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21/11/2018 | FRANCE | N°17-17758

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-17758


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, selon contrat à durée indéterminée en date du 29 mars 2007, M. Y... a été engagé par la société Câbleries Lapp (la société) en qualité d'agent de production ; qu'il a soutenu avoir été victime de violences physiques et psychologiques de la part de l'un de ses collègues de travail, M. B..., les 28 et 29 septembre 2009 ; qu'il a été placé en arrêt maladie du 17 septembre 2011 au 22 avril 2012 ; qu'après deux avis du 23 avril 2012 et du 7 mai 2012, il a été décl

aré inapte à tout poste au sein de la société ; que convoqué le 12 juin 2012 à u...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, selon contrat à durée indéterminée en date du 29 mars 2007, M. Y... a été engagé par la société Câbleries Lapp (la société) en qualité d'agent de production ; qu'il a soutenu avoir été victime de violences physiques et psychologiques de la part de l'un de ses collègues de travail, M. B..., les 28 et 29 septembre 2009 ; qu'il a été placé en arrêt maladie du 17 septembre 2011 au 22 avril 2012 ; qu'après deux avis du 23 avril 2012 et du 7 mai 2012, il a été déclaré inapte à tout poste au sein de la société ; que convoqué le 12 juin 2012 à un entretien préalable au licenciement, il a indiqué à son employeur avoir été victime de harcèlement moral de la part de M. C..., son chef de poste ; qu'après enquête interne confiée au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail sur les faits dénoncés par M. Y..., qui a conclu que le harcèlement moral dont il estimait avoir été victime de la part de M. C... n'était pas établi, la société a licencié le salarié pour inaptitude le 22 novembre 2012 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 3121-3 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes de ce texte les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; qu'il en résulte que le bénéfice de ces contreparties est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte ;

Attendu que, pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié verse aux débats l'intégralité de ses relevés de pointage, sur une période allant du mois de juin 2009 à septembre 2011, permettant de recenser au jour le jour le nombre d'heures effectuées, lesquelles sont ensuite comptabilisées en fin de semaine dans ces mêmes relevés, que l'employeur soutient que le salarié se changeait tous les jours dans les vestiaires, avant de prendre son poste de travail et après avoir pointé, de sorte qu'il ne serait pas tenu au paiement d'habillage ; que toutefois, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la société ne conteste pas que le salarié était astreint au port d'une tenue de travail, si bien que ce temps d'habillage et de déshabillage doit normalement être compris dans la durée de travail effectif ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que les salariés astreints au port d'une tenue de service avaient l'obligation de la revêtir et de l'enlever sur le lieu de travail, ni qu'un accord collectif ou une clause du contrat de travail assimilait le temps d'habillage et de déshabillage à du travail effectif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, en conséquence, condamner la société à payer diverses sommes au salarié et lui ordonner de délivrer à ce dernier sous astreinte des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, la cour d'appel retient, après avoir estimé non établi le harcèlement du salarié par M. C..., qu'il est indéniable que le salarié a subi des faits de harcèlement moral, les 28 et 29 septembre 2009, de la part de M. B... et a été placé en arrêt maladie à compter du 17 septembre 2011, suite à une altération de son état psychique ; que l'inaptitude à tout poste au sein la société, telle qu'elle résulte de l'avis émis le 7 mai 2012 par le médecin du travail, est la conséquence directe des faits de harcèlement moral subi par le salarié, dont les éléments médicaux versés aux débats attestent tous d'une altération de sa santé mentale en lien avec son travail ;

Qu'en statuant ainsi, en retenant que le licenciement pour inaptitude du salarié en 2012 était la conséquence du harcèlement moral qu'il avait subi de la part de M. B... en 2009, alors que le salarié n'invoquait dans ses conclusions la nullité de son licenciement pour inaptitude que du fait du harcèlement allégué de M. C..., dénoncé en 2012, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société à payer à M. Y... la somme de 4 948,60 euros brut, au titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, prononce la nullité du licenciement et condamne la société à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, et de dommages-intérêts pour la nullité du licenciement et lui ordonne de délivrer à ce dernier sous astreinte des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés, l'arrêt rendu le 8 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Câbleries Lapp

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Câbleries Lapp à payer à M. Y... la somme de 4.948,60 € de rappel d'heures supplémentaires, outre 498,86 € de congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE M. Y... verse aux débats l'intégralité de ses relevés de pointage sur une période allant du mois de juin 2009 à septembre 2011, permettant de recenser au jour le jour le nombre d'heures effectuées, lesquelles sont ensuite comptabilisées en fin de semaine dans ces mêmes relevés ; que sur la période considérée, la comparaison de ses relevés avec les bulletins de paie démontre que l'intégralité des heures supplémentaires n'a pas été réglée au salarié, à savoir respectivement, selon le décompte joint, 99,93 heures en 2009, 210,92 heures en 2010, ainsi que 212,33 heures en 2011 ; qu'ainsi, les éléments fournis par M. Y... sont suffisamment détaillés et précis pour étayer sa demande d'heures supplémentaires, étant observé que le décompte produit sur trois années présente