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21/11/2018 | FRANCE | N°16-26741

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 16-26741


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... épouse Z... a été engagée en qualité de directeur général salarié le 1er décembre 2003, avec reprise de l'ancienneté acquise depuis le 1er octobre 1990, par la société Serenity Invest, société holding du groupe Giraudet ; que le 19 septembre 2012, la société Serenity Invest a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement ; qu'elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 4 octobre 2012 ; qu'elle a saisi la formation

de référé de la juridiction prud'homale de diverses demandes le 30 avril 2013 pu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... épouse Z... a été engagée en qualité de directeur général salarié le 1er décembre 2003, avec reprise de l'ancienneté acquise depuis le 1er octobre 1990, par la société Serenity Invest, société holding du groupe Giraudet ; que le 19 septembre 2012, la société Serenity Invest a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement ; qu'elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 4 octobre 2012 ; qu'elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale de diverses demandes le 30 avril 2013 puis au fond le 5 juin 2013 ;

Sur les deuxième à cinquième branches du premier moyen, la première branche du deuxième moyen et les quatrième et cinquième branches du troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de la salariée, d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions de directeur général salarié de la société Serenity Invest, de condamner celle-ci à payer à la salariée ses salaires depuis le 8 janvier 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 10 000 euros outre la prime contractuelle annuelle de 30 000 euros sur la période concernée, alors, selon le moyen qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement se bornait à mentionner, pour les démentir, les accusations de harcèlement moral faites par Mme Z..., sans en faire un grief de licenciement ; qu'en affirmant qu'au vu de cette lettre, la dénonciation d'agissements de harcèlement moral imputés à l'employeur constituait l'un des motifs de licenciement retenu à l'encontre de Mme Z..., la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, rendue nécessaire par les termes ambigus de la lettre de licenciement, que la cour d'appel a constaté, d'une part, que la dénonciation d'agissements de harcèlement imputés à l'employeur constituait l'un des motifs du licenciement et, d'autre part, que la salariée ne saurait être considérée de mauvaise foi, ce dont elle a exactement déduit que ce grief emportait à lui seul la nullité du licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de primes contractuelles, de prime contractuelle annuelle sur la période allant du 8 janvier 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration, de rejeter la demande de l'employeur tendant à voir condamner la salariée à lui rembourser diverses sommes au titre de primes contractuelles indues dont la société Serenity Invest s'était acquittée à titre de provision suite à l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 27 février 2014, alors, selon le moyen que l'acceptation d'une modification du contrat de travail peut s'établir par tous moyens ; que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en l'espèce, pour établir l'accord donné par Mme Y... épouse Z... à la substitution des primes contractuelles initialement prévues par la rémunération du mandat de directrice générale instituée lors de l'assemblée générale ordinaire du 23 juin 2008, l'employeur faisait valoir que Mme Y... épouse Z..., directrice générale, actionnaire à 23 % de la société qui l'employait et épouse de son président, disposant des pleins pouvoirs opérationnels et d'engagement et ayant notamment la charge de superviser les paies et en particulier les bulletins de paie, avait marqué son acceptation en validant ses propres bulletins de paie et en n'opérant aucune réclamation entre 2008 et son licenciement ; qu'en se bornant à affirmer que les délibérations des 23 juin 2008 et du 31 mai 2011 ne remettaient pas expressément en cause le principe du versement des primes bi-annuelles, sans s'expliquer sur les autres éléments invoqués par l'employeur, quand elle relevait par ailleurs qu'en sa qualité de directrice générale de la société, Mme Z... bénéficiait d'une délégation générale pour veiller à l'application de la législation notamment sociale et qu'une « erreur » la concernant commise durant plusieurs années ne pouvait pas lui échapper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel qui a retenu, par motifs propres, qu'aucune disposition de la délibération de l'assemblée générale du 31 mai 2011 ne remettait expressément en cause le principe du versement des primes bi-annuelles, et par motifs adoptés, que l'employeur ne produisait aucun document contractuel attestant de l'accord de la salariée pour la suppression de ces primes, a, par ces seuls motifs et sans encourir le grief du moyen, justifié légalement sa décision ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche :

