LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z..., engagée le 3 septembre 1991 par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (le Royaume-Uni) en qualité d'assistante commerciale au sein du consulat général situé à Lille, a été licenciée, par lettre du 23 mai 2011, à la suite de la décision de fermeture définitive de ce consulat ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en ses première à cinquième branches :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que, pour condamner le Royaume-Uni à payer à Mme Z... la somme de 25 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à celle-ci dans la limite de six mois d'indemnité, l'arrêt retient que, en application de l'article L. 1233-1 du code du travail, les règles régissant le licenciement pour motif économique ne sont pas applicables aux licenciements des personnels des services administratifs et techniques des ambassades et services diplomatiques de cet État, qu'en effet ces dispositions ne visent que les entreprises et établissements privés de toute nature ainsi que les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux, que, toutefois, il apparaît que le Royaume-Uni a entendu se soumettre volontairement aux dispositions du code du travail, que la démonstration d'une telle volonté résulte du respect des règles applicables à l'occasion du licenciement économique de celle-ci, ainsi que des termes mêmes de la lettre de licenciement, que, non seulement il était fait référence au droit de Mme Z... de bénéficier d'une priorité de réembauchage, mais il lui était aussi indiqué que celle-ci disposait de la possibilité de contester la régularité de son licenciement, qu'enfin, si le Royaume-Uni s'oppose désormais à l'applicabilité des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, il ne revendique pas pour autant l'application à l'espèce des dispositions de son droit interne, qu'il n'est pas produit la moindre pièce par le Royaume-Uni de nature à démontrer que cet État ait procédé à une quelconque recherche de reclassement, celui-ci se bornant à affirmer dans ses écritures qu'il n'était pas astreint au respect d'une telle procédure, alors que, par ailleurs, il assurait dans la lettre de licenciement qu'il n'avait pu trouver de solution de reclassement, ce qui signifiait a contrario qu'il s'était bien livré à des recherches mais sans résultat positif, qu'il s'ensuit que le licenciement de Mme Z... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, par l'expression d'une volonté claire et non équivoque, le Royaume-Uni s'était engagé à soumettre le licenciement de la salariée aux conséquences du régime français du licenciement pour motif économique alors que ces règles ne sont pas applicables au licenciement du personnel des services consulaires de l'Etat employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que pour condamner le Royaume-Uni à payer à Mme Z... la somme de 7 117 euros à titre d'indemnité en compensation de l'absence de conclusion d'une convention de reclassement personnalisé, l'arrêt retient qu'il résulte d'un courrier électronique, en date du 10 novembre 2011, de l'ambassade de cet État que, pour compenser l'impossibilité de bénéficier d'une telle convention, les services de cette ambassade ont obtenu l'accord, avec effet immédiat, du Trésor britannique quant à l'octroi d'une indemnité égale à 3,5 mois de rémunération brute aux salariés en poste en France, justifiant d'une certaine ancienneté, licenciés en raison d'une restructuration, que compte tenu de l'absence d'indication de la date à laquelle l'accord mentionné avait été conclu avec les services du Trésor britannique, le Royaume-Uni ne peut prétendre que, en l'appliquant à Mme Z... dont le licenciement fondé sur une restructuration remontait au 23 mai 2011, un effet rétroactif non prévu par ledit accord était attribué à ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que l'engagement unilatéral de verser une telle indemnité, qui avait un effet immédiat, résultait des termes du courrier électronique en date du 10 novembre 2011 et, d'autre part, que le contrat de travail de la salariée avait été rompu antérieurement à cet engagement, le 23 mai 2011, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord au paiement à Mme Z... des sommes de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 7 117 euros à titre d'indemnité en compensation de l'absence de conclusion d'une convention de reclassement personnalisé, de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ainsi qu'au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme Z... dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 31 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme Z... épouse Y... B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du nord à verser à Mme Y... B... les sommes de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 7 117 euros à titre d'indemnité en compensation de l'absence de conclusion d'une convention de reclassement