indubitablement l'apparence de la sincérité, contrairement aux affirmations de l'employeur, puisqu'il a été établi sur la base des relevés de pointage effectués par l'employeur lui-même ; que la société Câbleries Lapp ne démontre pas que les écarts entre les heures de pointage mentionnées dans ses relevés et celles reportées sur les bulletins de paie du salarié s'expliqueraient par le fait que celui-ci arrive systématiquement en avance à l'entreprise, avant de prendre son poste de travail, ne versant sur ce point aucun élément de nature à prouver cette affirmation ; que l'employeur soutient par ailleurs que M. Y... se changeait tous les jours dans les vestiaires, avant de prendre son poste de travail après avoir pointé, de sorte qu'il ne serait pas tenu au paiement d'habillage ; que toutefois, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la société Câbleries Lapp ne conteste pas que M. Y... était astreint au port d'une tenue de travail, si bien que ce temps d'habillage et de déshabillage doit normalement être compris dans la durée de travail effectif ; qu'en conclusion, sur la base du décompte établi par le salarié, lequel ne fait l'objet d'aucune discussion s'agissant de la rémunération horaire applicable et des majorations prévues par l'article L. 3121-22 du code du travail, la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... la somme de 4.948,60 € au titre des heures supplémentaires, outre celle de 498,86 € au titre des congés payés y afférents ;

1°) ALORS QUE selon l'article L. 3121-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, « lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail » ; qu'il en résulte que le bénéfice de ces contreparties est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte ; qu'en énonçant dès lors que « la société Câbleries Lapp ne conteste pas que M. Y... était astreint au port d'une tenue de travail, si bien que ce temps d'habillage et de déshabillage doit normalement être compris dans la durée de travail effectif », sans constater que l'employeur, ou les conditions de travail dans lesquelles le salarié exécutait sa prestation, lui imposaient de réaliser les opérations d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE, sauf dispositions ou stipulations plus favorables, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, qui doit faire l'objet d'une contrepartie financière ou en repos, ne constitue pas un temps de travail effectif ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut être pris en compte dans la durée du travail et ouvrir droit à rappel d'heures supplémentaires ; qu'en statuant comme elle a fait, pour allouer à M. Y... un rappel d'heures supplémentaires, sans constater l'existence de dispositions ou de stipulations plus favorables assimilant les temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-3 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. Y... avait été victime de harcèlement moral et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la nullité du licenciement, condamné la société Câbleries Lapp à payer au salarié les sommes de 5.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 3.489,68 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 348,97 € de congés payés y afférents, et 15.000 € de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, et ordonné à l'employeur de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, et ce, sous astreinte de 5 € par jour de retard et par document au-delà du délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le harcèlement moral : au soutien de sa demande, M. Y... reproche à son employeur de lui avoir confié, de manière habituelle, une tâche dépassant ses capacités professionnelles, en ayant pris la décision de l'affecter aux commandes d'une machine « EEI4 », alors qu'il n'avait été formé que sur une machine « EEI1 » ; que le salarié affirme également qu'il a été victime des agissements personnels de M. C..., son chef de poste, lequel lui donnait à faire « les travaux les plus ingrats » et lui reprochait durant le travail, de manière injustifiée, son manque de productivité et de performance par rapport à ses autres collègues de travail ; qu'enfin M. Y... allègue qu'il était victime de violences physique et psychologique, commises par M. B..., l'un de ses collègues de travail, les 28 et 29 septembre 2009, faits pour lesquelles il remarque que ce salarié a été licencié le 6 novembre 2009 pour faute grave par l'employeur ; que M. Y... n'établit pas préliminairement le fait que son employeur l'aurait affecté, en sa qualité d'agent de production, sur une machine « EEI4 », alors qu'il n'aurait bénéficié d'aucune formation préalable ; que si la société Câbleries Lapp ne conteste pas l'affectation de M. Y... au poste de conducteur d'une machine de type « EEI4 », il est néanmoins démontré par la production d'une feuille d'émargement signée par le salarié qu'il a suivi à ce sujet, du 16 au 17 mai 2011, puis du 8 au 10 juin 2011 inclus, une formation spécifique ; que M. Y... verse également aux débats l'attestation de M. D..., technicien référant au sein de la société Câbleries Lapp, dans laquelle celui-ci affirme que M. C..., chef de poste, lui donnait à faire « les travaux les plus ingrats » et s'en prenait à lui « en lui reprochant un manque de production » ; que le témoin ajoute : « lorsque M. C... faisait son tour en début de poste, il passait d'abord par ma machine et me disait qu'il allait soigner M. Y..., il ne disait cela sur le ton de l'ironie » et précise enfin que la veille du jour où M. Y... a été en arrêt maladie, son chef de poste « lui avait ordonné d'aller sur une machine qu'il ne connaissait pas », et ce, malgré les protestations du salarié faisant état de son manque de formation ; que compte tenu de son imprécision, l'unique témoignage de M. D..., ne permet pas d'établir que M. Y... se voyait confier par son chef de poste les tâches les plus ingrates, étant observé que le témoin n'indique pas quelles étaient justement les tâches litigieuses ainsi dévolues au salarié ; qu'estimant