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21/11/2018 | FRANCE | N°17-24014

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 novembre 2018, 17-24014


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable comme étant de pur droit et non contraire à la thèse développée par le demandeur devant les juges du fond :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que la banque tirée d'un chèque frappé d'opposition est tenue d'en immobiliser la provision jusqu'à décision judiciaire sur la validité de l'opposition, si elle a été mise en cause dans l'instance en référé engagée à cette fin, ou, sinon, pendant une année suivant l'expiration du déla

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable comme étant de pur droit et non contraire à la thèse développée par le demandeur devant les juges du fond :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que la banque tirée d'un chèque frappé d'opposition est tenue d'en immobiliser la provision jusqu'à décision judiciaire sur la validité de l'opposition, si elle a été mise en cause dans l'instance en référé engagée à cette fin, ou, sinon, pendant une année suivant l'expiration du délai de présentation du chèque ; qu'elle doit, après mainlevée de l'opposition au cours de ces périodes, soit dès la décision judiciaire de mainlevée, si elle a été elle-même en cause, soit dès qu'elle lui a été notifiée ou signifiée, payer au bénéficiaire le montant, jusqu'alors bloqué, de la provision du chèque, sous la seule réserve que le titre puisse lui être remis en contrepartie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile de construction vente du Jeu de Dames (la SCCV) a émis à l'ordre de la société HPF deux chèques, tirés sur le compte dont elle était titulaire dans les livres de la société Banque Kolb (la banque) ; que, remis à l'encaissement le 4 janvier 2014, ces chèques, bien que provisionnés, ont été rejetés en raison de l'opposition faite à leur paiement par le gérant de la SCCV ; que, saisi par la société HPF, le juge des référés a, par une ordonnance du 25 juin 2014 devenue irrévocable et opposable à la banque, qui avait été attraite à l'instance, ordonné la mainlevée de l'opposition au motif qu'elle avait été faite pour un motif inexact, le vol, et non pour utilisation frauduleuse ; que la société HPF a présenté les deux chèques au paiement une seconde fois, le 15 juillet 2014, et que l'un d'eux, d'un montant de 76 041,68 euros, a été de nouveau rejeté, cette fois pour insuffisance de provision ; que la société HPF a assigné la banque en paiement de cette somme, majorée des intérêts et de dommages-intérêts ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société HPF, l'arrêt, après avoir énoncé que la banque tirée a l'obligation de maintenir la provision au plus tard, soit jusqu'à l'expiration du délai de prescription du chèque, dans l'hypothèse où la mainlevée de l'opposition n'a pas été ordonnée avant cette date, soit jusqu'à la signification d'une décision exécutoire ordonnant la mainlevée de l'opposition, si une telle décision intervient avant l'expiration du délai de prescription du chèque, retient que le chèque en litige ayant été émis le 2 janvier 2014 et la décision ordonnant la mainlevée de l'opposition ayant été rendue le 25 juin 2014 par le juge des référés, la banque étant mise en cause dans l'instance engagée à cette fin, cette dernière était fondée à ne maintenir la provision sur le compte du tireur que jusqu'au 27 juin 2014, date à laquelle la décision de mainlevée lui a été signifiée, et qu'il ne peut, dès lors, lui être reproché de ne pas avoir maintenu la provision jusqu'au 15 juillet 2014, date de sa seconde présentation, et cela nonobstant le fait qu'un appel a été régularisé par le tireur à l'encontre de la décision de référé, celle-ci ayant, en effet, bénéficié de l'exécution provisoire ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société HPF en paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Banque Kolb aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société HPF la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société HPF.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société HPF de sa demande de condamnation de la Banque Kolb à lui payer la somme de 76 041,68 € avec intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE les parties s'opposent sur la date jusqu'à laquelle la banque Kolb devait maintenir la provision sur le compte de la société SCCV du Jeu de Dames, la banque tirée estimant qu'elle devait le faire jusqu'au 27 juin 2014, date de signification de l'ordonnance de main-levée, la société bénéficiaire du chèque considérant pour sa part que la provision devait être maintenue jusqu'à ce que la décision soit devenue définitive, à la suite de l'appel interjeté par le tireur à l'encontre de l'ordonnance de référé ayant ordonné la main-levée ; qu'il résulte des dispositions de l'article L 131-35 du code monétaire et financier que le tiré d'un chèque bancaire frappé d'opposition n'est tenu d'en immobiliser la provision que jusqu'à la décision judiciaire sur la validité de l'opposition ; que c'est donc à bon droit que la banque tirée soutient qu'elle avait l'obligation de maintenir la provision au plus tard, soit jusqu'à l'expiration du délai de prescription du chèque, dans l'hypothèse où la main-levée de l'opposition n'a pas été ordonnée avant cette date, soit jusqu'à la signification d'une décision exécutoire ordonnant la main-levée de l'opposition, si une telle décision intervient avant l'expiration du délai de prescription du chèque ; qu'en l'espèce, le chèque en litige ayant été émis le 2 janvier 2014 et la décision ordonnant la main-levée de l'opposition ayant été rendue le 25 juin 2014 par le juge des référés, la société Banque Kolb ayant été mise en cause dans l'instance engagée à cette fin, cette dernière était fondée à ne maintenir la provision sur le compte du tireur que jusqu'au 27 juin 2014, la décision de main-levée lui ayant ainsi été signifiée à cette date ; que dès lors, la société HPF, bénéficiaire du chèque litigieux, ne peut valablement faire grief à la banque tirée de ne pas avoir maintenu la provision jusqu'au 15 juillet 2014, date de sa seconde présentation, et cela nonobstant le fait qu'un appel ait été régularisé par le tireur à l'encontre de la décision de référé, celle-ci ayant en effet bénéficié de l'exécution provisoire ; que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'après avoir retenu une faute de la banque, il a alloué la somme de 76 041,68 euros à la société HPF, en réparation du préjudice subi par cette dernière ;