Vu les articles 2227 du code civil et L. 3245-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande de l'employeur en répétition des congés excédant les seuils légaux et conventionnels dont a bénéficié la salariée au titre des années 2009 à hauteur de soixante-douze jours, 2010 à hauteur de cent deux jours et 2011 à hauteur de neuf jours, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, cette demande est soumise à la prescription de trois ans, qu'ayant été formulée par conclusions du 13 octobre 2014 devant les premiers juges, la demande est prescrite au titre des années 2009 et 2010, que s'agissant de l'année 2011 la prescription est acquise jusqu'au 13 octobre 2011, qu'à défaut de précision par l'employeur, la part non prescrite au titre de 2011 ne peut être déterminée, qu'il y a lieu en conséquence de le débouter de sa demande à ce titre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée le 5 juin 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et troisième branches du troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle rejette comme prescrite et non déterminée la demande de la société Serenity Invest tendant à voir condamner Mme Z... à lui rembourser diverses sommes au titre d'un trop-perçu de congés payés et d'ancienneté, l'arrêt rendu le 29 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Serenity Invest.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme Y... épouse Z..., ordonné sa réintégration dans ses fonctions de directeur général salarié de la société Serenity Invest, et condamné la société Serenity Invest à payer à Mme Y... épouse Z... ses salaires depuis le 8 janvier 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 10 000 € outre la prime contractuelle annuelle de 30 000 € sur la période concernée,

AUX MOTIFS QUE La lettre de licenciement du 04 octobre 2012 énonce notamment les griefs suivants : « (...) Vos agissements immodérés sont confirmés par les accusations mensongères que contiennent les courriers que vous avez récemment adressés aux sociétés Serenity Invest et Giraudet. Il n'a jamais été question de vous retirer vos outils de travail ni de « vous humilier ou de vous harceler » de quelque manière que ce soit. Comment pouvez-vous tenir de tels propos' ? Nous préférons penser qu'il s'agit uniquement d'une stratégie juridique destinée à inverser les responsabilités et faire endosser à la société, par tout moyen, les conséquences de vos propres agissements. Sans revenir sur les termes extravagants de ces courriers, nous vous rappelons simplement que suite à la disparition concomitante de deux ordinateurs portables début septembre, dont le vôtre, nous avons entrepris les démarches nécessaires afin de restaurer rapidement le fonctionnement de vos outils professionnels. Il ne nous semble pas que vous soyez depuis privée de votre ordinateur portable, de votre véhicule de fonction, carte carburant, etc. De même, vous confondez volontairement la nécessité de faire valider, au préalable, certaines informations par la présidence, avec une soi-disant interdiction de communiquer avec l'ensemble des salariés. (...) » ; qu'au vu de cette lettre qui fixe le cadre du litige, la dénonciation d'agissements de harcèlement imputés à l'employeur constitue l'un des motifs de licenciement retenu à l'encontre de Mme Z... ; qu'or, selon l'article L 1152-2 du Code du Travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'il en résulte que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf en cas de mauvaise foi étant précisé que la bonne foi se présume ; que cette mauvaise foi ne saurait résulter du seul fait que le salarié n'est pas dans la capacité de prouver le harcèlement moral invoqué et ne peut résulter que de la seule connaissance du salarié que les agissements qu'il dénonçait n'étaient pas établis ; qu'il a été retenu ci-dessus que Mme Z... ne rapportait pas la preuve de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que cependant, eu égard à l'imbrication de ses fonctions liées aux mandats sociaux qu'elle détenait et liées à sa position de salariée, Mme Z... qui a ressenti les mesures prises du fait de la révocation de ses mandats comme harcelantes, ne saurait être considérée de mauvaise foi ; que le fait que le licenciement soit fondé même partiellement sur la dénonciation de faits de harcèlement moral, prive à lui seul le licenciement de cause sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'il convient en conséquence de déclarer le licenciement de Mme Z... nul en application de l'article L 1152-3 du code du travail ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que l'annulation du licenciement implique qu'il n'a jamais été prononcé de sorte que le contrat de travail s'est poursuivi ; que si le salarié le demande, il doit être réintégré dans l'entreprise et a droit à une indemnisation correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu'il convient en conséquence d'ordonner la réintégration de la salariée sans qu'il soit justifié de prévoir une astreinte dès lors que Mme Z... n'a elle-même formulé cette demande que tardivement en cause d'appel et de condamner la société Serenity Invest à lui payer les salaires perdus depuis le 08 janvier 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 10 000,00 euro ;