personnalisé, de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens et d'avoir à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme Y... B... dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QU' il résulte du chapitre 12 § 22 des «HR Guidance» appliquées par le Royaume Uni, sur les dispositions légales en matière de droit du travail, que cet Etat a donné comme instructions impératives à l'ensemble de ses postes diplomatiques en Europe, et donc en France également, qu'il n'entendait pas faire valoir, à l'occasion d'un contentieux en matière de contrat de travail, les règles relatives à l'immunité de juridiction ; que l'appelant se borne à invoquer l'inapplicabilité des dispositions des articles L.1233-1 et suivants du code du travail, spécifiant dans ses écritures qu'il ne se prévalait d'aucune immunité de juridiction d'aucune sorte ;
Qu'en application de l'article L.1233-1 du code du travail, les règles régissant le licenciement pour motif économique ne sont pas applicables aux licenciements des personnels des services administratifs et techniques des ambassades et services diplomatiques de cet Etat ; qu'en effet ces dispositions ne visent que les entreprises et établissements privés de toute nature ainsi que les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux ;
Que toutefois, il apparait que l'appelant a entendu néanmoins se soumettre volontairement aux dispositions du code du travail ; que la démonstration d'une telle volonté résulte non seulement du respect des règles applicables à l'occasion du licenciement économique de ce dernier mais aussi des termes mêmes de la lettre de licenciement ; que non seulement il est fait référence au droit de l'intimée de bénéficier d'une priorité de réembauchage mais aussi il lui est indiqué qu'elle disposait de la possibilité de contester la régularité de son licenciement ; qu'enfin si l'appelant s'oppose désormais à l'applicabilité des articles L.1233-3 et L.1233-4 du code du travail, il ne revendique pour autant l'application à l'espèce des dispositions de son droit interne ;
Qu'en application de l'article L.1233-4 du code du travail, selon le certificat de travail produit, l'intimée occupait l'emploi d'assistante commerciale à la date de son licenciement ; qu'il n'est pas produit la moindre pièce par l'appelant de nature à démontrer qu'il ait procédé à une quelconque recherche de reclassement, celui-ci se bornant à affirmer dans ses écritures qu'il n'était pas astreint au respect d'une telle procédure, alors que par ailleurs il assurait dans la lettre de licenciement qu'il n'avait pu trouver de solution de reclassement, ce qui signifiait a contrario qu'il s'était bien livré à des recherches mais sans résultat positif ; que l'appelant ne communique qu'une offre de formation ; qu'il s'ensuit que le licenciement de l'intimée est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
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Que sur la compensation du fait de l'absence de conclusion d'une convention de reclassement personnalisé, qu'il résulte d'un courriel en date du 10 novembre 2011 de l'ambassade de Grande Bretagne que pour compenser l'impossibilité de bénéficier d'une telle convention, ses services ont obtenu du ministère du trésor britannique l'insertion d'un article dans les dispositions en vigueur selon lequel les salariés licenciés pour un motif fondé sur une restructuration percevraient une indemnité dès lors qu'ils jouissaient d'une année d'ancienneté, cette indemnité correspondant pour les salariés en poste en France à 3,5 mois de rémunération brute ; qu'il était ajouté que cet accord prenait effet immédiatement ; que compte tenu de l'absence d'indication de la date à laquelle l'accord mentionné avait été conclu avec les services du Trésor, l'appelant ne peut prétendre qu'en l'appliquant à l'intimée dont le licenciement fondé sur une restructuration remontait au 23 mai 2011, un effet rétroactif non prévu par ledit accord était attribué à ce dernier ; que l'intimée ne sollicitant que la somme de 7 117 euros, il convient de lui allouer ladite somme ;
Qu'en application de l'article L.1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail qu'il convient de confirmer l'obligation à la charge de l'appelant de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à l'intimée dans la limite de six mois d'indemnités ;
Qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
1) ALORS QUE les dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique ne sont applicables qu'aux entreprises et établissements privés de toute nature, et, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux ; que ces dispositions ne sont pas applicables par les ambassades ou consulats, démembrement d'un Etat étranger souverain, et aux personnels qui leurs sont attachés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 et suivants du code du travail ;
