserve des dispositions suivantes notamment : 1°
Lorsqu'a été conclu, avant la publication de la présente ordonnance, un protocole d'accord préélectoral en vue de la constitution ou du renouvellement des instances représentatives du personnel, il est procédé à l'élection de celles-ci conformément aux dispositions en vigueur avant cette publication et le comité social et économique est mis en place à compter du 1er janvier 2020 ou à une date antérieure fixée, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée ; que s'agissant des délégués du personnel, l'article L.2314-23 du code du travail dans sa rédaction actuelle dispose que les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L.2314-3-1 dudit code. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral [
]. L'article L.2314-3-1 du code du travail dispose que, sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise ; que s'agissant du comité d'entreprise, l'article L.2324-1 du code du travail dispose que les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées conclu selon les conditions de l'article L.2324-4-1. Cet accord respecte les principes généraux du droit électoral [
]. L'article L.2324-4-1 du même code prévoit que, sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressés est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise ; qu'en premier lieu, il convient de rappeler qu'à ce jour, l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, qui a été publiée au Journal Officiel de la République le 23 septembre 2017, n'a pas encore été ratifiée par le législateur, un projet de ratification devant être déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant sa publication, soit avant le 23 décembre 2017, et, qu'en vue de son application, des décrets doivent paraître avant le 1er janvier 2018. Cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, acquerra valeur législative à compter de sa signature, dès lors, toutefois, qu'elle aura été ratifiée par le législateur ; qu'il convient de relever qu'il ressort du contenu même de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi afin notamment de renforcer le dialogue social au sein des entreprises en mettant en place une nouvelle organisation du dialogue social et de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales, cet objectif affiché allant donc dans le sens d'une amélioration et d'une simplification du système de la représentation des salariés au sein de l'entreprise ; que l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 pose le principe général que ses dispositions entreront en vigueur à compter de la date d'entrée en vigueur des décrets qui seront pris pour leur application , et au plus tard le 1er janvier 2018, sous réserve des dispositions prévues par ce même article. A ce titre, le II de ce même article pose le principe de la mise en place du comité social et économique au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, étant précisé que ce comité devra, en tout état de cause, être mis en place au plus tard le 31 décembre 2019 dans l'ensemble des entreprises concernées. L'article 9 II 1° de cette ordonnance pose une exception à ce principe en prévoyant que, lorsqu'un protocole d'accord préélectoral en vue de la constitution ou du renouvellement des instances représentatives du personnel, a été conclu avant la publication de l'ordonnance, soit avant le 23 septembre 2017, il sera procédé à l'élection de celles-ci conformément aux dispositions en vigueur avant cette publication, étant précisé, qu'en tout état de cause, le comité social et économique devra être mis en place à compter du 1er janvier 2020. A contrario, il doit être considéré qu'en l'absence de protocole d'accord préélectoral conclu avant le 23 septembre 2017, date de la publication de l'ordonnance, les entreprises concernées au sein desquelles un processus électoral est donc nécessairement en cours ne peuvent plus appliquer les dispositions en vigueur avant cette date et sont tenues de mettre en place le comité social et économique en application des dispositions nouvelles ; que d'une part, il convient de relever que, si l'article 9 de l'ordonnance, qui fait partie du Titre IV intitulé « Dispositions transitoires et finales », prévoit des aménagements afin de tenir compte des situations en cours au jour de la publication de ladite ordonnance, s'agissant d'instances représentatives du personnel en place, en l'espèce, la caducité des mandats des membres des institutions représentatives du personnel élues ou désignées a été confirmée, suivant arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mai 2015, ceux-ci étant simplement maintenus jusqu'au jour des prochaines élections, qui n'ont toujours pas eu lieu à ce jour. Ensuite, la lecture combinée des articles L.2314-23 et L.2324-1 du code du travail relatives à la définition des modalités d'organisation et du déroulement des opérations électorales, qui font expressément référence à un protocole d'accord préélectoral conclu selon les conditions prévues respectivement par les dispositions des articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 dudit code (soit un protocole d'accord préélectoral ayant recueilli la double majorité définie par ces textes) et des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 doit conduire à une interprétation stricte du cas prévu à l'article 9 II 1°, s'agissant d'une exception au principe posé par le préambule de l'article 9 II de ladite ordonnance. Dès lors, le protocole d'accord préélectoral conclu auquel fait référence l'article 9 II 1° de l'ordonnance doit donc nécessairement s'entendre d'un protocole d'accord préélectoral valide conclu avant la publication de ladite ordonnance, soit avant le 23 septembre 2017. A ce titre, il convient de rappeler que les articles L.2314-23 et L.2324-1 du code du travail disposent que les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions fixées respectivement par les articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 du même code. Or, il est établi et nullement contesté que le protocole d'accord préélectoral soumis à la ratification des organisations syndicales n'a pas, en l'espèce, recueilli la double majorité imposée par ces textes et qu'en conséquence, il n'a pas été valablement conclu. En outre, il convient de rappeler que, sous réserve de la ratification de l'ordonnance précitée par le législateur et de la parution de ses décrets d'application, l'ensemble des entreprises, comptant au moins onze salariés, à l'instar de l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services, devront mettre en place le comité social et économique à compter du 1er janvier 2020, soit dans un peu plus de deux ans maximum ; que d'autre part, il ne peut être considéré que le jugement rendu le 24 août 2017 par le présent tribunal a entériné le protocole d'accord préélectoral en cause, aucune de ses dispositions ne le prévoyant expressément ni même implicitement, cette décision enjoignant aux sociétés concernées d'organiser les élections des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'établissement, suite à la saisine de l'autorité administrative par l'employeur. Il convient de rappeler que cette saisine de la Direccte par l'employeur fait suite à l'absence d'accord possible, que cette saisine s'imposait donc en l'espèce afin de voir déterminer le nombre d'établissements distincts ainsi que leur périmètre respectifs, la répartition des sièges et des électeurs dans chacun des collèges électoraux, mais que l'employeur pouvait ensuite déterminer seul les autre modalité pratiques de déroulement du scrutin, comme ce fut le cas en l'espèce, le processus électoral ayant été engagé par celui-ci en date du 27 septembre 2017, date à laquelle une note d'information relative au déroulement du processus électoral a été affichée à destination des salariés, conformément au calendrier établi et diffusé par l'employeur le 20 septembre 2017, suite au constat d'échec des négociations relatives au protocole d'accord préélectoral ; qu'en conséquence, il doit être considéré, qu'en l'absence de protocole d'accord préélectoral conclu au sens des dispositions de l'article 9 II 1° de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le processus électoral engagé, suite au jugement rendu par le présent tribunal en date du 24 août 2017, au sein de l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services, en vue de l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'établissement doit être suspendu, à compter de ce jour, compte tenu de la publication de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dont les dispositions relatives à la mise en place du comité social et économique sont applicables à l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services au jour de sa publication, sous réserve, toutefois, de la ratification de l'ordonnance précitée par le législateur avant le 23 décembre 2017 et de la parution de ses décrets d'application. Compte tenu de la demande même de l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services tendant à la suspension du processus électoral en cours, le prononcé d'une astreinte afin de la contraindre à suspendre ledit processus électoral apparaît parfaitement inutile. Il convient donc d'ordonner, à compter de ce jour, la mainlevée de l'astreinte telle que fixée par le jugement du 24 août 2017 rendu par le présent tribunal à l'encontre de la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services et d'enjoindre à la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services d'engager les négociations en vue de la mise en place du comité social et économique instauré par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dans les plus brefs délais suivant la ratification de l'ordonnance précitée par le législateur et la parution de ses décrets d'application à paraître. Il sera donné acte à la SA Altran Technologies, la SAS Altran Lab et la SAS Altran Education Services de leur volonté de maintenir l'ensemble des mandats et institutions représentatives du personnel élues ou désignées mises en place, et ce jusqu'au jour des élections qui seront organisées, conformément aux dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 28 mai 2015, et ce afin de maintenir une représentation du personnel de ces sociétés dans l'attente de la mise en place du comité social et économique » (jugt. p. 5 à 9).