1. ALORS QU'il est interdit aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement se bornait à mentionner, pour les démentir, les accusations de harcèlement moral faites par Mme Z..., sans en faire un grief de licenciement ; qu'en affirmant qu'au vu de cette lettre, la dénonciation d'agissements de harcèlement moral imputés à l'employeur constituait l'un des motifs de licenciement retenu à l'encontre de Mme Z..., la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2. ALORS en tout état de cause QUE même lorsque la lettre de licenciement évoque une fausse accusation de harcèlement moral, le juge doit examiner les autres griefs de licenciement pour déterminer si, à eux seuls, ils ne suffisent pas à justifier le licenciement ; qu'en l'espèce, à supposer que la dénonciation d'agissements de harcèlement moral imputés à l'employeur ait constitué l'un des motifs de licenciement retenu à l'encontre de Mme Z..., la lettre de licenciement formulait de nombreux autres griefs ; qu'en jugeant qu'en l'absence de mauvaise foi de la salariée, le fait que le licenciement soit fondé même partiellement sur la dénonciation de faits de harcèlement moral, entraînait la nullité du licenciement sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs invoqués dans la lettre de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

3. ALORS plus subsidiairement QUE même lorsque le licenciement est nul, le juge ne peut ordonner la réintégration dans l'entreprise d'un salarié lorsqu'elle est impossible en raison notamment du comportement de ce dernier ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que la réintégration était dangereuse pour le groupe Giraudet et ses salariés compte tenu notamment du comportement de Mme Z... et du trouble causé par celui-ci (conclusions d'appel, p. 19 et 21) ; qu'elle offrait notamment de démontrer, par des attestations et des courriels dont le jugement avait admis la valeur probante (p. 22-23), que Mme Z... s'était rendue coupable de menaces et intimidations à l'égard des salariés, qu'un turn-over important avait été constaté et s'expliquait par le management par pression psychologique dont avait usé Mme Z..., par sa mauvaise foi et l'usage de la méthode du bouc émissaire, ainsi que par le stress permanent résultant des retards, des remises en cause quasi-systématiques des arbitrages, de la formulation de demandes véhémentes et intempestives, ou encore par le dénigrement et les humiliations de salariés dont Mme Z... était coutumière ; qu'il ajoutait que Mme Z..., en raison de son incapacité à décider, avait recours aux services d'un cabinet de voyance avant toute prise de décision importante, et que ses tergiversations faisaient courir des risques majeurs à l'entreprise (conclusions d'appel, p. 24-25 et 30 à 41 ; prod. 15 à 29) ; qu'en ordonnant la réintégration de Mme Z..., sans rechercher si celle-ci n'était pas impossible compte tenu du comportement de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-3 du code du travail ;

4. ALORS encore plus subsidiairement QUE le salarié dont le licenciement est annulé et qui a attendu plusieurs années pour solliciter sa réintégration ne peut obtenir qu'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre sa demande de réintégration et sa réintégration effective ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 6, § 1) que la salariée n'avait formé la demande de réintégration que tardivement et pour la première fois en cause d'appel ; qu'en condamnant cependant l'employeur à lui payer ses salaires depuis le 8 janvier 2013, date d'expiration du préavis, jusqu'à la date effective de sa réintégration, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L.1154-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

5. ALORS à titre infiniment subsidiaire QUE le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu'en condamnant l'employeur à payer à la salariée salaires depuis le 8 janvier 2013, date d'expiration du préavis, jusqu'à la date effective de sa réintégration, sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 10 000 € outre la prime contractuelle annuelle de 30 000 € sur la période concernée, sans prévoir de déduction des revenus de remplacement éventuellement perçus, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Serenity Invest à payer à Mme Y... épouse Z... la somme de 144 500 € à titre de rappel de primes contractuelles, ainsi que la prime contractuelle annuelle de 30 000 € sur la période allant du 8 janvier 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration, et d'AVOIR rejeté la demande de la société Serenity Invest tendant à voir condamner Mme Y... épouse Z... à lui rembourser la somme de 144 500 € au titre de primes contractuelles indues dont la société Serenity Invest s'était acquittée à titre de provision suite à l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 27 février 2014,