2) ALORS QUE le Royaume-Uni avait fait valoir dans ses conclusions que les relations de travail au sein du consulat de Lille étaient régies par le seul accord interne appelé « locally engaged staff services » ou « conditions d'emploi du personnel contractuel » (conclusions, p. 17) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen tout en énonçant que le Royaume-Uni ne revendiquait pas l'application à l'espèce des dispositions de son droit interne, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE subsidiairement, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque cette volonté de renoncer ; que par principe les dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique ne sont pas applicables au personnel des ambassades ; que la circonstance qu'une l'ambassade ait suivi une procédure similaire à celle appliquée dans les entreprises françaises ne permet pas d'en déduire qu'elle a entendu soumettre le licenciement aux dispositions du code du travail en matière de licenciement pour motif économique et qu'elle aurait renoncé à se prévaloir du principe selon lequel les dispositions du code du travail ne sont pas applicables aux personnels des ambassades et consulats ; que l'Ambassade avait fait valoir que l'application volontaire et partielle d'une procédure de licenciement similaire à celle prévue dans le code du travail n'impliquait pas reconnaissance par un Etat étranger d'avoir à se soumettre à l'ensemble des dispositions législatives ou règlementaires applicables au domaine concerné ; qu'en énonçant que l'Ambassade avait voulu se soumettre volontairement aux dispositions du code du travail, sans s'expliquer sur l'absence de renonciation, au bénéfice de l'exclusion de dispositions du code du travail en matière de licenciement pour motif économique, et, le cas échéant, sur la volonté d'application seulement partielle d'une procédure de licenciement présentant des analogies avec celle prévue par le code du travail en matière de licenciement pour motif économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1121-1, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 et suivants du code du travail, ensemble les articles 1101 et 1134 ancien du code civil (devenu l'article 1103 de ce code) ;
4) ALORS QUE, subsidiairement, à l'égard du personnel d'une ambassade, qui ne peut être assimilée à une entreprise privée ou publique au sens de l'article L.1233-1 du code du travail, la compétence des juges prud'homaux se limite à la vérification de la réalité du motif de licenciement, sans qu'aucun contrôle puisse être exercé sur la procédure de licenciement ; qu'en déduisant l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de l'absence de production de la moindre pièce de nature à démontrer que l'ambassade avait procédé à une recherche de reclassement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 et suivants du code du travail, ensemble les articles 1101 et 1234 du code civil, dans leur numérotation applicable à la date du litige (devenus les articles 1101 et suivants et 1342 et suivants du code civil) ;
5) ALORS QUE, plus subsidiairement, l'obligation de reclassement à laquelle une ambassade ou un consulat, souscrit volontairement n'est pas celle qui résulte de l'application des dispositions relatives au licenciement économique auxquelles elle n'est pas soumise, et ne peut donc être sanctionnée comme l'est la méconnaissance des dispositions du code du travail ; qu'en disant cependant que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, pour cela que l'ambassade avait respecté les règles applicables au licenciement économique, la cour d'appel a violé les articles L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 et suivants du code du travail, ensemble les articles 1101 et 1234 du code civil, dans leur numérotation applicable à la date du litige (devenus les articles 1101 et suivants et 1342 et suivants du code civil) ;
6) ALORS QUE subsidiairement, l'application d'un engagement unilatéral ou d'un accord, à une relation de travail en cours, ne peut bénéficier à un salarié, sauf mention expresse en ce sens, à une date antérieure à celle l'informant de sa mise en oeuvre ; que la cour d'appel a énoncé qu'il résultait d'un courriel en date du 10 novembre 2011 de l'ambassade de Grande Bretagne, que pour compenser l'impossibilité de bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé, ses services avaient obtenu du ministère du trésor britannique l'insertion d'un article dans les dispositions en vigueur selon lequel les salariés licenciés pour un motif fondé sur une restructuration percevraient une indemnité dès lors qu'ils jouissaient d'une année d'ancienneté, cette indemnité correspondant pour les salariés en poste en France à 3,5 mois de rémunération brute ; qu'en déduisant de la mention selon laquelle l'accord prenait effet immédiatement, qu'il était applicable au licenciement fondé sur une restructuration qui remontait au 23 mai 2011, compte-tenu de l'absence d'indication de la date à laquelle l'accord mentionné avait été conclu avec les services du Trésor, la cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil devenu l'article 1103 de ce code.