1°) ALORS QUE selon l'article 9 I, 1°) de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les dispositions de cette ordonnance, autres que celles mentionnées à l'article 8, entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application sauf s'il a été conclu, avant la publication de la présente ordonnance, un protocole d'accord préélectoral en vue de la constitution ou le renouvellement des institutions représentatives du personnel ; dans ce cas, il est procédé aux élections conformément aux dispositions en vigueur avant cette publication ; que pour constater qu'aucun accord préélectoral n'avait été conclu avant le 23 septembre 2017, suspendre le processus électoral engagé et enjoindre à l'employeur d'engager des négociations en vue de la mise en place du comité social et économique instauré par l'ordonnance du 22 septembre 2017, le tribunal a énoncé qu'il est établi et non contesté que le protocole d'accord soumis à la ratification des organisations syndicales n'a pas, en l'espèce, recueilli la double majorité requise par les articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 du code du travail de sorte qu'il n'est pas valide ; qu'en statuant ainsi quand, lorsque les conditions de majorité ne sont pas remplies, cette circonstance ne rend pas irrégulier le protocole mais permet à la partie qui peut y avoir intérêt de saisir le juge d'instance d'une demande de fixation des modalités d'organisation et de déroulement du scrutin, le tribunal d'instance a violé les articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 du code du travail, ensemble l'article 9, I 1°) de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

2°) ALORS QUE par un jugement du 24 août 2017 le tribunal d'instance de Courbevoie a enjoint aux sociétés Altran Technologies, Altran Lab et Altran Education Services de proclamer le résultat des élections professionnelles au plus tard dans le délai de trois mois à compter de la réception des décisions des trois unités territoriales des Direccte saisies le 30 juin 2017, et ce sur la base du protocole préélectoral soumis à la signature des organisations syndicales en mars 2017 ; que ce jugement, devenu définitif imposait de poursuivre le processus électoral conformément aux dispositions légales antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; qu'en décidant au contraire de suspendre ce processus pour la mise en place d'un comité social et économique tel que prévu par l'ordonnance susvisée, le tribunal d'instance a violé l'article 1351 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son jugement du 24 août 2017, le tribunal d'instance de Courbevoie a constaté que le protocole préélectoral soumis la signature des organisations syndicales n'a pu être signé à la double majorité et qu'il ne pouvait être imposé à l'employeur de tenter à nouveau d'obtenir un accord ; qu'en décidant dès lors qu'il ne peut être considéré que le jugement rendu le 24 août 2017 avait entériné le protocole préélectoral en cause, le tribunal d'instance a dénaturé cette décision de justice en violation du principe susvisé ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les dispositions de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, autres que celles mentionnées à l'article 8, entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur des décrets pris pour leur application ; qu'en décidant en l'espèce de suspendre le processus électoral engagé à la suite du jugement du 24 août 2017 au sein de l'UES Altran Technologies - Altran Lab - Altran Education Services « compte tenu de la publication de l'ordonnance », quand à la date où il statuait, soit le 17 octobre 2017, les décrets d'application n'étaient pas encore entrés en vigueur, le tribunal d'instance a violé l'article 9-I 1°) de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26980
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Courbevoie, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-26980


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.26980
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award