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 4-3 du contrat de travail de Mme Z... prévoit en sus de son salaire fixe, le paiement de deux primes équivalentes à 1,5 mois de salaire chacune, versées en juin et décembre de chaque année ; que ces primes ont cessé de lui être versées à partir de juin 2008 ; que pour justifier ce fait, l'employeur explique qu'en date du 1er décembre 2003, concomitamment à son contrat de travail de Directeur Général salarié, Mme Z... a été nommée Directeur Général mandataire social de la société Serenity Invest sans être rémunérée à ce titre ; que l'employeur se prévaut de la délibération du 23 juin 2008, co-signée par Mme Z..., ayant décidé de fixer avec effet rétroactif au 1er janvier 2008, une rémunération spécifique au titre du mandat social détenu par Mme Z... et correspondant à 3.000,00 euro bruts par mois pour en déduire que les primes bi-annuelles perçues dans le cadre du contrat de travail n'ont pas été supprimées mais ont été transférées au titre du mandat social avec un paiement mensuel ; que toutefois, la rémunération qui constitue l'élément essentiel du contrat de travail, ne peut être modifiée ni dans son montant ni dans sa structure, sans l'accord express du salarié ; que l'acceptation d'une modification ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail ni d'une acceptation tacite ; qu'en l'espèce, la délibération du 23 juin 2008 mentionne expressément d'une part qu'il est décidé de fixer à compter du 1er janvier 2008 un traitement annuel brut au Directeur Général au titre de son mandat social et d'autre part que le contrat de travail de Mme Z... est maintenu sans aucune autre précision ; qu'ainsi, il n'est nullement fait référence à un quelconque lien entre la mise en place de cette rémunération et les primes bi-annuelles prévues au contrat de travail ni à un quelconque transfert ; que dans ces conditions, il ne peut être soutenu que Mme Z... aurait donné son accord pour voir cesser le versement desdites primes. Le «'statut d'épouse'» de la salariée ne faisait nullement obstacle à ce qu'une telle précision soit apportée dans le cadre de la délibération ; que de même, la délibération du 31 mai 2011, précise le montant de la rémunération brute annuelle de Mme Z... tant au titre du mandat social que du contrat de travail sans qu'aucune disposition ne remette expressément en cause le principe du versement des primes bi-annuelles ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Serenity Invest à verser à la salariée la somme de 144.500,00 euro au titre des primes contractuelles pour la période allant de 2008 à 2012 ; qu'il sera également fait droit à la demande de Mme Z... en paiement de cette prime à compter de 2013 jusqu'à la date effective de sa réintégration ; (...) qu'en sa qualité de directrice générale de la société, Mme Z... bénéficiait d'une délégation générale pour veiller à l'application de la législation notamment sociale ainsi que cela ressort de son contrat de travail ; que dans ces conditions, une telle « erreur » la concernant commise depuis septembre 2009 soit durant 3 années avant le licenciement, ne pouvait pas lui échapper :