sur la base du témoignage de son collègue de travail être victime de harcèlement moral, de la part de son chef de poste, M. Y... ne précise pas non plus, quelles étaient exactement les tâches qualifiées des plus ingrates, auxquels il aurait été astreint systématiquement durant son travail ; qu'il n'est pas établi également, à la seule lecture de l'attestation de M. D..., que M. C... aurait reproché à M. Y... un manque de productivité, dans la mesure où aucun autre élément ne permet de corroborer cette allégation ; qu'à cet égard, M. Y... ne justifie pas qu'il aurait fait l'objet d'un rappel à l'ordre, ou même de critiques de la part de son chef de poste, au sujet d'une insuffisance professionnelle ou de résultats, laquelle ne lui a jamais été reprochée société Câbleries Lapp ; qu'il n'est pas établi, à la lecture des déclarations de M. D..., que M. C... aurait brimé M. Y... durant son travail, ou encore aurait abusé de ses fonctions pour exercer sur lui une surveillance injustifiée ; que si ce témoin relate que M. C... lui aurait dit un jour qu'« il allait soigner M. Y... », sur le ton de l'ironie, il n'évoque cependant dans son attestation aucun fait précis susceptible de caractériser l'exercice de pressions, intimidations ou de menaces sur le salarié par son chef de poste ; qu'enfin il sera observé que le fait allégué, suivant lequel il aurait été ordonné au salarié par son chef de poste de travailler sur une machine, alors qu'il n'aurait bénéficié au préalable d'aucune formation spécifique, selon les dires du témoin, n'est pas établi puisqu'il est justifié par l'employeur qu'il a participé à une formation spécifique de cinq demi-journées ; que M. Y... soutient enfin qu'il était victime de faits de harcèlement moral de la part de M. B..., l'un de ses collègues de travail, qu'il a dénoncé par écrit le 12 octobre 2009 à la société Câbleries Lapp et pour lequel ce salarié a été mis à pied, puis licencié pour faute grave le 6 novembre 2009 ; que conformément à la lettre de licenciement pour faute grave qui a été rédigée par l'employeur, il est effectivement démontré que M. B... a d'abord, le 28 septembre 2009, interféré dans le travail de M. Y..., en lui coupant sans aucune raison le fil de cuivre sur la machine qu'il utilisait, puis en l'enfermant dans l'enrouleur « par amusement » ; que M. B... a ensuite été sanctionné par son employeur, pour avoir le 29 septembre 2009, adopté un comportement menaçant à l'égard de M. Y..., lorsque celui-ci a voulu reprendre les commandes de la machine, sur laquelle il était affecté par son chef de poste, puis plus tard dans les vestiaires, alors qu'il prenait sa douche ; qu'enfin M. B... a commis le 29 septembre 2009 sur le parking de l'entreprise des violences physiques sur M. Y..., alors que ce dernier quittait son travail, ayant entraîné un arrêt de travail de 8 jours consécutivement à cette agression ; que les agissements répétés de M. B... qui ont été subis par M. Y..., les 28 et 29 septembre 2009, dont l'employeur ne conteste pas l'existence puisqu'il a licencié le salarié fautif pour ces faits, laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la société Câbleries Lapp ne soutient pas en défense que les violences et les intimidations ainsi reprochées à M. B... seraient étrangères à tout harcèlement moral, mais relève simplement qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires en vue de mettre fin à celui-ci ; que la société Câbleries Lapp rappelle à cet effet qu'elle a notifié au salarié harceleur une mise à pied conservatoire, dès qu'elle a eu connaissance des faits par M. Y... puis a procédé à son licenciement pour faute grave, le 6 novembre 2009 ; que l'employeur est cependant tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, en matière de harcèlement moral, et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité ; que la société Câbleries Lapp, en sa qualité d'employeur, sera par conséquent déclarée responsable des agissements répétés de M. B..., l'un de ses subordonnés, qui pris dans leur ensemble constitue indubitablement un harcèlement moral, ce qu'elle ne discute pas par ailleurs ; que M. Y... verse aux débats un certificat médical en date du 3 octobre 2011 duquel il ressort qu'il présente « un syndrome anxiodépressif, depuis environ un an, avec asthénie physique et psychique, anxiété, nervosité, bouffées d'angoisse, troubles du sommeil. Ceci évolue dans le contexte de soucis professionnels » ; que ces constatations médicales sont également confirmées par un second certificat médical délivré le 23 mars 2012 par son médecin traitant, attestant du fait que le salariée présente « un état anxiodépressif net, avec impossibilité de se projeter dans l'avenir professionnel proche » ; qu'au vu de ces éléments qui attestent de manière certaine une altération de la santé physique ou mentale du salarié, la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi ; que, sur le licenciement : la lettre de licenciement en date du 22 novembre 2012 est ainsi rédigée : « vous travaillez pour notre entreprise en tant qu'agent de production depuis le 2 avril 2007. À la suite de vos arrêts de travail successifs du 17 septembre 2011 au 22 avril 2012, vous avez été déclaré inapte à tous postes au sein de notre entreprise par le Docteur Claudine E..., médecin du travail. Plus précisément, le premier certificat d'inaptitude établi le 23 avril 2012 par le médecin du travail dans le cadre de votre visite médicale de reprise précisait : « inapte à la reprise comme agent de production à l'extrusion-conducteur. Inapte à la reprise de tout poste aux Câbleries Lapp. L'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou postes existants dans l'entreprise que le salarié pourrait exercer ». Le second avis médical, établi le 7 mai 2012 après étude de poste, des conditions de travail et à la suite de divers échanges avec le médecin du travail sur les possibilités d'un reclassement éventuel, appuyait le premier avis en ces termes : « confirmation de l'avis du 23 avril 2012 - inapte comme agent de production