ALORS QUE la banque tirée d'un chèque frappé d'opposition doit, après mainlevée de l'opposition, soit dès la décision judiciaire de mainlevée, si elle a été elle-même en cause, soit dès qu'elle lui a été notifiée ou signifiée, délivrer le montant du chèque au bénéficiaire le lui présentant au paiement et continuer ainsi à immobiliser la provision jusqu'à ce que ce dernier lui présente le chèque au paiement ; que commet une faute la banque tirée qui, mise en cause dans l'instance aux fins de mainlevée, cesse d'immobiliser la provision au profit du bénéficiaire du chèque alors que la mainlevée a été judiciairement ordonnée au profit du bénéficiaire, que la décision lui a été notifiée et qu'elle a été en toute hypothèse informée que le tireur avait frappé appel de la décision, cette faute engageant sa responsabilité envers le bénéficiaire du chèque qui se voit refuser paiement du chèque présenté en suite de la mainlevée pour défaut de provision ; que la cour d'appel a constaté que la Banque Kolb avait été mise en cause dans l'instance engagée aux fins de mainlevée de l'opposition, que la décision ordonnant la mainlevée de l'opposition, en date du 25 juin 2014, avait été signifiée le 27 juin 2014 à la Banque Kolb et que le tireur avait fait appel de l'ordonnance de mainlevée ; qu'elle a également constaté que, dès le 15 juillet 2014, le chèque en cause avait été à nouveau présenté mais que la société HPF n'avait pu recevoir paiement, la Banque Kolb n'ayant pas maintenu la provision au profit de cette dernière, en dépit de la mainlevée ordonnée à son profit ; qu'en jugeant que la Banque Kolb n'avait commis aucune faute en cessant d'immobiliser la provision à compter de la signification de l'ordonnance de mainlevée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-24014
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Chèque - Paiement - Opposition du tireur - Provision - Immobilisation - Durée

BANQUE - Chèque - Paiement - Opposition du tireur - Mainlevée - Conséquences - Détermination

La banque tirée d'un chèque frappé d'opposition est tenue d'en immobiliser la provision jusqu'à décision judiciaire sur la validité de l'opposition, si elle a été mise en cause dans l'instance en référé engagée à cette fin, ou, sinon, pendant une année suivant l'expiration du délai de présentation du chèque. Elle doit, après mainlevée de l'opposition au cours de ces périodes, soit dès la décision judiciaire de mainlevée, si elle a été elle-même en cause, soit dès qu'elle lui a été notifiée ou signifiée, payer au bénéficiaire le montant, jusqu'alors bloqué, de la provision du chèque, sous la seule réserve que le titre puisse lui être remis en contrepartie


Références :

article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 07 juin 2017

Dans le même sens que :Com., 18 avril 2000, pourvoi n° 96-20499, Bull. 2000, IV, n° 79 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-24014, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SARL Cabinet Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24014
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