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le salaire constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié unilatéralement par l'employeur ; qu'en l'espèce, si la société Serenity Invest souhaitait que ces primes soient supprimées, il était nécessaire que les parties au contrat de travail soient d'accord et le formalisent par un avenant au contrat de travail initial ; que la société Serenity Invest s'appuie exclusivement sur les procès-verbaux d'Assemblée Générale pour affirmer que les parties avaient donné leur accord pour supprimer ces primes ; que les procès-verbaux produits ne font nullement mention du sort de ces primes ; que la société Serenity Invest ne peut produire aucun document contractuel attestant de l'accord de Mme Marie-Laure Z... pour la suppression de ces primes ; qu'il est patent que les primes n'ont plus été payées depuis que Mme Marie-Laure Z... était devenue mandataire social ; que pour autant, il n'est pas établi qu'elle ait renoncé à leur perception; que les parties avaient convenu que Mme Marie-Laure Z... cumulerait les fonctions de mandataire social et de salariée et que ces deux fonctions donneraient lieu à des rémunérations distinctes versées sous des bulletins de salaires différents ; qu'il ne peut être établi par aucun document que la rémunération de mandataire incluait les primes prévues au contrat de travail ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; que dans la cinquième résolution de l'assemblée générale de la société Serenity Invest en date du 31 mai 2011, dont le procès-verbal était signé par Mme Z..., il était indiqué, après mention que la rémunération annuelle de Mme Z... au titre de son mandat de directeur général était fixée à 40 000 € à partir du 1er janvier 2011, que « Mme Marie-Laure Z... continue d'être liée à la société par un contrat de travail en qualité de directeur général opérationnel avec un salaire annuel depuis le 1er janvier 2011 s'élevant à 116 000 €. Mme Marie-Laure Z... continue également de bénéficier au titre de son contrat de travail d'un avantage en nature pour l'utilisation d'un véhicule de société estimé à un montant mensuel de 250 € » ; qu'il en résultait clairement qu'au titre de son contrat de travail, Mme Z... ne bénéficiait que d'un salaire total annuel de 116 000 € et de l'avantage en nature au titre du véhicule, ce qui excluait le maintien des primes initialement prévues par le contrat de travail d'un montant total de 30 000 € ; qu'en énonçant que la délibération du 31 mai 2011 précisait le montant de la rémunération brute annuelle de Mme Z... tant au titre du mandat social que du contrat de travail sans qu'aucune disposition ne remette expressément en cause le principe du versement des primes bi-annuelles, la cour d'appel a dénaturé le document litigieux, en violation du principe susvisé et de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2. ALORS en tout état de cause QUE l'acceptation d'une modification du contrat de travail peut s'établir par tous moyens ; que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en l'espèce, pour établir l'accord donné par Mme Y... épouse Z... à la substitution des primes contractuelles initialement prévues par la rémunération du mandat de directrice générale instituée lors de l'assemblée générale ordinaire du 23 juin 2008, l'employeur faisait valoir (conclusions d'appel, p. 50 à 53) que Mme Y... épouse Z..., directrice générale, actionnaire à 23 % de la société qui l'employait et épouse de son président, disposant des pleins pouvoirs opérationnels et d'engagement et ayant notamment la charge de superviser les paies et en particulier les bulletins de paie, avait marqué son acceptation en validant ses propres bulletins de paie et en n'opérant aucune réclamation entre 2008 et son licenciement ; qu'en se bornant à affirmer que les délibérations des 23 juin 2008 et du 31 mai 2011 ne remettaient pas expressément en cause le principe du versement des primes bi-annuelles, sans s'expliquer sur les autres éléments invoqués par l'employeur, quand elle relevait par ailleurs (p. 7, § 7) qu'en sa qualité de directrice générale de la société, Mme Z... bénéficiait d'une délégation générale pour veiller à l'application de la législation notamment sociale et qu'une « erreur » la concernant commise durant plusieurs années ne pouvait pas lui échapper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Serenity Invest tendant à voir condamner Mme Y... épouse Z... à lui rembourser la somme de 83 182,65 € au titre d'un trop perçus de congés payés et d'ancienneté,

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme Z.... sollicite le paiement de 20 jours ouvrés de congés payés correspondant aux congés acquis du 1er juin 2011 au 31 mai 2012, du 1er juin 2012 jusqu'à la notification du licenciement et au cours de la période de préavis dispensé ; qu'elle réclame également sur la base de l'article 23 de la convention collective applicable à l'entreprise, des congés d'ancienneté à raison d'un jour ouvré par tranche de 5 ans d'ancienneté avec un maximum de 4 jours après 20 ans soit 17 jours ouvrés ; qu'il ressort des bulletins de salaire produits que les congés payés de Mme Z... n'ont plus été décomptés à partir de septembre 2009 ; que Mme E..., directrice administratif et financier de la société SERENITY INVEST atteste que Mme Z... lui a demandé de «'supprimer son compteur congés payés dès septembre 2009, considérant que ses congés de toute façon elle les prenait et qu'il n'y avait pas d'intérêt à les faire apparaître.» ; que Mme Z... affirme sans le démontrer qu'il s'agirait d'une attestation mensongère établie par la salariée pour masquer son erreur et moyennant une promotion qui lui aurait été accordée en contrepartie par l'employeur ; qu'il convient de relever que la suppression du compteur congés payés ne concerne que Mme Z..., ce qu'elle ne conteste pas, de sorte que l'explication selon laquelle Mme E... aurait commis une erreur n'est pas crédible ; que par ailleurs en sa qualité de directrice générale de la société, Mme Z... bénéficiait d'une délégation générale pour veiller à l'application de la législation notamment sociale ainsi que cela ressort de son contrat de travail ; que dans ces conditions, une telle « erreur » la concernant commise depuis septembre 2009 soit durant 3 années avant le licenciement, ne pouvait pas lui échapper : que Mme E... atteste également que l'examen des archives de paie depuis 2003 confirme que Mme Z... ne remplissait jamais de bons de congés, que les congés payés traités sur ses bulletins étaient communiqués oralement à la personne en poste qui établissait les paies et que ses absences régulières au moment des vacances scolaires officielles constituaient un nombre de jours bien supérieurs aux cinq semaines légales ; que cette attestation est corroborée par celles d'autres salariés :
- M. B... atteste que Mme Z... prenait systématiquement des congés durant les périodes de congés scolaires et quelques fois au-delà,
- M. C... indique que Mme Z... a toujours pris ses congés payés, notamment pendant les périodes de vacances scolaires, ce dont elle l'informait oralement,
- Mme D... atteste que Mme Z... prenait régulièrement des congés pendant les petites vacances scolaires ainsi qu'une bonne partie de l'été ;
Que le seul fait qu'il s'agisse de salariés de l'employeur ne suffit pas à enlever tout crédit à leurs attestations concordantes (...) ; que la société Serenity Invest sollicite la condamnation de Mme Z... à lui rembourser les congés excédant les seuils légaux et conventionnels dont elle a bénéficié au titre des années 2009 à hauteur de 72 jours, 2010 à hauteur de 102 jours et 2011 à hauteur de 9 jours ; qu'en application de l'article L. 3245-1 du Code du Travail, cette demande est soumise à la prescription de trois ans ; qu'ayant été formulée par conclusions du 13 octobre 2014 devant les premiers juges, la demande est prescrite au titre des années 2009 et 2010 ; que s'agissant de l'année 2011 la prescription est acquise jusqu'au 13 octobre 2011 ; qu'à défaut de précision par l'employeur, la part non prescrite au titre de 2011 ne peut être déterminée ; qu'il y a lieu en conséquence de le débouter de sa demande à ce titre ;