à l'extrusion-conducteur et à tout poste aux Câbleries Lapp. L'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou postes existants dans l'entreprise - inapte à tous postes proposés à ce jour par l'employeur » ; que l'employeur indique également : « dans l'impossibilité de vous proposer un quelconque poste existant au sein de notre entreprise, ce compte rendu des restrictions médicales strictes communiqué par le médecin du travail (« inapte à tous postes aux Câbleries Lapp »), nous avons entrepris deux types d'actions. En premier lieu, nous avons élargi nos recherches au sein du groupe Lapp avec l'accord préalable du médecin du travail qui confirmait que « un reclassement dans une entreprise de votre groupe autre que les Câbleries peut être proposé de façon large à M. Y... ». Nous avons ainsi pris contact avec les différents DRH/RRH du groupe et leur avons transmis votre curriculum vitae en version anglaise reprenant votre expérience au sein de notre entité mais également votre mission de trois mois chez LappMuller. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a été en mesure de proposer un poste vacant répondant vos compétences. Nous avons également consulté les membres du comité directeur des Câbleries Lapp afin d'ouvrir une réflexion plus large sur votre poste de reclassement. Nous avons ainsi analysé les postes actuels à pourvoir ainsi que ceux qui allaient l'être à moyen terme (prochain exercice comptable), en excluant d'office les postes déjà existants (selon les recommandations du médecin du travail) et en nous concentrant sur ceux en création. Trois postes ainsi pu être identifiés : responsable ordonnancement/lancement, responsable développement process et responsable industrialisation. Malheureusement il s'agissait de trois postes au statut de « cadre » requérant des connaissances techniques approfondies et sanctionnés par un diplôme d'Etat supérieur nécessitant, de plus, une expérience confirmée en management. Sans reclassement possible au sein de notre entité ni au sein du groupe, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail. Vous avez ainsi été convié à un premier entretien préalable qui s'est tenu le 12 juin 2012. Lors de cet entretien, à notre grand étonnement, vous avez déclaré avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, et ce, préalablement à vos arrêts de travail à l'issue desquels vous avez été déclaré inapte à tous postes au sein de notre entreprise. Nous avons aussitôt engagé une enquête interne, quand bien même vous refusiez d'y prêter votre concours, et avons suspendu provisoirement la procédure de licenciement en cours dans un souci de dégager d'éventuelles solutions de reclassement à l'issue de nos investigations. Des personnes ont ainsi été questionnées et des explications recueillies. Le CHSCT a été tenu informé des investigations et de leur résultat : les accusations de harcèlement que vous avez portées n'ont pas pu être confirmées par la démonstration ou seulement la constatation de faits susceptibles de revêtir cette qualification. Comme nous nous y étions engagés, à l'issue de notre enquête, une nouvelle recherche de reclassement a été reprise tant en interne qu'au sein du groupe Lapp. En interne, le service RH s'est attelé à décortiquer les différents descriptifs de postes existants tout juste réactualisés, afin d'en extraire une série de tâches ou missions susceptibles de constituer un nouveau poste (de par leur regroupement) qui correspondrait à vos compétences et qui pourrait ainsi vous être proposé. En parallèle, une réflexion a été menée sur la possibilité de réduire le temps de travail des postes potentiellement concernés par cette réorganisation de taches. Malheureusement, compte tenu de la complexité actuelle de la gestion du temps de travail lié au fonctionnement concomitant des modèles 5x8 et 3x8 en production, les postes existants ne permettent pas d'envisager une réduction du temps de travail destinée à créer un poste dédié au reclassement. D'autre part, la piste d'une possible création « pure » de poste (augmentation de l'effectif en équivalent temps plein) n'a pu aboutir, la société n'étant pas en mesure de recruter immédiatement en application des restrictions budgétaires imposées par le groupe pour le nouvel exercice comptable. Par ailleurs, une nouvelle consultation des différents interlocuteurs RH dédiés dans chacune des entités du groupe Lapp a été engagée, mais le groupe Lapp ne dispose pas actuellement d'un poste vacant en adéquation avec votre profil et susceptible de vous convenir. Vous avez donc été convié à un nouvel entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le 9 novembre 2012. Comme nous avons été amenés à vous l'expliquer lors de notre entretien, malgré nos efforts pour aboutir à votre reclassement, nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser à ce jour tant en interne au niveau des Câbleries Lapp qu'au sein du groupe de façon élargie. Nous nous trouvons par conséquent dans l'obligation de vous licencier pour cause réelle et sérieuse (
) » ; qu'en application des articles L. 1153-3 et L. 1153-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire à l'interdiction du harcèlement moral étant nul, le licenciement prononcé pour inaptitude encourt la nullité, dès lors que l'inaptitude alléguée a son origine dans les agissements de harcèlement moral imputables à l'employeur ; qu'en l'espèce, il est indéniable que M. Y... a subi des faits de harcèlement moral, les 28 et 29 septembre 2009 de la part de M. B... et a été placé en arrêt maladie à compter du 17 septembre 2011, suite à une altération de son état psychique, telle qu'elle a été constatée par les différents certificats médicaux produits, en particulier celui établi le 3 octobre 2011 par le centre hospitalier de Sainte-Barbe où l'intéressé a été hospitalisé du 20 au 30 septembre 2011 ; que dans une lettre en date du 20 avril 2012, le Docteur F... confirme également que le salarié était pris en charge, du 3 au 27 janvier 2012, pour des troubles thymiques, en lien direct