LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Laurent X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'AISNE, en date du 5 octobre 2017, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, à caractère incestueux, corruption de mineurs aggravée, l'a condamné à seize ans de réclusion criminelle, avec période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, sept ans de suivi socio-judiciaire et a ordonné une mesure de confiscation ainsi que le retrait de l'autorité parentale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 347, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats ;
"en ce qu'il ressort du procès-verbal des débats que : « Le président a indiqué aux parties qu'il souhaitait produire aux débats le bulletin numéro un du casier judiciaire de l'accusé actualisé au 25 juillet 2017, le rapport de détention du centre pénitentiaire de Laon, le jugement du tribunal correctionnel de Pontoise, en date du 2 mai 2003 concernant l'accusé, le jugement du tribunal correctionnel de Pontoise, en date du 19 octobre 2005 concernant l'accusé, le jugement du tribunal correctionnel de Beauvais, en date du 16 juin 2015 concernant l'accusé, le bulletin numéro un du casier judiciaire de Patricia Lorrain délivré le 25 juillet 2017, le bulletin numéro un du casier judiciaire de Mickaël X... délivré le 25 juillet 2017, le jugement du tribunal correctionnel d'Amiens, en date du 2 février 2016 concernant Mickaël X... avec les notes d'audience, l'actualisation du dossier en assistance éducative concernant les mineurs Priscillia X... et Rudy X... (ordonnances en assistance éducative, en date du 17 février 2017, 19 janvier 2017, 14 octobre 2016, 10 juin 2016, 1er février 2016, 11 juin 2015, 26 mars 2016, 11 décembre 2014 et une note concernant Rudy X...) et le dossier en assistance éducative concernant le mineur Diégo X.... Les documents ont été régulièrement communiqués à toutes les parties, lesquelles n'ont pas sollicité de délais pour les examiner. Les dispositions de l'article 310 du code de procédure pénale ont été observées » ;
"alors qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que le président ait soumis ces pièces, d'une manière ou d'une autre, au débat oral, de sorte que le principe de l'oralité des débats a été violé" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que le président a, au cours de ceux-ci, indiqué qu'il versait aux débats plusieurs pièces de procédure décrites à ce procès-verbal ; que ces pièces ont été communiquées à toutes les parties qui n'ont pas sollicité de délai pour les examiner et n'ont formulé aucune observation ;
Attendu qu'en procédant ainsi, le président, qui n'était pas tenu de donner lecture desdits documents, a fait un usage régulier de son pouvoir discrétionnaire sans méconnaître le principe de l'oralité des débats ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 112-1, 222-31-1, 222-31-2 du code pénal, 349,350, 351, 356, 591 et 593 du code de procédure pénale, 378 à 380 du code civil ;
"en ce qu'il a été répondu positivement aux questions n° 3, 6, 9 et 13 interrogeant la cour et le jury sur le point de savoir si les faits de viols et d'agressions sexuelles reprochés devaient être qualifiés d'incestueux au sens de l'article 222-31-1, al 1er, du code pénal comme ayant été commis sur la personne d'un mineur par un ascendant et l'arrêt attaqué a condamné M. X... eu égard au « caractère incestueux des faits » à la peine de 16 années de réclusion criminelle avant de prononcer le retrait total de l'autorité parentale exercée par M. X... sur ses enfants mineurs ;
"1°) alors que la qualification d'inceste réintroduite à l'article 222-31-1 du code pénal par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 après la déclaration d'inconstitutionnalité pour méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines d'une précédente qualification d'inceste et l'abrogation de l'ancien article 222-31-1 par décision QPC du 16 septembre 2011 prévoyant qu'à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit « incestueux » prévue par cet article, qui vient se surajouter aux qualifications de viols et d'agressions sexuelles aggravées et est de nature à aggraver la peine infligée et à emporter retrait total de l'autorité parentale, ne peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, en l'occurrence, en l'espèce, entre le 15 juin 2011 et le 25 novembre 2014 ; que le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale a été méconnu ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi de la QPC à la Cour de cassation, privera l'arrêt de tout fondement juridique ;
"2°) alors que les questions interrogeant la cour et le jury sur l'existence de « viols » et d'inceste au sens de l'article 222-31-1 du code pénal, sont posées en droit et non en fait et sont donc irrégulières" ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que d'une part, par arrêt en date du 20 juin 2018, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Que d'autre part, M. X... ne saurait se faire un grief d'avoir été condamné pour viols et agressions sexuelles aggravés à caractère incestueux, dès lors que l'article 222-31-1 du code pénal, introduit par la loi du 14 mars 2016, n'a aggravé ni la définition des infractions ni les peines encourues, et que la cour d'assises a posé la question spécifique d'inceste en application des dispositions de l'article 356 alinéa 2 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'issue de l'instruction à l'audience, le président, après avoir déclaré que les questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre seraient posées dans les termes de la décision de renvoi, sous réserve de rectifications, a invité, à nouveau, les parties à s'expliquer sur la notion de crime ou délit qualifié d'incestueux et a donné lecture intégrale des questions ; que les parties n'ont présenté aucune observation ;
Attendu qu'en cet état, il n'a été commis aucune violation des textes visés au moyen dès lors qu'il appartenait à l'accusé ou à son avocat, s'il entendait contester la formulation des questions, d'élever un incident contentieux dans les formes prévues par l'article 352 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 349, 350, 353, 357, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, 7, 8, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'assises a condamné M. .X... à la peine de seize années de réclusion criminelle et fixé aux deux tiers de la peine, la période de sûreté prévue par l'article 132-23 du code pénal ;
"alors que toute condamnation doit être motivée pour exclure l'arbitraire et satisfaire au principe d'individualisation des peines ; que l'arrêt attaqué, qui a prononcé une peine de seize années d'emprisonnement avec une mesure de sûreté des deux tiers contre M. X..., sans expliquer les raisons pour lesquelles cette sentence était prononcée, eu égard aux circonstances propres à l'espèce, a méconnu les textes et principes susvisés" ;
Attendu que, d'une part, par décision du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 365-1, deuxième alinéa, du code de procédure pénale ; que cette décision a reporté au 1er mars 2019 la date de cette abrogation et dit que les arrêts de cour d'assises rendus en dernier ressort avant la publication de cette décision et ceux rendus à l'issue d'un procès ouvert avant la même date ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ; que M. X... a été condamné, par l'arrêt attaqué, avant la publication de la décision du Conseil constitutionnel, le 3 mars 2018 ;
Que, d'autre part, il ne résulte d'aucune disposition de la Convention européenne des droits de l'homme que la cour d'assises, après avoir statué sur la culpabilité, soit tenue de motiver la peine qu'elle prononce ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.