ET AUX MOTIFS à les supposer ADOPTES QUE il ressort des éléments de fait et de droit produits par les parties que Mme Marie-Laure Z... disposait des pouvoirs de direction les plus larges et d'une autorité largement reconnue au titre de ses divers mandats sociaux ; qu'elle disposait de ce fait d'une très large autonomie et liberté d'organisation, ce dont attestent ses agendas ; qu'elle disposait d'une délégation générale de pouvoirs pour veiller efficacement à l'application de la législation sociale ; qu'elle ne peut invoquer sa propre turpitude pour réclamer des droits en rejetant la responsabilité sur une subordonnée qui n'a fait qu'appliquer les consignes de la personne qui était l'autorité de la direction générale de la société (...) ; que la société Serenity Invest avait conféré à sa Directrice une large autonomie et n'a pas cru nécessaire d'organiser un contrôle de sa délégation ou de son organisation ; qu'elle ne peut aujourd'hui démontrer qu'elle n'a pas admis l'organisation et l'absentéisme de sa Directrice Générale ; qu'elle ne peut pas plus sérieusement démontrer, faute de compteur, que le solde de congés était débiteur ou créditeur ; qu'en conséquence de quoi, le Conseil déboutera également la société Serenity Invest de sa demande reconventionnelle ;

1. ALORS QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail, cet effet interruptif s'étendant aux demandes reconventionnelles de la partie adverse dérivant du même contrat de travail ; qu'en l'espèce, la saisine par la salariée du conseil de prud'hommes, dont l'arrêt a constaté (p. 2, avant-dernier §) qu'elle était intervenue le 7 juin 2013, avait donc interrompu la prescription à l'égard de toutes les demandes concernant l'exécution du même contrat de travail, auraient-elles été présentées en cours d'instance par la société Serenity Invest ; qu'en déclarant prescrite la demande de l'employeur de répétition d'un trop perçu de rémunération pour la période antérieure au 13 octobre 2011 au prétexte qu'elle avait été formulée par conclusions du 13 octobre 2014 devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

2. ALORS en outre QUE si la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail et réduit la prescription applicable à la demande en paiement ou en répétition du salaire de cinq à trois ans, l'article 21-V de cette loi précise que « lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation » ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 2, avant-dernier §) que l'instance avait été introduite devant le conseil de prud'hommes le 7 juin 2013 si bien qu'était applicable la prescription quinquennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à cette date ; qu'en faisant application du délai de prescription triennal résultant de la loi du 14 juin 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3. ALORS en toute hypothèse QUE s'agissant de l'action en paiement ou en répétition de l'indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle ces congés auraient pu être pris ; qu'en s'abstenant de préciser cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3245-1 du code du travail ;