selon l'intéressé avec une dégradation de ses conditions de travail consécutive aux faits de harcèlement moral, dont il a fait l'objet ; que l'inaptitude à tout poste au sein de la société Câbleries Lapp, telle qu'elle résulte de l'avis émis le 7 mai 2012 par le médecin du travail, est la conséquence directe des faits de harcèlement moral subis par le salarié, dont les éléments médicaux versés aux débats attestent tous d'une altération de sa santé mentale en lien avec son travail ; que son licenciement pour inaptitude sera donc annulé, dans la mesure où celui-ci a pour origine des faits de harcèlement moral, dont la société Câbleries Lapp, tenue à une obligation de sécurité de résultat, est responsable ; que, sur les indemnités de rupture : aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur ; que, bénéficiant au jour de son licenciement d'une ancienneté continue de cinq ans, la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... une indemnité compensatrice de préavis égale à 3.489,68 € bruts, outre celle de 348,97 € bruts correspondant aux congés payés y afférents, calculés selon la règle du dixième ; que le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quelle que soit son ancienneté et l'effectif de l'entreprise ; qu'en l'espèce M. Y..., âgé de 25 ans au jour de son licenciement, ne verse aux débats aucun élément sur sa situation financière et professionnelle, postérieurement à celui-ci ; que la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour la nullité de son licenciement ; que, sur la délivrance des documents de fin de contrat : la société Câbleries Lapp sera condamnée à délivrer à M. Y..., dans un délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt, ses bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu'une attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés conformément aux prescriptions de la présente décision, sous astreinte de 5 € par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE un document du 20 avril 2012 du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines évoque, « un surmenage professionnel et prolongé », ainsi que des « problèmes d'enfance et d'adolescence et les deuils de sa vie passée » ; qu'en fin d'année 2011 et au premier trimestre de l'année 2012, de multiples avis d'arrêt de travail de M. Y... n'ont pas interpellé la défenderesse ; que cette dernière n'a pas sollicité le service de santé au travail dont les compétences pluridisciplinaires auraient permis d'identifier d'éventuels faits générateurs internes et, si avérés, mettre en oeuvre des actions préventives voir correctives ; qu'en manquant de vigilance à l'apparition des indices représentés par les conflits personnels répétés, la défenderesse a commis une négligence et ne peut donc pas apporter la preuve que la cause de la pathologie est totalement étrangère aux conditions de travail auxquelles le demandeur a été soumis ; que le compte rendu de l'enquête réalisée par le CHSCT n'apporte aucun éclairage, ni sur les faits, ni sur les causes ; qu'on note que « la direction conclut que les faits reprochés à un salarié de l'entreprise ne peuvent lui être imputés » ; que, suite à quoi, « le CHSCT ne peut retenir de quelconque allégation de harcèlement moral » ; que la sincérité, l'impartialité et indépendance du CHSCT ne transparaissait pas à la lecture de ce document très succinct ; que la négligence de la défenderesse ne permet pas d'écarter la demande de M. Y... ;

ALORS QUE ne manque pas à son obligation de sécurité, l'employeur qui, informé de la commission d'agissements susceptibles de relever de la qualification de harcèlement moral, a immédiatement pris les mesures utiles pour faire cesser l'atteinte aux droits du salarié-victime ; qu'en jugeant la société Câbleries Lapp responsable des agissements de harcèlement moral constatés, quand elle relevait qu'à raison du comportement adopté par M. B... à l'égard de M. Y... les 28 et 29 septembre 2009, l'employeur avait immédiatement pris la mesure de la situation en sanctionnant celui-là, puis l'avait mis à pied à titre conservatoire et licencié pour faute grave en suite de l'agression physique dont il s'était rendu coupable à l'endroit du salarié, le même jour, sur le parking de l'entreprise, ce dont il résultait que la société Câbleries Lapp, qui avait immédiatement pris les mesures utiles pour faire cesser l'atteinte aux droits du salarié-victime, n'avait pas méconnu son obligation de sécurité à l'égard de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Câbleries Lapp à payer au salarié les sommes de 3.489,68 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 348,97 € de congés payés y afférents, et 15.000 € de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, et ordonné à l'employeur de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés, et ce, sous astreinte de 5 € par jour de retard et par document au-delà du délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision ;

AUX MOTIFS QUE, sur le harcèlement moral : au soutien de sa demande, M. Y... reproche à son employeur de lui avoir confié, de manière habituelle, une tâche dépassant ses capacités professionnelles, en ayant pris la décision de l'affecter aux commandes d'une machine « EEI4 », alors qu'il n'avait été formé que sur une machine « EEI1 » ; que le salarié affirme également qu'il a été victime des agissements personnels de M. C..., son chef de poste, lequel lui donnait à faire « les travaux les plus ingrats » et lui reprochait durant le travail, de manière injustifiée, son manque de productivité et de performance par rapport à ses autres collègues de travail ; qu'enfin M. Y... allègue qu'il était victime de violences physique et psychologique, commises par M. B..., l'un de ses collègues de travail, les 28 et 29 septembre 2009, faits pour lesquelles il remarque que ce salarié a été licencié le 6 novembre 2009 pour faute grave par l'employeur ; que M. Y... n'établit pas préliminairement le fait que son employeur l'aurait affecté, en sa qualité d'agent de production, sur une machine « EEI4 », alors qu'il n'aurait bénéficié d'aucune formation préalable ; que si la société Câbleries Lapp ne conteste pas l'affectation de M. Y... au poste de conducteur d'une machine de type « EEI4 », il est néanmoins démontré par la production d'une feuille d'émargement signée par le salarié qu'il a suivi à ce sujet, du 16 au 17 mai 2011, puis du 8 au 10 juin 2011 inclus, une formation spécifique ; que M. Y... verse également aux débats l'attestation de M. D..., technicien référant au sein de la société Câbleries Lapp, dans laquelle celui-ci affirme que M. C..., chef de poste, lui donnait à faire « les travaux les plus ingrats » et s'en prenait à lui « en lui reprochant un manque de production » ; que le témoin ajoute : « lorsque M. C... faisait son tour en début de poste, il passait d'abord par ma machine et me disait qu'il allait soigner M. Y..., il ne disait cela sur le ton de l'ironie » et précise enfin que la veille du jour où M. Y... a été en arrêt maladie, son chef de poste « lui avait ordonné d'aller sur une machine qu'il ne connaissait pas », et ce, malgré les protestations du salarié faisant état de son manque de formation ; que compte tenu de son imprécision, l'unique témoignage de M. D..., ne permet pas d'établir que M. Y... se voyait confier par son chef de poste les tâches les plus ingrates, étant observé que le témoin n'indique pas quelles étaient justement les tâches litigieuses ainsi dévolues au salarié ; qu'estimant sur la base du témoignage de son collègue de travail être victime de harcèlement moral, de la part de son chef de poste, M. Y... ne précise pas non plus, quelles étaient exactement les tâches qualifiées des plus ingrates, auxquels il aurait été astreint systématiquement durant son travail ; qu'il n'est pas établi également, à la seule lecture de l'attestation de M. D..., que M. C... aurait reproché à M. Y... un manque de productivité, dans la mesure où aucun autre élément ne permet de corroborer cette allégation ; qu'à cet égard, M. Y... ne justifie pas qu'il aurait fait l'objet d'un rappel à l'ordre, ou même de critiques de la part de son chef de poste, au sujet d'une insuffisance professionnelle ou de résultats, laquelle ne lui a jamais été reprochée société Câbleries Lapp ; qu'il n'est pas établi, à la lecture des déclarations de M. D..., que M. C... aurait brimé M. Y... durant son travail, ou encore aurait abusé de ses fonctions pour exercer sur lui une surveillance injustifiée ; que si ce témoin relate que M. C... lui aurait dit un jour qu'« il allait soigner M. Y... », sur le ton de l'ironie, il n'évoque cependant dans son attestation aucun fait précis susceptible de caractériser l'exercice de pressions, intimidations ou de menaces sur le salarié par son chef de poste ; qu'enfin il sera observé que le fait allégué, suivant lequel il aurait été ordonné au salarié par son chef de poste de travailler sur une machine, alors qu'il n'aurait bénéficié au préalable d'aucune formation spécifique, selon les dires du témoin, n'est pas établi puisqu'il est justifié par l'employeur qu'il a participé à une formation spécifique de cinq demi-journées ; que M. Y... soutient enfin qu'il était victime de faits de harcèlement moral de la part de M. B..., l'un de ses collègues de travail, qu'il a dénoncé par écrit le 12 octobre 2009 à la société Câbleries Lapp et pour lequel ce salarié a été mis à pied, puis licencié pour faute grave le 6 novembre 2009 ; que conformément à la lettre de licenciement pour faute grave qui a été rédigée par l'employeur, il est effectivement démontré que M. B... a d'abord, le 28 septembre 2009, interféré dans le travail de M. Y..., en lui coupant sans aucune raison le fil de cuivre sur la machine qu'il utilisait, puis en l'enfermant dans l'enrouleur « par amusement » ; que M. B... a ensuite été sanctionné par son employeur, pour avoir le 29 septembre 2009, adopté un comportement menaçant à l'égard de M. Y..., lorsque celui-ci a voulu reprendre les commandes de la machine, sur laquelle il était affecté par son chef de poste, puis plus tard dans les vestiaires, alors qu'il prenait sa douche ; qu'enfin M. B... a commis le 29 septembre 2009 sur le parking de l'entreprise des violences physiques sur M. Y..., alors que ce dernier quittait son travail, ayant entraîné un arrêt de travail de 8 jours consécutivement à cette agression ; que les agissements répétés de M. B... qui ont été subis par M. Y..., les 28 et 29 septembre 2009, dont l'employeur ne conteste pas l'existence puisqu'il a licencié le salarié fautif pour ces faits, laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la société Câbleries Lapp ne soutient pas en défense que les violences et les intimidations ainsi reprochées à M. B... seraient étrangères à tout harcèlement moral, mais relève simplement qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires en vue de mettre fin à celui-ci ; que la société Câbleries Lapp rappelle à cet effet qu'elle a notifié au salarié harceleur une mise à pied conservatoire, dès qu'elle a eu connaissance des faits par M. Y... puis a procédé à son licenciement pour faute grave, le 6 novembre 2009 ; que l'employeur est cependant tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, en matière de harcèlement moral, et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité ; que la société Câbleries Lapp, en sa qualité d'employeur, sera par conséquent déclarée responsable des agissements répétés de M. B..., l'un de ses subordonnés, qui pris dans leur ensemble constitue indubitablement un harcèlement moral, ce qu'elle ne discute pas par ailleurs ; que M. Y... verse aux débats un certificat médical en date du 3 octobre 2011 duquel il ressort qu'il présente « un syndrome anxiodépressif, depuis environ un an, avec asthénie physique et psychique, anxiété, nervosité, bouffées d'angoisse, troubles du sommeil. Ceci évolue dans le contexte de soucis professionnels » ; que ces constatations médicales sont également confirmées par un second certificat médical délivré le 23 mars 2012 par son médecin traitant, attestant