4. ALORS par ailleurs QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur produisait une synthèse des périodes d'absences de Mme Z... depuis 2007, récapitulant pour chaque année les périodes de congés de la salariée, sur la base des copies d'agendas de Mme Z... que cette dernière l'avait autorisée à faire et qui étaient également produites ; qu'en énonçant par motifs propres, qu'à défaut de précision par l'employeur, la part non prescrite au titre de 2011 ne pouvait être déterminée, et par motifs éventuellement adoptés, que la société ne pouvait sérieusement démontrer, faute de compteur, que le solde de congés était débiteur ou créditeur, sans viser ni examiner les éléments de preuve produits par l'employeur pour établir le nombre de jours de congés pris chaque année, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS enfin QUE l'autonomie laissée à un directeur général ne prive pas l'employeur du droit de solliciter la restitution des sommes indument versées au titre de congés pris au-delà du nombre de jours de congés payés dus ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, pour rejeter la demande en remboursement d'un trop perçus de congés payés et d'ancienneté, que la société Serenity Invest ayant conféré à sa directrice une large autonomie et n'ayant pas cru nécessaire d'organiser un contrôle de sa délégation ou de son organisation, elle ne pouvait aujourd'hui démontrer qu'elle n'avait pas admis l'organisation et l'absentéisme de sa directrice générale, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus les articles 1302 et 1302-1 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Z....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif sur le point D'AVOIR dit que le harcèlement moral invoqué par Mme Z... n'était pas avéré, et de l'avoir déboutée de ses demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS PROPRES SUIVANTS : Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. C'est au salarié qu'il appartient d'établir la réalité de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Mme Z... invoque au titre du harcèlement moral une stratégie d'éviction de ses responsabilités professionnelles, à savoir :
- la révocation de son mandat de présidente de la société Giraudet par décision du 28 août 2012 de l'actionnaire unique la société Serenity Invest,
- la révocation de son mandat de Directeur Général de la société Serenity Invest par décision du 10 septembre 2012 de M. Z... en tant qu'actionnaire,
- la révocation de son mandat de Président de la société Giraudet Boutiques par décision du 17 octobre 2012.
Ces faits sont établis.
S'agissant de ses fonctions salariées, Mme Z... ne produit aucune pièce susceptible d'établir l'isolement qu'elle invoque. Ce fait n'est donc pas établi.
Elle reproche par ailleurs à son employeur la privation des moyens d'exercice de son activité en ce que son téléphone et son Ipad lui ont été dérobés le 20 août 2012. Si l'employeur ne conteste pas, notamment dans la lettre de licenciement, que deux ordinateurs ont disparu en septembre dont celui de Mme Z..., il n'est pas établi que cela concernait son téléphone et son Ipad.
Le blocage de son accès au réseau le 28 août, la suppression de son adresse professionnelle et son remplacement par une autre adresse professionnelle ainsi que la suppression de sa carte bleue professionnelle ne sont pas contestés.
La salariée invoque des mesures vexatoires aux fins de saper son image et son autorité et produit à ce titre une note de service en date du 11 septembre 2012 émanant de M. Z... informant le personnel de la société Giraudet de sa révocation et de son remplacement par Serenity Invest représentée par son Président M. Z... et de ce que ce dernier devra valider toutes décisions concernant la société Giraudet. Les faits retenus ci-dessus, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme Z.... En effet, il s'agit de décisions ou d'informations qui ne sont pas en lien avec l'exécution de son contrat de travail mais sont la conséquence de la révocation de ses mandats sociaux. Or, la régularité des décisions aux fins de révocation ne relève pas de la juridiction prud'homale ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges. Dans ces conditions, aucun harcèlement moral ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Et AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES SUIVANTS : en cas de litige, dès lors que le salarié concerné établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; l'article L.1152-3 du Code du travail dispose : « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. » ; en l'espèce, Mme Z... soutient, au bénéfice de cet article, que son licenciement est nul en raison des faits de harcèlement dont elle aurait été victime ; elle en conteste également les griefs ; le juge prud'homal est incompétent pour connaître des litiges liés à la révocation des mandats sociaux ; il ressort des pièces produites que, le 28 août 2012, Mme Z... a été révoquée de son seul mandat de Présidente de la société Giraudet par l'actionnaire unique, et que la contestation de cette révocation est hors compétence de la juridiction prud'homale ; les mesures prises par le nouveau Président concernant la messagerie, l'accès au serveur informatique de la société, et l'usage de la carte bancaire de la société, ne s'appliquaient qu'à la société Giraudet et ne faisaient que traduire la décision de révocation du mandat social de Mme Z... et d'en tirer les conséquences ; il en était de même pour les informations données aux cadres de la société Giraudet sur le changement de Président, tant par les réunions tenues début septembre 2012 que par la note du 11 novembre 2012, qui est factuelle, en informant du changement de Président et en précisant que le nouveau Président devenait le seul décideur pour le groupe Giraudet ; Mme Z... ne démontre pas en quoi ces éléments ne lui auraient plus permis d'utiliser ces outils pour son autre mandat de Présidente de la société Giraudet Boutiques, ou surtout pour son contrat de travail de Directrice Générale au sein de la société Serenity Invest, et en quoi il en serait résulté un isolement susceptible de laisser présumer un harcèlement ; au contraire, la société Serenity Invest démontre qu'elle avait attribué à Mme Z... une nouvelle adresse de messagerie comportant référence à la société Giraudet Boutiques, en cohérence avec son mandat de Présidente encore actif de la société Giraudet Boutiques ; elle démontre également qu'elle avait laissé à Mme Z... l'usage de son ordinateur personnel et de sa voiture de fonction ; enfin, la révocation, postérieure à ces mesures, de son mandat de Directrice Générale de la société Serenity Invest, intervenue le 10 septembre 2012, n'a pas modifié l'ampleur ou la nature des mesures déjà prises en matière d'outils de messagerie et informatiques ; cette nouvelle révocation, même si Mme Z... en avait contesté la motivation par courrier du 6 septembre 2012 adressé à M. Dominique Z..., ès qualités de Président de la société Serenity Invest, ne pouvait en elle-même constituer un fait de harcèlement, le Conseil de Prud'hommes n'étant pas compétent pour statuer sur le bien-fondé ou non des décisions en matière de mandats sociaux ; pour le reste, Mme Z... invoque, comme faits constitutifs du harcèlement allégué, des difficultés de couple qui seraient entrées dans une phase critique le 20 août 2012, à leur domicile et en soirée, en dehors de toute organisation ou horaire de travail, ce qu'elle reconnaît dans ses écritures ; ces incidents sont contestés et n'ont donné lieu à aucune poursuite malgré un dépôt de plainte ; Mme Z... n'établit pas en quoi ces faits, issus d'événements extérieurs à son contrat de travail, ont pu constituer des agissements répétés de harcèlement tels que visés par l'article L.1152-1 du Code du travail ; en conséquence de quoi, le Conseil considère qu'aucun harcèlement moral ne peut être retenu à l'encontre de la société Serenity Invest ;

ALORS QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il appartient au juge de les examiner dans leur intégralité et de n'écarter la présomption de harcèlement que si l'employeur rapporte la preuve contraire que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le blocage de l'accès de Mme Z... au serveur informatique du groupe Giraudet le 28 août 2012, la suppression de son adresse professionnelle et son remplacement par une autre adresse professionnelle étaient établis et non contestés (arrêt, p.4, avant-dernier alinéa) mais s'est bornée à affirmer, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement, p.21, deux derniers alinéas) que Mme Z... ne démontrait pas en quoi il en serait résulté un isolement susceptible de laisser présumer un harcèlement et que la société Serenity Invest démontrait que la nouvelle adresse de messagerie comportant référence à la Société Giraudet Boutiques était en cohérence avec son mandat de Présidente encore actif de la Société Giraudet Boutiques, sans s'expliquer sur les éléments invoqués dans les conclusions d'appel de Mme Z... faisant valoir que, par souci de bonne gestion et de simplification dans l'intérêt de ses interlocuteurs comme d'elle-même, elle disposait au sein du groupe Giraudet de moyens de travail : téléphone, accès aux réseaux, adresse de messagerie identique et confondus à la fois pour ses mandats sociaux et pour son contrat de travail de Directrice générale de la société Serenity Invest, que la substitution de l'adresse de messagerie [...] à l'adresse [...] avait été brutale, faite du jour au lendemain, sans lui permettre d'avertir ses contacts et d'être atteinte par eux pour les nécessités de son contrat de travail grâce à l'aménagement élémentaire d'une période de transition, ce qui l'avait exposée à une période d'isolement au sein du groupe Giraudet ainsi qu'à l'humiliation de devoir reconstituer l'intégralité des adresses de ses interlocuteurs et l'avait empêchée d'exercer correctement ses fonctions salariées ; qu'elle précisait en outre, pièce à l'appui, avoir subi des arrêts de travail entre le 27 août 2012 et le 14 octobre 2012 ; que, faute de s'expliquer sur ces éléments qui, pris ensemble, étaient de nature à faire présumer le harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26741
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 29 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°16-26741


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26741
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