du fait que le salariée présente « un état anxiodépressif net, avec impossibilité de se projeter dans l'avenir professionnel proche » ; qu'au vu de ces éléments qui attestent de manière certaine une altération de la santé physique ou mentale du salarié, la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi ; que, sur le licenciement : la lettre de licenciement en date du 22 novembre 2012 est ainsi rédigée : « vous travaillez pour notre entreprise en tant qu'agent de production depuis le 2 avril 2007. À la suite de vos arrêts de travail successifs du 17 septembre 2011 au 22 avril 2012, vous avez été déclaré inapte à tous postes au sein de notre entreprise par le Docteur Claudine E..., médecin du travail. Plus précisément, le premier certificat d'inaptitude établi le 23 avril 2012 par le médecin du travail dans le cadre de votre visite médicale de reprise précisait : « inapte à la reprise comme agent de production à l'extrusion-conducteur. Inapte à la reprise de tout poste aux Câbleries Lapp. L'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou postes existants dans l'entreprise que le salarié pourrait exercer ». Le second avis médical, établi le 7 mai 2012 après étude de poste, des conditions de travail et à la suite de divers échanges avec le médecin du travail sur les possibilités d'un reclassement éventuel, appuyait le premier avis en ces termes : « confirmation de l'avis du 23 avril 2012 - inapte comme agent de production à l'extrusion-conducteur et à tout poste aux Câbleries Lapp. L'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou postes existants dans l'entreprise - inapte à tous postes proposés à ce jour par l'employeur » ; que l'employeur indique également : « dans l'impossibilité de vous proposer un quelconque poste existant au sein de notre entreprise, ce compte rendu des restrictions médicales strictes communiqué par le médecin du travail (« inapte à tous postes aux Câbleries Lapp »), nous avons entrepris deux types d'actions. En premier lieu, nous avons élargi nos recherches au sein du groupe Lapp avec l'accord préalable du médecin du travail qui confirmait que « un reclassement dans une entreprise de votre groupe autre que les Câbleries peut être proposé de façon large à M. Y... ». Nous avons ainsi pris contact avec les différents DRH/RRH du groupe et leur avons transmis votre curriculum vitae en version anglaise reprenant votre expérience au sein de notre entité mais également votre mission de trois mois chez LappMuller. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a été en mesure de proposer un poste vacant répondant vos compétences. Nous avons également consulté les membres du comité directeur des Câbleries Lapp afin d'ouvrir une réflexion plus large sur votre poste de reclassement. Nous avons ainsi analysé les postes actuels à pourvoir ainsi que ceux qui allaient l'être à moyen terme (prochain exercice comptable), en excluant d'office les postes déjà existants (selon les recommandations du médecin du travail) et en nous concentrant sur ceux en création. Trois postes ont ainsi pu être identifiés : responsable ordonnancement/lancement, responsable développement process et responsable industrialisation. Malheureusement il s'agissait de trois postes au statut de « cadre » requérant des connaissances techniques approfondies et sanctionnés par un diplôme d'Etat supérieur nécessitant, de plus, une expérience confirmée en management. Sans reclassement possible au sein de notre entité ni au sein du groupe, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement pour inaptitude physique constatée par le médecin du travail. Vous avez ainsi été convié à un premier entretien préalable qui s'est tenu le 12 juin 2012. Lors de cet entretien, à notre grand étonnement, vous avez déclaré avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, et ce, préalablement à vos arrêts de travail à l'issue desquels vous avez été déclaré inapte à tous postes au sein de notre entreprise. Nous avons aussitôt engagé une enquête interne, quand bien même vous refusiez d'y prêter votre concours, et avons suspendu provisoirement la procédure de licenciement en cours dans un souci de dégager d'éventuelles solutions de reclassement à l'issue de nos investigations. Des personnes ont ainsi été questionnées et des explications recueillies. Le CHSCT a été tenu informé des investigations et de leur résultat : les accusations de harcèlement que vous avez portées n'ont pas pu être confirmées par la démonstration ou seulement la constatation de faits susceptibles de revêtir cette qualification. Comme nous nous y étions engagés, à l'issue de notre enquête, une nouvelle recherche de reclassement a été reprise tant en interne qu'au sein du groupe Lapp. En interne, le service RH s'est attelé à décortiquer les différents descriptifs de postes existants tout juste réactualisés, afin d'en extraire une série de tâches ou missions susceptibles de constituer un nouveau poste (de par leur regroupement) qui correspondrait à vos compétences et qui pourrait ainsi vous être proposé. En parallèle, une réflexion a été menée sur la possibilité de réduire le temps de travail des postes potentiellement concernés par cette réorganisation de taches. Malheureusement, compte tenu de la complexité actuelle de la gestion du temps de travail lié au fonctionnement concomitant des modèles 5x8 et 3x8 en production, les postes existants ne permettent pas d'envisager une réduction du temps de travail destinée à créer un poste dédié au reclassement. D'autre part, la piste d'une possible création « pure » de poste (augmentation de l'effectif en équivalent temps plein) n'a pu aboutir, la société n'étant pas en mesure de recruter immédiatement en application des restrictions budgétaires imposées par le groupe pour le nouvel exercice comptable. Par ailleurs, une nouvelle consultation des différents interlocuteurs RH dédiés dans chacune des entités du groupe Lapp a été engagée, mais le groupe Lapp ne dispose pas actuellement d'un poste vacant en adéquation avec votre profil et susceptible de vous convenir. Vous avez donc été convié à un nouvel entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le 9 novembre 2012. Comme nous avons été amenés à vous l'expliquer lors de notre entretien, malgré nos efforts pour aboutir à votre reclassement, nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser à ce jour tant en interne au niveau des Câbleries Lapp qu'au sein du groupe de façon élargie. Nous nous trouvons par conséquent dans l'obligation de vous licencier pour cause réelle et sérieuse (
) » ; qu'en application des articles L. 1153-3 et L. 1153-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire à l'interdiction du harcèlement moral étant nul, le licenciement prononcé pour inaptitude encourt la nullité, dès lors que l'inaptitude alléguée a son origine dans les agissements de harcèlement moral imputables à l'employeur ; qu'en l'espèce, il est indéniable que M. Y... a subi des faits de harcèlement moral, les 28 et 29 septembre 2009 de la part de M. B... et a été placé en arrêt maladie à compter du 17 septembre 2011, suite à une altération de son état psychique, telle qu'elle a été constatée par les différents certificats médicaux produits, en particulier celui établi le 3 octobre 2011 par le centre hospitalier de Sainte-Barbe où l'intéressé a été hospitalisé du 20 au 30 septembre 2011 ; que dans une lettre en date du 20 avril 2012, le Docteur F... confirme également que le salarié était pris en charge, du 3 au 27 janvier 2012, pour des troubles thymiques, en lien direct selon l'intéressé avec une dégradation de ses conditions de travail consécutive aux faits de harcèlement moral, dont il a fait l'objet ; que l'inaptitude à tout poste au sein de la société Câbleries Lapp, telle qu'elle résulte de l'avis émis le 7 mai 2012 par le médecin du travail, est la conséquence directe des faits de harcèlement moral subis par le salarié, dont les éléments médicaux versés aux débats attestent tous d'une altération de sa santé mentale en lien avec son travail ; que son licenciement pour inaptitude sera donc annulé, dans la mesure où celui-ci a pour origine des faits de harcèlement moral, dont la société Câbleries Lapp, tenue à une obligation de sécurité de résultat, est responsable ; que, sur les indemnités de rupture : aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur ; que, bénéficiant au jour de son licenciement d'une ancienneté continue de cinq ans, la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... une indemnité compensatrice de préavis égale à 3.489,68 € bruts, outre celle de 348,97 € bruts correspondant aux congés payés y afférents, calculés selon la règle du dixième ; que le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quelle que soit son ancienneté et l'effectif de l'entreprise ; qu'en l'espèce M. Y..., âgé de 25 ans au jour de son licenciement, ne verse aux débats aucun élément sur sa situation financière et professionnelle, postérieurement à celui-ci ; que la société Câbleries Lapp sera condamnée à payer à M. Y... la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour la nullité de son licenciement ; que, sur la délivrance des documents de fin de contrat : la société Câbleries Lapp sera condamnée à délivrer à M. Y..., dans un délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt, ses bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu'une attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés conformément aux prescriptions de la présente décision, sous astreinte de 5 € par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;

1°) ALORS QUE le juge est tenu, en toute circonstance, de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; que M. Y... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, que la dégradation de son état de santé trouvait son origine dans les faits de harcèlement moral commis à son endroit par M. C..., son supérieur hiérarchique (cf. p. 16 et 17) ; que la cour d'appel a retenu, pour dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour inaptitude physique prononcé le 22 novembre 2012, que « M. Y... a subi des faits de harcèlement moral, les 28 et 29 septembre 2009 de la part de M. B... et a été placé en arrêt maladie à compter du 17 septembre 2011, suite à une altération de son état psychique, telle qu'elle a été constatée par les différents certificats médicaux produits, en particulier celui établi le 3 octobre 2011 par le centre hospitalier de Sainte-Barbe où l'intéressé a été hospitalisé du 20 au 30 septembre 2011 » ; qu'en relevant d'office l'existence de ce lien de causalité entre le harcèlement moral exercé par M. B... en 2009 et la dégradation de son état de santé, constatée au cours des années 2011 et 2012, à l'origine de la déclaration d'inaptitude, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ET ALORS QUE, lorsqu'une situation de harcèlement moral se trouve à l'origine de l'inaptitude physique, le salarié peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi consécutive à son licenciement pour inaptitude ; qu'il appartient aux juges du fond de caractériser le lien de causalité entre les agissements de harcèlement moral et la dégradation de l'état de santé du salarié à l'origine de la déclaration d'inaptitude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le certificat médical du 3 octobre 2011 produit par M. Y... énonçait qu'il présente « un syndrome anxiodépressif depuis environ un an » ; qu'en statuant comme elle a fait, par des motifs impropres à établir l'existence d'un lien de causalité entre les faits de harcèlement moral subis par le salarié les 28 et 29 septembre 2009 et la dégradation de son état de santé, constatée au cours des années 2011 et 2012, ayant débuté à l'automne 2010, soit plus d'un an après son agression par M. B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17758
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 08 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-17758


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17758
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